Cendrillon. Un conte à la mode.

Cendrillon. Un conte à la mode.
Steven Guarnaccia
Helium, 2013

Cendrillon Top model

Par Anne-Marie Mercier

Voilà une Cendrillon moderne ! Lorsqu’elle invoque de l’aide pour aller au bal, c’est un parrain-fée qui apparaît, sous les traits de Karl Lagefeld. Il lui propose le choix entre plusieurs tenues somptueuses (l’une de Yamamoto, l’autre d’Yves-Saint-Laurent…) : elle choisit finalement la robe de Vivienne Westwood. Au bal, les sœurs portent une robe de Gaultier, de Poiret… La pantoufle de verre/vair est une sandale en plastique de Prada (le modèle « cristal ») . Tout cela est fait de manière légère : rien n’est dit dans les pages du récit, ce sont les pages de garde qui donnent l’origine des modèles.
Les images sont dépouillées, le fond blanc mettant en valeur les couleurs, les lignes hardies, les effets d’allongement et les courbes. Tout cela est fort dynamique et enlevé, resserré, sans détail superflu.
Ce n’est pas la première fois que des artistes venus du design ou du graphisme et du dessin de presse innovent dans le domaine des livres pour enfants. Steven Guarnaccia, a publié antérieurement Black-White, une version de « Boucle d’Or » (prix Bologne) et une version des « Trois Petits Cochons » (Helium, 2010).

Qu’est-ce qu’il y a dans ton ventre ?

Qu’est-ce qu’il y a dans ton ventre ?
Sara Trofa, Elis Wilk
Le Diplodocus, 2015

Annonces

Par Anne-Marie Mercier

« Dans mon ventre il y a… » suit une liste de diverses choses, petites d’abord, puis de plus en plus grosses : un grain de terre, un trèfle à quatre feuilles, une luciole… mais ce sont aussi des mouvements, des histoires, des désirs, des sensations…
Tout cela est une réponse à la question posée par une enfant à sa mère, enceinte. Ce sont autant de promesse de vie, d’histoires, de complicités. Les aquarelles aux couleurs acidulées ont des effets de texture qui évoquent la technique des tampons encrés, avec beaucoup de douceur et de subtilité.
Cela dit, on espère que la réponse de cette mère poète pourra être complétée par des informations plus précises : vite, un documentaire !

Si Les pommes avaient des dents

Si les pommes avaient des dents
Milton et Shirley Glaser
adapté par Didier da Silva
Helium, 2017

A croquer et déguster lentement

Par Anne-Marie Mercier

« Si on laissait le choix au truites, elles prendraient certainement la fuite », « Si les oursonnes étaient coquettes, elles s’occuperaient de leur poilette (sic) », « Si les rhinocéros portaient des pulls, ils seraient certainement ridicules »…
Les formules jouent tantôt sur les sonorités des mots, tantôt sur la forme des objets et des animaux. Les plus intéressants sont ceux dans lesquels le rapport entre les éléments n’est pas évident : on cherche, on associe… Les dessins sont absurdes à souhait : la pomme souriante mais un peu inquiétante de la couverture en est un bon exemple.

Une « lecture » active et stimulante,

Dessus dessous. Les animaux

Dessus dessous. Les animaux
Anne-Sophie Baumann, Clémence Dupont
Seuil, 2017

Leçon de « choses »

Par Anne-Marie Mercier

Qu’y a-t-il sous la peau des animaux ?
Des organes vitaux, un appareil digestif, un appareil reproducteur, des curiosités…
Ce qu’une petite encyclopédie pourrait expliquer en quelques pages, cet album le montre en une seule : de grands rabats et de petits « flaps » découvrent le dessous des choses et l’on voit, en parcourant le dessus et le dessous de chaque page à la fois un animal dans un paysage et les détails cachés avec des explications : la poule (qui a trois paupières), l’escargot (qui pond ses œufs par le cou), la vache (qui ne distingue pas le rouge), le serpent et le requin… ils n’ont alors plus de secrets pour nous !

Génération K, t. 2

Génération K, t. 2
Marine Carteron
Rouergue (epik), 2017

Une sauce qui « prend »

Par Anne-Marie Mercier

J’avais un émis des réserves sur le premier volume de cette série, pourtant élu « meilleur roman jeunesse 2016 par la rédaction de Lire (voir ma chronique sur lietje). Si les causes restent (mélange de sujets à la mode, efficacité liée à des techniques narratives plus qu’à l’intérêt que l’on pourrait porter aux personnages, héros parfois caricaturaux…), cette sauce prend mieux dans le deuxième tome où les personnages se font plus nombreux, plus fouillés (même Ka a des moments intéressants, lorsqu’il est question du pouvoir de la musique). Comme ils sont en relation étroite, la narration alternée est encore plus efficace et le suspens permanent.
On retrouve les thématiques du réveil du vampire, des races élues, des « pouvoirs » surnaturels alloués aux héros, d’un complot planétaire organisé par des savants cupides et fous, tout cela dans un déchainement de violence ponctué par des moments musicaux tendance « metal ».
Les précisions qui entourent la stratégie d’un laboratoire pharmaceutique pour vendre (très cher) un vaccin après avoir provoqué une épidémie sont intéressantes et évoquent quelques scandales récents. Ce projet, qui vise par des manipulations génétiques à éliminer 99% de la population mondiale pour ne garder qu’une humanité « triée » (on devine dans quel sens) et par la suite augmentée avec de nouveaux gènes pose la question du transhumanisme aux héros : doivent-ils se soumettre à la volonté des pères pour régner avec eux ou les mettre à mort, quitte à se perdre eux-mêmes, pour sauver l’humanité ordinaire ? Les ados héros, surhommes malgré eux, refusent leur destin de cobayes et sèment la mort autour d’eux : le nouveau Dracula va avoir quelques difficultés! (la suite au tome 3, déjà paru, dont je parlerai très prochainement…).

 

 

 

 

Raconte à ta façon… Le Chat botté, Boucle d’or…

Raconte à ta façon… Le Chat botté, Boucle d’or…
Sonia Chaine, Adrien Pichelin
Flammarion jeunesse, 2017-12-29

Conte en kit

Par Anne-Marie Mercier

Une histoire peut se passer de mots, du moins au début.
On connaît les histoires sans paroles, mais ici on est face à un dispositif qui emprunte à quelques trouvailles graphiques devenues courantes depuis Leo Lionni ou les Pré-livres de Bruno Munari (Les trois ourses). L’originalité de cette collection réside paradoxalement dans son absence d’originalité sur le plan des histoires : il s’agit d’appliquer le principe des formes géométriques à un conte connu. Un marque-page donne la légende des formes.

Dans le cas de « Boucle d’or », c’est très simple : chaque ours est représenté par un rond de même couleur mais de grandeurs différentes, même chose pour les lits et les bols ; il y a une maison stylisée, un triangle doré (façon jupe ?) pour l’héroïne, etc. Et puis beaucoup de vert pour la forêt, avec le trait blanc du chemin qui met en valeur les déplacements. Les passages dans la maison sont en revanche plus complexes, et plus drôles.

Pour « Le Chat botté » qui présente une intrigue plus complexe et des lieux plus variés, le pari est aussi réussi. C’est une belle idée de styliser non seulement les personnages et leurs différents états (ogre en lion ou en souris) mais aussi les lieux (forêt, champ, rivière, château) et les objets (bottes) ou animaux (perdrix).

Les auteurs proposent non seulement de mettre en mots, mais d’imaginer des paysages, émotions, dialogues… et d’ajouter des cris et des bruits, de quoi s’amuser…

 

Ma Planète

Ma Planète
Emmanuelle Houdart
Les Fourmis rouges, 2016

Terrestre, ma planète

Par Anne-Marie Mercier

Emmanuelle Houdart dessine, selon ses propres dires, « du merveilleux et de l’épouvantable » et cet album reflète parfaitement son style : richesses des coloris, subtilité de la ligne, jouissance de l’accumulation, inquiétude née de l’étrange, corps monstrueux, tout cela au service d’une histoire simple qui se prétend sans zone d’ombre, et en a pourtant.

L’histoire est racontée par un petit garçon qui se rêve en extraterrestre échoué sur la planète Terre et recueilli par un couple de terriens, s’ennuyant à l’école, adorant les weekends où avec son ami ils jouent aux super héros… et adorant sa vie. Les petits plaisirs, la beauté des choses et des êtres, font de cet album un éloge de la vie quotidienne, tonique et beau.

C’est quoi être un bon élève ?

C’est quoi être un bon élève ?
Gilles Rapaport, Emmanuelle Cueff, Laurence Salaün
Seuil Jeunesse, 2017

Ce que vous avez toujours voulu savoir sur les bons élèves et les autres

Par Christine Moulin

C’est quoi être un bon élève? Grave question: dès l’abord, le format tout en hauteur de l’album laisse présager que la réponse risque d’être fantaisiste. Eh bien, oui, elle l’est… Quoique…

C’est là une des grandes qualités de ce livre. Les réponses, délivrées par le texte et mises en valeur par la taille de la police de caractères, paraissent (et sont) très raisonnables: pour être un bon élève, quelle surprise! il faut être attentif, se poser des questions, préparer ses affaires, etc. Comme cela serait à la fois instructif et un peu trop sage (pour ne pas dire tout à fait ennuyeux) s’il n’y avait le reste du texte, écrit en plus petit: oui, être bon élève, c’est être attentif… à condition de ne pas oublier ses chaussures, par excès de concentration, sans doute; c’est aussi se poser des questions: « qui est amoureux de qui? qu’est-ce qu’on mange à la cantine ce midi? », par exemple. C’est préparer ses affaires mais une check list canonique comporte-t-elle obligatoirement l’item « cartes Pokémon »? On songe à Serge Bloch qui, lui aussi, connaît bien les enfants, leurs intérêts, leurs craintes, leurs émotions et en rend compte avec gentillesse et humour.
Au texte s’ajoutent des dessins très expressifs, accompagnés de bulles, qui redoublent la lecture d’une manière très réjouissante : on voit le chien reniflant les pieds nus du petit garçon qui a oublié ses chaussures; le même petit garçon demande au maître: « Je la pose où, ma question? dans ma case ou sur le porte-manteau? ». Dans un excès de zèle, il se prépare à se coucher tout habillé, avec son cartable sur le dos! Tout au long de l’album sont ainsi explorées des relations plaisantes entre les illustrations (de Gilles Rapaport, excusez du peu) et le texte.

Mais l’aspect sérieux n’est pas totalement absent: pour être un bon élève, il faut dompter sa peur (et l’illustration montre, bien sûr, un élève habillé en dompteur de cirque!), il ne faut pas craindre de se tromper, etc. Autrement dit, des messages utiles se glissent subrepticement dans un ensemble drôle, parfois irrévérencieux (l’élève qui lève le doigt le met dans le nez du maître!), si bien que rien n’est « bien pensant », lénifiant. Tout est tonique. Les conseils n’éludent pas les difficultés (« Etre un bon élève, c’est PERSEVERER… au moins jusqu’à la récréation) mais la bienveillance, si souvent prônée en ce moment, prend un aspect amusant qui fait des lecteurs des complices attentifs. Il n’est pas jusqu’au respect de la différence qui ne soit traité de façon à la fois impertinente et fort sage: « Et figure-toi que tu n’es pas tout seul à être différent. Les autres aussi sont différents. Eh! oui c’est comme ça, la vie… ». Même le sujet tabou des souffrances des bons élèves dont les parents sont trop exigeants est abordé. On a vraiment l’impression que ce sont les vraies préoccupations des enfants qui ont donné naissance à cet album, si bien que certains thèmes originaux sont évoqués, comme celui de l’ennui ou celui des discussions à table.

Les auteurs nous proposent donc un livre de préceptes moraux, de leçons de vie (bien au-delà de l’école), ce qui semble une entreprise risquée, de nos jours. C’est en fait une vraie réussite, dont on peut parier qu’elle réunira dans un rire décapant adultes et enfants, sans exclure des moments de vraie discussion. Que demander de plus?

Grand Petit Lapin

Grand Petit Lapin
Rascal, Olivier Goka
L’Ecole des loisirs (pastel), 2016

La vie en grand pour les petits

Par Anne-Marie Mercier

Grand lapin a tout en grand : la maison, les carottes, l’expérience… et petit lapin a tout en petit… jusqu’à ce que l’art de la représentation joue des tours. Si le thème, en dehors de la chute, n’a rien de nouveau, il demeure efficace, et le procédé d’illustration surprend : les photos de Bernard Babette montrent des figurines en plastique très colorées et d’allure comique, munies de toute sores d’accessoires (vêtements, chapeaux, outils en tous genres…) pour présenter différentes situations de la vie : jardiner, pêcher, être malade, raconter des histoires, jouer à Tarzan, aux boules de neige … dans un décor du même style. C’est drôle, inventif et tonique, dans un album cartonné pour les tout-petits.