Vacances d’hiver

Vacances d’hiver
Mori
HongFei, 2024

La France en vitrine

Par Anne-Marie Mercier

Après ses Vacances d’été, Mori nous emmène en voyage d’hiver. Son petit personnage part cette fois du Japon (au lieu d’y aller comme c’était le cas dans l’album précédent), toujours avec son chat et toujours avec des tenues appropriées, pour l’une comme pour l’autre. Coiffés de jolis couvre-chefs, tous différents, choisis selon les circonstances, arborant des tenues rayées de bleu, blanc, rouge, ou de gros blousons (on songe aux poupée de carton à habiller dans les journaux d’autrefois), ils nous entrainent vers les plaisirs de l’hiver : visiter Paris (ah, l’opéra, les quais de Seine et Notre Dame…), glisser sur les patinoires, contempler la montagne avec ses téléphériques, faire de la luge… s’éblouir avec les cadeaux, les illuminations, tout cela émerveille… avant un retour sage chez soi, sur son tatami, une jolie tour Eiffel en souvenir sur une étagère et des images plein la tête.
Les très belles images de cet album sans texte (hors les pages de garde) qui sont autant de cartes postales, ou de capsules de mémoire, font aussi sourire par leurs détails  (les boulangeries fermées le lundi, un chat de neige à côté d’un bonhomme de neige contemplé, en miroir, par les deux amis, le lion de Béatrice Alemagna qui marche en bord de Seine… tout un voyage !

Elisabeth sous les toits

Elisabeth sous les toits
Vincent Cuvellier et Guillaume Bianco (illustrations)
Little Urban 2023

La Môme Crevette

Par Michel Driol

Deux ans après la der des ders, Elisabeth, une jeune orpheline bretonne, munie d’une photographie de ses parents, se rend à Paris pour les retrouver. Avec l’aide de trois clochards, Pascal, Jérôme et le Fendu, elle parvient rue Marbeuf, retrouve la chambre où vivaient ses parents… Mais l’immeuble est envahi de Schmolls, petits êtres maléfiques, il héberge aussi un petit fantôme… Quant à la quête des parents, elle passera par de bien nombreuses péripéties tout à fait rocambolesques, et permettra de croiser nombre de personnages hauts en couleurs !

Ce roman est d’abord un beau livre, à l’ancienne, avec une couverture bien épaisse et dorée, une typographie aérée, et de nombreuses illustrations en noir et blanc qui montrent le pittoresque du Paris des années 20, et le petit personnage plein de vie qu’est l’héroïne au long nez et aux cheveux frisés, aisément reconnaissable. C’est ensuite un roman qui reprend les codes et les stéréotypes de la littérature populaire (au bon sens du mot) autour de personnages typiques : domestiques, apaches, Russe blanc chauffeur de taxi, gardien de prison, mauvais garçon couvert de tatouages, sans oublier quelques célébrités qu’on croise, parfois de façon anachronique (ce que souligne l’auteur !) : Cendras, Picasso.  Parmi ces codes narratifs, bien sûr, on retrouve la thématique de l’orpheline en quête de sa famille. Une héroïne bien décidée, courageuse, débrouillarde. Bref, elle n’a pas froid aux yeux, Elisabeth, malgré sa petite taille et on la suit dans son exploration du Paris des années 20, où chacun se souvient encore des horreurs de la guerre, dont il porte parfois les stigmates sur son corps. Ce réalisme des lieux (les Halles, la rue de Lappe), des situations (la vie dans un immeuble haussmannien), des personnages se mêle à une attraction forte pour le fantastique. Le fantastique du passage, et Elisabeth doit franchir un trou (de nature bien indéterminée) pour regagner sa chambre, le fantastique des êtres surnaturels comme les Schmolls qui vivent du chagrin des autres, ou l’enfant fantôme, que seule Elisabeth semble voir. Ces éléments fantastiques, à la fois discrets et omniprésents, apportent une note de fantaisie pure dans le récit. Les péripéties qui s’enchainent font de ce récit une véritable course contre la montre (dont on ne révélera pas ici la raison), au rythme de la java et du charleston, mais aussi d’une chanson de Damia Les Goélands. C’est envolé, bien dans la veine des Mystères de Paris, peuplé de personnages sympathiques sous leurs dehors parfois rudes.

Les illustrations sont souvent très complémentaires du texte, comme lorsqu’il s’agit de faire le plan de l’immeuble ou de le montrer en coupe. On apprécie tout particulièrement les scènes de groupes (rue de Lappe, aux Halles) ou la façon de croquer certains personnages à la limite de la caricature. Un peu d’humour supplémentaire dans ce roman qui n’en manque pas !

Un zeste de fantastique, un soupçon de mystère, une bonne dose d’amitié, et de l’aventure qsp, voilà quelques ingrédients qui font de roman un véritable page turner pour les jeunes lecteurs, qui, de surcroit, s’identifieront aux qualités de son héroïne !

La Semeuse d’effroi

La Semeuse d’effroi
Eric Senabre
Romans Didier jeunesse 2022

Fantômette au Grand Guignol…

Par Michel Driol

A 14 ans, orpheline, fille d’un père français et d’une mère chinoise, Sophie est recueillie par son parrain Rodolphe dans le Paris des années 20. Lorsque ce dernier est accusé de meurtre, et qu’elle se retrouve au pensionnat des Alouettes, elle fait tout pour le faire innocenter. Grace aux cours d’acrobatie que sa mère lui avait donnés, elle se sauve par les toits toutes les nuits, rencontre la troupe du Grand Guignol, et, masquée, devient la Semeuse d’Effroi, le démon Thanaxas qui démasquera les vrais coupables.

Voilà un roman qui sonne comme un hommage à toute une littérature populaire de la fin du XIXème siècle ou du début du XXème siècle. Machinations, personnages hauts en couleur, jeune justicière populaire se battant contre la haute société corrompue, artifices et déguisements, faux-semblants, on a là tous les ingrédients d’une intrigue haletante et pleine de rebondissements. Le personnage principal s’avère être une jeune fille perspicace, courageuse, énergique, mue par un désir de justice, impertinente bien sûr et dotée d’un réel sens de la répartie : un vrai modèle d’héroïne capable de sauter de toit en toit ! Ajoutons-y une galerie de personnages secondaires attachants et originaux : une préceptrice digne de Mary Poppins, les vrais acteurs et actrices du Grand Guignol, Maxa et Ratineau, une bonne sœur qui cache bien des secrets, un policier sympathique et un boxeur au grand cœur. Sans compter les méchants aussi pleins de pittoresque. Cette aventure pleine de vie et de passion s’inscrit avec bonheur dans un arrière-plan historique bien dessiné. C’est le lendemain de la première guerre mondiale, dans une société marquée par l’antisémitisme et les préjugés racistes à l’encontre de Sophie. Une société dans laquelle les classes sociales sont bien marquées, entre une haute bourgeoisie et des milieux plus populaires, dont on entend parfois les parlers savoureux dans la bouche de la fille qui partage la chambre de Sophie au pensionnat. Le roman redonne vie au Théâtre du Grand Guignol, à ses actrices et acteurs, metteurs en scène, talentueux machinistes inventeurs de trucages dont Sophie profitera pour créer son personnage de démon oriental vengeur. Il y a là, dans ce lieu, comme en écho à tout le roman, un divertissement populaire propice aux émotions et aux sensations fortes, bien loin des bienséances du théâtre classique.

Un roman d’aventures qui s’inscrit parfaitement dans la lignée de la littérature populaire de qualité, celle des mauvais genres qui font le délice des lecteurs, celle des Eugène Sue, Pierre Souvestre, Marcel Allain ou Georges Chaulet à qui le livre est dédicacé.

La Capucine (Les filles du siècle)

La Capucine (Les filles du siècle)
Marie Desplechin
L’école des loisirs, « Médium », 2020

Dansons la capucine, Y’a pas de pain chez nous…

Par Anne-Marie Mercier

Deux romans de la trilogie « Les filles du siècle » avaient paru en 2004 et 2005, Satin grenadine et Séraphine. Ils présentaient de beaux portraits de filles et de femmes libres au XIXe siècle ; l’une des héroïnes était issue de la bourgeoisie, et rêvait d’émancipation, l’autre, une orpheline issue du peuple, vivait à Montmartre, après la Commune et cherchait les traces de ses parents dans les décombres des espoirs du « temps des cerises ».
La Louise de La Capucine (titre de la fameuse chanson qui donne le ton au roman) vit à Bobigny, mais on la voit souvent à Paris, où elle se rend pour vendre les légumes du « marais » qu’elle cultive sous les ordres d’un maitre brutal, qui la bat, dont le fils étrange est de peu de ressource. La mère de Louise a dû la laisser pour aller travailler à Paris. Une vielle voisine, Bernadette est son seul appui, un appui bien faible. Mais un beau jour Bernadette. (qui pense être habitée par Victor Hugo) vient aussi à Paris et fait découvrir ses talents de médium à une dame de la bourgeoisie qui l’installe chez elle pour épater ses amis et chasser les fantômes… Grâce à Bernadette, Louise rencontre bien des gens, et parmi eux, brièvement, Alexandre Dumas, le fameux métis qui a une chevelure pareille à la sienne.
Réveils au petit matin, trajets de la banlieue au « ventre de Paris », en carriole, en péniche, à pied… dialogues savoureux, cris de Paris, errances… Marie Desplechin nous emporte avec une magnifique écriture et un rythme soutenu dans un autre temps, fait de sensations, de bruits et de couleurs, d’étrangeté aussi. On s’y bat et on se bat : il faut cela pour survivre, dans le monde des misérables, ouvriers agricoles, domestiques, forts de halles, bateliers… Mais on est comme Louise plein de vie et d’espoir, d’amour du métier et de fierté. Et on rit aussi, et le lecteur également.
Et si tout finit bien, ce n’est pas par un mariage. Louise, comme les autres filles du siècle, fabrique elle-même son destin, avec une énergie et une ténacité digne d’une héroïne, et avec un caractère affirmé bien campé dans la belle couverture de ce volume.

Rendez-vous à la Tour Eiffel

Rendez-vous à la Tour Eiffel
Elzbieta
Gallimard jeunesse (l’heure des histoires), 2017

Lourd / léger

Par Anne-Marie Mercier

Publié pour la première fois en 1989 par l’école des loisirs, ce petit récit n’a pas pris une ride, et est passé en petit format pour un moindre coût. Bien sûr on y perd un peu par rapport à l’original, la qualité du papier est différente, mais le rendu des couleurs est correct malgré tout, et le charme demeure.

Le clown Gratte-Paillette est invité – ou plutôt convoqué – par sa grand-mère à Paris, à la Tour Eiffel,  » la tour qui a quatre pattes et pas un seul mur ». Aucun problème : Il s’y rend en ballon (l’éléphant du cirque le gonflera pour lui) avec son amie la poule. Ceux qu’il laisse derrière lui sont si malheureux de n’avoir pu monter à bord qu’ils le rejoignent à dos d’éléphant, mais une fois arrivés, nouveau problème : comment faire monter l’éléphant à la Tour Eiffel?

Dans le petit monde d’Elzbieta où le chagrin affleure, il y a toujours une solution et de la légèreté, même pour un éléphant. C’est ainsi qu’on l’aime.

Et vogue poulbot !

Et vogue poulbot !
Poèmes de Gaston Herbreteau, illustrations de David Roche
Soc & Foc

Paris est une fête

Par Michel Driol

etvogueOn aurait aimé lire et chroniquer cet ouvrage en d’autres temps, mais, quelques semaines après le 13 novembre, ce texte résonne sans doute différemment Voilà donc un recueil de poèmes, magnifiquement illustrés, qui se présente comme une déambulation dans le Paris populaire, qui commence par le « café au bar » » et qui se termine à une

Terrasse de café
lieu-cocon
seul parmi les autres
lire écrire
… le rêve !

Sur « Trois petites notes de musique », ces poèmes rendent  hommage au Paris populaire, au Paris des chansons. On croisera les figures de Brassens, de Mouloudji , mais aussi celles des hommes qu’ils ont évoqués,  bouquinistes, clowns, balayeurs, exclus et sans abris, tout en arpentant des lieux comme Montmartre, la rue Mouffetard, le pont des Arts, le canal Saint Martin, la Foire du Trône.  On y verra des objets et monuments emblématiques, fontaines Wallace, pyramide du Louvre, cadenas, zouave du Pont de l’Alma. Revient régulièrement le métro, comme lien ou trait d’union, et quelques animaux, chiens et chats… On pourrait se croire dans un Paris de carte postale, un Paris cliché, mais ce serait compter sans l’écriture et la portée – encore plus forte aujourd’hui – des valeurs de fraternité portées par cet hommage au Paris populaire et métissé.

Les textes alternent selon deux formes : formes très courtes, souvent 3 vers, souvent très proches, dans l’écriture et la notation de la sensation,  des haïkus :

Sortie de métro
il trimbale sa misère
sous ses oripeaux

Formes plus longues, qui évoquent – sans le pasticher – Prévert dans l’écriture par les reprises, les énumérations, et l’évocation du complexe, de la souffrance, du malheur, à travers des mots d’une simplicité totale :

Balayeur de rue
dans Paris perdu
sois ici cité
pense balayeur
pense en balayant
pense à ton passé….

Les illustrations – à base d’encre, d’aquarelle et de pastels, sont comme autant d’instantanés, pris sur le vif,  et, fort heureusement, ne cherchent pas à copier d’une manière ou d’une autre Poulbot. Si quelques-unes représentent les lieux, la majorité d’entre elles fait la part belle à l’humain : enfants, amoureux, garçons de café, musiciens des rues, vendeurs de marrons saisis en action…

Un livre hommage à une certaine conception de  Paris, qui repose autant sur la réalité que sur sa représentation dans la littérature et la chanson, signé par un poète vendéen et un illustrateur né en Corrèze. Une sorte de Paris éternel… Fluctuat nec mergitur.

En hommage à toutes les victimes du 13 novembre

 

Paris. Petit Pop up panoramique

Paris. Petit Pop up panoramique
Sarah McMenemy
Casterman, 2012

Voir Paris…

par Anne-Marie Mercier

Traduction d’un ouvrage édité en anglais par Walker Books, imprimé en Chine, ce petit pop up offre une vision hyper touristique de Paris, la ville étant conçue comme une collection de monuments « à voir », disséminés dans un espace inexistant ou du moins très théorique : les vélos, vespas et piétons peuplent les rues davantage que les rares voitures, lesquelles ont des allures d’années 50 acidulées. C’est donc un Paris mythique d’aquarelle qui se déplie dans ce tout petit format, exceptionnel pour un pop up.

Cela dit, c’est une bonne introduction pour un jeune enfant à qui on montrerait la ville ; certains détails indispensables pour cet âge amateur de précisions seront précieux : la tour Eiffel fait 324 m et accueille 7 millions de visiteurs/an ; le sarcophage de Napoléon est en porphyre rouge ; Toulouse Lautrec et Modigliani ont fréquenté Montmartre, la flamme du soldat inconnu est ravivée chaque soir sous l’Arc de triomphe…

Les Mystères des musées de Paris

Les Mystères des musées de Paris
Alain Korkos et Marie de Monti

Après la lune jeunesse, 2011

Livre-jeu promenade

Par Anne-Marie Mercier

Ce livre jeu propose un petit roman, pas fameux mais prétexte à parcourir différents musées de Paris (le Louvre, Orsay, musée Guimet, Beaubourg, Carnavalet, quai Branly, Picasso). Il propose un cadre fantaisiste de visite : Mona Lisa s’ennuie et entraîne quelques-uns de ses camarades (une momie, du statut d’Hercule, l’enfant de Chardin…) en s, Alain Korkos et Marie de Monti Après la lune jeunpromenade. C’est l’occasion de faire parler les personnages des tableaux ou leurs auteurs. Le procédé est artificiel sur le plan narratif mais permet de multiplier les rencontres et les très courtes descriptions.

L’essentiel est dans les possibilités d’activités offertes (40 jeux) : colorier, reproduire des caractères chinois, faire un mots-croisés, dessiner une vignette de BD, calculer… Les plus intéressantes sont celles qui permettent d’explorer un tableau, mais bien souvent cela reste une recherche très anecdotique.

Si vous souhaitez faire comprendre à un enfant la nature et le pouvoir de l’art, ce n’est pas l’ouvrage idéal ; mais si vous voulez lui faire visiter des musées et n’avez d’autre ressource que l’occuper pour éviter l’ennui, ce livre sera parfait.

Paris

Paris
Francesca Bazzurro, Orith Kolodny
La Joie de Lire, 2010

par Frédérique Mattès

Un petit dernier dans la collection « De ville en ville ». Après Tel Aviv, Berlin, Genève, nous partons pour une balade dans Paris. Une flânerie instructive et fort agréable à travers différents lieux «  incontournables » d’hier  : Notre Dame, la fontaine Wallace, le Louvre… ou « d’aujourd’hui » : la tour Eiffel, La Villette, L’institut du monde Arabe…. La mise en page est particulièrement soignée. Se mélangent audacieusement phrases de grands auteurs (Hugo, Verlaine, Rimbaud …), photos, détails de monuments ou croquis bruts de lieux importants. Une très belle composition, riche et inventive, des pages qui transforment le lecteur en un touriste avide de connaissances. A lire et à relire avec toujours autant de plaisir.