Au secours ! un ogre

Au secours ! un ogre
Au secours ! un loup

Au secours ! une sorcière
Oriane Lallemand, Clément Devaux
Nathan, 2013

Peurs tri-dimensionnelles

Par Yann Leblanc

Ces trois vAu secoursun ogreolumes partent d’un même principe, celui d’un grand album cartonné proposant des tirettes ou autres animations pour faire apparaître des choses qui font peur ou surprennent (le principe du « coucou » enfantin), ou des choses cachées qu’il faut chercher. La dernière page, faisant apparaître en gros plan et en trois dimensions le personnage qui fait peur, incite à fermer le livre et à partir en courant.

Belle idée, graphisme repoussant à souhait, cocasse, qui fera merveille sur les craintifs et les rieurs.

Au secoursunesorcièreAu secoursunloup

 

La Vraie Fausse Histoire du Minotaure

La Vraie Fausse Histoire du Minotaure
Frédéric Laurent
Rêves bleus

Thésée le taiseux

Par Michel Driol

Mise en page 1Tout le monde connait l’histoire de Thésée, du fil d’Ariane et du Minotaure. Frédéric Laurent la revisite avec humour. D’abord en faisant de Thésée un taiseux : ne parlant pas, on le prend pour un étranger, un fou, et on le chasse. A son arrivée en Crète, on lui propose de chasser le Minotaure, et il se tait. Heureusement, d’un seul regard, sans parler, Ariane et lui tombent amoureux, et la fille du roi lui donne une pelote de fil rouge et lui transmet un message écrit. Il rencontre enfin le Minotaure, qui se révèle un être amical, bavard. Il raconte son histoire : affublé d’une tête de taureau, il a été victime de quolibets, et a chargé la foule… De ce fait, on l’a condamné à vivre dans le labyrinthe. Thésée et lui reviennent  chez Minos. Lors du mariage, ils souhaitent que tout miroir soit interdit en Crète.

Voici donc la rencontre de deux antihéros, rejetés l’un comme l’autre par la société, l’un pour ne pas parler (il ne dit qu’un mot dans tout l’album), l’autre pour délit de sale gueule. Deux antihéros que tout semble opposer : le muet et le bavard, le chasseur et la proie, mais qui se révèlent tous deux prisonniers du même labyrinthe aux marges de la civilisation. Le Minotaure n’a plus rien de l’être cruel du mythe, il est devenu, par force, herbivore, et n’a dévoré aucun des prédécesseurs de Thésée. Frédéric Laurent inverse donc complètement la signification du mythe, ne gardant que l’amour et l’intelligence d’Ariane qui permet à Thésée de sortir du labyrinthe.

L’humour se manifeste tant dans le texte que dans l’illustration. Par exemple dans l’allitération qui ouvre l’album « Thésée était taiseux » ou dans le conseil prosaïque d’Ariane « Ne prends pas froid ». L’illustration joue des cadrages (tête de taureau chargeant pleine page) ou du pastiche (le repas de noces est une allusion explicite à la Cène).

Bien sûr à réserver à ceux qui connaissent la vraie ( ? )  histoire du Minotaure et qui pourront apprécier les décalages qu’introduit l’auteur !

Sherlok Holmes et Le Chien des Baskerville

Sherlok Holmes et Le Chien des Baskerville
Richard Unglik, d’après Conan Doyle
Casterman, 2013

Le monde des playmobil en fiction

Par Anne-Marie Mercier

Le Chien des BaskervilleRichard Unglik a développé en plusieurs albums une idée de génie : faire des documentaires ou raconter des histoires avec des playmobil. Utilisant les ressources de ces figurines, de la photographie assistée par ordinateur et d’autres techniques de graphisme, il propose ici une adaptation du roman de Conan Doyle, fidèle par l’atmosphère sombre et inquiétante et originale par ses illustrations, tout à fait réussie : la fameuse lande de l’effroi se développe en une quadruple page saisissante. Mais les petits personnages au sourire identique et permanent mettent l’angoisse à distance et les « my goodness » de Watson résonnent avec humour : les jeunes lecteurs pourront s’y plonger sans cauchemar (on le suppose du moins) et rejouer cette histoire – et d’autres encore avec des playmobil !

http://www.casterman.com/Jeunesse/Auteurs/unglik-richard

Vœux 2015

Tous nos  vœux aux lecteurs et scripteurs de li&je !

 Nous vous souhaitons de belles découvertes, un enthousiasme intact, de beaux partages et de beaux secrets, et que l’année soit pavée de bonnes nouvelles.
– Par exemple celle-ci (est-elle bonne? on en discutera) : à l’exemple de la fête de la musique y aura-t-il à partir de 2015  une  » fête de la littérature jeunesse » ? Voir dans notre page « actualités ».
– Lietje va essayer de vous tenir au courant de ces nouvelles en tenant à jour les pages actualités et espace scientifique (voir l’annonce d’un colloque en Tchéquie).

– La page bibliographie… on y songe : très bientôt une biblio sélective sur le thème de la guerre. Et on fera mieux en 2016 !

Poupoupidours

Poupoupidours
Benjamin Chaud
Helium, 2014

L’art du rebond

Par Anne-Marie Mercier

Depuis UnePoupoupidours Chanson d’ours, on attend avec impatience la prochaine escapade du petit ours de Benjamin Chaud… et on n’est pas déçu ! Poupoupidours est un festival d’inventions, de surprises, une promenade infinie (ou presque) que l’on fait à la suite du petit ours. Il se réveille au début de l’album, par un beau matin de printemps, seul dans la tanière familiale – où sont passés les parents? Nullement inquiet, heureux de partir à l’aventure, après avoir traversé une forêt (très peuplée), un monde souterrain (idem : on y trouve même Alice en train de tomber à la suite du lapin pressé), petit ours arrive dans un cirque où il voit se produire ses parents en équilibristes. Il participe à leur spectacle, et découvre dans les bras de sa maman un ours encore plus petit que lui, Tout petit ours.

Outre le charme des images, pleines de détails facétieux et poétiques, le dispositif d’enchainement des double page est particulièrement réussi : dans chaque page de droite, petit ours se trouve face à un trou qui lui fait apercevoir la double page suivante : trou dans le sol, tuyau de canalisation, rideau, cercle de feu du dompteur, gueule de dragon… petit ours franchit tous les obstacle et passe à travers toutes ces ouvertures, jusqu’à ce qu’il en trouve une trop petite pour qu’il s’y engouffre, « une boite si minuscule que petit ours ne pourrait s’y blottir même s’il le voulait » posée sur le ventre de sa maman. Eh oui, on peut franchir tous les obstacles, mais pas revenir d’où l’on est né… Un autre, plus petit que lui, est installé dans cette « boîte », et en sort pour participer au spectacle de la famille.

Pour voir et entendre, sur vimeo

 

Un maillot de bain une pièce avec des pastèques et des ananas

 Un maillot de bain une pièce avec des pastèques et des ananas
Claire Castillon
L’école des loisirs, coll. Neuf    2014,

 Aïe, je deviens adolescente !

Par Maryse Vuillermet

un maillot de bain  une pièce imageNancy, la narratrice a onze ans, et est folle amoureuse de son père. Elle ne supporte pas que son frère, un adolescent insupportable et violent et sa sœur, une  ado folle amoureuse et hystérique,  et même sa mère qui fait les yeux doux au dentiste,  le fassent souffrir. Elle connait les affres des adultes, elle en discute avec sa meilleure amie. Elle  a peur que ses parents ne se séparent et que sa famille se brise.  D’autant  plus que son père l’emmène en week-end seule, qu’il reçoit de très nombreux messages sur son portable, bref, tout s’écroule autour d’elle et elle voudrait faire quelque chose.

 Et en même temps,  sa meilleure  amie ne s’intéresse qu’aux garçons, pour être comme elle, elle fait semblant elle aussi,  et ensemble, elles préparent leur tenue pour l’été,  (d’où le titre !) été qui n’arrivera que dans six mois !

Bref, un portrait sympathique de préadolescente, qui,  peu à peu, ouvre les yeux, et d’une famille  en légère crise, mais parfois, des images un peu appuyés comme celle des doigts de la main, un peu trop lourdement récurrentes.

Touït Touït

Touït Touït
Olivier Douzou
Editions du Rouergue

Le ver et l’oiseau

Par Michel Driol

touit_touit_mUn ver sort de terre, coiffé d’un haut de forme, et affublé d’un nez. Un oiseau arrive, menaçant,  gigantesque par rapport au ver, qui rentre dans son trou. Entre les deux commence un combat, ponctué de grr, de touït, de pfff… L’oiseau souffle dans le trou du ver, devenant de plus en plus gigantesque à mesure que ses poumons se gonflent. Mais il ne parvient qu’à gonfler encore plus le ver, comme un ballon de baudruche. Et, bien sûr, c’est le minuscule ver, devenu énorme, qui fera peur à l’oiseau et qui l’emportera.

Voici un nouvel album sans texte de la collection Flippe-books du Rouergue (voir Plouf Plouf, de José Parrondo), qui met en scène deux protagonistes qui ne tiennent pas à se dégonfler, au sens propre ici. On retrouve bien sûr, dans cette nouvelle version du combat de David contre Goliath, l’humour, l’absurde, les gags et la chute des comics et des films muets. L’illustration, traitée en bichromie orange et noir, accentue l’expressivité des deux personnages : surprise, colère, perplexité, résolution…

Un album, proche dans l’esprit de certaines fables de La Fontaine,  dont l’humour ne laissera pas indifférents petits et grands…

La Barbe bleue

La Barbe bleue
Charles Perrault, Clémentine Sourdais
Hélium, 2014

Accordéons nos classiques

Par Anne-Marie Mercier

barbebleueheliumLe conte de Barbe bleue est bien connu, et on en a de multiples versions (voir récemment chroniquée, celle de Sophie Tiers publiée au CMDE). Ici, l’originalité n’est pas dans le texte qui reprend fidèlement celui de Perrault, et ce jusqu’à sa moralité en vers, mais dans les images et dans l’objet-livre lui-même. Il s’agit d’un livre accordéon mais aussi découpé, où seul le bleu tranche avec le noir et le blanc, et où le thème de la clef et surtout de la serrure guide bien des étapes, comme il se doit.

Le dessin naïf alterne avec le style du théâtre d’ombres, le tendre avec le cruel, le grotesque avec le poétique, en harmonie avec ce conte qui joue sur plusieurs tableaux et mêle comique et tragique, prosaïque et mythique.

Barbe Bleue

Barbe Bleue
Sophie Tiers, d’après les frères Grimm
CMDE, Dans le ventre de la baleine, 2011

 

Le conte des femmes découpées en morceaux découpé en morceaux

cvt_Barbe-bleue_7792Par Anne-Marie Mercier

Le titre est un peu trompeur et d’ailleurs les pages de faux titres indiquent « Barbe bleue ou presque » : il ne s’agit pas de Barbe bleue mais d’une version sanglante et magnifique, intitulée « L’oiseau d’ourdi » ou « L’oiseau Fitcher ». On trouve les raison de ces deux titres sans l’édition de Natacha Rimasson-Fertin des Contes pour les enfants et la maison (Corti, 2009, 2 vol., t. 1). ; on y trouvera également une version plus proche du Barbe-bleue de Perrault (t. 2).

Le récit commence ainsi : « Il était une fois un maître sorcier qui se donnait l’apparence d’un pauvre et s’en allait mendier de maison en maison pour s’emparer des jolies filles. Nul au monde ne savait où il les emportait, et jamais plus elles ne revenaient de là-bas. »

Sophie Tiers, comme l’indiquent les ciseaux disséminés sur les pages de garde et les soulignements de couleurs sur la page de titre et dans la dernière double page, s’est livrée à un travail étonnant de déconstruction du conte. Elle a choisi quelques mots, d’abord pris dans la première phrase (« Nul, Monde, Emportait, jamais, là-bas ») pour les insérer dans une image elle aussi fragmentaire, rapprochant certains éléments, et ainsi de suite pour chaque étape de l’histoire. Les images sont superbes et inquiétante, composées autour de fragments de corps barbouillés de rouge-sang dans un espace lui aussi déconstruit. Au lecteur de refaire l’histoire, ou d’en inventer une autre… Pour essayer, comme l’héroïne de l’histoire de remettre ensemble les morceaux séparés des corps de ses sœurs.

Magnifique, dérangeant, stimulant, à l’image de Rouge Chaperon petit le, chroniqué sur li&je il y a quelques temps, paru lui aussi au CMDE

Sophie Tiers parle très bien elle-même de son travail, et on trouvera une interview et des images ici.

Le CMDE (collectif des Métiers de l’édition), situé à Toulouse, propose une autre façon de faire des livres, comme on peut le lire sur leur site  : « Faire un livre collectivement, cela signifie avant tout qu’une création, littéraire ou graphique, n’échappe pas à son auteur. Il est, quoiqu’il arrive, au cœur de la mise en livre de son œuvre.
Créer un livre nécessite de faire intervenir d’autres corps de métiers (graphiste, typographe, correcteur, assistant de fabrication…). C’est donc tous ensemble que nous nous interrogeons sur la forme que prendra le livre, ses intentions, ce que nous voulons et devons améliorer…
Ainsi, nous épargnons à l’auteur le « procédé magique » lui faisant découvrir son livre lors de sa sortie. Chaque personne ayant participé au livre a le sentiment légitime qu’il en est aussi l’auteur. Le CMDE est une structure non hiérarchique, qui vise au décloisonnement des métiers les uns des autres. […]

La baleine est hors-genre, elle publie des livres de contes pour enfants… et pour adultes, des livres jeunesse qui moquent cette lubie des adultes, qui cherchent à « adapter » leurs propos aux enfants. Ses conteurs deviennent auteurs puis redeviennent conteurs… La baleine avale toutes les histoires depuis le début du monde, et de son ventre, les écrits, les images, résonnent à nos oreilles.»

Signalons pour les amateurs du conte de Barbe bleue la parution d’une version théâtrale, La Barbe bleue de Ludwig Tieck (1796), suivi des Sept femmes de Barbe bleue , édités par Alain Montandon aux classiques Garnier (2013).

 

 

Appels

Le-livre-de-poche-une-bibliotheque-de-la-jeunesseSur la page « actualités » de li&je, vous trouverez deux appels:
– l’un autour d’un projet de numérisation de textes illustrés et de romans,
– l’autre autour d’une campagne nationale est dédiée à la création                                      pour l’enfance et la jeunesse. Portée par le ministère de la Culture et de la Communication, La Belle Saison avec l’enfance et la jeunesse.

Et le sommaire du nouveau N° des Cahiers Robinson