Tes Mots sur mes mots

Tes Mots sur mes mots
François David
MØtus, 2011

La poésie par tout et pour tous

Par Anne-Marie Mercier

Ce n’est pas un livre, ce n’est pas un texte… Ce serait un bloc-notes : de petites feuilles carrées banches empilées dans un étui carré à rabat, noir. Et puis non, ce n’est pas cela : on voit, imprimé en gris très pâle, sur ces feuilles apparemment vierges des mots. Inscrits sur quatre lignes, ils en couvrent l’espace. Ils invitent à écrire, à penser à l’autre ou à soi, à mieux lire, à peser ses mots. Ils proposent de griffonner en poète au jour le jour comme on inscrit sur des coins de pages des idées, des rendez-vous, ou plus. Le bloc anonyme se fait voix, invite. Et voilà réalisé, le désir de la beauté en toutes choses, à s’offrir ou à offrir, du bonheur au quotidien à portée de la main.

Les mots
sombres
illuminent
parfois

Ecris-toi
à toi aussi
parfois ou
souventes fois

il y a lire
et lire
les mots n’en
reviennent pas

Pour en savoir plus sur François David, grand poète d’enfance, voir son site.

 

Moi, Jean-Jacques Rousseau

Moi, Jean-Jacques Rousseau
Raconté par Edwige Chirouter, illustré par Mayumi Otero
Les petits Platons, 2012

Rousseau – Hop ! Opéra

Par Anne-Marie Mercier

Anniversaire oblige (voir plus bas, la notice sur Rousseau à 20 ans), voici Rousseau expliqué, ou plutôt « raconté » aux enfants. Mais quels enfants ? C’est la question qu’on se pose pour certains titres de cet éditeur et elle revient pour ce volume. L’ambition est totale (et vertigineuse) : proposer en un petit livre illustré un résumé de la vie et de la pensée de Rousseau. L’acte I résume sa vie jusqu’à « l’illumination de Vincennes », l’acte II ses idées sur la société, l’acte III porte sur l’éducation et le final est en chansons. Cela oblige à bien des raccourcis (voir nommer « Emile » l’enfant sauvage me donne un peu le tournis, même si cela permet de mettre en cohérence plusieurs œuvres) et parfois à des à-peu-près discutables : Rousseau apparaît un temps comme un apôtre de la Révolution, même si plus loin il s’interroge pour savoir s’il ne faut pas plutôt craindre un tel bouleversement. En somme, rien n’est faux mais tout est bien sûr rapide et dense.

C’est une qualité pour ce type d’ouvrage. L’auteure réussit le tour de force de transformer un écrit de type documentaire en partition rythmée. Rousseau, le narrateur, est présenté comme un metteur en scène d’opéra qui dirige quelques acteurs (l’enfant sauvage, le lecteur, Thérèse) et des marionnettes (Diderot, notamment, l’un des « traîtres »). C’est donc le Rousseau d’Ermenonville, proche de sa fin, qui parle, enjoué et fou de musique au début, autoritaire et soupçonneux à la fin de l’ouvrage (était-ce bien nécessaire ?). Il varie le rythme (ralentissement et trémolos lors de l’épisode du ruban volé (bien vu), intermède en chanson sur la botanique) ; il fait bondir et voler ses acteurs (illustrations très vives, gaies, parfaites), confronte Emile et le lecteur pour montrer comment l’entente est vite détruite par l’« amour propre », et gronde la pauvre Thérèse. On s’amuse, on s’étonne, on est attendri.

Ce petit théâtre est très bien servi par les illustrations qui mettent en valeur cette « mise en scène », lui donnent une profondeur ou insistent sur sa surface. On imagine que ce livre pourrait servir d’introduction à l’étude de Rousseau (mais avec bien des aménagements et des retours). On peut aussi jouer à retrouver certaines de ses phrases tirées de son œuvre et données sans guillemets ni notes. Mais pour quels enfants, alors ? Certainement pas pour les Emile, mais… pour les petits Platons !

L’auteure est une spécialiste de la philosophie en littérature de jeunesse (voir son blog).

Les 5 poches

Les 5 poches
Jean-Louis Cousseau,
illustrations de Didier Jean et Zad
2 Vives Voix(Bisous de famille), 2012

 Les 5 clés du savoir être

Par Chantal Magne-Ville

Les 5 poches est un magnifique conte de sagesse contemporain, qui retrace le parcours difficile d’un enfant qui est resté longtemps « attaché aux jupes de sa mère », au sens littéral du terme, jusqu’à ce qu’il parvienne à l’âge adulte. Ce lien privilégié est symbolisé par 5 poches dont la mère ne révèle jamais le contenu de son vivant, repoussant les questions par un : « Tu sauras plus tard, promis ». Quelques images, instantanés pris sur le vif, suffisent à faire pressentir le mal être de cet enfant, sa difficulté à se conformer aux attentes sociales malgré la protection indéfectible de sa mère. La pudeur est de mise, l’expression des sentiments souvent implicite grâce à une phrase qui sait se faire poétique, prenant souvent les mots au pied de la lettre : c’est ainsi que la vie prend l’enfant par les cheveux et tire sans douceur pour le faire grandir. Le texte multiplie les symboles tout en demeurant extrêmement lisible.

Maladroit, objet de la risée des autres, mal adapté, l’enfant trouve son salut en se faisant oublier sous une normalité de surface qui a pour corollaire la solitude. Tout comme le chat botté, au décès de sa mère, il ne reçoit pour tout héritage que le contenu des 5 poches, mais aussi une lettre où est renfermé le mode d’emploi du savoir être. Foin des espèces sonnantes et trébuchantes, les cinq objets transmis cachent en réalité sous leur apparente banalité les cinq clés qui permettent d’échapper à la colère, à l’aveuglement, à la frustration, à la perte de repères et aux pensées négatives. C’est une véritable leçon de vie, apaisante, qui fait le constat que la lettre disait vrai : l’adulte qu’il est devenu est parvenu à s’approprier peu à peu ces nouveaux pouvoirs, en se replaçant dans toute sa lignée familiale, ce qui illustre la force de la filiation et de la transmission intergénérationnelle. Reste le motif de la pelote dont la mère elle-même ne sait à quoi elle sert, audacieuse réinterprétation du mythe de la Parque. L’image fonctionne le plus souvent en collaboration féconde avec le texte, mariant réalité la plus concrète et créations symboliques : témoins  la floraison des désirs qui grimpent partout dans la chambre ou la descendance, avec le chat qui a fait des petits, ou  encore le couple qui se constitue à la sortie d’un labyrinthe. La peinture sur papier de soie, par ses effets de texture, laisse penser à un tissu vivant, à l’image du message de vie qui est véhiculé et de l’idée qu’il ne faut jamais perdre le fil.

Une leçon de vie qui se découvre en toute simplicité, grâce à la force des mots, à la fois lourds de sens et immédiatement saisissables, ce qui en réserve la lecture à des enfants qui ont dépassé « l’âge de raison ».

2 Vives Voix : la jeune maison d’édition créée par Didier JEAN et ZAD en 2009: « des albums qui ont pour ambition d’aborder avec sensibilité des sujets peu traités dans les livres, de renforcer les liens intergénérationnels, et surtout de libérer la parole. »

Le mille-pattes
Jean Gourounas
Editions du Rouergue, 2012

Dessiner les nombres …

 Par Marianne Moulin

« Au début, un mille-pattes, c’est facile à dessiner : en gros, ça ressemble à une saucisse ou une banane, tout dépend de la couleur utilisée. Après c’est plus compliqué, il faut choisir la bonne couleur de la saucisse et la bonne couleur des pattes pour qu’elles soient bien visibles. On va faire notre mille-pattes jaune avec des pieds noirs, c’est décidé ».

Contrairement aux apparences, ce livre n’est pas un simple album à compter. Au travers d’un mille-pattes aux milles couleurs, l’auteur nous dévoile toutes les formes que peuvent prendre les nombres. L’important n’est pas de savoir compter, compter des « pattes » ou des « pâtes », mais de découvrir toutes les formes que peuvent prendre les nombres.

 Un, deux, trois … Au début on compte des pattes, par paires avec ou sans « chaussures ». Quatre cent cinq, quatre cent six … Ensuite, des traits bien droits pour simplifier. Sept cent huit, sept cent neuf … Puis des « pattes en lettres », des « pattes en chiffres », des « pattes en pâtes » et des « pattes en arbres ». Neuf cent quatre vingt dix neuf, mille … Et enfin, tout recommence.

La Toile et toi

La  Toile et toi
Philippe Godard, Marion Montaigne
Gulf Stream Editeur, 2011

Pour mieux connaître la Toile

Par Françoise Poyet

L’Internet a transformé le monde et a créé une espèce nouvelle « l’Internaute ». Mais, connait-il suffisamment bien le cybermonde dans lequel il évolue ? Définir le vocabulaire associé à Internet sans faire d’abécédaire ? C’est possible, « Et Toc ! »

Pour mieux connaître la Toile, le Net et les enjeux du numérique, Philippe Godard propose de découvrir le « cyber-vocabulaire » développé au cours des deux dernières décennies avec l’arrivée d’Internet. En utilisant l’ordre alphabétique, il commence par A comme Addiction, Araignée, Arobase, Avatar ; puis, B comme Berners-Lee (Tim), Big Brother, Blog ; C comme Cloud Computing, Confidentialité, Cryptage… ; ensuite, D comme Digital natives ; E comme E-mail… ; F comme Fiabilité… ; S comme Second Life et enfin, Z comme Zuckerberg Mark (fondateur de Facebook).

Par exemple, qu’est-ce qu’un « flash mob ? » ou bien à quoi correspond «  l’erreur 404 » ?

Si vous ne savez pas répondre, vous trouverez les réponses dans ce livre bien astucieux. A la fin, un quiz fait le point sur vos connaissances.

Les Mystères des musées de Paris

Les Mystères des musées de Paris
Alain Korkos et Marie de Monti

Après la lune jeunesse, 2011

Livre-jeu promenade

Par Anne-Marie Mercier

Ce livre jeu propose un petit roman, pas fameux mais prétexte à parcourir différents musées de Paris (le Louvre, Orsay, musée Guimet, Beaubourg, Carnavalet, quai Branly, Picasso). Il propose un cadre fantaisiste de visite : Mona Lisa s’ennuie et entraîne quelques-uns de ses camarades (une momie, du statut d’Hercule, l’enfant de Chardin…) en s, Alain Korkos et Marie de Monti Après la lune jeunpromenade. C’est l’occasion de faire parler les personnages des tableaux ou leurs auteurs. Le procédé est artificiel sur le plan narratif mais permet de multiplier les rencontres et les très courtes descriptions.

L’essentiel est dans les possibilités d’activités offertes (40 jeux) : colorier, reproduire des caractères chinois, faire un mots-croisés, dessiner une vignette de BD, calculer… Les plus intéressantes sont celles qui permettent d’explorer un tableau, mais bien souvent cela reste une recherche très anecdotique.

Si vous souhaitez faire comprendre à un enfant la nature et le pouvoir de l’art, ce n’est pas l’ouvrage idéal ; mais si vous voulez lui faire visiter des musées et n’avez d’autre ressource que l’occuper pour éviter l’ennui, ce livre sera parfait.

Le livre qui dit tout

Le livre qui dit tout
Guus Kuijer
Traduit (néérlandais) par Maurice Lomré
L’école des loisirs (neuf), 2007

 Tout, ce livre dit tout (ou presque)

Par Anne-Marie Mercier (août 2007; pour accompagner la remise du prix A. Lindgren 2012)

Ce petit roman tout à fait étonnant et passionnant, merveilleusement écrit, mêle sérieux et fantaisie, histoire de sorcière et mythe biblique, combat pour les droits des femmes et des enfants, réflexions sur le fanatisme religieux, sur le pouvoir de la fiction et de la poésie, sur l’imagination et le vrai courage (il y est question de résistance, de communistes dénoncés aussi : l’Histoire est elle aussi présente comme la fantaisie)…

Le héros, Thomas, neuf ans, vit aux Pays-Bas, peu après la deuxième guerre mondiale. Dans un premier temps, on peut penser que sa vie est parfaite : son père joue du violon, sa mère chante, sa sœur Margot est un peu niaise, une vraie « fille ». Et d’emblée un problème est posé : « de quoi parlent les livres ? » « de Dieu », dit le père, « d’amour », dit la sœur, « de Dieu et d’amour », dit la mère. Et celle-ci, comme sa fille, est sommée de ne pas dire de bêtises par le père. Tous les soirs, celui-ci lit là sa famille la Bible, l’Ancien Testament; il est violent et intolérant. L’histoire commence avec les premiers coups, donnés d’abord au fils (parce qu’il a remplacé – on ne saura pas si c’est sciemment – « pauvres pêcheurs » par « pauvres pleureurs » dans sa prière), puis contre la mère.

L’imagination de Thomas (ou ses visions) lui fait reproduire dans leur maison le récit biblique des plaies d’Egypte, pour punir celui qui lui apparaît comme le « Pharaon ». Ceux qui connaissent l’histoire frémiront, en se souvenant que la dernière de ces plaies est la mort du fils premier-né de toutes les familles, à commencer par celui de Pharaon, autant dire que Thomas programme sa propre mort, après avoir constaté celle de Dieu qui ne l’aide pas. Et l’on passe tout près d’une conclusion extrêmement noire.

Mais la fantaisie et la douceur gagnent, on ne dira pas comment : à chaque lecteur de se laisser entraîner par l’imagination et les rêves de Thomas, qui a avec Jésus (c’est-à-dire avec la présence de la croyance ancienne en lui, on le comprend progressivement) des conversations à la fois déchirantes et drôles. On se laisse porter par la fantaisie de sa rencontre avec la sorcière de sa rue, sa découverte grâce à elle des pouvoirs de la musique et de la littérature : Emile et les détectives, Sans famille et la poésie fantaisiste d’Annie M. G. Schmidt lui donnent des conseils pour résoudre ses problèmes, déclarer son amour à la fille qu’il aime, vaincre ses peurs et son père, découvrir sa sœur.

C’est une histoire tragique et drôle, pleine d’invention et de poésie, qui, on l’aura deviné, pose et fera poser de nombreuses questions, sur la religion, le fanatisme, la violence conjugale et paternelle, la place de la culture et de l’Histoire dans la société et les pouvoirs de l’imaginaire.  Effectivement, ce livre dit tout, sans tabou, en en peu de pages.

Maki Catta

Maki Catta
Laurence Coulombier
, Modeste Madoré
Océan jeunesse, 2011

Par Caroline Scandale

Comment adopter ses parents?

Maki Catta est un bel objet littéraire, distingué l’année dernière par le jury du salon insulaire d’Ouessant dans la catégorie jeunesse. L’ouvrage aborde habilement l‘adoption à travers les yeux de l’enfant adopté et de ses parents adoptifs. Il pose la question suivante: comment adopter ses nouveaux parents sans oublier, ni renier, ses parents génétiques? Transposer l’histoire dans le monde animal permet au jeune lecteur de s’identifier au petit lémurien tout en restant à distance de sa souffrance. De surcroit l’image ludique des singes est un astucieux moyen d’intéresser les enfants. La métaphore du feu est utilisée pour aborder la mort, la souffrance, la résurrection symbolique, l’apaisement par le flot d’amour…

L’histoire se passe sur l’île de Madagascar, au cœur de forêts luxuriantes, au milieu des primates. L’album débute par la mort tragique des parents de Maki Catta, dans un terrible incendie. Elle se poursuit par la fuite du petit singe poussé par ces derniers à courir et sauver sa peau sans jamais se retourner. Ce sacrifice ultime montre dans un premier temps l’amour infini des parents lémuriens pour leur petit. Puis dans un second temps on assiste à son adoption par un couple stérile, dans une nouvelle tribu de singes, les Sifakas. Avec une pudeur toute poétique l’auteure nous invite à partager l’émotion de la rencontre parents adoptifs/enfant et  la souffrance silencieuse de l’orphelin: « Ils l’avaient regardé. Ils s’étaient regardés. Ils l’avaient aimé, tout de suite, inconditionnellement. Maki Catta avait trouvé une seconde famille […] bien décidée à déverser sur lui des flots d’amour à étouffer les incendies de toutes les forets. Mais certains feux en apparence éteints nourrissent des braises qui n’en finissent pas de brûler… » Puis vient le temps des questionnements, des doutes, du sentiment de trahison vis à vis de ses défunts parents. Maki a-t-il le droit d’être à nouveau heureux? Toujours aussi subtilement l’album pose une autre question primordiale, celle d’aimer à nouveau, au risque de perdre encore une fois ce que l’on a de plus cher… Ou pas.

La prise de conscience de Maki Catta sur laquelle se termine l’album est une belle conclusion. On assiste à sa seconde naissance, celle du cœur. Portant fièrement ses origines il ressemble désormais, aussi, à ses nouveaux parents… « Il se reconnaissait en eux. Ils étaient son devenir. »

Pour résumer, Maki Catta est un album indispensable pour aborder le sujet de l’adoption à travers le double point de vue, adoptant/adopté. Ses illustrations colorées et foisonnantes rappellent sans cesse au lecteur que l’histoire se déroule au cœur de forêts malgaches à la biodiversité impressionnante.

3e Festival Science et Manga : Au travers du Temps

La BU Sciences Lyon 1 organise du 12 au 17 mars son 3e Festival Science et Manga avec pour thème le Temps.

3 évènements ponctueront le Festival :

Une exposition, du 12 au 17 mars 2012

L’exposition présentera le rapport au temps dans les mangas. Une collection d’objets du musée du Temps de Besançon   donnera un cadre historique à cette réflexion. Des créations d’élèves de l’école Emile Cohl montreront que le manga est le lieu de tous les possibles.

Une conférence-débat, mardi 13 mars de 12h15 à 13h45

Elle réunira trois personnalités différentes autour de la question « Maîtriser le temps : de la mesure au voyage » : Gilles Adam, astrophysicien, Thomas Charenton, conservateur du Musée du Temps de Besançon, et Jean-Pierre Charcosset, philosophe. Chacun, selon sa discipline, éclairera cette notion dont l’apparente évidence s’efface dès qu’on tente de la      définir.


Une projection :

Jeudi 15 mars à 18h : La Traversée du temps, réalisé par Mamoru Hosoda d’après un roman de Yasutaka Tsutsui.

Pour en savoir plus : http://festivalscienceetmanga.over-blog.com/

Sade Up

Sade Up
Franck Secka, Philippe Huger (ingénierie papier)

Rouergue, 2011

La pensée Pop Up

par Anne-Marie Mercier

sadeUp.gifDisons-le d’emblée, même si la précaution peut sembler inutile vu le titre : cet album n’est pas pour les enfants, ni pour les âmes sensibles.  Pourtant c’est un Pop up, et il en déploie toutes les ressources : constructions qui se déploient en relief, rabats permettant de multiples permutations, tirettes dévoilant ou découpant des objets et des corps, roues faisant défiler les possibles…

Il ne s’agit pas d’illustrer une œuvre particulière de Sade mais de proposer dans chaque double page une petite scène de théâtre à sa manière. On y trouve de nombreux pastiches : une fausse Chapelle Sixtine, des tableaux revisités, des montages de peintures, gravures, photographies colorisés… L’objet est superbe et dérangeant.

Quant au propos, il a le mérite de faire réfléchir à ce que crée un pop up. Ainsi, ce qui, dans le domaine de l’enfance, sert le jeu, la curiosité et l’exploration de la limite des possibles peut être détourné (mais est-ce un détournement ?) vers d’autres domaines. Que ceci soit appliqué à une œuvre qui semble à beaucoup totalement étrangère au monde de l’enfance ne peut que faire réfléchir au désir de voir, commun à l’enfant et au personnage sadien. Dévoiler ce qui se passe dans la chambre des parents, ou sous les vêtements du grand duc, mettre en pièce des petits poissons… tout cela dira quelque chose aux spécialistes de l’enfance ; pour les rares spécialistes de Sade qui fréquenteraient ce site, ils méditeront également les propos de la préface de Michel Surya : il s’agit de « mettre la pensée elle-même en représentation, une représentation à laquelle c’est la machine qui commande ou à laquelle on commande par la machine » belle définition du pop up.