La Grande Fabrique de mots

La Grande Fabrique de mots
Agnès de Lestrade, Valeria Docampo
Alice, 2019

 Cauchemar linguistique

Par Anne-Marie Mercier

Cette édition anniversaire a été réalisée, dix ans après la première publication, sous la forme d’un album au dos toilé rouge, à la couverture en fort carton, comme pour être relu souvent. Et en effet, il faut plusieurs lectures pour s’imprégner de tous les sens de l’histoire et de l’atmosphère empreinte de tristesse des illustrations.
C’est d’ une fable sur le langage : sur ses pouvoirs, sur la manière de l’utiliser, contre les autres ou pour les autres, pour les émotions, ou pour jouer. Les auteures imaginent un pays où les mots sont des objets : on les fabrique, il y a des usines qui les produisent sans cesse, il y en a de beaux et de vilains (« gros mots »), des utiles (« je t’aime ») et des peu utiles (« philodendron »), on peut les acheter en soldes au printemps, parfois ils s’envolent… Ainsi, parler coute cher et seuls quelques privilégiés peuvent faire des phrases complètes.
Philéas aime Cybelle, il aimerait le lui dire mais les mots lui manquent. Il lui offrira les trois mots qu’il a pu attraper : cerise, poussière, chaise. Cybelle comprendra-t-elle ? Heureusement pour Philéas, il n’y a pas que les mots, mais la manière de les dire, le sourire, le regard.
Cet album ne porte donc pas sur les seuls mots, mais sur la communication sous tous ses aspects. Il invite le lecteur à ne pas se laisser intimider par ceux qui semblent posséder plus que lui (de mots, d’argent, d’assurance, d’allure…) mais à laisser parler son cœur. La douceur du propos, qui pourrait sembler un peu mièvre, est contrebalancée par la dureté de la situation, la pauvreté qui semble générale, la déshumanisation des êtres. Le monde semble arrêté dans un temps à la technologie et à l’organisation sociale anciennes (avec des aspects qu évoquent le dix-neuvième siècle). C’est une gigantesque machine à produire, une autre Babel (la figure de la tour apparait) dans laquelle seuls les amoureux peuvent se parler sans recourir aux mots. Les couleurs sombres et les effets de plongée laissent cependant à la fin place au rouge du bonheur.
L’atmosphère est intéressante; le propos sur le langage un peu biaisé par différentes questions : les mots rares sont-ils sans utilité? n’a-t-on pas besoin de mots pour dire ce qu’on ressent? Certes, la question n’est pas uniquement celle de la quantité, de la « richesse » du vocabulaire. Enfin, il s’agit d’un conte et il peut bien contenir une morale et des questions.

 

 

Jesse Owens, le coureur qui défia les nazis

Jesse Owens, le coureur qui défia les nazis
Élise Fontenaille
Rouergue, 2020

Courir, comme si la terre était en feu

Par Anne-Marie Mercier

Certes, Jesse Owens, athlète noir, petit-fils d’esclave, est resté dans l’Histoire pour avoir remporté quatre médailles d’or aux JO de Berlin de 1936 : ces Jeux auraient dû, pour Hitler et Goebbels, être la manifestation de la supériorité de la race aryenne. Mais plus que de l’Allemagne nazie, il est question dans ce livre de l’Amérique de la ségrégation : l’enfance du héros est marquée par les restes de l’esclavage, la peur, le travail, la pauvreté, jusqu’à ce qu’il soit remarqué par un entraineur, se hisse au sommet de la gloire, pour être renvoyé ensuite à sa condition de pauvre : l’Amérique même a eu honte de son champion…
Le récit, bref, sans pathos, est porté par toute l’histoire de ce temps, peu glorieuse des deux côtés de l’océan, par un beau portrait d’homme, simple et volontaire, et par la révélation d’un secret et d’une amitié : un beau chemin à parcourir sans se presser, en méditant chaque épisode, exemplaire.
Et si la réponse à la question posée par Alma (voir chronique précédente) était en partie dans le documentaire?

 

 

Alma

Alma, tome 1 : Le vent se lève
Timothée de Fombelle, François Place (ill.)
Gallimard jeunesse, 2020

L’esclavage et la fiction pour la jeunesse : une impossible rencontre?

Par Anne-Marie Mercier

La parution d’Alma, dont l’héroïne est une jeune africaine au destin marqué par la traite négrière en 1786, a été accompagnée par une polémique : les éditeurs du Royaume uni et des États-Unis renonçaient à le traduire pour le public anglophone. On disait que c’était pour éviter le reproche d’ « appropriation culturelle » de plus en plus mis en avant lorsqu’un auteur blanc écrit l’histoire des noirs. On y reviendra.
Alma est un très beau roman, marqué par le style de Timothée de Fombelle, une belle écriture, une attention aux détails, une inscription dans des paysages souvent beaux. Les illustrations de François Place augmentent encore le plaisir. C’est aussi un roman relativement complexe, tissant le destin de plusieurs personnages : celui d’Alma et de sa famille, vivant dans un petit paradis une existence paisible qui sera brisée par l’irruption d’un cheval venu d’ailleurs, auquel Alma donne le nom de Brouillard. À cause de ce qui apparait comme une belle rencontre, ils seront tous happés par les marchands d’hommes, de manières différentes : Alma parce qu’elle part à la recherche de son petit frère, fugueur d’abord, sur le dos du cheval, et captif ensuite, puis sa mère et son frère, parce que le départ du père, parti pour la même raison, les a laissés sans protection. C’est aussi l’histoire du jeune Joseph Mars, français, enfant trouvé, embarqué comme mousse sur La Belle Amélie, un bateau qui fait route vers les ports négriers. Joseph semble en savoir long sur un trésor qui se trouverait à bord et il œuvre pour quelqu’un d’autre… C’est encore celle d’Amélie de Barsac, fille de l’armateur propriétaire du navire qui porte son nom. Victime d’une sombre machination, elle s’embarque de Bordeaux pour rejoindre la plantation et le navire, armé par son père, afin de récupérer sa fortune, du moins ce qu’il en reste. C’est aussi l’histoire de multiples personnages rencontrés sur  le bateau où, par hasard et sans le savoir, Alma, sa mère et son frère ainé sont enfermés dans des lieux différents : Poussin le charpentier qui semble avoir un secret, Cook le cuisinier, pas très net lui aussi (on pense à l’Ile au trésor), Gardel le cruel capitaine, obsédé par le trésor d’un pirate qu’il croit pouvoir trouver avec l’aide de Joseph…
En résumé, c’est un très beau roman d’aventure, avec une pointe de fantastique (la famille d’Alma a des « pouvoirs »), et non un roman sur l’esclavage. Si la situation cruelle des captifs n’est pas édulcorée, elle ne reste qu’un arrière-plan vite oublié. Alma, avec son arc et ses pouvoirs n’est pas une esclave, ni une enfant ordinaire : il semble que la littérature de jeunesse ne puisse  se passer de héros avec un héritage. Soit ils sont effectivement riches, soit ils le sont par leur hérédité (Harry Potter), ou par un don spécial : ils doivent « briller ».
Donc, traduire Alma aux États-Unis pouvait effectivement poser problème. En outre, pour ceux qui sont sensibles à ce sujet, plus que l’appropriation culturelle, c’est le recours à la fiction qui fait question, comme dans le cas des fictions autour de la Shoah. Rappelons la condamnation du film de Spielberg, « La Liste de Schindler », par Claude Lanzmann : « En voyant La Liste de Schindler, j’ai retrouvé ce que j’avais éprouvé en voyant le feuilleton Holocauste. Transgresser ou trivialiser, ici, c’est pareil : le feuilleton ou le film hollywoodien transgressent parce qu’ils « trivialisent », abolissant ainsi le caractère unique de l’Holocauste » (Claude Lanzmann, « Holocauste : la représentation impossible », Le Monde, 3 mars 1994). Alma trivialise et esthétise (je pense à la scène du chant de la mère d’Alma qui envoute tous les prisonniers) ce qui devrait être de l’ordre de l’irreprésentable.
Enfin, le roman insiste beaucoup sur la responsabilité des Africains eux-mêmes dans la capture et la vente des leurs : toute la première partie porte sur ce sujet. Ce récit est issu, d’après une interview de l’auteur de souvenirs d’une visite, dans son enfance, des ports de la côte de l’Afrique de l’Ouest où se faisaient les tris (proches de la « sélection » des camps) et les embarquements. On comprend que ce partage de responsabilités soit mal venu dans un livre destiné à un public qui ne comprendra pas toujours que le commanditaire du crime est aussi criminel, sinon plus, que son exécutant.
Donc, si Alma est un beau roman, ce n’est pas un roman qui doit être utilisé pour donner à un jeune lecteur une idée sérieuse de l’esclavage et de la responsabilité des Européens d’Europe et d’Amérique, à moins de l’accompagner dans cette réflexion. Au passage, signalons un très beau roman qui se déroule dans l’Amérique pré-abolitionniste et qui a de nombreux points communs avec Alma, intriquant lui aussi histoire de pirates, quête de trésor  et esclavage : Les Trois Vies d’Antoine Anacharsis, d’Alex Cousseau
(Rouergue, 2012)

Pour une réflexion plus large sur la littérature de jeunesse et la difficulté de fictionnaliser les drames de l’histoire, je me permets de renvoyer à deux chapitres d’un ouvrage que j’ai dirigé avec Marion Mas, à paraitre prochainement aux éditions Garnier, Écrire pour la jeunesse, écrire pour les adultes : d’un lectorat à l’autre. L’un, est de Gersende Plissonneau et Florence Pellegrini, « Enfants perchés et jeune fille en fuite, Adam et Thomas et Tsili d’Aharon Appelfeld : deux exemples de la nécessaire fictionnalisation de la Shoah à destination de différents lectorats » (la citation de Lanzmann vient de là), et l’autre est de Pauline Franchini, autour de deux romans de Maryse Condé, Ségou et Chiens fous dans la brousse, qui traitent de l’esclavage.

Enfin, Alma est le premier tome d’une série, on devine que le deuxième nous conduira chez les pirates, qu’on retrouvera le cheval Brouillard (qui fait lui aussi le voyage !) et qu’on verra la belle Amélie (peut-être pas si douce que le laisse croire le nom du navire) affronter le problème des responsabilités, collectives et personnelles… vite, la suite !

Feuilleter sur le site de l’éditeur

 

 

 

 

Les Jeux du Père Castor :  Jeu des familles

Les Jeux du Père Castor :  Jeu des familles
Flammarion jeunesse, 2020

« Dans la famille X (des jeux du Père Castor), je demande Y (les sept familles ­– ou plutôt ici les huit) mais j’aurais pu demander la bataille, le mistigri, la boite à jeux, les puzzles…
Le principe est simple : les cartes sont illustrées avec des personnages des contes les plus célèbres des histoires du Père castor (la poule rousse, le cheval bleu, Michka…). Une carte donne la règle du jeu et c’est parti !

L’originalité ici est que les catégories de personnages ne sont pas familiales comme c’est l’usage (le fils ou la fille, le père ou la mère, etc.) mais catégorielles : on trouve une carte pour le héros, une autre pour son ami ou amie, une pour sa maison, une autre pour son repas, enfin, un objet occupe une autre carte. Les catégories structurelles du conte se retrouvent là en partie et l’on peut imaginer bien d’autres jeux à partir de ces cartes en mélangeant les catégories pour faire de nouvelles histoires. Tout en accompagnant la lecture des contes et leur remémoration, ce pourrait être un bon support pour la « grammaire de l’imagination » telle que l’a présentée Gianni Rodari.

Gordilok

Gordilok
Taï-Marc Le Than, Christine Roussey
De La Martinière jeunesse, 2019

Grrrrrrrr !!!!!

Par Anne-Marie Mercier

oilà un monstre digne de rejoindre les Gruffalo et autres cauchemars de placard : il est vert, il a de très grandes dents acérées qu’il montre à tout bout de champ, il se cache partout : dans les bois, dans le noir, dans la salle de bain, dans la chambre, sous les lits…
L’album joue sur les peurs mais les images sont assez grotesques pour ne pas être effrayantes et l’accumulation des clichés permet de traiter cela avec humour.
Enfin, il propose à quatre reprises au lecteur de dire à voix haute une comptine. Ce côté interactif est bien venu, tout comme la surprise qui vient au milieu de l’histoire : dite un quatre fois, la comptine attire le monstre : ça y est, il nous a repérés…
Mais en dernière page une autre comptine répétée quatre fois permet de faire rentrer le monstre dans son trou. Le lecteur est sollicité et interpellé. Il peut mettre ses peurs à distance, les regarder de haut.
Le nom du monstre est bien trouvé sur le plan phonique, mais il ressemble curieusement au nom de Boucle d’or en anglais (Goldilocks). Étrange rencontre.

Raconte à ta façon

Raconte à ta façon Roule Galette
Raconte à ta façon Le Petit Poucet

Sonia Chaine, Adrien Pichelin
Flammarion jeunesse (« Raconte à ta façon »), 2019

Images en kit à l’appui

Par Anne-Marie Mercier

Ces histoires sont des classique chacune à leur manière (un conte  de Perrault, et une des histoires du Père Castor qui figure dans bien des bibliothèques de classes maternelles). Mais le principe de la collection repose à la fois sur la nouveauté et la familiarité : il vaut mieux que l’enfant ait eu connaissance du texte d’origine, celui de de Natha Caputo, ou de Perrault, avant de se lancer dans l’aventure qui consiste à « raconter à sa façon ».
Les histoires sont résumées en trente-deux étapes qui figurent sur un marque-page, avec la légende des figures : en effet les illustrations fonctionnent avec un nombre limité d’icônes (un rond jaune pour la galette, un rond gris pour le loup ; différents types de triangles pour les personnages du petit Poucet, etc) et un décor très shématique qui dans les deux cas est plus un parcours qu’une image.

C’est très inventif et cela produit des effets de sens intéressants : le rythme des histoires, les répétitions sont ainsi mis en valeur et le support pour la narration est assez dépouillé pour que le narrateur ne se perde pas dans trop de détails.
Dans la même collection, de nombreux autres classiques ont été revisités sous la même forme.

feuilleter Le Petit Poucet
Roule Galette

Le Carnet du dessinateur

Le Carnet du dessinateur
Mohieddine Ellabbad
Le Port a jauni, 2018

Petite leçon sur les images, d’ailleurs et d’ici

Par Anne-Marie Mercier

Mohieddine Ellabbad (1940-2010), illustrateur égyptien célèbre dans le monde arabe, est ici présenté aux lecteurs francophones à travers un album publié dans deux langues, arabe et français. Son Carnet du dessinateur, « autobiographie graphique de ses sources d’inspirations », est, à la manière du « Je me souviens » de Pérec, un parcours à travers les images qu’un habitant du Caire pouvait voir au milieu du XXe siècle : illustrations de livres pour enfants orientaux ou occidentaux, billets de banque, timbres, cartes postales, calligraphies… Sur ce terreau il a  développé un regard critique et une pratique artistique longue sur laquelle il porte un regard amusé et modeste.
L’album, au format allongé et étroit, se lit de droite à gauche (on commence par la « fin »), et les deux versions encadrent les images, de manière variée. Beau livre, imprimé sur papier fort, avec des couleurs éclatantes, il rend justice à un maître. Il nourrit la réflexion sur le pouvoir des images, sur leur circulation, sur la rencontre de cultures populaires ou savantes de mondes que bien des choses oppose, mais que l’amour de la beauté réunit.

Le Port a jauni a publié un autre ouvrage de cet artiste, dans le même format : Petite histoire de la calligraphie arabe, recensé sur lietje par Michel Driol.

 

Kaléidoscopages

Kaléidoscopages
Delphine Perret
Rouergue, 2019

Petite leçon de dessin et de coloriage

Par Anne-Marie Mercier

On dirait un imagier, mais un imagier très dépouillé, proposant de simples traits ou dessins au crayon, parfois coloriés à la va vite, sur fond blanc. A la manière d’un imagier, l’album associe une image à un mot : ainsi, un point, c’est « un point », deux points, c’est « deux points », deux points auxquels on ajoute une parenthèse renversée c’est un visage, une multitude de points évoque… une poule (le picoti-picota, sans doute), ou quelques points disséminés sur le. blanc, le ciel (traces d’oiseaux lointains…). Le tracé d’un ovale, c’est une lettre ou un chiffre, quelques lignes parallèles, ça peut être le sillon d’un champ, une portée…
Plus on avance, plus la poésie et la rêverie s’invitent à ce qui n’est pas un décodage mais une création : comme l’enfant joue avec les objets, les détournant de leur rôle, Delphine Perret explore les possibles des matières et des formes ; elle explore aussi la symbolique des tracés et des couleurs comme la polysémie des mots.
Comme le tableau de Magritte, intitulé « la trahison des images », le petit album de Delphine Perret invite à penser la langue,  les symboles et les icônes. C’est drôle, instructif, stimulant, poétique…

 

Fais ce qu’il te plait !

Fais ce qu’il te plait !
Michel Boucher
Møtus, 2020

À vos crayons !

Par Anne-Marie Mercier

Finir son assiette, ne pas parler, obéir, croire tout ce qu’on nous dit, arrêter de rêver, faire confiance aux adultes, se méfier des étrangers… Tous ces préceptes sont ici retournés pour donner à l’enfant des leçons d’indépendance et de survie et l’inviter à développer son esprit critique.
L’originalité de ce petit livre est qu’il propose en vis-à-vis le précepte traditionnel et son contraire, ou du moins son antidote : la page de droite reprend la phrase donnée en page de gauche, en supprimant certains mots ou mêmes des lettres à l’intérieur de mots, pour lui donner un autre sens. Ce caviardage est fait avec astuce et invite à poursuivre le jeu. Ainsi, « Travaille au lieu de t’amuser si tu veux réussir » devient « va t’amuser » en extrayant le -va- de tra-va-illle.
Bien sûr on peut considérer que c’est un peu facile de dire aux enfants qu’ils peuvent revendiquer d’aller au pays des jouets (celui de Pinocchio) ou à celui des quatre cent mille volontés (d’André Maurois) et de moquer les figures d’autorité en leur donnant des têtes d’animaux, mais on peut répondre à cela qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre à jouer avec les images et les mots et prendre un peu de distance avec l’impératif.

 

 

 

Les Lapins de la pleine lune

Les Lapins de la pleine lune
Camilla Pintonato
Seuil jeunesse, 2019

Au clair de la lune…

Par Anne-Marie Mercier

Chacun sait que dès que les humains dorment il se passe de drôles de choses chez les jouets et chez les animaux. Les « petits » lapins étant à mi-chemin entre le jouet et l’animal, ils jouent doublement bien le rôle d’animateurs des nuits.
L’album, de format carré assez grand, idéal pour y inscrire de nombreux ronds blancs lunaires sur fond bleu de nuit, raconte en plusieurs doubles pages un mystère de pleine lune : ces cinq lapins, « où vont-ils », « que transportent-ils ? » On les suit… L’histoire est contée à travers un texte court en vers de mirlitons, pas plus de deux par page. Les illustrations sont simples, de tonalités sombres (c’est la nuit) avec de vifs contrastes.
Dans un souterrain on découvre un atelier où de nombreux autres lapins s’affairent pour imprimer et découper des invitations que l’on verra ensuite distribuer à divers animaux : « c’est soir de pleine lune, venez ! ». L’attente, scandée par de nombreuses répétitions telles que les enfants les aiment, est comblée par un merveilleux spectacle de lanternes dans la nuit : « Petits lapins tout gris Nous sommes tous éblouis. Juste là, sous nos yeux, la lune brille de mille feux. Autour d’elle dansent les lanternes. Voyez ça comme elles sont belles». Et chacun rentre chez soi : une histoire idéale pour aller dormir ?
L’histoire est simplissime et dure le temps d’une nuit. Elle rassemble divers animaux que les enfants auront plaisir à retrouver. La générosité du spectacle gratuit, pour tous, « vivant », collectif, qui s’appuie sur un simple lever de lune est séduisante, tout comme le rappel de la splendeur de ce spectacle, qui revient tous les mois lunaires, et qu’on oublie trop souvent de contempler.