Indrazaal et la quête de l’océan

Indrazaal et la quête de l’océan
Kama La Mackerel – illustrations de Nátali de Melli
Kata 2024

Un récit initiatique pour prendre soin de la nature

Par Michel Driol

Indrizaal vit au sommet d’une montagne, au centre d’une ile. Une nuit, iel rêve d’une vieille dame, la mère de l’océan, signe  qu’il est temps de prendre la route vers l’océan. La montagne d’abord lui indique le chemin, lui révélant la création du monde, et l’initiant aux semences des plantes. Plus loin, les flamboyants racontent leur odyssée depuis une autre ile. Les roussettes volantes, à leur tour,  lui indiquent leur rôle dans la dispersion des pépins des fruits. Après avoir salué animaux et insectes divers, iel rencontre les mangroves, qui le renseignent sur leur origine et leur rôle écologique. Enfin c’est l’océan, et les retrouvailles avec la vieille dame, qui affirme être là pour protéger ses enfants.

L’album se situe entre le conte merveilleux, où les plantes et les animaux parlent, et le documentaire écologique où sont expliquées les origines de la vie et de la végétation sur une ile, et ce qui y maintient un équilibre en permettant la symbiose des plantes et des animaux. Du conte, on retrouve la quête initiatique d’un personnage touchant, désireux de découvrir, d’apprendre, et les répétitions de situations, de formules de salutation ou de départ, et le fait que toute la nature parle.  Du documentaire scientifique, géologique et botanique, on conserve les noms des plantes ou des animaux, leurs caractéristiques biologiques, des précisions relatives à leur rôle dans la nature. Avec douceur et poésie, l’album aborde avec bienveillance la relation entre l’humain et la nature, et laisse entrevoir, sans le nommer, le respect qui doit exister au sein du vivant, dans une perspective presque animiste. Un mot sur le personnage principal, Indrazaal, non binaire, désigné par le pronom iel, représenté comme un enfant au genre indifférencié, peut-être à l’image de Kama La Mackerel, artiste multidisciplinaire, educateur·ice,  auteur·ice, médiateur·ice culturelle,  traducteur·ice littéraire mauricienne-canadienne. Quant aux illustrations, elles laissent exploser les couleurs vives pour sublimer une nature luxuriante et variée. Dans les pages de garde, Kama explique le point de départ de cette histoire, la catastrophe écologique causée par le naufrage d’un vraquier japonais en juillet 2020, au sud-est de Maurice.

Une conte écologique, inspiré de l’île natale de l’autrice, pour parler de la découverte de la beauté d’un lieu précieux mais menacé, et inviter à en prendre soin..

Didlidam Didlidom

Didlidam Didlidom
Sabine de Greef
L’école des loisirs (pastel), 2024

Philosophie politique, comme une comptine

Par Anne-Marie Mercier

Ça a l’air tout simple, une petite comptine de rien du tout : le texte est rythmé par « Didlidam Didlidom », mots du titre qui introduisent une scansion et rien de plus. Mais ce « rien », cette apparente simplicité porte un récit, simple lui aussi, riche de sens, comme ses images.

« Il était un petit homme, didlidom, qui avait une petite maison, un canard, un chien, un mouton. Une petite dame, didlidam, habitait juste à côté avec sa vache, sa poule et son chat Barnabé. Au milieu, un arbre aux fruits dorés. Dans le ciel, le soleil, la lune et des milliers d’étoiles. » Le bonheur, non ?

Eh bien non, comme dans trop d’histoires humaines gâchées par le ressentiment et l’envie d’obtenir plus que le voisin, toujours soupçonné d’être favorisé. Escalade (au sens propre comme au figuré), destruction de leur milieu, tentative ruineuse de reconstruire « comme avant », avant d’arriver à penser à un autre monde possible, fait de partage et non de guerre de chacun contre tous. Tout cela est raconté en quelques doubles pages, avec un dessin très simple, une situation très visuelle et des images parlantes.
C’est l’occasion de relire Ci-gît l’amer, guérir du ressentiment de Cynthia Fleury qui éclaire parfaitement notre triste actualité, ou écouter une interview de Cynthia Fleury

 

 

 

 

Trois leçons du grand sage Osho Babanesh

Trois leçons du grand sage Osho Babanesh
Davide Cali – Lionel Tarchala
Les éditions des Éléphants  2024

L’argent, la guerre, la mort

Par Michel Driol

On fait d’abord la connaissance d’Osho Babanesh, au travers de trois réponses pleines de bon sens et non dénuées d’humour à des questions qu’un public nombreux vient lui poser. Pius arrivent, sous forme de trois fables, de trois histoires, ses réponses à trois questions philosophiques. L’argent fait-il le bonheur ? Et le sage de raconter comment un homme très riche, après s’être entouré de collections variées, après les avoir revendues, prend conscience de la seule chose qui lui manque, un ami. Pourquoi fait-on la guerre ? C’est l’histoire de deux royaumes et d’un roi envieux, qui fait la guerre pour prendre ce qui fait la réputation du royaume voisin, sans pour autant en profiter. Enfin la mort vous fait-elle peur ? Un homme qui a l’angoisse de mourir, va s’isoler dans une forêt, où il se croit en sécurité, et où il meurt.

Voilà trois histoires qui prennent le détour de la fiction pour questionner sur la vie, dans lesquelles une forme de sagesse un peu naïve se conjugue avec une forte dose d’humour, dans la lignée des contes philosophiques. L’album ne prétend pas donner des leçons : il laisse chacun répondre, à sa façon, à ces questions qui renvoient à des thématiques importantes pour notre société : l’argent et la quête du toujours plus, la guerre et l’envie d’avoir ce que possède l’autre, et, plus intime, la peur de la mort. C’est par la caricature que procède l’album : chacun des protagonistes est dans l’excès, son défaut ou son trait de caractère est grossi jusqu’à devenir absurde. La comédie, la caricature sont bien des moyens de faire prendre conscience du monde qui nous entourent, et nous invitent, en contrepoint, à vivre dans un monde de la mesure : belle définition de la philosophie ! C’est par une pirouette finale que se clôt l’album, dans laquelle le narrateur affirme n’avoir jamais compris le sens de ces histoires. Cette quête de sens, au lecteur de la conduire, s’il le souhaite. Reste le plaisir fondamental de raconter et d’écouter des histoires.

Les illustrations de Lionel Tarchala, pleines de détails, pleines d’humour, accompagnent parfaitement le texte en montrant un monde cocasse où règne l’absurde des comportements humains.

Faut-il un gourou dans la vie ? Faut-il penser par soi-même ? Avec sa barbe à la Freaks brothers et son air de baba cool, Osho Babanesh est aussi un digne fils de Nasr Eddin Hodja dans l’humour, la dérision,  et le gai savoir !

Le Poisson caméléon

Le Poisson caméléon
May Angeli
Editions des Eléphants 2024

Partie de pêche…

Par Michel Driol

Comme Séquoia n’a pas sommeil, son grand-père lui raconte une histoire de pêche. Un gros poisson doré s’était glissé sous sa barque, puis un cormoran lui avait expliqué que ce poisson en or avait mangé tous les poissons. A eux deux, ils avaient fait partir ce poisson, devenu bleu : le poisson caméléon que le lendemain ils iront tenter de pêcher.

Les illustrations, d’abord, de splendides gravures sur bois, le plus souvent en doubles pages. S’y mêlent le bleu de la mer et celui du ciel, le blanc de la barque, les rayures jaunes du maillot du grand-père et le noir du cormoran.  Des gravures à la fois rugueuses, dans les traits et les lignes, des gravures qui laissent  imaginer autant qu’elles décrivent, des gravures pleines de la lumière de la Tunisie chère à l’artiste. Des gravures dans lesquelles les personnages sont campés dans des attitudes  expressives : voir par exemple les yeux bleus grand ouverts de la fillette, ou le grand père partant à la pêche de dos, face à la mer.

Le récit, quant à lui, fait la part belle au dialogue. Le récit oral du grand père est interrompu par la fillette, et lui-même dialogue avec le cormoran. On est plus dans le conte merveilleux que dans le récit réaliste, dans un récit qui s’inscrit dans toute la tradition des récits de pêches étranges, ou dans celle des récits de marins dont on ne sait pas bien, depuis Ulysse, s’ils sont réels ou inventés. Ainsi naissent peut-être les légendes familiales, autour de ce lit, dans ce récit qui se clôt par la promesse d’une journée de pêche en famille le lendemain. Il y a là toute la force de la parole pour faire naitre des situations, et évoquer ce poisson caméléon bien réel, mais devenu ici mythique, comme peut l’être la baleine blanche poursuivie par Achab, poisson fabuleux, vorace, ennemi du pêcheur,  insaisissable.

Un album qui sait, tant par son illustration que par son texte, faire (re)naitre le mystère, le merveilleux, d’un temps et d’un lieu, celui de l’enfance, où l’on croit encore que les pêcheurs peuvent parler avec les cormorans…

Pio

Pio
Émilie Chazerand, Marie Mignot
Sarbacane, 2024

Grand petit

Par Anne-Marie Mercier

Pio est un enfant.
Il est très grand, si grand qu’il dépasse l’album pourtant de grand format : on ne voit pas sa tête sur le portrait « en pied » de la couverture. Pour sa mère il reste son tout petit. Pour les autres, il est une calamité, comme Gulliver au pays des Lilliputiens. Lui-même s’en rend à peine compte et le texte, qui porte son point de vue, souligne l’humour des images. Enfin, comme Gulliver, il fait ce qu’il peut pour corriger cela quand il s’en rend compte. C’est un bon garçon et les images insistent sur son sourire et ses bonnes joues autant que sur l’apparence d’univers jouet du monde qui l’entoure.
Seul importe pour Pio l’amour qu’il a pour la toute petite Nona dont il est « aussi amoureux qu’une fourmi d’un bonbon ». Ses tentatives pour la conquérir, longtemps infructueuses car celle-ci ne quitte pas son livre des yeux, sont aussi cocasses qu’énormes. Mais bien sûr, le grand cœur sera reconnu à la fin.

La Cabane sous le cerisier

La Cabane sous le cerisier
Céline Claire – Annick Masson
Père Castor 2024

La loi du premier occupant…

Par Michel Driol

Deux cousins, Mia et Pablo, en vacances chez leur grand-mère, décident de se fabriquer une cabane sous le cerisier. Mais lorsque les fourmis entrent, ils construisent une muraille de sable. Puis vient la poule, contre laquelle une échelle barrera le passage. Enfin une montagne de cartons empêche le chat de pénétrer. Etonnée, la grand-mère explique que tous ces animaux étaient là avant ses petits-enfants, et qu’il convient de leur laisser leur place dans la cabane.

Une cabane, un jardin, deux enfants… beau projet enfantin sans doute universel  pour s’isoler du monde, avoir sons propre univers, partager ses secrets, à l’abri. Mais l’album pose le problème de l’apprentissage du vivre ensemble avec les animaux, qui étaient là avant, et que la cabane dérange dans leurs routine. Aux enfants prompts à inventer des solutions pour interdire, la grand-mère propose une autre morale, une autre vision du monde, faite de bienveillance  et d’acceptation, de partage. Tout ceci baigne dans une grande atmosphère de douceur, portée en particulier par les couleurs tendres des illustrations, les visages et les attitudes des enfants, souvent souriants, dont on devine la bonne entente. Apprendre à partager, voilà sans doute une des compétences sociales les plus importantes qu’évoque cet album plein de tendresse pour ses personnages, auxquels on a envie de s’identifier dans l’utopie de ce jardin plein de fleurs, de poules, d’oiseau, au pied d’un cerisier bien garni ! Le texte, qui fait la part belle au dialogue, épouse avec empathie le point de vue des enfants, leurs décisions, leur bonne humeur, leurs enthousiasmes.

Au-delà de cette histoire sympathique, d’autres comprendront qu’il est question aussi des murs qu’on construit pour se protéger, parfois contre ceux qui occupaient le territoire antérieurement, et que ces murs défigurent complètement l’espace et interdisent toute vie. Oui, c’est bien de respect des autres et d’apprentissage du vivre ensemble qu’il est question dans cet album pas si simpliste que cela, dont la signification sera différente selon l’âge auquel on le lit. Comment trouver sa place dans le monde, sans prendre celle des autres ?

Le Conte de l’unique nuit par Shéhé-Hazarde l’étourdie

Le Conte de l’unique nuit par Shéhé-Hazarde l’étourdie
Arnaud Alméras – ®obin
Gallimard Jeunesse Giboulées

Salade composée de contes

Par Michel Driol

Reprenant le récit enchâssant les Mille et une nuit, l’album commence avec un roi cruel et féminicide, dont  Shéhé-Hazarde, la fille du vizir, entend bien arrêter les crimes. Son plan est simple : raconter un conte et l’interrompre avant la fin… Mais rien ne se passe comme prévu. La jeune fille s’embrouille dans les noms, dans les situations, ce dont le roi se rend compte. Et on glisse ainsi de l’histoire de Sindbad  à celle d’Ali Baba, puis à celle d’Aladin… Tout se termine par un mariage dans le conte, et, dans le récit cadre, par un bâillement du roi qui s’endort pendant 1001 nuits… rêvant de l’histoire qui vient de lui être contée.

Cet album revisite habilement trois des histoires les plus connues des mille et une nuits, avec humour et facétie. D’abord par son personnage, une conteuse si étourdie qu’elle en vient à tout mélanger, mais se débrouille pour trouver une explication plausible à méprises, avec un sourire désarmant… Ensuite par le traitement des illustrations, qui jouent à la fois sur l’Orient rêvé des contes, une représentation très enfantine du héros de l’histoire racontée, et de savoureux anachronismes, comme le génie devenu pilote d’avion, ou les grues qui assurent la construction du palais final. Enfin par le jeu avec les récits, qui renouvelle le genre bien connu en littérature pour la jeunesse de la salade de contes. Les glissements progressifs sur les noms des personnages font ainsi passer d’un héros à l’autre, d’une histoire à l’autre, dans un enchainement narratif enlevé, fluide, et surprenant pour le lecteur qui connait les 1001 nuits. Le récit cadre est présent aussi bien dans le texte, marqué par les interruptions du roi, auditeur attentif et méfiant, reprenant chaque erreur, que par l’illustration, montrant, en vignettes, les visages de la conteuse, souriante, sympathique, et du roi, tour à tour, en colère, étonné…

Si le roi est bien conforme au tyran du conte original, la conteuse est une figure féminine actuelle, audacieuse, déterminée, pleine d’humour,  qualités qui compensent l’étourderie qui pourrait lui être fatale ! L’album revisite ainsi le pouvoir de la parole et du conte, de façon assez paradoxale dans le renversement final, car le récit embrouillé, confus, mais plein d’épisodes merveilleux, épiques, surnaturels finit par endormir le roi et le neutraliser. Façon de dire le pouvoir des récits, quelle que soit leur qualité, pour lutter contre la violence !

Les Fleurs de mon père

Les Fleurs de mon père
Luca Tortolini, Maria Gabriella Gasparri
Sarbacane, 2024

Un jardin qui parle d’amour

Par Anne-Marie Mercier

En peu de mots, cet album relate un amour de peu de mots, celui d’un père pour son fils et d’un fils pour son père. Le narrateur raconte la première visite d’un jardin qu’il a faite, lorsqu’il était enfant, avec son père, puis les suivantes, tous les samedis, en silence. Il évoque les voyages, chaque printemps, avec lui, pour aller voir des fleurs dans des pays différents, les activités de dessin, le travail dans la serre en hiver… toujours sans mots échangés. Longtemps après la disparition du père, le fils comprend son message, porté par son amour des fleurs, et le transpose dans l’album pour nous le transmettre.
Les belles images de Maria Gabriella Gasparri donnent de la chair à une histoire sobre et allusive. Avec une technique qui rappelle celle des bois gravés d’autrefois, de beaux à-plats de couleurs franches, des formes rondes et un usage intéressant des blancs, on a l’impression d’être dans un monde disparu, fait de beauté et de couleurs. C’est un bel hommage et un bel ouvrage.

Quand on est au milieu

Quand on est au milieu
Anika H. Denise, Christopher Denise (ill.)
Kaléidoscope, 2024

Question de place en fratrie

Par Anne-Marie Mercier

Pour explorer le sujet de la place du deuxième dans une fratrie de trois, l’illustratrice a choisi trois petits lapins. Soit. Elle les a habillés (le plus grand semble être une fille, celui du milieu est clairement un garçon) et placés dans un cadre humain (gros fauteuils, pâtisserie, trottinettes, train électrique) même si l’école (le maitre est un hibou à lunettes) se déroule dans un arbre creux.
Le texte est l’élément le plus intéressant : il est bref et propose les avantages et inconvénients de cette position : on peut être celui qui suit ou celui qui guide, celui qui résiste ou celui qui plie  – l’intérêt étant ici est que le lapin médian plie devant le plus petit et non devant le grand. L’âge n’empêche rien donc. Tout cela est très juste et peut permettre de considérer cette question de place sous tous ses angles.
La dernière image montrant les trois lapereaux couchés ensemble dans un lit couvert d’une grosse courtepointe en patchwork insiste sur la chaleur de l’amour entre frères et sœurs. C’est mignon ; on ne peut qu’espérer que de nombreux lecteurs y verrons une image de leur fratrie. Pour les autres, cela fera un peu conte de Noël, comme le livre que lit le trio dans son lit, encore « une histoire de lapin » (voir Christophe Honoré dans Le Livre pour enfants, L’Oliver, 2005) : Le Lapin de velours de Margery Williams, publié en 1922 qui dit que tout peut arriver, même l’impossible, quand on aime : message paradoxal à destination des adultes ou simple référence lapine ?

 

Manqué !

Manqué !
Antonin Faure
Les Editions des éléphants 2024

Proies de tous les pays, unissez-vous !

Par Michel Driol

Un album en randonnée reprenant le principe des chaines alimentaires. Ainsi le ver veut manger la pomme, mais elle tombe, manqué ! La mésange veut manger le ver, mais échoue ! La belette veut manger la mésange, mais échoue… jusqu’à la fin, où l’ours veut manger le loup… et échoue, bien sûr ! Voilà pour le scénario, porté par un texte court, répétitif comme le sont tous les textes en randonnée, un distique rimé reprenant les paroles de l’animal prédateur et exprimant son désir de manger.

L’album fait surtout la part belle aux illustrations, en double page, très fouillées, qui prennent en charge la narration pour peu qu’on s’y attache aux détails, et qu’on les lise attentivement. Au-delà du mangeur et de la proie évoqués par le texte, c’est une foule d’animaux en activité que montre l’image.  Suivons ainsi la pomme, transportée par une colonie de fourmis, qui vont même utiliser une planche-radeau pour traverser la rivière. Explorons ce qui se passe sous la terre, avec la taupe, qui creuse. Quoi de plus normal dans ces comportements animaux… Sauf que petit à petit la fantaisie s’invite. Ainsi ces deux lapins  endormis dans leur terrier, sous une couverture rouge, ces castors bâtisseurs, avec leur treuil, ces chauvesouris jouant aux cartes… Ce petit monde animal s’humanise ainsi, comme invitant à une autre lecture.

Se joue aussi dans les illustrations une opposition entre la surface et le souterrain. La surface, c’est le lieu des conflits, des désirs, de la violence de l’un contre l’autre. Le souterrain, c’est le lieu de l’entraide, où toutes les victimes vont se retrouver, scellant ainsi l’union ceux qui ont été ennemis. C’est ainsi que tous entrainent l’ours dans une caverne, pour lui tendre un piège… qu’on ne révélera pas, bien sûr, mais qui montre que l’union des petits, leur astuce, leur imagination, fait la force… Quant à la dernière illustration, elle scelle l’union de tous – ours y compris, bien sûr –  autour de nourritures consensuelles, marshmallows et pâtisserie !

La raison du plus fort est toujours la meilleure… sauf pour cet album, qui prône union et solidarité pour venir à bout de toutes les difficultés, de tous les conflits.  Un album qui le suggère plus qu’il ne le dit, un album plein de rythme, de rebondissements et surtout un album plein d’humour et de joie, libératrice, salvatrice !