Zita, la fille de l’espace

Zita, la fille de l’espace
Ben Hatke
Traduction (anglais) de Basile Béguerie
L’école des loisirs, 2013

Star wars pour les plus jeunes

Par Anne-Marie Mercier

Zita, fille de l’espaceEn ces temps de Star wars mania, on pourrait proposer aux plus jeunes de se plonger ou replonger dans l’univers de Zita, petite fille embarquée dans une lointaine galaxie, qui délivre son ami Joseph (enfin une fille qui délivre un garçon !) avant de sauver des planètes entières. Elle se fait des amis en chemin, de toutes sortes, monstres mous, robots ronds, machines rouillées…

Elle rencontre aussi des personnages qui évoquent une littérature plus traditionnelle, comme le musicien qui dans le premier volume évoque le joueur de flute de Hamelin. De nombreux thèmes de la science fiction populaire se rencontrent également. Le dessin est simple et expressif, la narration très rythmée, non sans humour. La SF de qualité pour les jeunes enfants est rare, ce roman graphique est une belle réussite. Il a lancé les éditions rue de Sèvres, branche BD de l’école des loisirs.

On en est au tome 3, et on peut la découvrir sur Youtube, en anglais.

La Conquête de l’espace, vol.1 : le château des étoiles

La Conquête de l’espace, vol.1 : le château des étoiles
Alex Alice
rue de Sèvres, 2014

Les espaces infinis

Par Anne-Marie Mercier

lechateaudesetoilesAvec cette bande dessinée qui couvrira plusieurs volumes, les éditions rue de Sèvres (c’est-à-dire la branche bandes dessinées de l’école des loisirs) se lance dans une entreprise qui les hissent à la hauteur des grands: l’objet est tout d’abord superbe, avec une couverture raffinée, à l’ancienne, et une impression sur papier fort qui met en valeur toutes les nuances des dessins aquarellés. La technique du dessin mélange plusieurs styles, ligne « claire », hyperréalisme, crayonnés ; les personnages bénéficient de traitements différents, ce qui introduit une bizarrerie, à laquelle on s’habitue vite, porteuse de signification.

L’histoire ne manque pas non plus d’ambition, mettant en scène la grande histoire en la personne du roi de Bavière Ludwig et sa cousine l’impératrice d’Autriche, connue sous le nom de Sissi. On passe dans des décors somptueux de forêts, de château étrange et labyrinthique, et on s’envole dans de drôles de machines.

Les personnages inventés reprennent des caractéristiques classiques des héros de romans d’aventures : une femme disparue mystérieusement, son mari, un savant quelque peu renfermé mais ferme sur ses principes, un fils courageux et sensible, d’autres enfants, pauvres et hardis, dont une fille, des espions sinistres et sans pitié qui tentent de découvrir le secret emporté par la mère du garçon, et complotent contre le roi, et surtout de merveilleuses machines volantes et un rêve d’aile qui emporte tout.

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Madame Livingstone

Madame Livingstone
Barly Baruti,  Christophe Cassiau-Haurie (Ill.)
Glénat, 2014

Par Edwige Planchin

Madame LivingstoneA peine entré dans le livre, nous comprenons que nous nous immergeons dans un univers complexe, construit, riche et profond. Pendant la première guerre mondiale, un aviateur belge, Gaston Mercier, est chargé de couler, sur le lac Tanganyika, un cuirassé allemand. On lui assigne pour cela un guide énigmatique : un métis en kilt surnommé « Madame Livingstone ». Outre l’intérêt historique (l’exportation jusqu’en Afrique de cette guerre), la rencontre de ces deux hommes dans un conflit qui n’est pas le leur suggère des questionnements philosophiques sur l’identité, l’appartenance à une patrie, la perception de l’autre… On apprécie particulièrement la personnalité fine, intelligente et assumée dans sa singularité du métis, rompant ainsi avec l’image du « noir » dans la BD. Ainsi que l’évolution psychologique de Mercier. Un travail énorme et particulièrement réussi qui provoque avec force du dégoût pour la guerre et l’envie de rencontrer l’autre au-delà de toute forme d’appartenance à un groupe.

Les Trois Mousquetaires

Les Trois Mousquetaires
d’après Alexandre Dumas, dessins Ruskey,
Traduit (anglais) par Sébastien Ludmann
Nobi Nobi, 2014

Au galop des images

Par Anne-Marie Mercier

Que le3mousquetaires nom d’Alexandre Dumas, apparaisse en couverture et que l’auteur des dessins, Russkey, ne soit mentionné qu’en petits caractères au dos, n’est pas la seule bizarrerie de ce volume. Signalons d’abord que Russkey n’existe pas mais désigne, lit-on sur le web, un duo d’illustrateurs, Takanori Aoyama et Masanobu Funato, lequel duo n’est pas très visible sur le net. Mais on se contentera du copyright indiquant que l’ouvrage a bien été publié en anglais au Japon en 2014.

Donc Les Trois Mousquetaires, adaptés en BD pour les japonais et retraduit pour les français… quel voyage ! Et le résultat est de fait très curieux : on retrouve la trame (simplifiée) de l’histoire, les personnages, mais ceux-ci sont traités de façon particulière : si d’Artagnan a l’air d’un héros de manga, avec ses cheveux en pétard, et si la reine a l’air d’une fille de 12 ans sortie d’un dessin animé, les autres sont traités de façon plus réaliste. Quant à l’action, elle montre que Manga et roman populaire ont des choses en commun si on ne prend pas le second trop au sérieux. Les bagarres y sont spectaculaires, presque magiques, les gestes appuyés au point d’en devenir comiques : on pense l’Etroit Mousquetaire de Max Linder (repris dans la scène finale de l’escalier du film de Tarantino, Django unchained), et la faiblesse psychologique des personnages n’est pas un problème. Il reste cependant, une différence majeure : le rapport au temps : le manga expédie rapidement (enfin quelques 200 pages tout de même) cette lecture qui était, dans le texte original, une longue immersion… Epoques différentes; le charme de cette histoire est de se plier à toutes les modes.

Raymond Ah, les parents !

Raymond Ah, les parents !
Romain Gadiou (textes) – Sébastien Tiquet (images et mise en page)
Nathan

Le fils du petit Nicolas

Par Michel Driol

raymondeRaymond a 9 ans.  Un peu enrobé, affublé de grosses lunettes rondes, il mène sa vie d’écolier ordinaire, avec ses deux copains Yvon et Marcello, et son « ennemi », Valerian. A travers sept brèves nouvelles, on découvre les relations avec les autres membres de la famille (les parents, la grand-mère, l’oncle) : du cadeau d’anniversaire de mariage au spectacle de magie, du cinéma à la sortie en forêt, chaque nouvelle repose sur le même principe : d’abord l’opposition du pré-ado Raymond, trouvant nuls ses parents pour leur métier,  leur refus de l’emmener voir un film… jusqu’à la fin où c’est l’amour de la famille qui triomphe, gentiment.

Peut-être un peu trop gentiment, justement. On aimerait parfois un peu plus d’aspérités, un univers un peu moins bisounours… Peut-être aussi la présence de filles de l’âge de Raymond.

Côté qualités, on remarquera d’une part la complicité père-fils et l’amour filial qui triomphent toujours, peut-être à cause de la ressemblance entre la jeunesse de Raymond et celle de son père, dans deux histoires à peu près similaires lorsque l’on retrouve des cassettes vidéo de la jeunesse du père et du fils, et qu’ils partagent la même honte de voir projetées en public des scènes qu’avec le recul ils trouvent humiliantes, ou lorsque l’on retrouve le journal intime du père qui a vécu la même situation (en forêt avec son propre père) et la décrit avec les mêmes mots que son fils. Au fond, les générations se succèdent et rencontrent les mêmes problèmes avec la génération précédente.

Ce roman graphique associe des textes courts, écrits dans une langue simple, à la limite de l’oralité et des images très bande dessinée, dans une mise en page soignée. Cette série sera sans doute un marchepied pour de jeunes lecteurs, qui s’y reconnaitront et verront à quel point il n’est pas simple de grandir et d’apprécier ses parents dans toutes les circonstances de la vie.

Au Pays des lignes

Au Pays des lignes
Victor Hussenot

La Joie de lire (Somnanbule), 2014

Aventures linéaires

Par Anne-Marie Mercier

aupaysdeslignesUn garçon bleu, une fille rouge, un monstre jaune qui s’avère être un garçon jaune… Tous ces personnages évoluent dans un décor de lignes rouges et bleues, tantôt courbes et tantôt droites, tantôt géométriques, tantôt imitant la nature. Ces décors deviennent monochromes lorsqu’après bien des aventures chacun rentre chez soi, retrouve ses parents : on songe à Petit Bleu et petit jaune de Léo Lionni. Entretemps, ils auront vécu des aventures, des amours, des séparations, tout un roman.

Cet album au graphisme très original (uniquement des lignes tracées au crayon à bille sur fond blanc, quelques cases à certaines étapes) reste inclassable : ni roman graphique ni BD, c’est un album sans texte dans lequel l’espace de la page se prête à de multiples traitements qui suggèrent mouvements et durées de façon très efficace.

Loulou, l’incroyable secret

Loulou, l’incroyable secret
Grégoire Solotareff, Jean-Luc Fromental
Rue de sèvres, 2013

Histoire trans-médiatique, histoire mosaïque

Par Anne-Marie Mercier

louloulincroyable secret« D’après le film », oui, c’est clair. Une BD ? pas vraiment : plutôt une suite de vignettes dans lesquelles on a copié des bulles avec des bribes de dialogues savoureux. Certes, tout cela est drôle et on a plaisir à retrouver le couple Tom et Loulou ; c’est plein de jeux de mots pour les « grands » (le « festival de Carne, » la prison de la Loubianka…), mais des vignettes juxtaposées ne font pas une BD, cela manque de dynamique, de liant, d’implicite… Autant aller voir le film, ou relire les albums de Loulou, ou ceux de Jean-Luc Fromental, auteur de la série superbe des 10 p’tits pingouins chez Helium.

D’ailleurs, les amateurs de BD pensent la même chose (voir le blog de planète BD)

Journal d’un dégonflé tome 6 Carrément claustro

Journal d’un dégonflé, tome 6 Carrément claustro
Jeff Kinney (trad.  Nathalie Zimmermann)
Seuil, 2013

Aventures déjantées sous la neige

Par  Maryse Vuillermet

journal d'un dégonflé 6 imageLa verve  ou la veine s’épuisent ! Greg est dans le pétrin, il est accusé d’un acte de vandalisme au collège,  et  il est bloqué  par la neige avec sa  famille dans leur maison mais,  avant ces deux intrigues, une foule d’anecdotes sur la cour du collège, l’attente des cadeaux de Noël et même le père noël (pas très crédible comme préoccupation pour un préadolescent)  nous ennuient un peu. L’auteur a du mal à se renouveler avec un même personnage et un même univers. Bien-sûr, il en profite pour aborder des thèmes de société actuels chez les jeunes, par exemple,  les normes de sécurité concernant les jeux dans les cours et les parcs,  si contraignantes que les adultes enlèvent tous les jeux et que les enfants n‘ont plus rien pour s’amuser. Ou bien les addictions aux jeux vidéos, ceux qui vous proposent un animal  familier virtuel , ou un ami  virtuel,  mais qui exigent des enfants qu’ils paient avec la carte bleue des parents.

En fait, c’est moins drôle !  (Voir sur ce site, la critique plus amène du tome 5)

Thermae Romae

Thermae Romae
Mari Yamazaki
Casterman, 2012

 Plouf !

Par Anne-Marie Mercier

ThermaeromaeOn pouvait espérer beaucoup de ce livre, un Grand prix du manga 2010, une vision de la Rome antique sous une forme qui pouvait la rendre intéressante à de jeunes lecteurs. On aurait dû se méfier en lisant l’argumentaire : « et si le Japon moderne avait influencé la Rome antique ? ». Le résultat est petit.

Un architecte romain, Lucius, en tombant à plusieurs reprises dans l’eau, émerge dans des bains du Japon du XXe siècle. Il en ressort avec de « grandes » idées pour améliorer les thermes romains (idées minimes qui relèvent davantage du gadget ou de la déco plutôt que de l’architecture). La qualité dominante est l’humour : Lucius ne comprend jamais rien à ce qui lui arrive, est nationaliste… comme un japonais, et ses apparitions provoquent des émotions cocasses. A part cela, il est inutile de chercher l’âme romaine : ce sont plutôt des japonais déguisés, et l’unique obsession des bains prêtée à ces personnages finira sans doute par lasser le lecteur français comme il m’a lassée.

Louisette la taupe, mouton circus,

Louisette la taupe, mouton circus,
Bruno Heitz

Casterman, 2007

Le succès d’un mouton

Par Clémentine Marques master MESFC Saint-Etienne

mouton circusEncore une nouvelle bande dessinée de Bruno Heitz où Louisette la taupe emmène le lecteur dans une aventure qui n’est pas de tout repos, pleine de rebondissements et d’anecdotes. En effet Louisette partant profiter de l’air pur de la montagne pour soigner son rhume, se retrouve à travailler dans un cirque allant de village en village, accrochée sous la toison d’un bélier. Sa connaissance des grands classiques tels que les contes de Charles Perrault et les fables de La Fontaine va lui jouer des tours.

Cette bande dessinée très colorée, avec une grande simplicité des dessins, met en avant des références littéraires pointues telles que les contes de Grimm. Ces références seront appréciées par les connaisseurs, tandis que les autres auront envie d’en savoir plus. Cette histoire à l’humour décalé d’une taupe connaissant toutes ces grandes histoires, connait une fin moralisatrice à la manière des Fables de Jean de La Fontaine.