6 Phares

6 Phares
Dominique Ehrard, Anne-Florence Lemasson
Les Grandes Personnes, 2024

Grands mats

Par Anne-Marie Mercier

S’il y a un sujet qui méritait d’avoir son pop-up, c’est bien celui des phares. Cordouan, Chassiron, Les Poulains, Ar-Men, Eckmühl et Les pierres noires, sont ici célébrés et déployés. C’est beau, inventif, et bien informé : chaque double page est accompagnée d’un commentaire donnant les caractéristiques du phare, en données chiffrées (dates, localisation, latitude, longitude, hauteur, portée et surtout feux, chaque phare ayant un éclairage et un rythme particulier).
Chaque phare est aussi implanté dans son sol, tantôt fixe et herbeux, tantôt mouvant et écumant, comme celui des Pierres noire et celui d’Ar-Men flanqué à sa base, en relief, d’un petit bateau de papier relié par un fil au sommet du phare. Délicatesse, précision, grandeur, couleurs vives, verts tendres, bleus océan et noirs d’encre, un régal.

 

 

La Perle

La Perle
Anne-Margot Ramstein & Matthias Arégui
La Partie 2021

Tribulations…

Par Michel Driol

Un enfant pêche une perle au fond de l’océan, et en fait une bague de fortune qu’il offre à son amoureuse. Mais une pie vole la perle puis c’est un chat qui la trouve dans son nid au sommet du mat d’un voilier. La perle va se retrouver vendue à un bijoutier, élément central du diadème d’une reine, volée, naviguant dans les égouts,  au milieu d’un barrage de castors…avant de retourner dans un flacon de sirop d’érable chez le pécheur initial qui reconstitue la bague de fortune.

Cette perle, objet inanimé, connait bien des aventures et un destin fabuleux dans ce récit en randonnée composé uniquement d’images. Pas besoin de texte pour raconter cette odyssée qui, comme celle d’Ulysse, se termine par un retour au pays d’où elle est partie. Les illustrations se veulent particulièrement réalistes, plaçant, le plus souvent, la perle au centre de la page. Elle font voyager le lecteur comme la perle : pays des mers du sud, cabine de voilier, intérieur d’une bijouterie… Scènes de jour, scènes de nuit alternent au gré des péripéties. Palais royal, cabane, maison, décharge, usine : les décors dessinent aussi une géographie mondialisée,  un regard sur notre civilisation. Si le rythme de du récit est enlevé, la fin de l’histoire,  les cheveux blancs, les rides du personnage initial montrent que le temps a passé, celui d’une vie.

Ce récit montre que, sans un seul mot, on peut aborder de nombreuses questions philosophiques. Celle du destin d’abord et du libre arbitre. La perle, objet inanimé, est le jouet des circonstances, passe de main en mains, jusqu’à revenir à son point de départ. Heureux qui, comme Ulysse…  Le hasard décide de son destin, dans une boucle qui, à l’instar de la roue de la fortune, la conduit vers les sommets avant de la faire retomber dans les ordures. Question du temps aussi, et de la fidélité à l’enfance, aux sentiments amoureux éprouvés alors. Les images parallèles du début et de la fin montrent cette permanence des relations au-delà du changement des corps.

Les illustrations, pleines de délicatesse sont bien à l’image des sentiments et de la vie qui y est représentée. Pas de froideur dans cet album dont l’héroïne est pourtant un objet, car on croise des personnages (adultes, enfants) de toutes les classes sociales, des animaux (sauvages, domestiques…) : bref, un véritable microcosme de notre monde.

Celle qui reste, L’Été de la reine bleue, Le Roi des sylphes

Celle qui reste
Rachel Corenblit, Régis Lejonc
Nathan (Court toujours), 2024

L’Été de la reine bleue
Estelle Faye
Nathan (Court toujours), 2024

Le Roi des sylphes
David Bry
Nathan (Court toujours), 2023

Une belle collec’

par Anne-Marie Mercier

Je découvre la collection de romans chez Nathan, «Court toujours», au titre intriguant. Oui, c’est court (pour celui-ci, il est écrit qu’il se lit en moins d’une heure et c’est exact). C’est joli, aussi, avec un format original, allongé, un graphisme travaillé, une esthétique inspirée par le style art nouveau de Charles Rennie Mackintosh (1868-1928) dont s’inspirent les belles couvertures de la série Blackwater de Michael McDowell, chez Monsieur Toussaint Louverture. Quant au contenu, la collection rassemble des auteurs bien connus de la littérature pour adolescent allant du réalisme à la SF dystopique (F. Hinckel, C. Roumiguière, C. Ytak, S. Servant, J. Witek, S. Vidal, T. Scotto, M. Causse, F. Colin, etc. On dirait que Nathan a passé commande à presque tout le monde). Les textes sont tous accompagnés d’une version audio accessible avec un QR code et certains sont aussi en version numérique

Celle qui reste est tiré de l’histoire d’Antigone. Celle-ci est la narratrice, et elle est « celle qui reste » et qui fait face. Elle commence à raconter ce qu’elle a entendu et vu depuis le moment où son père, Œdipe s’est aveuglé jusqu’au moment où elle part avec lui dans son errance en acceptant son destin. Le récit est sobre malgré l’horreur des faits. Chaque « acte » est une pierre de plus dans la dévastation d’une famille. Elle raconte comment elle a découvert son père ensanglanté, et comment celui-ci lui a expliqué son geste . Un autre acte la montre découvrant le corps de sa mère, pendue, un autre lui fait voir la brutalité et l’ambition de ses frères qui causeront ainsi indirectement sa propre mort dans un temps hors du récit, un autre l’oppose à Ismène sa sœur qui ne sait que sangloter. Le dernier est un temps de dévoilement de qui elle est, de ce qu’elle veut être. Après avoir été perdue dans la révélation de son origine, née d’un inceste, elle s’affirme dans sa vérité, se révoltant contre les dieux, « ces déments qui pensent que la vie n’est qu’une tragédie ».
La dignité d’Antigone et celle de son récit trouvent un écho parfait dans les beaux dessins de Régis Lejonc qui tracent des décors et des silhouettes en lignes épurées, comme dans les vases grecs peints,  et les rehaussent avec une palette réduite de blanc, noir et rouge.

 

L’été de la reine bleue se déroule dans un futur peu éloigné dans lequel les conditions de vie en Ile-de-France sont devenues difficiles : le niveau de la mer a englouti les zones côtières (et sans doute la Bretagne et les îles britanniques), les plus fortunés vivent à Paris, sous une coupole transparente qui les protège de la pollution, les autres sont relégués en périphérie, et sont très exposés au contraire ; les enfants souffrant de problèmes pulmonaires sont soit sont soit équipés d’implants, que l’on commence à expérimenter avec des succès variables, soit envoyés en centre de cure à la campagne. C’est ce qui arrive à la narratrice, désespérée d’avoir dû se séparer de son amie Chloé. Elle raconte, et en même temps elle écrit à Chloé, sur son téléphone, de longs messages qui ont du mal à partir, le réseau étant mauvais.
Dans un premier temps, portés par l’écriture fiévreuse de celle dont on ne connait pas le nom, ce qu’on lit est proche des récits d’enfants envoyés au loin en pensionnat : déchirure de l’éloignement, découverte des lieux, brimades, intervention d’une personne providentielle… C’est une fille, Jill, qui la sauve. Elle a son mystère, on la traite de monstre : elle a fait partie des premiers sur lesquels les fameux implants ont été installés. La suite est surprenante et belle, portée par la générosité de Jill et les choix de la narratrice. Nous allons de surprise en surprise, je n’en dirai pas plus.
En peu de pages l’autrice a pu installer un monde dystopique, une micro-société, des liens qui se défont dans le deuil et d’autres qui naissent, et presque un espoir de futurs possibles. La densité du récit n’empêche pas les moments méditatifs, comme les temps de plaisir face à l’océan que la jeune fille découvre, si proche enfin.

Le Roi des sylphes se situe dans le genre de la fantasy, par ses personnages. Il comporte le même nombre de pages mais est beaucoup plus léger – l’auteur abuse des alinéas, ceci explique en partie cela. L’intrigue est simple : la reine des sylphes veut que son fils, adolescent passe son initiation pour abandonner sa part humaine et se préparer à lui succéder. Le garçon ne veut pas, il est amoureux d’une humaine et pour vivre la vie qu’il souhaite il participe au complot qui va causer la fin de son peuple. Peu de surprises, peu d’épaisseur des personnages, on a du mal à s’intéresser à l’adolescent boudeur qui n’a rien compris, les couples peinent à exister, autant celui des deux jeunes gens que celui de la reine et de son ex amante, comme les personnages secondaires. L’ensemble est bien léger, à l’image du vent qui balaie tout dans le monde des sylphes, mais la couverture est superbe.

 

Mon Petit Père Noël

Mon Petit Père Noël
Gabrielle Vincent
Grasset jeunesse, 2024

Bon anniversaire Père Noël !

Par Anne-Marie Mercier

Gabrielle Vincent n’est plus, mais comme le Père Noël elle semble inoxydable. La nouvelle édition de l’une de ses œuvres offre aux enfants d’aujourd’hui un album qui n’a pas pris une ride. Publié par Grasset en novembre 1994, il y a donc tout juste trente ans, avec une couverture légèrement différente, il apparait aujourd’hui comme un beau livre de collection (ou de prix comme autrefois), comme Perce-Neige de Solotareff (voir chronique précédente) avec un dos toilé rouge estampé, comme la couverture, de lettres dorées.
Un 24 décembre, dans l’après midi, alors qu’il fait encore grand jour, un père Noël atterrit en parachute devant les yeux ébahis d’une petite fille, Magali. Le sol est couvert de neige, les arbres dénudés. A Magali qui demande s’il est bien le vrai Père Noël, il répond que non, puisqu’il n’a rien : « pas un jouet, pas un bonbon, pas un cadeau. Je n’ai rien ».
Magali court vers sa maison et revient avec sa poupée préférée, qu’elle lui offre. Le Père Noël repart, enlevé par son parachute vers les airs, la poupée dans ses bras, en promettant de revenir le même jour, à la même heure, au même endroit. Tout est dans le rituel et Magali a acquis un merveilleux cadeau, la promesse d’une rencontre tous les ans, à Noël avec celui qu’elle appelle « mon petit Père Noël ».
Les dessins sont merveilleux de délicatesse, les personnages sont très expressifs, la poupée également, et le décor hivernal est esquissé à la perfection. Enfin, cette histoire de Père Noël avec « rien » fait un contraste heureux avec cette période de trop de tout. Un lien, la promesse d’une attente comblée et c’est tout. Merveilleux, non ?
Mais en réalité, ce n’est pas tout : il reste un très joli livre à ouvrir tous les 24 décembre.

 

 

 

Perce-neige, un conte de Noël

Perce-neige, un conte de Noël
Grégoire Solotareff, Emmanuel Lecaye
L’école des loisirs, 2024

Joyeux Noël !

Par Anne-Marie Mercier

Oh le beau cadeau que nous font les Éditions de l’école des loisirs ! Cela ressemble à un vieux livre d’étrennes, avec sa couverture en fort carton, toilé de rouge et estampé de lettres et de motifs dorés, mais c’est tout neuf et signé d’auteurs bien vivants, dignes représentant de la dynastie Lecaye (Olga la mère, Nadja, Alexis et Grégoire les enfants, et d’autres encore donc).
C’est aussi un vrai conte de noël, avec le père Noël, un traineau, des lutins… Mais comme on est chez les Solotareff – Lecaye, ça déraille : le Père Noël a des frères. Ils sont tous plutôt sévères. Et puis il y a un homme en rouge qui rôde et veut prendre le pouvoir (on rejoue ici l’histoire de Lucifer, disciple en révolte contre le maitre) : Noël risque de ne pas avoir lieu cette année, ni plus jamais… après l’empoisonnement des frères Noël, le vol du traîneau par l’homme en rouge, la révolte et la fuite des lutins, et surtout à cause ce qui les a motivés : le renvoi cruel par les frères de la jeune orpheline réfugiée chez l’un des leurs.
Les nombreuses péripéties et la complexité de l’histoire sont éclaircies par les superbes dessins et les peintures en pleines pages où les rouges flamboient et les bleus sont profonds comme une nuit polaire. Brrr !

Un anniversaire sous la neige

Un anniversaire sous la neige
Chiaki Okada – Kirin Hayashi
Seuil Jeunesse 2024

Un merveilleux gâteau !

Par Michel Driol

Pour l’anniversaire de Michi, qui est né un jour de neige, sa maman lui a acheté un magnifique gâteau, sur lequel  des figurines d’ours et d’écureuil sont à la lisière d’une forêt en meringues. Tandis que sa maman est partie chercher sa grand-mère à la gare, l’ours et l’écureuil s’animent pour entrainer le jeune garçon sur le gâteau, au cœur d’une cabane où les animaux fêtent l’anniversaire de l’ours…

La fête d’anniversaire, le gâteau : voilà un rituel attendu par tant d’enfants qui ne désirent qu’être célébrés en ce jour qui, symboliquement, montre qu’ils ont grandi. Cet album célèbre ce rituel de passage avec poésie et douceur. Douceur des illustrations d’abord, toutes en demi teinte, dans un gris bleuté qui enveloppe tout tandis que des flocons blancs tombent et que des bougies éclairent d’une lumière chaude les visages. Des illustrations pleines de délicatesse qui accompagnent un texte plein de douceur. En reprenant le motif fantastique ou merveilleux des figurines, des jouets qui s’animent et entrainent un enfant dans un univers féérique, l’histoire nous conduit dans un monde où s’estompent les frontières entre le réel et l’imaginaire, sur un gâteau posé symboliquement sur le rebord de la fenêtre, entre le dedans et le dehors, entre la neige réelle et le sucre glace, un lieu de passage qui permet que tout se confonde.

C’est une histoire très japonaise, par les prénoms, par la représentation des visages, mais c’est aussi une histoire universelle qui aborde le grand thème de l’amour, de l’amitié et du partage. Amour que l’on ressent entre tous les membres de la famille, ces trois générations réunies autour du plus jeune. Amitié entre tous les animaux de la forêt réunis pour fêter l’anniversaire d’ours – renvoyant peut-être Michi à sa solitude, lui qui va fêter son anniversaire avec seulement sa maman et sa grand-mère – , partage des jeux et des rires entre humains et animaux dans un univers utopique et magique.

L’album célèbre ce pour particulier avec sensibilité et tendresse, mais aussi en invitant chacun à laisser son imagination lui proposer d’autres mondes possibles, d’autres univers, faits de fraternité, de joie et de plaisirs partagés. Un album pour dire à quel point ce jour est merveilleux !

La Maison des Affreux

La Maison des Affreux
Meritxell Martí- Xavier Salomó
Seuil Jeunesse 2024

Chacun cherche son toit

Par Michel Driol

Réunis à la Taverne L’Egout de vivre, les Affreux (la sorcière, le pirate, la momie, le diable, le vampire…) se plaignent de leurs logements, de leurs voisins… Fort heureusement, Bibi de Larnaque, de l’agence Immo Laid, se fait forte de trouver la maison idéale pour chacun d’eux. Et, de double page en double page, nous découvrons ces maisons de rêve, extérieur d’abord, puis, en soulevant le flap, l’intérieur. Hélas, pas un banquier ne les suit dans leur projet immobilier. Mais la sorcière a la solution : l’enfant ne pourrait-il pas les héberger ? On s’en doute, il accepte avec ravissement, à la condition que ses parents n’en sachent rien !

Faisant suite au Festin  et au Cadeau des Affreux, ce troisième opus en reprend les mêmes personnages, les mêmes principes (des flaps à soulever) et la même chute dans laquelle l’enfant intervient. Sauf que cette fois-ci, ce sont les Affreux qui ont besoin de lui, et non pas lui qui leur joue des tours ou se singularise. Après tout, en trois albums, ils ont appris à se connaitre et à sympathiser ! Cet opus fait preuve de la même force comique que les précédents, et on se plait à observer les multiples aménagements intérieurs destinés à faciliter la vie des occupants, de l’observatoire chez la sorcière – pour vérifier si le ciel est dégagé avant de prendre son balai – aux poufs en cactus pour les visiteurs de la momie.  Le texte, avec malice, commente ce que l’on voit, à la façon d’un agent immobilier vantant les atouts des maisons. Les jeux de mots y sont autant de clins d’yeux à notre monde. C’est plein d’imagination, de fantaisie, et renvoie à une intertextualité discrète : le fantôme de l’Opéra, Hansel et Gretel . Le final est grandiose, qui montre les monstres bien cachés, mais quelque peu bruyants, dans la maison de l’enfant, tout joyeux d’abriter ses amis dont il n’a, visiblement, pas peur !

Un album inventif dont toutes les pages recèlent bien des trésors d’imagination pour jouer à se faire peur !

Adia Kelbara à l’académie des chamans

Adia Kelbara à l’académie des chamans
Isi Hendrix
Traduit (anglais, USA) par Rosalind Elland-Goldsmith
Seuil, 2024

Parcours laborieux

Par Anne-Marie Mercier

Comme c’est souvent le cas, cette série qui évoque les aventures d’un/e apprenti/e sorcier/e passe par bien des clichés. La jeune héroïne est orpheline. Elle est élevée par un oncle et une tante peu compréhensifs qui l’exploitent et l’empêchent de choisir son propre destin. Elle finit par leur échapper, moitié par ruse, moitié par rage, déployant des pouvoirs destructeurs qu’elle ne se connaissait pas et qui l’effraient. Elle se croit alors maudite, habitée par des pouvoirs monstrueux. Partie en apprentissage comme cuisinière à l’école des sorciers, elle cherche quelqu’un qui pourra la guérir.
Les traits d’originalité commencent là : les scènes en cuisines sont intéressantes, l’école est un organisme vivant qui souffre ; elle cache bien des secrets, notamment une bibliothèque où personne ne va (sauf Adia) ; les apprentis chamans ne sont que des enfants de la haute société sans aucun talent ; enfin, le jeune empereur qui va venir visiter l’école est parait-il possédé par un démon ancien que l’on croyait vaincu définitivement. Un sort, à la manière de celui de Cassandre, fait que toute personne qui le dénoncera ne sera jamais crue et déchainera la violence de tous, y compris de ses proches.
Adia souffre du mépris des élèves et se réfugie dans la bibliothèque où, un jour, elle surprend une conversation qui lui révèle le secret de l’empereur. Elle est peu après renvoyée de l’école et c’est dans sa fuite honteuse qu’elle retrouve la déesse venue combattre le vrai démon, une jeune fille qui deviendra son amie, un soldat maladroit qui voudrait bien l’être, etc.
Il y a de l’imagination, un univers cohérent et de belles trouvailles mais c’est malheureusement écrit de façon très lourde. De plus, tout est explicité et l’on a l’impression de lire avec une voix off qui nous explique en continu qui pense quoi et quand et pourquoi. Le récit, malgré toutes ses péripéties se traine et l’on a hâte de voir tous les pouvoirs d’Adia se révéler enfin à cette héroïne décidément un peu simplette pour tourner définitivement la page (mais, il y aura deux autres volumes pour les amateurs).

False Knees : Prises de bec

False Knees : Prises de bec
Joshua Barckman
Traduit (anglais, Canada) par Gaspard Bertrand
Kata, 2023

Humains, trop humains…

Par Anne-Marie Mercier

Joshua Barckman est un bédéiste canadien bien connu par son compte Instagram « False Knees » dans lequel il met en scène des oiseaux et parfois d’autres animaux dans des cases chargées de philosophie et d’humour.
On ne sait quoi admirer le plus : la posture humoristique de l’auteur qui montre des êtres désireux de comprendre ce qui se passe autour d’eux, animés par la curiosité et l’envie d’apprendre, ou tout simplement en quête d’un repas et refusant de se prendre le chou ou de se mouiller (à tous les sens du terme), ou bien la beauté de ses images.
Pas forcément pour les enfants, mais plutôt pour des grands, ou adultes aimant regarder les choses et les gens et l’air du temps avec un peu de distance  et en couleurs.

Détectives Grébor, de père en fille

Détectives Grébor, de père en fille
Yves Grevet et Carole Trébor, Benjamin Chaud

Little Urban, septembre 2024

Enquête dans les années 1980

Par Lidia Filippini

Au début de l’été 1984, l’agence du détective Grébor est au plus mal. L’enquêteur, qui vit seul avec sa fille, a bien du mal à boucler les fins de mois. Heureusement, un coup de fil du célèbre chanteur Franky François va relancer ses affaires. Franky a peur. Quelqu’un s’est introduit chez lui et semble en vouloir à Chantal, sa tortue domestique. Cette enquête dans le milieu du show-business exige la plus grande discrétion. Les suspects sont nombreux et Grébor joue de malchance. Heureusement, il peut compter sur sa fille Ombeline pour le seconder. Aidée de ses amis Karima, Rébecca et Luc, la jeune collégienne va de surprise en surprise jusqu’à découvrir le pot aux roses.
Après leur mémorable collaboration au cours du projet U4, Carole Trébor et Yves Grevet proposent ici un court roman policier écrit à quatre mains sur le mode de l’humour. L’enquête un peu loufoque du détective Grébor (dont le nom est un mélange de celui des deux auteurs) permettra aux plus jeunes de découvrir les invariants du genre (suspects variés, rebondissements, retournement de situation à la fin) sans croiser la moindre goutte de sang.
L’originalité du roman tient sans doute au fait qu’il se déroule dans une époque méconnue des jeunes lecteurs, celle de la naissance – ou peut-être de l’enfance – de leurs parents. L’histoire se passe en effet dans les années 1980. Elle a pour ambition de faire découvrir cette décennie aux plus jeunes – et sans doute aussi de séduire les adultes qui achètent le livre, mais c’est de bonne guerre. La couverture cartonnée sur fond argent évoque un hologramme. On y découvre les deux Grébor. Le père, vêtu d’une chemise à fleurs, porte les cheveux longs. Il semble avoir du mal à sortir de la mode hippie. La fille, elle, pure enfant des années 80, arbore un bandana rouge noué autour du cou, des Converses et un walkman. Tout au long du livre, les illustrations de Benjamin Chaud (qui avait neuf ans en 1984) mettent en lumière des jeux des eighties : un rubik’s cube, des lunettes à obturateurs, des patins à roulettes, autant d’objets probablement inconnus des jeunes lecteurs, mais qui éveilleront de nombreux souvenirs chez leurs parents. À la fin du roman, un glossaire revient sur des termes spécifiques ou des célébrités que les enfants pourraient ne pas connaître : Antenne 2, Columbo, Starsky et Hutch, les cartes Panini… Un roman à lire avec son enfant pour partager avec lui/elle ses propres souvenirs d’enfance.