De cape & de mots

De cape & de mots
Flore Vesco
Didier Jeunesse 2015

Entre le Bossu et Fantômette

Par Michel Driol

decapeSerine, jeune demoiselle noble sue’une famille désargentée, la quitte clandestinement à la mort de son père pour devenir demoiselle de compagnie de la reine. Une reine tyrannique, capricieuse, qui adore humilier et châtier. A la cour, Serine découvre l’étrange comportement du secrétaire du roi, atteint d’une maladie bizarre. Elle découvre aussi de drôles de bourreaux – plus humains que certains des courtisans. Disgraciée, elle se fera passer pour le fou du roi, ce qui lui permet de tout dire, avant d’épouser le fils du roi à l’issue d’un procès mémorable.

Ce roman est un excellent pastiche féminin des romans de cape et d’épée, dans lequel la parole s’avère être une arme redoutable. Le personnage de Serine, à la fois drôle et touchant, incarne avec fougue l’impertinence d’une ado de 17 ans. Elle invente des mots – et comme dans le roi est nu, les puissants font semblant de les connaitre. Elle enquête, découvre un complot, et échoue près du but, faute à une malice du destin. La narration est enjouée, pleine d’humour décalé, et créé un univers carnavalesque dans lequel on se moque des puissants et de leurs travers, en les caricaturant. Le rire, la langue bien pendue, l’irrévérence deviennent alors des armes redoutables pour dire le monde.  Ce royaume imaginaire ressemble finalement, par bien des côtés, à notre société.

Un premier roman qui augure d’une longue carrière, on l’espère pour l’auteure !

Perdu !

Perdu !
Alice Brière-Haquet, Olivier Philiponneau

Éditions MeMo, 2013

Contine

par François Quet

9782352891246FSPerdu ! est un hommage aux contes (en tous cas, à un conte en particulier) qui prend la forme d’une comptine un peu farce. Sept jours pour perdre un petit bonhomme dans les bois ! Ce n’est pas trop grave : il retrouve à chaque fois son chemin, mais ce n’est pas si simple, car quand il sème des fraises des bois, il constate qu’il y en a déjà des tas, et si ce sont des bonbons au miel qu’il laisse sur son chemin, ils ont fondu au soleil au moment de rebrousser chemin. Bref, passons tout de suite à la moralité de cette reprise loufoque d’une situation dramatique : « Que personne ne me dérange ! Je vais relire deux ou trois contes, ça peut servir à l’occasion ! ».

La structure de la comptine est bien présente et à chaque jour, par rimes plus ou moins savantes, correspondent des semailles plus ou moins fantaisistes mais toujours inefficaces… jusqu’aux cailloux blancs du samedi ! Beaucoup d’humour donc dans ce petit texte parodique, qui sans citer le Petit Poucet y fait constamment référence. Les gravures sur bois d’Olivier Philiponneau privilégient chaque jour une couleur (les fraises des bois, les petits pois, les gouttes d’eau, les pièces d’or, les bonbons au miel, …) avant de se retrouver sur l’arc-en-ciel du dimanche.

Sans se moquer (c’est un risque de la parodie : celui de faire le malin aux dépens de ce qu’on parodie), les auteurs font un clin d’œil malin à une vieille histoire (connue ou encore à découvrir pour les plus jeunes lecteurs) à travers une petite musique très personnelle et une imagerie séduisante.

Les Frères moustaches

Les Frères moustaches
Alex Cousseau, Charles Dutertre

Éditions du Rouergue, 2013

Nous sommes tous des Frères Moustaches

par François Quet

9782812605802_1_75Plusieurs mois après l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, il n’est pas inutile de lire ou de relire Les frères Moustaches d’Alex Cousseau et Charles Dutertre. Les frères Moustaches font les pitres, tirent la langue, se moquent des tyrans et des rois guerriers, et si on on leur coupe la langue, continuent de danser et de mimer pour ridiculiser. Les auteurs ont eu la bonne idée de partir d’un trio célèbre en Birmanie pour écrire un hommage à tous les clowns et à tous les satiristes. Les clowns osent tout : faire du mauvais roi un pantin, transformer les murs en théâtre d’ombres, danser, mimer, provoquer des rires fous aux dépens des puissants.

Le texte court en bas de page comme le sous-titrage d’un théâtre de marionnettes en langue étrangère. Il décline les exploits de ses héros, leurs persécutions, leurs constantes résurrections. L’emploi du présent, l’accumulation des actions et leur caractère très général (« On les emprisonne, (…) mais dehors le soleil brille encore ») souligne l’universalité du propos. L’illustration, surtout, fascine. Dutertre invente un monde compliqué, grouillant de personnages mi-orientaux, mi-médiévaux, dotés pour la plupart de gigantesques moustaches. Les chevaux, les chameaux, les éléphants ou les coqs et les animaux cornus voisinent avec des créatures fantastiques. Les aplats de couleurs, hachurés ou tramés, dans les gris ou orangés, l’absence de profondeur et de perspective miment un univers anciens de tapisserie ou de décoration murale. Les trois héros, toujours beaucoup plus grands que les autres personnages, pourraient être les marionnettistes de ce théâtre de fantaisie. Bref, rien dans l’image ne vient alourdir la gravité du sujet. Bien au contraire, cet éloge de la satire prend l’allure d’une fresque épique, grouillante et généreuse, portée par le sourire d’un artiste complice de ses personnages.

 

Jonas Le requin mécanique

Jonas Le requin mécanique
Bertrand Santini – Illustration de Paul Mager
Grasset Jeunesse 2014

Freaks mécaniques au cœur tendre

Par Michel Driol

jonas-1couvVieux robot rouillé allant de panne en panne, Jonas, le requin mécanique, n’effraye plus personne à Monsterland, parc d’attraction où le public vient jouer à se faire peur. Promis à la casse, il est sauvé par Krokzilla, qui l’emmène à l’océan, en y laissant sa propre vie. Jonas devient alors l’ami improbable d’un manchot. Tous les deux, ils échappent aux hommes qui tentent de capturer le requin, et réalisent le rêve le plus cher de Jonas, retrouver sa maman, grâce à la Fée bleue.

Clin d’œil aux Dents de la mer, ce roman se situe aussi dans la lignée de Pinocchio, en alliant le merveilleux et l’humour. Robots, animaux et humains sont des caricatures : comme chez Roald Dahl, les plus monstrueux physiquement ne sont ni les plus bêtes, ni les plus méchants. La naïveté et l’ingénuité du requin, qui découvre le monde réel et sa vraie cruauté permettent un regard décalé et amusant sur le monde qui nous entoure. Et, au fond, c’est l’amour et l’amitié qui vont permettre à ce grand sentimental en métal de connaitre une vraie naissance. Les illustrations de Paul Mager, dans un beau noir et blanc, accentuent encore le côté caricatural des personnages.

Un conte moderne, distrayant et drôle, qui sait aussi faire place à la tendresse et à l’émotion.

 

La Cerise sur le gâteau

La Cerise sur le gâteau – Histoires des Jean-Quelque-Chose
Jean-Philippe Arrou-Vignod
Gallimard Jeunesse

Back to the early seventies !

Par Michel Driol

ceriseAprès L’Omelette au sucre, Le Camembert Volant, La Soupe de poissons rouges et Des vacances en chocolat, voici le cinquième opus de la série des Jean-Quelque-Chose, une famille de six garçons, tous prénommés de Jean-A à Jean-F. Famille de médecin, à Toulon, en ce début des années 70 (date de sortie de Les diamants sont éternels), où on lit encore Spirou et le Club des Cinq, où on regarde Chapeau melon et bottes de cuir. Chronique familiale, sous la férule d’un père qui menace d’envoyer tout le monde aux enfants de troupe, tandis qu’arrive l’adolescence de l’ainé, et la rencontre des deux plus grands avec les filles. Car, à l’époque, la mixité fait juste son apparition dans notre système éducatif. Le narrateur – le second de la fratrie – observe non sans ironie le rêve de son grand frère de devenir idole des jeunes, alors que lui-même se voit en futur agent secret. Première guitare, pantalons patte d’eph, première boum, messe du dimanche et initiation sexuelle au restaurant… tout cela a un côté nostalgique et retro, permettant de mesurer à quel point la société a changé, en particulier sur le plan de la place et de la vision des femmes (par le père, en particulier)…

Cette chronique – dans laquelle on retrouve des éléments très autobiographiques – favorisera une lecture distanciée par jeunes lecteurs actuels, qui y trouveront, un peu comme dans Avant la télé, d’Yvan Pommaux, des traces d’un mode de vie qui n’est plus. Ils y apprécieront peut-être aussi, en particulier dans la dernière scène, ce qu’est une famille unie, loin des consoles de jeu qui individualisent, autour d’un baby-foot.

Familles nombreuses, je vous aime, même si c’est difficile d’y trouver sa place !

 

A bas les bisous

A bas les bisous
Thomas Gornet – Illustrations Aurore Petit
Rouergue

Embrassez qui vous voulez ?

Par Michel Driol

abasKaï, du haut de ses 9 ans, décide que, pour passer du côté des grands, il ne veut plus de bisous. Il va serrer des mains. Ses parents tentent de discuter avec lui. Rien n’y fait. Jusqu’à la rencontre d’un nouvel élève, Pascal, endeuillé par le décès de son grand-père.

Ce roman rythmé – à la fois roman familial et roman de cour d’école – aborde le thème de l’amour, de l’affection et de leurs manifestations à partir de la position extrême de Kaï. Pour lui, les bisous, c’est mouillé, et c’est peut-être bon pour consoler les bébés, pas les grands. Il pense pouvoir s’en passer. Il n’en voit pas tous les aspects : consolateurs, marques d’affection, rassurants, tant qu’il n’est pas confronté à la douleur de Pascal, à ses pleurs, et à sa recherche d’un baiser désormais impossible de son grand-père. Cette fin évite le cliché un peu convenu du premier amour qui donnerait le gout des baisers, et met en lumière, au contraire, le rôle de la tendresse et de la fraternité, même si elles s’expriment de façon pudique et maladroite, sans qu’il soit besoin de mots – difficiles à trouver à cet âge. Le héros-narrateur, attachant, confronté à des sentiments complexes, va ainsi comprendre que grandir, ce n’est pas renoncer à ce qu’on était avant.

Les illustrations soulignent avec discrétion le texte sans en prendre la place.

Un roman qui, avec une grande simplicité, montre un personnage touchant, pris entre jeux de cour de récré marqués par la science-fiction de pacotille  (pelleteuse nucléaire et ondes à haute tension) et sentiments humains, trop humains…

 

 

 

 

L’invité surprise

L’invité surprise
Géraldine Barbe
Rouergue

Devine qui vient à ton anniversaire, maman !

Par Michel Driol

inviteEtre fils d’une famille « normale », avec une sœur gothique, et des parents profs, ce n’est pas le fun pour Louis, Certes, il y a de bons côtés, comme les vacances au ski. Mais la visite d’expos, l’écoute de chanteurs aussi ringards que Jo Dassin ou Benjamin Biolay, et la télévision parcimonieuse, c’est trop ! Surtout quand, dans la classe, d’autres sont nés au Vietnam, ou ont une mère brésilienne. Ce sont surtout les enfants de divorcés que Louis envie :  deux familles, de nouveaux frères et sœurs, une nouvelle vie, plus de libertés… Une seule solution : faire en sorte que ses parents divorcent. Et Louis va tout faire pour que ce plan diabolique s’exécute… jusqu’à inviter Benjamin Biolay, ex-camarade de classe de sa mère, pour son anniversaire !

Voilà un premier roman avec un angle original : d’habitude, le divorce en littérature jeunesse est surtout vu comme une épreuve, la famille unie restant le modèle. L’auteure montre un jeune garçon en passe de perdre ses repères en souhaitant que ses parents divorcent, tout en continuant de s’aimer : Qu’est-ce que s’aimer ? La routine est-elle à l’opposé de l’amour ? Où est le bonheur ? Avec humour, ce récit à la première personne – le narrateur est, bien sûr, Louis – montre les désarrois du héros, sa naïveté et sa bonne foi, sa rouerie dans l’invention d’un plan étonnant que ne renierait pas Marivaux pour faire en sorte que ses parents tombent amoureux chacun d’une autre personne. La morale – en grande partie énoncée par Benjamin Biolay, guest star de cet ouvrage – est une leçon de sagesse et permet au héros de grandir et de comprendre un peu de la complexité des sentiments et du monde des adultes.

Un roman léger et drôle, qui ne manquera pas de conduire ses lecteurs à se questionner…

 

 

Le Loup à la bonne odeur de chocolat

Le Loup à la bonne odeur de chocolat
Paule Battault / Maud Legrand
L’élan vert

Doukipudonktan

Par Michel Driol

Loup odeur chocolat-COV-GC2.inddLoulou, petit loup, sent bon le chocolat… mais tout le monde se moque de lui. Alors, pour effacer cette odeur, il se roule dans un ruisseau bien pollué, dans la boue et dans du cambouis. Ayant repris confiance en lui, il croque quelques animaux. Mais cette nouvelle odeur pestilentielle attire à nouveau les moqueries, et Loulou déprime jusqu’à ce qu’un oiseau lui révèle qu’il sent mauvais. Alors Loulou prend un bon bain et se décide à assumer son odeur de chocolat.

Sur des sujets graves – estime de soi, regard des autres, différence, odeurs corporelles, hygiène et pollutions diverses de la nature, les auteures réalisent un album léger et plein d’humour. Humour du texte, Loulou passant pour un loup de Pâques, l’oiseau s’exclamant « Tu pues, toi »… Humour aussi du texte qui n’hésite pas à s’adresser au lecteur, avec le retour des « Oh non ! Que fait Loulou ? ». Humour des illustrations : même les lapins du papier peint de la chambre de Loulou s’éloignent de lui, Loulou est sans arrêt représenté entouré de carrés de chocolat ou de taches de couleur signifiant sa mauvaise odeur… Légèreté du personnage de Loulou, loup sympathique et naïf, cherchant à s’intégrer, ne comprenant pas ce qui lui arrive, comique malgré lui avec son arête de poisson mort sur la tête…

Un album qui invite tout simplement à s’accepter soi-même, et à accepter les autres, quels que soient leurs bruits et leurs odeurs…

 

Les affreusement sombres histoires de Sinistreville

Les affreusement sombres histoires de Sinistreville
Hubert très très méchant
Christopher William Hill
Flammarion

Fais aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse.

Par Michel Driol

sinistrevilleSinisitreville… rien que le nom fait frémir ! Sur le plan de la ville, à l’ouverture du roman, on relève l’Allée de l’Empoisonneur ou la maison de redressement pour enfants inadaptés… Hubert a la chance d’être admis à l’Institut tant convoité, dont les méthodes d’éducation semblent sorties d’un roman de Dickens… Alors qu’il est brillant élève, le directeur, par brimade, l’accuse de tricherie, lui interdit d’avoir le violon de prestige, et le renvoie. Du coup, toute la famille entre en dépression, car elle est chassée de son logis et de son emploi par le tout puissant Institut. Cela suffit pour déclencher une envie de vengeance chez Hubert, qui ligote un des professeurs… lequel sera retrouvé mort quelques jours plus tard. Puis Hubert décide de supprimer, par des méthodes de plus en plus sophistiquées, les autres professeurs, avant d’être capturé par la trahison de la seule fille sympathique…

Le décor décrit est particulièrement  sinistre : on y travaille dans des usines de colle pestilentielles,  Les officiers aimés par la gouvernante sont tous morts tragiquement,  on boit de la bière tiède…, et le cimetière est bien sûr un des hauts lieux du roman.  Hubert trouve du travail chez un volailler et y apprend à tuer les poulets… Bref, on assiste à un summum du sombre, du glauque et du gothique, dans la lignée de certains romans ou dessins animés qui peignent aussi un univers sans gaité. Mais le tout est raconté avec un humour particulier, noir et grinçant.

Certes, mais faire d’un enfant de douze ans un meurtrier  ingénieux, sans remords, cela pose problème. Les professeurs de l’Institut, à l’exception d’un qui se fait renvoyer, sont certes des notables tout puissants, usant de leur pouvoir pour terroriser et martyriser les enfants qui leur sont confiés. Mais est-ce suffisant pour justifier le désir de vengeance personnelle à travers des meurtres perpétrés de sang-froid, avec préméditation, et un certain sadisme ? La question morale mériterait au moins d’être posée. Le personnage féminin d’Isabella s’avoue à la fin tout aussi amoral que celui d’Hubert, pour avoir le violon en sa possession. Seul le professeur Lomm et, dans une moindre mesure, les parents d’Hubert apparaissent comme positifs.

L’imaginaire, la légèreté du ton, l’humour, permettent-ils de subvertir les valeurs ?

 

Princesse Lulu et monsieur Nonosse

Princesse Lulu et monsieur Nonosse
Piret Raud

Traduit (estonien) par Jean-Pascal Ollivry
Rouergue, 2014

Le secret de mon père

par François Quet

6049 Quel livre sympathique, inattendu et drôle ! Tout commence par la rencontre entre Lulu, la petite princesse d’un royaume ordinaire (comme il y en a des dizaines sans doute dans la littérature pour la jeunesse) et de M. Nonosse, un squelette habituellement installé dans le placard du roi, où il surveille scrupuleusement le coffret que lui a confié le souverain.

Que se passe-t-il ensuite ? D’abord (et surtout) un véritable roman d’aventure, avec des disparitions, des enlèvements et des séquestrations, une enquête policière, des quiproquo et des méprises qui pourraient être fatales, des masques et des travestis, des poursuites, des évasions et pour finir des arrestations. Bref, le lecteur est tenu en haleine pendant un peu plus de 200 pages et s’il a hâte de connaître la fin de l’histoire, il ne peut que la voir arriver avec tristesse. On n’a vraiment pas envie que le livre s’arrête. Ce n’est pas une mince qualité que de savoir raconter ainsi, pour de jeunes enfants, un récit aussi échevelé.

Mais comme le titre le suggère (et comme la couverture l’annonce également), les aventures de la Princesse Lulu et de son compère le squelette, si prenantes soient-elles, sont tout à fait extravagantes, c’est-à-dire qu’elles nous éloignent de notre univers raisonnable et nous invitent au contraire à divaguer dans un monde aussi improbable que farfelu. Un squelette n’est pas un fantôme, c’est un squelette, quoi de plus naturel ?.  Déguisé en femme, le visage ceint de bandelettes comme celles de l’homme invisible et les yeux cachés par une voilette, l’anomalie de sa présence en ville passerait presque inaperçue, si un chien amateur de tibia ne croisait son chemin, et les deux héros ne se sortiraient pas du piège dans lequel un clochard irascible les a fait tomber, si une arête de poisson, courageuse et obstinée, n’entrait pas en scène. On voit que j’ai du mal à rendre compte d’une intrigue assez peu cartésienne ! Il serait certainement plus facile de parler de l’univers très ordonné du palais royal où Lulu aurait pu continuer à exister sagement, normalement, avec Madame la reine, sa gouvernante Mlle Jacinthe, les gardes et les repas à heures fixes. Seulement voilà, il a suffi d’un tube de dentifrice à l’oignon pour qu’on sorte des cadres établis et qu’un vent de folie souffle sur le royaume.

Reste à parler du secret du roi, celui sur lequel veille M. Nonosse et que je ne trahirai pas ici. Tout au long de ma lecture, j’ai bien cru qu’il s’agissait d’un Mac Guffin, un de ces prétextes mobilisés par Hichcock pour inspirer des actions trépidantes, un prétexte dont tout le monde se moque, parce qu’au fond et au bout du compte, il n’a pas vraiment d’intérêt : seuls comptent les événements qu’il suscite et peu importe ce que contient la boite à secrets, perdue, recherchée, et retrouvée après de multiples rebondissements. Eh bien, non ! Le secret du roi est très important et le découvrir va changer la vie de Lulu, changer la vie du royaume, changer le regard des sujets sur leur roi, et changer le regard d’une enfant sur son père.

Bref, il y a trois bonnes raisons d’aimer ce livre : il est passionnant, il est plein de fantaisie, et très, très loin d’être gratuit ou innocent.

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