Oh ! Qu’est-ce que c’est ?

Oh ! Qu’est-ce que c’est ?
Ramadier et Bourgeau
Ecole des loisirs 2021

La chose qui venait du ciel…

Par Michel Driol

Deux chiens, Jack et Georges, tranquillement assis à l’ombre d’un arbre. Et soudain l’arrivée d’une grosse boule tombée du ciel. Et les deux amis de s’interroger sur cet étrange objet, trop mou pour être un rocher, mais boule qui roule et les entraine vers un précipice, qui les sauve en se transformant en parachute, puis en radeau, en couverture, avant de repartir vers le ciel.

Absurde et rebondissement, comique de répétition, voilà un album qui n’engendre pas la mélancolie ! La question du titre, posée à de nombreuses reprises par Georges, attire à chaque fois la même réponse de Jack : Je ne sais pas… Peut-être un…  A la fin de l’album, après de nombreuses péripéties, et transformations de l’objet, on n’en sait pas plus qu’avant, et les deux amis, comme deux personnages de Beckett, dont les rôles sont bien définis, celui qui questionne, celui qui répond, n’auront pas de réponse et continueront d’attendre qu’il se passe quelque chose. Mais quoi ? Illustré sans doute à partir de papiers découpés, avec de grands aplats de couleurs vives et gaies, en doubles pages, l’album donne à voir un monde lumineux, dans lequel s’exprime la curiosité de ces deux amis qui se laissent entrainer par cette chose venue d’ailleurs dans un voyage qui les ramène à leur point de départ. Le plaisir est dans le voyage, dans l’aventure. On ne sait pas ce que c’est, concluent les deux amis, mais c’était merveilleux. N’y a-t-il pas là comme une leçon de vie, une façon de se laisser emporter par ce qui vient sans forcément chercher à le rationnaliser ?

Une histoire pleine d’originalité, de surprises, de péripéties, qui surprendra le lecteur qui s’amusera autant des rebondissements que de l’impassibilité et du flegme des deux chiens dans toutes les situations.

A perte de vie

A perte de vie
Jacques Prévert
Folio Junior Théâtre

Jacques Prévert, ou l’insolence !

Par Michel Driol

apertedevieSous ce titre sont réunies quatre pièces de théâtre de Jacques Prévert. La première, la plus longue,  le Tableau des merveilles, est une adaptation d’un intermède de Cervantès, réalisée par Prévert pour Jean-Louis Barrault en 1935. Une troupe de comédiens s’installe sur la place d’un village, et propose un spectacle que seuls les vertueux pourront voir… C’est l’occasion pour Prévert de concocter une savoureuse satire sociale ! La seconde, Entrées et sorties (Folâtrerie) met en scène une hécatombe dans le salon cossu d’un château. Dans la troisième, En famille, un fils avoue à sa mère qu’il vient d’assassiner son frère, et elle lui avoue avoir elle-même assassiné leur père. Quant à la dernière, A perte de vie, elle fait se succéder, d’une église aux objets trouvés, puis à la fourrière, quelques personnages qui ont perdu la vie, la vue, leur chien…

Voilà du grand Prévert, irrespectueux, insolent et cocasse. Le rire est toujours grinçant, que ce soit le rire face aux prétentions des puissants dans la comédie sociale qu’est le Tableau des merveilles ou face à la mort, qui rôde toujours, au théâtre, entre les pendillons. Le comique nait des situations les plus absurdes qui, par un tour de passepasse langagier, sont acceptées comme normales et allant de soi par les personnages.

Un remarquable cahier de mise en scène, proposé par  Cécile Bouillot, à la fois replace le théâtre de Prévert dans son époque et fait des propositions concrètes pour aborder la mise en scène des quatre textes : personnages, mise en espace, décors, musique…

Un ouvrage qui incite à relire Prévert, toujours aussi moderne !

 

Touït Touït

Touït Touït
Olivier Douzou
Editions du Rouergue

Le ver et l’oiseau

Par Michel Driol

touit_touit_mUn ver sort de terre, coiffé d’un haut de forme, et affublé d’un nez. Un oiseau arrive, menaçant,  gigantesque par rapport au ver, qui rentre dans son trou. Entre les deux commence un combat, ponctué de grr, de touït, de pfff… L’oiseau souffle dans le trou du ver, devenant de plus en plus gigantesque à mesure que ses poumons se gonflent. Mais il ne parvient qu’à gonfler encore plus le ver, comme un ballon de baudruche. Et, bien sûr, c’est le minuscule ver, devenu énorme, qui fera peur à l’oiseau et qui l’emportera.

Voici un nouvel album sans texte de la collection Flippe-books du Rouergue (voir Plouf Plouf, de José Parrondo), qui met en scène deux protagonistes qui ne tiennent pas à se dégonfler, au sens propre ici. On retrouve bien sûr, dans cette nouvelle version du combat de David contre Goliath, l’humour, l’absurde, les gags et la chute des comics et des films muets. L’illustration, traitée en bichromie orange et noir, accentue l’expressivité des deux personnages : surprise, colère, perplexité, résolution…

Un album, proche dans l’esprit de certaines fables de La Fontaine,  dont l’humour ne laissera pas indifférents petits et grands…

waf & waf

Waf & waf
José Parrondo

Editions du Rouergue, 2014

Histoires sans paroles

Par Michel Driol

wafDans cet album sans texte, Waf et Waf sont un bonhomme-chapeau et son chien, dont on suit les aventures absurdes et fantaisistes d’une page à l’autre.

Chaque page est conçue comme un strip de quelques vignettes, tendues vers une chute surprenante  et cocasse souvent, pleine d’humour. Le monde s’y désagrège à loisir, une barrière masquant en fait un paysage  morcelé. Du miroir sort un double avec lequel on prend plaisir à jouer. Certains éléments sont récurrents, comme ce petit train qui circule parfois, abandonnant ses passagers au  pied d’une montagne, lorsqu’on découvre que les rails sont en fait une échelle, ou ce bus, interdit aux chien. Les bandes des passages cloutés deviennent des pièges redoutables. L’auteur – avec, dit-il, la complicité pour certaines pages d’Anne Herbauts – nous livre un univers qui n’obéit qu’à ses propres lois.
Si certaines pages se laissent appréhender facilement, d’autres demandent au lecteur un effort d’observation et de compréhension pour trouver ce qui a été déréglé dans l’univers.

Un album burlesque dans lequel le monde n’arrête pas de se métamorphoser.  Et c’est bien réjouissant !

Amos et les gouttes de pluie/Amos et les pissenlits

Amos et les gouttes de pluie/Amos et les pissenlits
Anne Cortey et Janik Coat

Autrement Jeunesse, 2011

Quand la poésie et l’absurde enfantent un héros attachant

par Sophie Genin

poésie,absurde,sophie geninpoésie,absurde,sophie geninLes deux petits albums, publiés en même temps chez Autrement Jeunesse, sont deux petits bijoux de simplicité et d’émotions.
En effet, ils mettent en scène une espèce de koala bicolore (bleu et rouge) aux yeux jaunes. Sur les couvertures, on le découvre sous son parapluie ou en train de souffler sur des fleurs de pissenlits qui s’envolent alors qu’il est assis sur une oie.
Au fil des images, présentées sous forme d’accordéon, on suit les aventures, toute simples, de ce petit personnage, auquel un jeune enfant s’idenfiera facilement, qui découvre le monde : la pluie et les fleurs de pissenlits pour l’instant, en espérant que d’autres suivront !
Ce « koala » tient un peu du personnage de La Linea, célèbre dessin animé des années 70, pour l’absurde des chutes. Celle de l’opus sur la pluie fait même penser à un tableau de Magritte intitulé « Golconde », mettant en scène une pluie d’hommes coiffés de chapeau melon. Est-ce à dire que ces petits livres ont une portée philosophique, oui, sûrement ! Et, en plus, on trouve même une référence aux oies de Nils olgersson, c’est dire la richesse de ces albums ! N’attendez plus, courrez découvrir ce nouveau héros !