Difficile d’avouer qu’on aime!

Comment (bien)  gérer sa love story
Anne Percin

Rouergue (doAdo ), 2011

 Difficile d’avouer qu’on aime !

par Maryse Vuillermet

  Encore une fois, exactement comme pour Comment bien rater ses vacances, du même auteur en 2010,  au début de ma lecture, j’ai été un peu agacée par un langage « djeun » un peu lassant et qui m’a semblé outré, mais, très vite, j’ai oublié mon agacement pour me laisser entraîner dans les péripéties de ses amitiés avec Kevin, très lourd mais d’un bon sens et d’une loyauté à toute épreuve, de sa rencontre sur Spacebook avec Natacha, des cours particuliers donnés à un aspi (comprendre un enfant souffrant du syndrôme d’Asperger, qui ne supporte aucun contact humain), de ses gouters-crêpes chez la grand-mère, de ses répétitions dans sa cave…

Maxime est encore enfantin, mais  fait l’amour avec Natacha, une étudiante en psychologie plus âgée, c’est un intellectuel, un artiste, il improvise à la guitare et a une immense culture en rock-jazz post-punk, mais il n’est pas sûr de lui, bref un adolescent totalement de son époque,  plein de doutes et de certitudes. Il n’est plus le jeune autiste du précédent roman, mais  pour devenir adulte, il a encore pas mal d’épreuves à traverser, comme la disparition soudaine de Natacha à sa soirée d’anniversaire, son arrestation pour détention de téléphone portable de contrebande…

Le ton est cependant plein d’humour, le franglais, le jargon jeune omniprésents; chaque fois qu’il lui arrive un malheur, son énergie et son humour  le font rebondir: on passe un bon moment de lecture en sa compagnie. 

K-cendres

K-cendres
Antoine Dole
Sarbacane (exprim’), 2011

Fous de musique

par Anne-Marie Mercier

k-cendres.gif   K-cendres est le nom de scène d’Alexandra, rappeuse, mais aussi devineresse à la manière de Cassandre : celle qui prédit des malheurs et ne peut les empêcher. C’est pourtant un roman absolument réaliste dans son cadre et dans ses principaux enjeux. Il décrypte les milieux et stratégies du show-biz, non seulement à travers l’héroïne mais aussi de nombreux personnages : patron de label, attachée de presse, garde du corps, médecin… chacun est caractéristique, aucun n’est caricatural, tous sont humains, trop humains. Au contraire, Alexandra et Marcus, son garde du corps, sont porteurs chacun à sa manière d’une certaine pureté.

Alexandra est à l’image de certains jeunes talents exploités par des firmes, assommés de drogues et terriblement seuls (on évoque dans le livre le modèle d’Amy Winehouse, morte en juillet dernier, à l’âge de 27 ans). Prise entre la folie qui lui a fait passer sa jeunesse enfermée à l’hôpital et la transe qui lui fait trouver des rythmes et des mots, parfois des visions, elle ne vit sa vie que dans la musique.

L’écriture d’Antoine Dole accompagne ce passage en enfer, dit l’excès et le désespoir mais aussi l’amour de la musique et l’énergie de la scène. Il prend parfois un rythme fort, se fait musique. On pourrait parler dans certaines pages de « roman-rap ». C’est un roman poignant, prenant, rythmique, magnifique.

Un Piano sur son dos

Un Piano sur son dos
Claude Clément, Sylvie Serprix

Grasset-Jeunesse, octobre 2010

 Claude Clément et la poésie devient musique

par Sophie Genin

9782246779513.gifClaude Clément a encore frappé et bien ! A nouveau, la musique l’inspire, comme elle le note en dédicace : « A mon compagnon, Serge Delbouis, qui fait vibrer l’âme des pianos, à Geneviève Stahl qui éclaira sa vocation, à Belline pour que résonne son piano intérieur… ».

Ce n’est pas la première fois que la mystère entoure le personnage qu’on voit naître puis grandir, caché sous le piano qu’une vieille dame viendra un temps faire vibrer. Ce n’est pas la première fois que Claude Clément nous propose de suivre un jeune homme dans un conte initiatique. Ce n’est pas la première fois que se dessine une écriture poétique présentant un refrain (« l’enfant rêva que les touches s’enfonçaient, que des petits marteaux frappaient, sur des cordes vibraient et qu’ainsi, le piano tout entier chantait… »). Mais l’amour porté à son compagnon a donné une nouvelle dimension à son écriture, dimension que l’on pourrait qualifier d’amoureuse, et pas seulement pour la belle rencontre avec une jeune fille tout aussi mystérieuse que l’artisan bricoleur d’instrument dont Claude Clément a fait son héros !

S’ajoute à ce très beau texte une illustration envoûtante qui permet au rêve éveillé de l’auteur de prendre littéralement corps sous nos yeux, grâce, en particulier, à l’abondante neige qui vient recouvrir par touches astucieuses la rencontre des deux amoureux et l’envol final du piano. Les contrastes proposés, couleurs chaudes du piano, des personnages et des animaux face au bleu froid récurrent qui prend tout son essor dans la scène de rencontre hivernale, font de chaque page de cet album autant de tableaux qui invitent, tout comme le texte poétique, à un voyage initiatique plus qu’agréable, réconfortant.