Moi le loup et les vacances avec pépé

Moi le loup et les vacances avec pépé
Delphine Perret
Thierry Magnier, 2010

par Frédérique Mattès

 De simples illustrations au trait pour cette B.D pleine de malice, un « road-story », celui de Louis, de son animal de compagnie (le grand méchant loup) et de son pépé. Ils partent tous trois à la mer. C’est gai, léger, sympathique pour dire le bonheur du quotidien, le bonheur tout simple d’être ensemble.

Les heureux parents

Les heureux parents
Laetitia Bourget, Emmanuelle Houdart
Thierry Magnier, 2010

par Frédérique Mattès

Dès le premier regard, on est interpellé par les illustrations si particulières d’Emmanuelle Houdart. C’est très beau mais aussi très troublant. A chaque page, un camaïeu de couleur fortes, de détails surréalistes ; les personnages, visages fermés, toujours de profil, distillent un certains malaise. Ces illustrations sont proches de l’univers de Nikolaus Heidelbach, elles font admirablement écho au texte. Un texte concis, juste, qui interroge. Il pointe la difficulté d’être père ou mère au quotidien : les nuits sans sommeil, la place que chacun doit se trouver … Un bel album qui fera rire les plus jeunes mais qui saura aussi retenir l’attention des parents car il pose des questions essentielles. A offrir malicieusement aux futurs parents ?

Dans la cour de mon école

Dans la cour de mon école
Sylvain Victor
Thierry Magnier, 2009

par Frédérique Mattès

Un album qui aborde les relations entre les élèves dans une classe. Sa forme est particulière :  il se lit recto verso. Une partie narrée par Manu l’autre par Mona, lesquels présentent leurs copains. Au centre du livre, une farandole qui entoure les deux protagonistes qui se disent des mots doux …. Portraits d’enfants,  pleins d’humour qui s’appuient sur le vécu de l’école complété de commentaires personnels, qui résonnent juste : Il y a Gunnel elle est polyglotte. Ce n’est pas une maladie, ça veut dire qu’elle a plusieurs langues parce qu’elle a habité dans plusieurs pays. Des fois, quand elle parle avec sa langue suédoise, ça fait un peu peur aux autres mais moi j’aime bien… C’est un peu « brut » mais intéressant car  les enfants s’y reconnaîtront facilement. On retrouve l’illustration au crayon de couleur de personnages caricaturaux (ils ressemblent  un peu aux Simpson)  de Sac en papier sac en plastique (Ed. Drozophile). Sylvain Victor, un univers à découvrir.

Les tartines au ketcheupe

Les tartines au ketcheupe
Marie-Sabine Roger
Thierry Magnier (réédition, première édition : 2000)

D’un Nicolas l’autre

par Christine Moulin

Le héros-narrateur du petit roman de Marie-Sabine Roger raconte sa vie quotidienne à la maternelle et à la maison. Et ce n’est pas toujours drôle même si cela fait beaucoup rire. Certes, et c’est une limite du genre, il paraît bien lucide pour son âge (il est vrai qu’il lui arrive de dire qu’il ne répond rien parce qu’il n’a pas « tous les mots pour »). N’empêche : le début, surtout, est hilarant. Extrait : « En tout cas, c’est l’heure des mamans du midi […] Les mamans sont garées dans le couloir. La maîtresse se met à la porte. Elle appelle, bien fort, d’une voix minidouce, même pour ceux qui ont été vilains … »Le propos est grave pourtant : le père de Nicolas le regarde plus souvent qu’à son tour « avec des yeux remplis de baffes ». Le petit garçon se crée alors un double, Petitoiseau, qui subit ce qu’il subit ou bien il met en scène sa propre vie au pays des fourmis : « Pif, clac  C’est la fête au fourmisseau ». Mais rien n’est pesant ni larmoyant, on peut faire confiance à Marie-Sabine Roger, qui a su rendre la mort elle-même moins terrible (A la vie à la). Il faut dire qu’elle a une arme redoutable : son humour et son écriture, faite de mots et de tournures inventés, mais si justes qu’on se demande pourquoi ils n’existent pas depuis longtemps : « Ma voix-dedans me réfléchit des choses. L’espliquologue est venu me chercher dans la classe, après la cantine. » C’est que, comme le dit l’auteur elle-même, dans un entretien avec les responsables du site « Citrouille : « Les mots sont des raccourcis pour aller directement à l’émotion, pour être en prise directe. Mais paradoxalement, ils servent également de protection contre des émotions fortes. Ce sont des petits coussins entre le lecteur et le chagrin ou la violence. Si on s’y assied c’est moins dur, si on rebondit c’est drôle. Rire n’empêche pas l’émotion, et l’émotion n’empêche pas le rire. On pleure de rire, on “ pleurigole “ comme dans À la vie, à la… »Les quiproquos aussi sont légion : c’est ainsi que Nicolas se demande longtemps à cause de quelle bêtise le petit oiseau « a pris sa volée » ; écoute avec attention l’histoire du « petit poussé » qui se passe chez des pauvres moucherons… Les non-dits sont poignants : quand Nicolas doit remettre en ordre des images représentant les actions de la journée (un grand classique !), il trouve tout de suite qu’il y a une image-intrus, celle sur laquelle le « petit garçon joue avec son papa »…Si bien que les événements en eux-mêmes n’ont guère d’importance : ils sont à hauteur de petit de maternelle (préparer un repas pour la famille fourmis, par exemple, ou un voyage scolaire au zoo), extrêmement importants, donc. Et terriblement émouvants.
Une interview de Marie-Sabine Roger sur le site « Citrouille » :

Caulfield, sortie interdite

Caulfield, sortie interdite
Harald Rosenloweeg
Thierry Magnier, 2009

Un malaise qui nous vient du froid

par Christine Moulin

En Norvège, un adolescent, Klaus, arrive dans un nouveau collège, où sa mère vient d’être affectée comme conseillère d’éducation. Dès son arrivée, il entend une conversation qu’il ne devrait pas entendre et il rencontre Sturla, qui va très vite mourir, écrasé par un métro. Accident qui va l’obséder et le lancer dans une quête de la vérité mortifère (meurtre ou suicide ?).L’histoire débute par une chute dans le vide, celle-là même que l’on redoute tout au long de l’œuvre qui sert de référence structurante au roman, L’attrape-cœurs de J.-D. Salinger (1953), déjà présente dans le titre qui évoque le nom du héros (Holden Caulfield) de ce roman culte. Mais la référence ne s’arrête pas là.Les similitudes sont nombreuses : la narration, à la première personne, ne livre que le point de vue du narrateur, isolé, et entraîne le lecteur dans un cauchemar qui va crescendo. A la suite du héros, on a l’impression de perdre pied et de vivre une véritable descente aux Enfers (on pense aussi, parfois, à Rome l’Enfer, de Malika Ferdjoukh), pris dans l’enchaînement des rencontres et des évènements.La vision du monde rappelle également celle de Salinger : une ville-labyrinthe sert de cadre aux déambulations du héros ; les adultes et les adolescents sont tous aussi perdus et menacés les uns que les autres ; personne n’est en sécurité ; personne n’aide personne ; aucune valeur n’est assez solide pour assurer la survie des individus. Les relations sont dominées par l’hypocrisie et la machination (« phoniness », fausseté, selon le mot de Salinger). La figure maternelle elle-même n’est pas épargnée, même si les héros des deux romans essayent, maladroitement, de protéger leur mère, de ne pas l’inquiéter, ce qui les précipite plus sûrement dans l’errance et les dangers. L’amour, qui pourrait être synonyme de pureté salvatrice, de repos, (l’amour pour Live, dans Caulfield, pour Jane dans L’attrape-cœurs) semble à la fois décevant et inaccessible : « Tu souhaiterais certainement croire que l’amour est si authentique, si beau et tout et tout… Mais ce n’est qu’un jeu. Et une dose de biologie ». Même l’affection pour une petite sœur (Vilje dans Caulfield, Phoebé dans L’attrape-cœurs) ne peut pas grand-chose… Si bien qu’on en arrive à la tentation du suicide (menée à son terme par un personnage secondaire dans L’attrape-cœurs, point central de l’ « enquête » entreprise par Klaus).Mais l’hommage le plus subtil à Salinger réside dans la construction de la narration : même enchâssement entre un prologue et un épilogue qui donnent toute leur signification aux péripéties intermédiaires ; même accélération du rythme : on commence par un quotidien relativement banal. Certes, les deux héros subissent l’un et l’autre une situation de rupture (renvoi de l’école pour Holden Caulfield, inscription dans un nouveau lycée pour Klaus) pour arriver à être pris dans une suite d’événements de plus en plus perturbants, curieux, dérangeants, présentés pourtant d’une façon linéaire, qui amènent le lecteur à douter de tout, même de la fiabilité du narrateur.Les différences, toutefois, marquent l’originalité de l’écriture de Harold Rosenlow Eeg et peut-être aussi l’écart temporel entre les deux œuvres (plus de cinquante ans). Dans le choix du genre, tout d’abord : d’un roman initiatique, il a fait un thriller, plus désespéré (« sortie interdite », dit le titre) ; c’est d’ailleurs ce que constate Klaus, qui lit le roman préféré de Sturla : « Je commence par la fin, histoire de savoir qui est le meurtrier. Mais l’histoire ne semble pas contenir de meurtre quelconque ». Différences dans les caractéristiques du héros : Klaus est rendu fou, sa fragilité vient de ce qu’il affronte, de la société, de sa situation familiale, du phénomène d’identification avec Sturla, tandis que les failles de Holden Caulfield sont plus intérieures (L’attrape-cœurs débute dans un hôpital psychiatrique). Dans les thèmes : l’homosexualité est plus centrale, l’alcool est remplacé par la drogue, les scènes de sexe plus explicites. Dans le ton : pas trace d’argot. Cette fausse similitude est d’ailleurs annoncée dès l’incipit : les enfants que Holden Caulfield voudrait sauver dans le roman américain sont devenus des flocons de neige dans le roman norvégien (« J’ai soudain l’impression d’apercevoir, tout là-haut, un flocon de neige. Un ticket gagnant. Qui tout en lenteur virevolte vers le bas. Je me figure que je dois absolument le sauver avant qu’il n’atteigne le sol »). La lecture de ce livre obsède, bien après qu’on l’a refermé, à cause du désespoir qui le fonde. Pour la jeunesse, vraiment ?

Un vrai beau cauchemar

La Fois où j’ai eu si peur
Martine Laffond et Fabienne Burckel
Thierry Magnier, 2008

par Anne-Marie Mercier

Une sortie à la fête foraine est interrompue par l’orage. Une fillette suit un garçon plus âgé pour se mettre à l’abri dans une usine désaffectée. Là, le caractère désolé du lieu, les bruits, et les récits du garçons sur ce qui s’y est passé au moment de la fermeture (une attaque de poissons qui se vengent de l’empoisonnement qu’elle produisait), plongent la petite fille dans un état de panique qui lui fait voir toutes sortes de choses.
On ne sait à quel moment la réalité bascule, tout se fait insensiblement, aussi bien au niveau du texte que des images. L’atmosphère inquiétante est d’ailleurs présente dès les premières lignes (cette fête est triste) et demeure même après le retour : un vrai cauchemar subtil, et des illustrations délicieusement inquiétantes.
http://www.editions-thierry-magnier.com

Lettres en rogne

L’abécédaire de la colère
Emanuelle Houdart
Thierry Magnier, 2008

par Anne-Marie Mercier

De Abdomen, Bagarre, Cris, à Koala, Guerre, puis objets, ou zygomatiques, l’exercice de l’abécédaire n’a pas permis une vraie exploration de ce qu’est la colère, de ses effets, de sa maîtrise, mais offre cependant quelques belles fenêtres dont on espère que les psychologues se régaleront.
Un album qui dérange, tant par ses affirmations complexes et pleines de sous-entendus ou au contraire très claires, que par ses images, pas sages du tout. L’utilisation quasi exclusive des diverses nuances du rouge et du brun, les visions infernales et agressives, les insectes et animaux divers qui parcourent les corps et les vêtements provoquent une belle explosion, à l’image de celle des objets qu’on brise et des paroles qu’on hurle. Explosif !