Infernal Léo, Tendre Max

Infernal Léo, Tendre Max
Irène Cohen-Janca
Editions du Rouergue (boomerang), 2015

Et si on avait plusieurs casquettes ?

Par Clara Adrados

infernal leoDeux petites histoires qui mettent en scène deux frères jumeaux, aussi semblables physiquement qu’aux caractères différents. Le livre est en double face : de chaque coté du livre, une histoire commence.

Max, sage, sérieux, calme… Il est toujours gentil avec ses amis, serviable avec les personnes âgées, poli et sérieux à l’école. Léo, lui, est infernal, il enchaîne bêtises sur bêtises. Tout, l’école, la boulangerie, la maison, tout est un terrain de jeux ! Sa caquette rouge fait peur à tout le monde ! Un jour, les deux frères décident d’échanger leur casquette … et d’échanger ainsi leur vie pour une journée ! Ils naviguent de surprises en surprises, et découvrent ainsi un tout autre monde.

La lecture en double face invite le lecteur à jouer avec l’objet-livre, a le retourner pour découvrir un autre frère, une autre vie. Chaque face, chaque couverture, présente l’un des deux personnages. Le jeu s’instaure sur la polysémie du mot « casquette », pris ici au sens propre (la casquette rouge de Léo et la casquette bleue de Max) mais que l’on peut aussi comprendre au sens figuré (la casquette du gentil et la casquette du casse-cou). Au-delà du jeu, le jeune lecteur est invité à voir que l’on peut « changer » de vie, qu’il est possible de sortir des cases dans lesquelles notre entourage nous cantonne.

Sous l’apparence stéréotypée des personnages et des événements, le ton des narrateurs ouvre les possibles. Max décide de changer de casquette après avoir surpris une discussion de ses parents à propos de son trop grand sérieux : il veut rassurer son père. C’est la volonté de satisfaire ce dernier qui est le moteur du changement. Léo, lui, est celui qui pousse à cet échange de casquette. C’est lui l’instigateur : rien de bien étonnant à cela puisque c’est lui qui imagine les bêtises. Son moteur : l’amour. Léo est amoureux de Charlotte, qui le trouve insupportable sous sa caquette rouge.

Les deux frères obéissent ainsi bien aux caractéristiques de leurs personnalités. Mais ils sortent des carcans attendus lorsqu’ils changent de casquette : ils apprennent à faire autrement et apprécient même quelques découvertes qu’ils font ! Un ouvrage ludique qui montre que l’on est jamais tout noir, tout blanc, et que c’est parfois agréable de réagir autrement que selon son habitude !

Janis est folle

Janis est folle
Olivier Ka
Editions du Rouergue,2015

Ah, oui, quand même…

par Christine Moulin

liv-8572couv_m-janis-est-folleLe thème de la folie, nous l’avions déjà remarqué, sans être totalement absent de la littérature de jeunesse, n’y est pas souvent traité, du moins sur un registre autre qu’euphémique. Ici, il l’est, avec une violence inouïe : bipolaire, Janis, la mère du narrateur, Titouan, un adolescent de quinze ans, l’entraîne dans une errance qui va crescendo tout au long du roman. Jamais ces deux êtres, abîmés, traqués, unis par un lien indestructible et mortellement fusionnel, ne s’arrêtent : de mobil-homes en campings, vivant de vols et d’expédients, à bord d’une Volvo cocon, ils fuient… De lourds secrets semblent peser sur Janis. Certaines scènes, lumineuses, ne font que rendre encore plus sombre, par contraste, la fatalité qui accable Titouan et Janis : la scène où ils regardent les étoiles, au sommet d’un phare; la découverte de l’amour auprès de Fleur, une adolescente qu’il a fallu quitter très vite, trop vite; les moments, nombreux, où Titouan, protège sa mère, envers et contre tout, envers et contre elle-même, révélant pour elle un amour immense, insensé.

Vers la moitié du roman, les deux héros se rapprochent dangereusement de l’origine du mal qui a fait dérailler Janis: le chalet de la mère de celle-ci, où elle vit avec son autre fille, Marianne. On croit que les révélations sont proches mais elles ne seront que partielles car le mensonge et le silence ont rongé la famille de Janis.  Le narrateur bascule alors lui aussi : il cherche à rejoindre sa mère dans ce qu’il appelle son monde parallèle. Le road movie effréné reprend et connaîtra la seule issue possible, celle que l’on pressent quand on se laisse porter par cette course chaotique. Heureusement qu’il y a l’épilogue…

On parle souvent de roman « coup de poing ». Métaphore un peu facile mais qui, dans ce cas précis, reprend toute sa force: même si ce livre est une très belle histoire d’amour, même si on ne peut lui reprocher d’éviter la facilité qui consiste à présenter la « folie » sous un jour acceptable, souriant, il bouleverse et dérange. Peut-être parce qu’il confirme l’impression que l’on peut avoir quelquefois en lisant les romans pour ados: la faillite des adultes est totale et les rôles constamment inversés. Au point qu’on en vient à se demander, comme souvent : littérature de jeunesse? pour la jeunesse? De quelle culpabilité est-elle le nom?

La nuit seule

La nuit seule
Hanno

Thierry Magnier, 2009

Aventure initiatique

Par Sophie Genin

Fantasme d’enfant : sortir la nuit, seul, dehors. Encore plus envie quand les autres se moquent régulièrement parce que vous êtes peureux !

41pKBkmE-UL._SL160_Dans ce « petite poche » tout en finesse, Hanno, auteur de Du bout des doigts, (nouvelle à chute très réussie, dans la même collection) explore la nuit, à travers les yeux d’un enfant. On ne saura jamais si c’est une fille ou un garçon : identification assurée !

A la manière d’un Delerm, adepte des instantanés comme celui qui nous est livré, le narrateur écrit en rentrant, après cette aventure qui prend des proportions aussi grandes que » la nuit seule installée dans la chambre » :

« C’était bien d’être dehors. C’est bien d’être là. »

Tout est dit, pudiquement comme tout au long de ce court récit : il est bon de se faire un peu peur mais quel soulagement de regagner son lit, sa chambre rassurante !

Vingt et une heures

Vingt et une heures
Hélène Duffay
Ecole des Loisirs, 2015

« Adulte juste pour essayer »

par Christine Moulin

41w5UohgtlL._SL160_Ce pourrait être une nouvelle. Les personnages sont au nombre de deux seulement : la narratrice, Pauline, et son frère, Emilien. Ajoutons, si l’on veut, la mère, dont l’absence pèse sur tout le  récit : partie chercher le pain, elle ne revient pas… Le décor est minimaliste : une maison de vacances au bord de l’Océan. Les événements sont peu nombreux : Emilien manque de se noyer.

Et pourtant, le temps est celui du roman. A cause de la narration alternée, sans doute : certains chapitres, au présent, racontent la matinée et la noyade d’Emilien, les autres, au passé, les événements de la veille ou le passé plus lointain, qui donne au personnage de Pauline sa profondeur. On apprend qu’elle a perdu son père, on comprend les relations conflictuelles qu’elle entretient avec sa mère, le lien privilégié qui l’attache à son frère, on entraperçoit les douces errances de ses sentiments amoureux pour une fille mais tout aussi bien pour un garçon, qui ressemble un peu à une fille, d’ailleurs. Temps du roman aussi parce que l’accident qui arrive à Emilien joue le rôle d’épreuve initiatique et fait basculer l’adolescente dans l’âge adulte mais aussi, paradoxalement, dans une sorte de sérénité, d’ouverture à la vie. Elle est en cela guidée par son frère, pourtant plus jeune, mais par bien des côtés, plus solide et plus mûr, et par un chien « qui adore rendre service, […] c’est dans sa nature de chien ».

Nous voici donc devant un objet non identifié qui illustre assez bien l’adage anglais: « Less is more ». Le mystère qui est au cœur du roman reste inexpliqué (qu’a fait la mère pendant son absence?), tout est suggéré, si bien qu’une fois la dernière page tournée, le silence qui s’installe ouvre à la réflexion. On se surprend à penser que les personnages seront de ceux dont le souvenir ne s’effacera pas de sitôt.

L’amour et les tortues

Image

Un amour de tortue
Roald Dahl, Quentin Blake (illustrations)

Traduit de l’anglais par Henri Robillot
Paris, Gallimard jeunesse (Folio cadet « Premiers romans »),  2014 (1990), 70p.

Par Bérengère Avril-Chapuis

UnknownPublié en 1990 pour la première fois, ce très court roman de Roald Dahl ne figure pas parmi les plus connus de ses livres. Il est pourtant délicieux. On retrouve en effet toute la subtilité du grand écrivain, toute sa délicatesse dans le récit de cette histoire d’amour – car c’en est une. Monsieur Hoppy, un vieux monsieur solitaire et timide, jeune retraité, épris de fleurs (qu’il cultive sur son balcon, au sommet de la tour où il vit) est secrètement amoureux de sa voisine du dessous, madame Silver. Veuve, tout aussi esseulée que lui, celle-ci semble n’avoir d’yeux que pour sa petite tortue, Alfred. Mais voici qu’un jour de printemps, madame Silver confie à son voisin qu’elle voudrait qu’Alfred grossisse un peu.

Une idée aussi folle qu’amusante germe alors dans l’esprit de M.Hoppy…

Courte histoire d’amour, donc, où la malice, la fantaisie et l’humour occupent le premier plan, réservant un traitement très spécial au petit animal évoqué dans le titre. Les illustrations de Quentin Blake, savoureuses et très colorées, soutiennent la lecture et donnent tout son sel au texte.
En guise de prologue, une note de l’auteur nous livre quelques indications biographiques intéressantes pour entrer dans le récit.

Une excellente lecture pour les plus jeunes comme pour les plus grands.

Rien ne presse, majesté

Rien ne presse, majesté

Pascal Prévot (ill. Benoit Audé)

Éditions du Rouergue, 2015

Vitesse de croisière

par François Quet

3109219335On retiendra d’abord, dans ce petit roman, le ton constamment amusant du récit : les noms des personnages, la circulation permanente entre le monde de la chevalerie et l’univers du quotidien. Quelques similitudes un peu forcées suffisent à faire de l’appartement de Brunehaut un royaume, un peu brouillon certes, mais où il fait bon vivre malgré l’agitation et le surpeuplement. A vrai dire, ce sont surtout les filles qui augmentent la densité de la population sur ce petit territoire. Jonas, le narrateur et le petit dernier de la famille, est entouré d’une maman surbookée et de trois grandes sœurs, et si la vie n’est pas toujours rose, cela pourrait être pire.

Une tortue d’appartement ne devrait pas changer grand chose dans ce petit monde. Et pourtant si ! Jonas remarque bientôt que sa lenteur est littéralement contagieuse. Il suffit de s’approcher d’elle pour que l’envie de prendre son temps vous gagne. Il va donc l’utiliser pour mettre un peu de douceur dans ce monde en effervescence.

Le grand mérite de Pascal Prévot est évidemment de se glisser dans la peau de son petit narrateur, si bien qu’il nous est difficile de savoir si la tortue dont « les petits yeux noirs » semblent afficher une complicité souriante avec le héros, est vraiment douée de pouvoirs magiques ou bien si d’autres raisons peuvent expliquer que le tourbillon de la vie soudain s’arrête et laisse la place à une autre façon de profiter du temps. Les subtils ralentissements que la tortue impose au rythme familial font en effet glisser le récit de la semaine au week-end, de la ville à la mer, de l’Europe à l’Amérique et de l’hyperactivité maternelle à la romance amoureuse. Que demander de mieux ?

Le petit monde de Pascal Prévot est aussi harmonieux que celui des contes (dont il ne connaît même pas la menace des ogres ou des mauvaises fées). Cet éloge de la lenteur est aussi une apologie de la bonne humeur. Une bonne humeur partagée par les images pleines de fantaisie de Benoit Audé qui ne se contente pas d’illustrer le roman : l’impertinence de ses variations tire encore un peu plus ce petit livre du côté de la farce joyeuse.

La fille qui parle à la mer — Le garçon au chien parlant

La fille qui parle à la mer

Le garçon au chien parlant

Claudine Galea (ill. Aurélie Petit)

Éditions du Rouergue, 2013

La mer, dans ses bras

par François Quet

D’une part, c’est Oyana qui passe « de l’autre côté » sur le dos agité de la mer. De l’autre, c’est Loïc qui ne sait pas ce que sont les « réfugiés ». L’histoire de Loïc prend la suite de celle d’Oyana à laquelle elle propose une issue heureuse : ils seront tous deux, l’un pour l’autre, princesse et prince.

lafillequiparlait

Belle histoire certes que celle de cette adoption, dont on aimerait sans doute qu’elle condense la réalité. Claudine Galea raconte ces deux récits, qui ne font qu’un, au présent la plupart du temps (« Maintenant ils marchent le long de la plage »). Elle enferme le lecteur avec ses personnages dont elle donne à entendre la voix, limitant la représentation de l’extérieur (le décor, les autres…) au strict nécessaire (la voix du passeur, quelques mots des parents de Loïc). Et les nombreux récitatifs donnent une grande puissance aux événements.Il y a une forme de théâtralité dans cette présentation des personnages, ; tout cela donne en tout cas, le sentiment d’une grande présence, intense et rayonnante : « Et elle se dit, J’ai perdu mes chaussures. J’ai perdu le bateau, j’ai perdu les autres (…) et Oyona entend sa propre voix murmurer, Tu n’es pas perdue, Oyana, tu es de l’autre côté de la mer, regarde comme c’est beau ». Les accents durassiens se retrouvent encore dans la brièveté des phrases, la fréquence des reprises anaphoriques, les retours à la ligne, le sens du silence :

« Cette année, c’est différent.

Cette année, il n’est plus seul.

Cette année, il voudrait rester à la maison.

Il voudrait que l’été recommence.

Il voudrait aller courir sur la plage avec Oyona. Il voudrait ramasser les coquillages avec elle. Il voudrait nager avec elle. Il voudrait tout faire avec elle. »

Ces deux petits récits de Claudine Galea constituent donc une belle histoire d’amitié et d’accueil, mais on retiendra surtout la grâce d’une écriture qui force l’attention et suggère l’aventure intérieure au delà des événements et de l’anecdote.

deux autres de la collection boomerang

Plié de rire/Vert de peur
Rachel Corenblit
Rouergue (Boomerang), 2012

Mon Frère est un cheval/Mon cheval s’appelle orage
Alex Cousseau
Rouergue (Boomerang), 2012

Cheval partagé

Par Anne-Marie Mercier

Encore selomonchevalsappelleoragen le principe de la collection boomerang, l’auteur présente une histoire adoptant deux point de vue. Alex Cousseau imagine ici que deux enfants de cultures différentes sont reliés par un même animal qu’ils croient l’un posséder, l’autre avoir pour « frère ». Deux manières opposées, du moins en apparence, de considérer l’animal, domestique ou sauvage, mais dans les deux cas la passion est là. Le récit, efficace, en forme de parabole, n’est pas un prétexte à une leçon mais propose deux belles histoires qui n’en font qu’une.

 

Plié de rire/Vert de peur
Rachel Corenblit
Rouergue (Boomerang), 2012

Dans les livresvetdepeur, qu’est-ce qui fait peur, qu’est ce qui fait rire ? La réponse n’est pas si simple : cela dépend de celui qui la lit. Joseph n’a peur de rien, et est capable de raconter une histoire qui fera peur à tous, « même à la maîtresse ». Mais, en secret, il pleure et frémit en lisant les histoires d’amour que laisse traîner sa petite soeur. Avec beaucoup d’humour, Rachel Corenblit renvoie dos à dos les amateurs d’histoires roses et les amateurs d’histoires noires.

Je sauve le monde dès que je m’ennuie

Je sauve le monde dès que je m’ennuie
Guillaume Guéraud
Illustrations de Martin Romero
Rouergue (Zig Zag), 2012

Pouvoirs et déboires de l’imaginaire

Par Anne-Marie Mercier

Je sauve le mondeMême si les enseignants demandent aux élèves de faire preuve d’imagination, notamment pour écrire des histoires, ils ont traditionnellement pour mission de les empêcher de rêver (rêvasser ?) et ainsi les empêchent de mener les missions sensationnelles que leur propose leur fantaisie rêveuse : pirate, cosmonaute, champion de foot, Eugène est tout cela, tandis que se déroulent les leçons… et même les matchs de foot à la récréation.

Les récits d’Eugène sur ses aventures extraordinaires sont un beau concentré des topos de l’aventure, racontés avec allure, rythme, musique : on y croit – comme lui. L’indignation des enseignants et l’inquiétude de ses parents qui brisent les vagues de ses rêves aboutit à une belle surprise et une belle chute, avec la consultation d’un spécialiste et un dialogue entre celui-ci et le père de l’enfant.

« Eugène a juste besoin de s’évader.
– C’est tout ce que vous avez trouvé ? « Juste besoin de s’évader » ? Mais on en a tous besoin !
– Oui, mais votre fils, lui, est capable de le faire ».

Le Carnet de Théo T.1; Dans ma bulle

Le Carnet de Théo T.1; Dans ma bulle
Éléonore Cannone
Illustré par Sinath
Rageot, 2011

Une héroïne androgyne, Glam Rock et Cosplay!

Par Caroline Scandale

le-carnet-de-theo-1-1Dans ma bulle est le premier tome du Carnet de Théo, une trilogie pour adolescents, dont chaque volume se déroule sur une année scolaire. Écrit à la façon d’un journal intime illustré de dessins manga, il plonge le lecteur dans l’univers original de la jeune Théo, élève de 3°, dans un collège catholique parisien.

Les premières pages du roman laissent penser que Théo est un garçon,  mais très vite on comprend que Théo(dora) est une collégienne androgyne, issue d’un milieu favorisé, qui cultive le style Cosplay et Glam Rock car elle est fan de mangas. Nous partageons son quotidien entre les cours, son meilleur ami, ses parents trop occupés, sa « nounou » à temps plein, sa passion pour le dessin et son amitié naissante avec le sage Takeshi.

Le Carnet de Théo a un supplément d’âme car la narratrice, en utilisant le vocabulaire et des surnoms propres aux mangas, nous transporte au Japon… Ce roman passionne les ados déjà fans de mangas et fait aimer à tous, cet univers qui peut paraître très lointain. L’héroïne y est pour quelque chose, car tout en étant une parfaite ado râleuse et sombre, elle irradie par son intelligence et sa maturité. Théo ne veut pas rester dans une institution privée catholique, donc elle améliore encore considérablement ses résultats, pour être acceptée dans un grand lycée public parisien. Elle montre une image positive des bons élèves. Elle est intéressante car elle n’aime pas les choses traditionnellement associées au genre féminin; Les mangas pour filles (les shojos), les cœurs, être douce et fragile mais pour autant, elle n’est pas un garçon manqué. Elle cultive un look androgyne à souhait et son amitié avec un tatoueur d’origine japonaise d’une cinquante d’années atteste de sa différence et de son ouverture d’esprit. Elle trouve en lui un père spirituel, un guide en qui elle se reconnait car elle se passionne pour la culture japonaise.

Dans ce premier tome, se dessine en filigrane, un drame passé. La mort d’un frère, le deuil impossible à faire pour sa mère, la culpabilité, le froid qui s’installe dans le couple de parents… Théo, elle, se demande pourquoi elle ne se souvient pas. Ce drame, enfui dans son inconscient, n’est pas du tout le thème principal du roman mais on pressent déjà qu’il est la clé de cette trilogie…

Le roman est agrémenté d’une playlist tendance « années 90 », où Placebo côtoie Nirvana et REM. Éléonore Cannone propose des titres de groupes méconnus des ados, mais qui gagnent à l’être. Toujours dans une logique de « faire découvrir un univers » qu’elle semble maîtriser parfaitement, le « petit dico de Théo » sur la littérature manga, à la fin de chaque volume, est une excellente idée!

Ce roman réjouissant mêle des univers totalement opposés, brouille les pistes du genre masculin/féminin, du manga et du roman, mélange les codes du Glam Rock et du Cosplay. Il nous donne à voir une héroïne à l’univers hétéroclite et enthousiasmant malgré les aléas de l’adolescence.

Avec Les petites reines de Clémentine Beauvais, Le carnet de Théo rend parfaitement compte d’un des segments de la production littéraire young adult actuelle, de qualité, positive et jamais niaise.