Un petit geste

Un petit geste
Jacqueline Woodson – E.B. Lewis
D’eux 2021

Le temps perdu ne se rattrape plus…

Par Michel Driol

Une nouvelle élève, Maya, arrive en plein hiver. Elle est mal habillée, et doit s’asseoir à côté de Chloé, la narratrice, qui ne lui rend pas son sourire, et refuse de jouer avec elle, comme toutes ses amies. Rejetée par tous, malgré ses efforts pour s’intégrer, Maya, en butte aux moqueries, ne vient plus à l’école. Alors l’enseignante donne une leçon sur les petits gestes qui peuvent tout changer.  Chloé comprend, mais trop tard…

Voilà un album qui tranche sur les publications habituelles sur le sujet, qui finissent en général dans l’optimisme un peu béat d’une amitié naissante. Rien de tel dans ce superbe album. On signalera d’abord la qualité des illustrations de Earl Bradley Lewis. Ses aquarelles donnent à la fois à voir l’hiver au Canada dans des décors très précis et réalistes, mais aussi de magnifiques portraits d’enfants, saisis en mouvements, dans leurs jeux et leurs activités, tantôt en groupe, tantôt isolés, mettant en évidence la solitude et la tristesse de Maya. Ce que montre l’album, c’est la difficulté, même pour des enfants, de s’ouvrir à l’autre qui est différent (Maya ne porte pas des habits d’hiver, vient visiblement d’un milieu pauvre dont on ne saura rien). C’est la force du groupe capable d’exclure qui n’est pas semblable, de faire bloc pour ne pas accepter l’étranger. Cela passe par les paroles, le refus de jouer, de répondre aux avances, la peur de perdre ses amis et ses repères. La force de l’album est de rendre sensibles et visibles tous ces phénomènes, ces attitudes pour mieux les dénoncer. On pourrait s’interroger sur l’attitude des adultes dans cet album. D’une part, il y a la directrice, qui accompagne Maya dans la classe. L’illustration en contreplongée montre le contraste entre le visage baissé de Maya et la tête droite, mais impénétrable, de l’adulte. Quant à la maitresse, elle n’intervient jamais pour permettre l’intégration de Maya. Tout se passe plutôt dans la cour, façon de montrer que c’est une affaire d’enfants avant tout. Sa leçon finale, très imagée, permet à Chloé de prendre conscience de sa cruauté et de son absence de gentillesse. L’album – à l’image de la maitresse –  ne veut pas moralisateur, ou donneur de leçons. Le constat final est amer pour Chloé, mais invite du coup le lecteur – qui s’est identifié à la « méchante », à la narratrice, à être sensible aux menues attentions que l’on peut avoir à l’égard des autres, quels qu’ils soient.

Signalons au passage que l’autrice, Jacqueline Woodson, a reçu le prix Astrid Lindgren en 2018, puis le prix Hans-Christian Andersen en 2020, soit les deux plus prestigieux prix littéraires pour la littérature jeunesse.

Un album qui questionne avec subtilité nos valeurs, le « vivre-ensemble », le communautarisme et l’exclusion, avec le souci de toucher les lecteurs et de les faire réfléchir, c’est-à-dire grandir en dépassant leurs préjugés.

TerreS

TerreS
Carina Rosenfeld
Syros, 2021

Sauts sans gambades (ou presque)

Par Anne-Marie Mercier

Nous voyageons avec Clara, et quels voyages ! Elle saute dans le temps et dans l’espace comme d’autres prennent l’ascenseur, mais avec tout de même davantage de difficultés : elle ignore chaque fois sur quel monde elle va atterrir, habité ou non, respirable ou non, hostile ou non, même si c’est chaque fois la planète Terre.
Le roman explore le thème des univers parallèles en imaginant les terriens de Terre 0 en quête d’une autre planète Terre où fuir pour échapper à des envahisseurs particulièrement cruels qui ont mis la leur en coupe réglée. Clara est chargée de trouver la dimension où se trouvera la solution : une Terre inhabitée mais vivable.
Elle a certes des atouts. Elle a été créée pour cette mission : née en laboratoire, génétiquement modifiée, augmentée et dotée de capacités cognitives et physiques inégalables, c’est une super héroïne. Elle a la tenue adéquate : une combinaison-armure qui se transforme en petit gilet élégant lorsqu’elle veut passer inaperçue.
Si le début du roman a des aspects un peu répétitifs, chaque saut sur une nouvelle dimension se révélant un échec et les manières pour une terre d’être inhabitable variant assez peu, la suite se corse un peu avec l’apparition d’un homme mystérieux à chacune de ses explorations, qui tantôt la connait tantôt l’ignore et dont on n’apprend qu’assez tard la nature étrange et le rôle. Un peu d’amour pimente l’aventure et l’héroïne connait  les affres de la passion tout en recevant moult coups sur la tête et sur sa super combinaison. Mais que de longueurs, de clichés et de redites ! L’écriture de SF a certes des difficultés spécifiques (introduction de notions techniques, descriptions d’univers et de mode de pensées autres, etc.), mais  l’auteure semble ne pas faire confiance à son lecteur. Elle est partie d’une idée, intéressante et ouvrant de nombreux possibles (dont une jolie robinsonnade), et semble avoir peiné à l’exploiter comme à donner de l’épaisseur à cette fille qui devient de plus en plus ordinaire au fur et à mesure que sa mission avance. C’est un curieux mélange de choses intéressantes et de platitudes.

La grande Boussole

La grande Boussole
Isabelle Renaud illustré par Laura Fanelli
Neuf – Ecole des Loisirs – 2021

Trouver la voie…

Par Michel Driol

Tout va mal pour Léo. Son père est au chômage, sa mère semble perdue, ses parents divorcent, et son meilleur ami a l’air de devenir fou… Pour remettre de l’ordre dans tout cela, et trouver la bonne voie, Léo a un objet magique : la boussole qui a servi à son aïeul républicain espagnol à traverser les Pyrénées.

Le roman brosse, avec humour, le portrait en actes d’un enfant qui perd ses repères familiaux et amicaux dans une famille qui se disloque. Il insiste sur sa façon de tenter de permettre à ses parents de se réunir autour de la musique, de leur propre passé. Tout est vu à sa hauteur : sa méconnaissance du rock, sa façon de mal comprendre et interpréter les mots  qu’il ne connait pas introduisent de la légèreté dans ce roman qui ne bascule vers le merveilleux de la boussole que dans sa tête.  Si le chômage, le burnout, le divorce sont bien présents, rien de lourd dans ce roman : les adultes sont présents, bienveillants, avec leurs rituels et leurs manies. Léo fait partie de ces personnages attachants des romans pour l’enfance, dans lequel nombre de lecteurs se reconnaitront par les jeux et la vision du monde. Quant à la boussole, elle est un bel objet transitionnel, symbole de toute une histoire familiale. Pleines de vie et très colorées, les illustrations mettent l’accent sur des personnages dans tous leurs états.

Un feel-good movie aux personnages sympathiques.

Par-delà les vagues

Par-delà les vagues
Catherine Grive Illustratrices Anouk Alliot et Seunhee Choi
Editions du pourquoi pas ? 2021

Sur la plage, abandonné

Par Michel Driol

Le personnage héros du récit est un enfant qui passe une journée à la plage avec sa famille. Quoi de plus banal, direz-vous… Sauf que le personnage est atteint de troubles bipolaires, et que le récit tente de faire éprouver par le lecteur ce qu’il ressent. Il passe ainsi par une période de peur panique devant la mer, ses dangers puis par une autre période d’exaltation incontrôlable.

La bipolarité est une maladie psychique qui se manifeste par des variations extrêmes de l’humeur : tristesse, profonde mélancolie (phase dépressive), agitation et exaltation (phase maniaque), avec répercussions graves sur la vie familiale et professionnelle, et qui peut résulter de facteurs génétiques, d’une hypersensibilité psychologique ou des évènements de la vie.

Bien qu’œuvre de commande, le texte a son autonomie littéraire propre, qui permet de le lire sans forcément être concerné a priori par le sujet traité. Le texte lui-même oscille entre deux pôles, un pôle poétique – la poésie étant une façon de faire percevoir le monde autrement – et un pôle clinique dans sa description précise du vécu, des pensées, des émotions du personnage. Ainsi, le personnage, anonyme, est-il toujours désigné par un « il » qui à la fois l’éloigne du lecteur, en fait un étrange étranger,  et renvoie au mystère de sa personnalité diffractée et anonymée. Ce texte est entrecoupé, à la façon d’un refrain, par des groupes nominaux qui associent le mot « vagues » d’une part  à un adjectif et d’autre part à un autre mot, de l’ordre de l’attitude ou du physique de personnage, comme une façon d’impulser un rythme en indiquant les états que traverse le personnage. Le lieu, la plage, et surtout  l’image récurrente des vagues renvoient, bien sûr, aux hauts et aux bas qu’il traverse. Trois phénomènes récurrents traversent l’écriture. D’un côté, on est frappé par l’importance et le nombre des négations (il n’entre pas, il ne sait pas) comme autant de façons de marquer l’empêchement, l’impossibilité d’agir ou de se comprendre. D’un autre côté, reviennent régulièrement les notations psychologiques liées à la conscience de la souffrance et du tourment causés aux autres. Enfin, ce sont les conditionnels présents (il aimerait, il voudrait…) qui marquent le désir d’une autre vie. On le voit, toutes les ressources de la langue sont mobilisées et maitrisées pour rendre sensibles les états et les émotions qui envahissent le personnage, jusqu’à la dernière partie du texte, qui évoque, comme un espoir de sortie de crise, l’aide médicale possible, ou celle des autres, avec la nécessité de l’acquiescement du personnage.

Les deux illustratrices proposent un travail tout en finesse et en douceur, dans des couleurs froides (bleu) qui se réchauffent à la fin, pour culminer dans un arc en ciel porteur d’espoir.

Un ouvrage qui donnera envie d’en savoir plus sur les troubles bipolaires, et qui répond bien à l’une des fonctions majeures de la littérature, qu’elle soit de jeunesse ou pas, qui est de permettre, par l’imaginaire, à chacun de faire un pas vers l’Autre et de mieux le comprendre avec empathie dans sa diversité, comme une façon de faire connaitre des mondes différents.

 

L’Histoire d’Erika

L’Histoire d’Erika
Ruth Vander Zee Ill. Roberto Innocenti
D’eux, 2017

Ils étaient vingt et cent…

Par Michel Driol

Les éditions D’eux ont eu la bonne idée de rééditer, avec une nouvelle traduction de Christiane Duchesne, l’album qui était paru sous le titre L’Etoile d’Erika. Dans un récit enchâssé, une femme raconte comment elle a été sauvée parce que sa mère l’a jetée d’un train en route vers un camp de la mort durant la seconde guerre mondiale, et que quelqu’un l’a recueillie et lui a permis, à son tour, de fonder une famille.

Deux narratrices se succèdent dans l’histoire : la première raconte les circonstances dans lesquelles elle a rencontré Erika, puis c’est Erika qui raconte sa propre histoire, imaginant ce qu’ont pu ressentir et vivre ses parents dont elle n’a aucun souvenir, dont elle ne connait pas le nom, avant de prendre la décision de la jeter hors du train. Ce récit, tout en sobriété, est particulièrement émouvant dans la façon dont Erika tente de redonner vie à ses propres parents. Il y est donc question de résilience, mais aussi d’entraide et d’espoir dans la poursuite de la vie, à travers ses trois enfants.

Les illustrations de Roberto Innocenti encadrent aussi le récit par deux planches en couleur, la première évoquant la tempête initiale qui permet la rencontre avec Erika, la dernière montrant une fillette regardant passer un train de marchandises. Entre les deux, des illustrations en bistre montrent le convoi, depuis la gare de départ jusqu’à l’arrivée dans un camp. Illustrations à la fois pudiques, car se refusant à montrant l’immontrable, mais aussi fortement symboliques et poignantes (on songe à ces deux plans montrant le berceau abandonné sur le quai de la gare)

Un ouvrage pour ne pas oublier ce que fut l’holocauste, un ouvrage aussi sur la façon dont les survivants ont pu se reconstruire grâce à l’amour et à l’entraide.

Mon beau grimoire

Mon beau grimoire
Chrysostome Gourio
Casterman (Hanté) 2021

La vengeance est un plat…

Par Michel Driol

Perséphone habite avec son père, fossoyeur, dans un cimetière. Elève timide, rousse, elle est harcelée par trois garçons de cinquième, les trois K, qui la traitent de sorcière et tentent de l’agresser. C’est alors qu’apparait une vieille femme, qui possède un grimoire étrange, et propose à Perséphone de se venger. Perséphone serait-elle vraiment une sorcière ?

Voilà un roman qui articule parfaitement deux genres : d’un côté le roman scolaire réaliste, de l’autre le roman d’épouvante. Réaliste, le roman l’est bien dans sa description du harcèlement dont sont victimes de nombreux ados, à cause de leurs vêtements, de la couleur de leurs cheveux ou de leur allure. Il est aussi le reflet de la domination qu’exercent certains garçons, en meute, contre des jeunes filles qu’ils transforment en victimes. Tout cela est bien vu et bien décrit, à travers le regard et les réactions de la jeune fille. Mais il donne aussi à lire un texte qui relève de l’épouvante : cimetière, nuit, orage, chat, messe noire, pacte. Il convoque tous les ingrédients de ce type de récit, pas seulement comme un jeu ou un cauchemar dont à la fin l’héroïne se réveillerait, mais donne à lire un vrai pacte permettant à l’héroïne d’éliminer ses harceleurs, tout en éprouvant des sentiments très contrastés entre empathie et désir de vengeance. La sorcière y est à la fois le personnage traditionnel, vouté, fumant la pipe, dotée de pouvoirs magiques, mais aussi est présentée comme étant la victime du pouvoir des hommes ou des puissants.

Un roman qui pose la question, au-delà de son aspect fantastique, des relations entre filles et garçons, et du harcèlement.

Les Amours de Zeus

Les Amours de Zeus
Soledad Bravi – avec la complicité de Jean Boutan
Rue de Sèvres 2021

La jalousie d’Héra et autres histoires amusantes

Par Michel Driol

Héra, Métis, Séléné, Lamia, Alcmène… On ne compte plus les « conquêtes féminines » de Zeus. Sous forme de bande dessinée, cet album en présente une dizaine, en mettant l’accent sur la façon dont Héra se venge de ses « rivales » et de leur descendance.

Ce sont des dieux et des déesses de la mythologie grecque dont il est question ici, et pourtant l’album met bien en évidence leur comportement dans ce qu’il a de plus humain. D’un côté, la volonté de séduire, conquérir plutôt, suivre ses désirs sans limitation, de l’autre le sentiment de trahison et le besoin irrépressible de se venger. Avec une grande légèreté de ton, et un humour souvent décalé, l’album permet au lecteur contemporain de découvrir ou redécouvrir quelques-uns des grands mythes de l’Antiquité. Chaque épisode est simplifié, et traité en une quarantaine de vignettes expressives, dans lesquelles les personnages parlent  (ou commentent l’action) une langue familière très contemporaine.

A l’heure de Me Too, de « Balance ton porc », peut-on avoir le même regard sur Zeus, premier prédateur sexuel ? Faut-il chercher des circonstances atténuantes dans sa famille : tout commence par son père Cronos, qui mange ses enfants, et dont Zeus veut se venger, continue par le viol de sa mère Rhea, puis l’inceste avec  sa sœur Héra. Tout cela est raconté dans une langue simple, permettant au lecteur de prendre conscience de la monstruosité des personnages évoqués. On apprécie que le mot « viol » soit utilisé, sans que les aventures sexuelles de Zeus ne soient édulcorées. De la même façon, l’image n’hésite pas à montrer, avec décence toutefois, les relations sexuelles et l’horreur des meurtres.  Ces mises à distance, par l’image, le ton, le vocabulaire, permettent au lecteur de mesurer ce qu’il y a d’humain dans ces histoires divines, mais aussi, sans doute, de relire ces mythes au regard de notre actualité.

Un ouvrage plein d’humour et d’allant, à réserver sans doute aux plus grands, pour mieux questionner nos rapports avec les mythes fondateurs.

Le Poil de Baribal

Le Poil de Baribal
Renée Robitaille, Oleysa Schukina (ill.)
Planète rebelle, 2020

Tours et retours du conte

Par Anne-Marie Mercier

La maison d’édition Planète rebelle existe depuis 1997. Fondée au Québec par un conteur, André Lemelin, elle se consacrait au renouveau du conte et à l’oralité ; cette mission se poursuit aujourd’hui, avec l’éditrice Marie Fleurette Beaudoin qui a jouté à son catalogue des collections destinées aux plus jeunes et a invité la jeune conteuse Renée Robitaille à livrer en livre et en CD un conte truculent, fantaisiste et militant (féministe).

Il démarre au quart de tour avec une scène inattendue en littérature de jeunesse : un baiser entre deux inconnus, qui dure à l’excès. Puis c’est la femme qui demande à l’homme non pas de l’épouser mais de lui faire un enfant, sur quoi il s’endort profondément et ce sommeil dure à l’excès…
« La femme » (on ne saura pas son nom) va voir une sorcière qui l’envoie accomplir un exploit pour réveiller l’homme endormi : arracher un poil de l’oreille de Baribal, terrible ours noir. Il s’ensuit de multiples tentatives ingénieuses, de plus en plus dangereuses, extravagantes et drôles, au bout desquelles la femme revient victorieuse et va voir la sorcière pour réveiller le bel endormi.
Or, comme chacun le sait, dans les contes modernes, les sorcières n’ont pas de vrai pouvoir magique… Alors, que va-t-il se passer ? « La femme » arrivera-t-elle à se faire faire un enfant par « son homme » ? Tout cela vous sera raconté, en texte, en images (très parlantes elles aussi) et en CD.
Pour écouter l’histoire et entendre la conteuse R. Robitaille

 

 

La Baignade

La Baignade
Emilia Lydia Squillari
Grasset jeunesse, 2021

Plouf !

Par Anne-Marie Mercier

Dans cet album, tout le monde peut être ami : l’oie Odile partage sa vie avec Charlot le chat, mais pour aller se baigner à l’étang elle appelle ses copines, Coco le cochon et Pattie le merle (ou le corbeau ?), plus attirées par l’eau. Une fois arrivées, chacune s’adonne à l’un des plaisirs de l’été au bord de l’eau : dormir, trainer ou (pour Odile) se baigner vraiment. Odile croit voir un monstre sous l’eau, cela donne lieu à un peu d’émotion vite dissipée.
L’intérêt de l’intrigue est un peu caché : il réside dans la déception d’Odile qui imaginait une « journée parfaite », ses amies et elles se baignant ensemble alors qu’elle doit jouer seule dans l’eau, les autres ayant choisi de rester sur la plage. La journée ne devient parfaite qu’après la perturbation introduite par le monstre : de quoi réfléchir sur ce que l’on attend de nos amis et des journées parfaites.
Les illustrations sont délicieuses de drôlerie ; ces animaux très anthropomorphisés avec leurs petits maillots de bain ont des expressions passant par toutes les émotions, de l’ennui à l’effroi, de la jubilation à la contrariété. Tous cela est joliment dessiné et mis en couleurs, très frais. Et c’est une agréable évocation des après-midis d’été sous les frênes et les saules et les trajets entre amis à bicyclette.

Un Trésor lourd à porter

Un Trésor lourd à porter
Maxime Derouen
Grasset jeunesse, 2021

Petit trésor

Par Anne-Marie Mercier

Il est rare de trouver une réécriture de contes qui ne tombe pas dans le contre-stéréotype facile ou l’affadissement. Voilà une belle histoire de dragon et de princesse, qui renouvelle les possibles de ce duo sans tomber dans ces travers. Tout d’abord parce que le dragon en question s’ennuie et n’a rien à faire du trésor qu’il doit garder. Ensuite, parce que c’est la princesse qui se présente devant sa grotte, et non un preux chevalier censé venir à bout du monstre (comme le fameux Siegfried qui fera une apparition intéressante et mélancolique à la fin du livre). Enfin, parce que cette princesse est en fuite, porteuse d’un don maudit (héritage détourné du conte de Perrault « Les Fées ») et que sa méchante belle-mère la recherche.
Ajoutons à tout cela les dessins très particuliers de Maxime Derouen, rugueux et doux comme toute l’histoire, les traits bellement animalisés de tous les personnages, la grande fantaisie qui règne dans toute l’histoire, et le ton délicieux du narrateur, le dragon. On découvre ainsi comment les dragons sont élevés, quelles histoires terrifiantes on leur raconte et le conseil donné par toutes les mères : ne jamais au grand jamais croiser la route d’une princesse.
C’est un beau livre sous tous ses aspects, publié dans la collection des « P’tits reliés », « collection unique de romans soignés et très illustrés », et proposant des œuvres originales et attachantes (La Boulangerie de la rue des dimanches, Le Yark, Vladimir et Clémence, Les animaux de l’arche…)