La Papote

La Papote
Yannick Jaulin – illustrations de Samuel Ribeyron
Didier Jeunesse 2015

Une poule aux œufs d’or vendéenne

Par Michel Driol

ob_0abbe5_la-papoteVoilà un conte traditionnel vendéen, mis en mots par Yannick Jaulin. L’histoire de trois sœurs qui vivaient seules. Un jour, au marché, l’une d’elle, Mimosa, achète une papote, une poupée de chiffon, censée faire des crottes en or, si on lui chante une chanson. Ainsi les trois sœurs deviennent riches. Mais le voisin jaloux, vole la papote, qui bien sûr, ne lui donne que des crottes… en crotte, avant de se transformer en monstre. Arrive le roi, et la papote s’accroche à sa jambe. Mimosa, bien sûr, sauve le roi, et, vous l’aviez deviné, l’épouse…

Voilà une histoire sans surprise quant à son déroulement, comme le sont les contes populaires, mais pleine d’enseignements. Une histoire qui montre que le monde  irait bien mieux si on avait, comme Mimosa, le cœur pur et tendre, et la capacité à croire aux histoires, fussent-elles incroyables, et racontées par des marchands. Une histoire qui montre que les méchants, les cupides, sont punis, dans une scène carnavalesque pleine de crottes. Une histoire qui parle d’amour et de cycle des générations, s’ouvrant sur les parents qui avaient arrêté de s’aimer et étaient partis chacun de leur côté, et se terminant sur la renaissance d’un nouveau couple, formé par Mimosa et le roi.

Voilà une histoire contée dans une langue poétique marquée d’oralité, dans ses formules et dans son rythme, une langue qui n’hésite pas à mêler patois vendéen, comptines rimées, et belles trouvailles langagières (l’éclaircie du jour…)

Les illustrations, pleines de douceur, avec une dominante de rouge et de vert,  contribuent à renforcer le merveilleux du conte, et nous entrainent dans un univers atemporel où coexistent  vélos, appareils photos,  et soldats en cotte de maille !

Un bel album, qui saura séduire les plus grands et les plus petits…

 

 

 

 

 

Pauline contre Humbaba et les sorcières amputeuses

Pauline contre Humbaba et les sorcières amputeuses
Sabrina Mullor
L’école des loisirs (Neuf), 2011

Le merveilleux pour apprendre le bonheur

Par Chantal Magne-Ville

Pour apprécier ce roman destiné à des enfants de 9 à 10 ans, il faut accepter d’entrer dans un monde merveilleux un peu surprenant, où Pauline, l’héroïne, découvre grâce aux révélations de sa propre tante, que chacun porte près du cœur un Noyau dur dans lequel de minuscules Porte-Elixir peuvent s’introduire pour lui révéler les beautés du monde. Ces créatures sont perpétuellement menacées par des sorcières amputeuses qui cherchent à se les accaparer sous les ordres de la plus terrible d’entre elles, Humbaba, (nom emprunté à la mythologie mésopotamienne du démon gardien de la forêt où vivent les dieux). Celle-ci vit dans un igloo où sont emprisonnés des milliers de Porte-élixirs aux noms aussi variés que chatoyants, que Pauline n’aura de cesse de libérer.  « Murmure des étoiles », l’élixir qui entre dans le noyau de Pauline fait que les étoiles deviennent ses alliées.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire ce monde d’êtres minuscules et bigarrés, le récit ne tombe jamais dans la mièvrerie ni dans la joliesse, à cause de l’importance des enjeux. La traque perpétuelle menée par Humbaba, à qui la lune sert de loupe, tient le lecteur en haleine, ainsi que ses pouvoirs destructeurs : elle peut faire disparaître le noyau dur de chacun en le fragilisant peu à peu par l’amputation de ses élixirs, au point qu’il ne ressentira plus les beautés du monde. S’agit-il d’une métaphore de l’âge adulte ? Les sorcières amputeuses ne sont rien d’autre que  celles dont le cœur est demeuré blessé par les éclats de leur noyau perdu.

L’intérêt principal de l’histoire réside dans les valeurs défendues, notamment celle de la solidarité et du refus de l’ordre établi, et dans la poésie qui teinte cet univers dans lequel, par exemple, les  Porte-Elixir meurent en formant des aurores boréales, ce qui fait de cette histoire une espèce de métaphore de la vie.