Des mots en fleurs

Des mots en fleurs
Marie Colot & Karolien Vanderstappen
Cotcotcot éditions 2021

Cueillez dès aujourd’hui les mots de la vie…

Par Michel Driol

Au fil des quatre saisons, on suit deux jardiniers aux parcelles voisines : Monsieur Mot et Monsieur Terre. Le premier cueille les mots dans les fleurs, et les arrange en textes, poèmes avec une grande liberté. Le second, un peu psychorigide et productiviste !, ne veut voir que ce qui se mange. On le voit, entre les deux, tout ne va pas pour le mieux…  On croise aussi une graine de folie et des oiseaux voleurs de mots… Si vous voulez savoir comment les relations vont changer entre Monsieur Mot et Monsieur Terre, lisez cet ouvrage, où vous rencontrerez aussi des MGM, Mots Génétiquement Modifiés !

Belle idée poétique que cette récolte de mots au fil des saisons, des mots tantôt communs, tantôt rares (un lexique à la fin de l’ouvrage les éclaire), des mots aussi qui se mélangent, mots valises prêts à emporter. Les mots sont célébrés ici dans leur diversité, leur capacité à dire le monde dans sa variété. Les deux conceptions de la vie qui s’opposent sont suggérées à travers des actions, des réactions, des attitudes, avec beaucoup de légèreté. Les deux personnages sont à la fois opposés et complices dans leur lien à la terre dont ils attendent, certes, des choses différentes, mais qu’ils respectent tous deux.

L’ouvrage fait donc penser à un herbier par sa couverture et ses rabats : il s’agit bien de faire collection de mots pour les garder. Les illustrations, pleines de finesse et de gaité, accompagnent ce côté surréaliste du texte. Même les ombres y bourgeonnent !
Destiné aux jardiniers en herbe, et aux autres, un roman plein de poésie pour nous inviter à cueillir et associer les mots, comme ils viennent.
On peut  feuilleter un livret pédagogique très bien fait, et même le télécharger sur le site de l’éditeur qui propose des ressources aux enseignants pour ses albums.

Mon petit carré de terre

Mon petit carré de terre
Cathy Ytak Illustrations de Christelle Diale
Editions du Pourquoi pas ? 2020

Il faut cultiver notre jardin

Par Michel Driol

Pour son anniversaire, Tilo fait construire, par sa mère, un petit jardin dans une caisse en bois sur le balcon de l’appartement qu’ils occupent, avec sa sœur, au 9ème étage d’une cité de béton. Malgré les sarcasmes de sa sœur, qui souhaiterait un jardin potager, il plante quatre bégonias, et voit, avec surprise une cinquième fleur pousser… qui s’avère être une carotte que l’on mange en famille.

Publié dans la collection [Pourquoi pas la terre ?], ce récit familial à la première personne – le narrateur est Tilo – repose sur une intrigue minimaliste pour aborder les problématiques liées à notre rapport avec la nature. Devant la plante inconnue qui apparait sans son jardin, Tilo est condamné à choisir entre la laisser pousser et la traiter comme une mauvaise herbe. D’un côté, il y a la grande sœur, dont toutes les paroles semblent motivées par l’envie de s’opposer à son frère, qui propose de l’arracher. De l’autre, il y a Tilo, qui cherche quelle peut être cette plante sans grâce, et qui lui laisse une chance. De façon simple, c’est le thème d’une certaine  biodiversité qui est ici abordé, en incitant à laisser la nature libre de se développer, pour, finalement, apporter aux hommes plus que ce qu’ils en ont souhaité. Cette parabole vaut aussi par l’arrière-plan parfaitement évoqué par Cathy Ytak, avec un soin apporté à l’évocation des petits détails de la vie quotidienne dans un immeuble (balcon servant à faire sécher le linge, ascenseur souvent en panne…), et dans la peinture des relations au sein de cette famille monoparentale au travers de dialogues vivants, souvent plein d’humour et expressifs. Les illustrations de Christelle Diale, très colorées, jouent à la fois sur le réalisme dans la représentation de la ville, des plantes, et l’imaginaire en exprimant le lien entre les plantes et l’homme. Elles se découpent souvent en petites vignettes qui mettent l’accent sur le travail, ou le temps qui passe. Enfin, elles proposent un parcours entre une ville grise au début et une ville où poussent les fleurs à la fin.

Un récit simple et efficace pour contribuer à sensibiliser les enfants à l’importance du jardin… qui se termine par une recette de salade de carottes à l’orange !

La vieille Herbe folle

La vieille Herbe folle
Jo Witek Illustrations de Léo Poisson
Editions du Pourquoi pas ? 2019

Il faut cultiver notre jardin…

Par Michel Driol

Un jour où l’on verse des produits chimiques pour faire pousser les plantes, Tonio,  le fils du maire rencontre une vieille femme mystérieuse, qui a le pouvoir de redonner la vie aux arbres. Elle s’installe dans la forêt, où tout le monde la prend pour une folle. Mais, un jour, les récoltes ne donnent plus, malgré des quantités de produits chimiques de plus en plus importantes déversées. Cette vieille femme en est-elle responsable ? Oui, pensent les gens du village. Non, pense le fils du maire, qui pense qu’elle détient la solution. Mais on ne l’écoute pas. En discutant avec elle, il apprend ce qu’il faut pour faire pousser les plantes. Longtemps après, elle a disparu, mais il est devenu jardinier.

Jo Witek traite ici du problème de la nécessité d’une conversion écologique de l’agriculture à travers un conte à la fois merveilleux, par le personnage de cette femme, fée-sorcière aux pouvoirs magiques, et complétement ancré dans la réalité d’une agriculture productiviste, à base d’intrants chimiques, et de ces acteurs, paysans, qui en sont les premières victimes. Le texte est porté par l’enfant narrateur, devenu adulte, qui constate, émerveillé ce que peut l’étrangère, seule femme dans un monde purement masculin (le père, maire, les agriculteurs réunis au café) et qui va lui donner la recette pour que les plantes poussent. Recette à la fois simple et naturelle, du temps et de l’amour envers la nature, dont le héros découvre la diversité et la beauté dans un voyage merveilleux autour du monde. La technique du conte invite à faire un pas de côté, à utiliser les ressources de l’imaginaire pour amener chacun à prendre conscience de la nécessité d’une rupture avec une forme d’agriculture. C’est là la force de ce texte, qui mêle habilement différents ingrédients narratifs : un personnage allégorique, le sentiment de liberté de l’enfance réfugiée dans une cabane dans les arbres, le désespoir  des adultes victimes d’un modèle économique qui les rend impuissants à trouver les vraies causes de leurs problèmes, le souvenir d’une rencontre qui a changé la vie du héros. Ce texte particulièrement riche et complexe est illustré avec force et sensibilité par Léo Poisson, qui renforce les propositions du texte : scène de guerre pour les traitements chimiques, avec des géants masqués déversant les intrants, techniques des bulles de la Bd pour illustrer les propos tenus dans le café et surtout utilisation des courbes pour montrer le lien intrinsèque entre la nature, les arbres et l’étrangère, ces courbes formant à la fin un cocon à l’image des planètes dans lequel le héros se réfugie.

Un magnifique conte, plein d’optimiste, pour dire aux futures générations  qu’il faut, comme un jardinier, prendre soin de la nature et non l’asservir.

Les Fleurs sucrées des trèfles

Les Fleurs sucrées des trèfles
Cédric Philippe
Editions MeMo 2020

Et s’il n’y a qu’une chance…

Par Michel Driol

Lors d’une fête, Agathe apprend par hasard que son oncle préféré, Yvon, est atteint d’une grave maladie, et qu’il n’y a qu’une petite chance qu’il en réchappe. La chance ! Voilà ce qu’il faut à Agathe, qui parcourt son jardin à la recherche de trèfles à quatre feuilles. Mais c’est sa sœur qui les trouve, et bénéficie d’une chance insolente…

Bien sûr, un roman ne se réduit pas à un pitch, et ce roman moins qu’un autre. D’abord par sa forme : à la fois un récit enchâssé entre un prologue et un épilogue, où il est question de la rencontre du narrateur et d’un étrange personnage qui parle du lien entre les histoires et la chance. Quant au récit dont l’héroïne est Agathe, il est un étrange objet mêlant texte et illustrations : tantôt c’est le texte, dans une langue travaillée et poétique, qui prend en charge la narration, tantôt ce sont les illustrations en pleine page qui montrent dans un superbe noir et blanc le jardin, ou le dialogue entre les personnages et font ainsi avancer l’action. Ensuite parce que ce récit s’inscrit totalement dans un merveilleux que ne renierait pas Lewis Caroll : un jardin extraordinaire où les enfants rencontrent des animaux et des fleurs qui parlent, voire tiennent des discours philosophiques, trois rêves qui emmènent l’héroïne dans une autre réalité. Ainsi, l’univers décrit est à la fois très réaliste quand il est question de la relation entre Yvon et Agathe, de la mort qui rôde et de la façon de dire adieu, ou des loirs qui envahissent le toit et qu’il faut chasser, mais c’est aussi un univers totalement onirique à l’image de l’imaginaire enfantin où tout peut arriver. On pourrait voir dans ce roman un conte philosophie : la chance existe-t-elle ? Peut-on influer sur le cours des choses ou tout est-il régi par des lois ?  Quel est notre destin, entre le hasard et la nécessité ? C’est en tout cas une belle leçon d’optimisme dont notre époque a besoin, une façon de dire qu’il ne faut jamais désespérer.

Un roman – objet graphique  original, qui conduit le lecteur dans une atmosphère où rêve et réalité se mêlent, à hauteur de l’imaginaire d’une enfant.

On peut voir de nombreuses illustrations sur le site de l’auteur : http://www.cedricphilippe.com/

Le Jardin d’Abdul Gasazi

Le Jardin d’Abdul Gasazi
Chris Van Allsburg
Traduit (anglais) par Christiane Duchesne
D’Eux, 2016

Retour au Jardin d’Abdul

Par Anne-Marie Mercier

Premier ouvrage de Chris Van Allsburg, superbe auteur-illustrateur, l’un des meilleurs de la fin du XXe siècle, Le Jardin d’Abdul Gasazi a obtenu la médaille Caldecott d’honneur en 1980. C’était une première étape vers la reconnaissance qui suivit, avec la médaille Caldecott pour deux autres albums, Jumanji (1981) et Boreal express (1986). Mais presque tous ses albums auraient mérité des prix, tant ils sont originaux et beaux.

On retrouve dans cette première œuvre un travail du noir et blanc très particulier, proche de celui de Jumanji, des Mystères de Harris Burdick, de Zathura, etc. Le fantastique, plus encore que dans ses autres albums, est discret : le lecteur, se fiant à la couverture, s’attend à quelque chose de plus spectaculaire et son attente sera trompée, quoique… L’incertitude qui plane sur la réalité de la magie est prégnante. L’errance du jeune héros parti à la poursuite d’un chien, dans ce jardin mystérieux dont l’entrée est justement interdite aux chiens, est nimbée de mystère et pleine de suspens : le propriétaire, Abdul Gasazi, a inscrit sur sa porte, avec son nom, la mention « magicien à la retraite », et cette inscription joue pour le jeune Alan le rôle que la couverture a joué pour le lecteur. Quant à la chute, nul ne peut avoir la certitude qu’elle exclut ou non l’étrangeté. Comme dans L’Épave du zéphyr ou dans Boréal Express un indice, dans la dernière page laisse l’élucidation en suspens.
Feuilleter sur le site de l’éditeur.

C’est un beau cadeau que nous offrent les éditions D’Eux, basées au Canada : cet album, publié en 1982 par L’école des loisirs était épuisé. Il nous revient dans une belle édition, avec des lettres dorées sur la couverture et un ruban, de même couleur, qui permet de refermer ces mystères.

 

 

Le Bateau vert

Le Bateau vert
Quentin Blake
Gallimard (l’heure des histoires), 2012

La mer dans un jardin

Par Yann Leblanc

LebateauvertQuand le jardin d’à côté se fait espace à découvrir, bateau à aborder, tempête… les vacances les plus ternes sont métamorphosées, tout comme les formes et les choses.

Tout cela sous le signe de la nostalgie d’une enfance vue comme un paradis perdu.

Pour les enseignants qui veulent préparer leurs élèves à des vacances à la campagne, voir le site lectures primaires, une entrée intelligente dans cet album aux allures si simples, et pourtant… Et pour les parents qui hésitent entre la mer ou la campagne, l’idée que ce n’est pas le cadre qui fait la réussite des vacances, mais ce qu’on y met.

L’Histoire en vert de mon grand-père

L’Histoire en vert de mon grand-père
Lane Smith

Gallimard jeunesse, 2012

par Anne-Marie Mercier

Auteur de C’est un livre et C’est un petit livre, Lane Smith sort de l’univers de l’imprimé pour se rendre au jardin. Dans ce jardin du grand-père, l’enfant voit figurés les événements de sa vie, ceux d’un temps ancien, différent de notre monde, sans beaucoup d’objets mais avec des ruptures (la guerre), des bobos (la varicelle), des rencontres… L’espace du jardin se fait temps, voyage… et le jardin garde la mémoire de celui qui la perd petit à petit.

Rien n’est asséné : à chacun de lire ce qu’il veut dans ce parcours… tout en vert.

Le Chapeau de Philibert

Le Chapeau de Philibert
Agnès de Lestrade, illustrations de David Merveille
Rouergue, 2011

La tête verte… ?

Par Malvina Lair et Laura Limousin master MESFC Saint-Etienne

Comme souvent, Agnès de Lestrade a imaginé, dans cet album, I’histoire d’une personnalité atypique. En effet, le héros est un petit homme habillé tout de vert, qui se prénomme Philibert. Un beau matin, il décide de jardiner, au grand étonnement des passants. Et pour cause… Philibert vit en plein centre-ville ! Notre héros est-il fou, rêveur ou simplement  utopiste? A vous de le découvrir!

Tout au long de I‘histoire, nous partageons la bonne humeur de ce personnage farfelu, qui va s’approprier toute sa rue en y créant son jardin personnel. Ceci est loin de plaire à son voisinage mais fait le bonheur des enfants et donc du lecteur ! Grâce aux illustrations riches en détails et très colorées, celui-ci découvre petit à petit  les dégâts causés par Philibert.

David Merveille, avec ses personnages tracés à grands traits, multiplie les références et les clins d’œil qui ne cesseront de nous faire sourire, en nous donnant envie de partir à la recherche du détail passé inaperçu !

Le texte et les images sont indissociables pour saisir toute la portée humoristique du livre et le décalage qui en découle amusera tout aussi bien les enfants que les adultes. C’est ainsi que le lecteur assistera à la scène délirante dans laquelle notre jardinier arrose la robe à fleurs d’une  passante.  Grâce à son fameux chapeau, Philibert va faire une rencontre, à travers laquelle il va transmettre sa vision du monde et ainsi faire découvrir la rnétamorphose du paysage urbain en fresque printanière.

Cet album avec sa couverture « vert-pomme », ses jeux sur les mots et son ton léger, fait vivre au jeune lecteur un moment poétique et humoristique.