Terre-Dragon, vol.2

Terre-Dragon, vol.2: le chant du fleuve
Erik L’Homme
Gallimard jeunesse, 2015

Au fil de l’eau

Par Anne-Marie Mercier

TerreDragonvol.2On retrouve l’imaginaire d’Erik L’Homme, tel qu’il avait développé dans l’oeuvre qui l’a fait connaître, Le Livre des étoiles : des héros qui ont des pouvoirs mais ont du mal à les maîtriser, une figure paternelle lointaine en la personne d’un vieux sorcier, des poursuites, des combats, menés parfois parallèlement par chacun des personnages… Et tout cela dans un monde tantôt désertique tantôt aquatique, peuplé de monstres et de civilisations étranges, à la technologie et aux croyances teintées de médiévalisme. Tout cela n’exclut pas l’humour et la poésie notamment celle que développe l’apprenti barde du groupe. Autre point de similitude, les runes magiques, dont le volume fournit un glossaire.
Après A comme association, qui poussait la parodie et l’usage des clichés ou des contre-clichés à son paroxysme, on peut se réjouir de voir revenir la veine précédente, qui avait une originalité et une cohérence intéressantes.

Les Filouttinen – Le Guide des guides

Les Filouttinen – Le Guide des guides
Siri Kolu
Didier Jeunesse 2015

Quête, surprises, enlèvement et bouleversements…

Par Michel Driol

fil3La saga continue. Voici le tome 3 de la série des Filouttinen. Liisa et les Filouttinen sont désormais en quête du livre écrit par le maitre bandit à la fin du XIXème siècle. On s’en doute, les autres familles de bandits rêvent aussi de s’approprier cet ouvrage ! Entre mensonges à ses parents, recherches sur le terrain, et rêves étranges, Liisa a bien à faire ! Surtout lorsqu’elle devra sauver sa sœur, enlevée à son tour par les Hurmala ! Quant à la révélation finale, au lecteur de la découvrir… Bref, un tome 3 plein de rebondissements.

Siri Kolu continue d’installer son univers décalé, dans laquelle les bandits constituent un monde à part, avec ses propres codes. Certains vivent en marge, d’autres sont plus ou moins fondus dans les « Bons Citoyens ». Si certaines familles s’allient, d’autres  s’opposent toujours violemment.  Le roman frôle cette fois avec un certain fantastique, Liisa étant guidée par des rêves étranges. Poursuites en voiture, en camionnette, dans un train, le rythme ne faiblit pas tout au long de ce volume  qui entraine le lecteur dans toute la Finlande.

A suivre…

Montagne en ballade

Montagne en ballade
Benoit Audé
Rouergue, 2014

L’infini du temps et de l’espace (ou presque)

Par Anne-Marie Mercier

Montagne en balladeUne montagne est invitée par ptérodactyle postal à l’anniversaire de son cousin le volcan. Elle part, à travers temps et espace, continents et civilisations (Egypte, Japon médiéval, Amérique des Cow Boys, ville d’aujourd’hui, ville du futur, pour enfin retrouver sa place.

Dans l’espace blanc de la page, le tout est crayonné en tout petits dessins caricaturaux, les paysages esquissés, il y a beaucoup à voir et à reconstruire…

La Louve

La Louve
Clémentine Beauvais
Alice jeunesse (Histoires comme ça), 2014

Conte ancien et moderne

Par Anne-Marie Mercier

La LouveMêlant des thèmes courants en littérature de jeunesse, Clémentine Beauvais a réussi à élaborer une histoire originale, prenante, aux personnages attachants.

C’est une histoire de métamorphose, mais celle-ci n’est explicite qu’à la fin : le récit est conduit à la première personne par une enfant, Romane, qui vit dans un orphelinat. Pour sauver son amie et calmer une mère louve-sorcière en colère, elle endosse une peau de louveteau. Au fil de plusieurs tentatives d’abord infructueuses, elle est progressivement et définitivement changée. Le lecteur en est averti par quelques indices : son ouïe et son odorat qui semblent se développer, son envie de courir après des proies…

La modernité du récit fait que la métamorphose est heureuse contrairement à ce qui se passe dans les contes traditionnels : Romane trouve ainsi une famille, elle qui n’en avait pas, et le bonheur. Autre signe des temps, la malédiction de la mère louve tient non seulement au meurtre de l’une de ses filles, mais aussi à la destruction opérée par les humains dans la nature. Elle leur lance un ultimatum représenté par une colombe de glace : quand la colombe aura fondu, au bout de trois jours, une enfant doit mourir. L ‘album est rythmé par ce décompte du temps installé par la fonte de la colombe, on assiste aux atermoiements des adultes, aux trois tentatives menées par trois enfants, jusqu’au dénouement final, dans le froid et la nuit. Les illustrations jouent sur les contrastes, entre ombres et lumières, formes inabouties et achevées.

En voir plus : récompenses, articles… sur le site de l’auteure, un blog passionnant.

Ma vie sans mes parents

Ma vie sans mes parents
Myriam Gallot
Syros, 2016 (Tempo)

Un roman sobre et brillant

Par Caroline Scandale

Afficher l'image d'origine Éléonore découvre un petit chat sur son balcon. Il appartient à son voisin de palier, un vieux monsieur très seul, prénommé Aimée. Dès lors se tisse un beau lien d’amitié, entre l’homme âgé et la jeune fille. Sa solitude rencontre celle d’Éléonore, dont les parents sont boulangers et travaillent énormément.

La vie suit son cours et la mort survient. Passée la tristesse, l’existence reprend du sens, surtout lorsque l’on est une jeune ado de 12 ans, bien entourée, épanouie et prête à croquer la vie.

Les valeurs de l’amitié, de la rencontre et des plaisirs simples sont mises en avant. L’héroïne et tous les protagonistes du roman ont des préoccupations saines et une vie normale, qui fait écho à celle des adolescents.

Le sujet est profond mais il est traité si délicatement que le roman n’est jamais triste longtemps. Il propose, au contraire, une vision optimiste de l’adolescence. De sa plume délicieusement littéraire, Myriam Gallot signe un récit ultra délicat sur l’importance du lien intergénérationnel et du lien entre l’homme et l’animal, deux thèmes qui lui tiennent à cœur.

 

La Femme nuage

La Femme nuage
Jean-François Chabas
L’école des loisirs (Medium), 2011

Un souffle de littérature

Par Anne-Marie Mercier

CouvmediumGabaritLes contes de ce recueil sont courts, il n’y en a que trois, et pourtant c’est en collection « medium » : ce qui prouve que pour un bon éditeur un conte, même s’il est « merveilleux » et parle de métamorphoses ou de géants, n’a pas forcément comme lecteur idéal un jeune enfant.

Ces trois récits brefs sont beaux, mystérieux, poignants, il disent l’impossibilité du bonheur pour certains êtres, la complexité du sentiment amoureux et toute l’horreur de ce monde qui fait voir sa fin comme une apocalypse purificatrice, à moins qu’un enfant et un espoir ne le sauve…

Deux singes dans une cuisine

Deux singes dans une cuisine
Giovanna Zoboli, Guido Scarabottolo
Le Joie de lire, 2006

Le monde vu d’en haut

Par Anne-Marie Mercier

Deux singes dans une cuisineAdrien a un livre où il y a des singes, des arbres à lianes, des girafes, etc. Il y voyage tandis que sa sœur n’y voit que « sornettes » : « les singes ne sont que des singes ». Pour voir la vérité de l’imaginaire, il suffit de changer de point de vue : Adrien l’entraîne vers les hauteurs, celle de la table, puis de l’armoire de la cuisine. D’en haut, la pièce se métamorphose, la lampe devient la lune, la table un zèbre, tandis que les deux enfants mangent des bananes en attendant le retour de leur mère.

Le texte en vers de mirlitons est fantaisiste en diable, les images colorées laissent place au rêve, prenons de la hauteur !

Espèces de monstres

Espèces de monstres
François David, Olivier Thiébaut
Motus, 2015

Un album « monstre »

Par Anne-Marie Mercier

Espèces de monstresAprès Les Hommes n’en font qu’à leur tête, François David et Olivier Thiébaut reprennent le procédé de portraits composites, à la manière d’Arcimboldo, accompagnés de courts textes poétiques. Ce sont autant de « caractères » (à la manière cette fois de La Bruyère ou La Fontaine) qui sont brossés : monstres fabuleux (le loup du Chaperon rouge), caricaturaux (le monstre d’hygiène, l’encyclopédiste), moraux (le brise-tout).

A cette liste s’ajoutent les monstres qui souillent la nature : marée noire voitures, ordures… François David et Olivier Thiébaut renouent ici avec un autre de leurs albums , Un Rêve sans faim, qui dénonçait les injustices et déséquilibres du monde ; poésie et art engagés ne sont pas avec eux des gros mots, loin de là. Textes simples, riches et rythmés, images sophistiquées alliant les assemblages les plus étranges, tout est… parfait : un album « monstre », qui conjugue monstration, dévoilement et poésie.

 

Un rêve sans faim

Dansez vieux géants !

Dansez vieux géants !
Gérard Moncomble, Sarah Mercier
Didier Jean et Olivier Payrat (musique)
Utopiques (une histoire en musique), 2015

Carnaval des géants

Par Anne-Marie Mercier

dansez-vieux-geants-9791091081160_0L’album présente la tradition des géants du nord à travers une fiction (pas très convaincante à mon avis) : ces géants se sentent fatigués, il sont vieux… mais les supplications de la foule leur donnent une énergie nouvelle. Les illustrations, assez spectaculaires, font l’intérêt de l’album.

Un CD est joint, qui propose la lecture du texte avec un fond musical intéressant, mêlant claviers et Oud.

Histoire de la petite dame qui aimait le bruit

Histoire de la petite dame qui aimait le bruit
Val Teal, Robert Lawson
Traduit (anlais, USA) par Camille Gautier
Autrement (Vintage), 2015

Vive le son,  vive le son !

Par Anne-Marie Mercier

Histoire de la petite damePublié en mars 2015, cet album est sans doute le dernier de la collection Vintage d’Autrement : cet éditeur a arrêté son secteur jeunesse depuis.

Et c’est bien dommage, notamment pour cette collection qui avait fait reparaître Livre de Mc Cain et Alcorn et qui donne à la petite dame qui aimait le bruit, publié pour la première fois en 1943, une nouvelle jeunesse.

En deux mots, une dame quitte la ville pour s’installer dans une ferme. Le bruit lui manque : elle fait venir successivement une vache, un chien, un chat, des poules, des oies, etc, jusqu’à un tacot pétaradant qui la ramène en ville où elle découvre une autre source de bruit qui lui manque encore : des enfants ! Hop, elle en enlève deux et son bonheur est parfait et sa tranquillité nulle.

Chaque page présente la nouvelles acquisitions dans un beau dessin à l’encre et quelques zones de couleurs (jaune, rouge, rose, noir). Dans le texte, sur la page de gauche, les onomatopées s’accumulent en lettres rouges, la lisibilité et l’esthétique sont parfaites, l’histoire réjouissante, une belle leçon pour les anti-bruits !