La Cerise sur le gâteau

La Cerise sur le gâteau – Histoires des Jean-Quelque-Chose
Jean-Philippe Arrou-Vignod
Gallimard Jeunesse

Back to the early seventies !

Par Michel Driol

ceriseAprès L’Omelette au sucre, Le Camembert Volant, La Soupe de poissons rouges et Des vacances en chocolat, voici le cinquième opus de la série des Jean-Quelque-Chose, une famille de six garçons, tous prénommés de Jean-A à Jean-F. Famille de médecin, à Toulon, en ce début des années 70 (date de sortie de Les diamants sont éternels), où on lit encore Spirou et le Club des Cinq, où on regarde Chapeau melon et bottes de cuir. Chronique familiale, sous la férule d’un père qui menace d’envoyer tout le monde aux enfants de troupe, tandis qu’arrive l’adolescence de l’ainé, et la rencontre des deux plus grands avec les filles. Car, à l’époque, la mixité fait juste son apparition dans notre système éducatif. Le narrateur – le second de la fratrie – observe non sans ironie le rêve de son grand frère de devenir idole des jeunes, alors que lui-même se voit en futur agent secret. Première guitare, pantalons patte d’eph, première boum, messe du dimanche et initiation sexuelle au restaurant… tout cela a un côté nostalgique et retro, permettant de mesurer à quel point la société a changé, en particulier sur le plan de la place et de la vision des femmes (par le père, en particulier)…

Cette chronique – dans laquelle on retrouve des éléments très autobiographiques – favorisera une lecture distanciée par jeunes lecteurs actuels, qui y trouveront, un peu comme dans Avant la télé, d’Yvan Pommaux, des traces d’un mode de vie qui n’est plus. Ils y apprécieront peut-être aussi, en particulier dans la dernière scène, ce qu’est une famille unie, loin des consoles de jeu qui individualisent, autour d’un baby-foot.

Familles nombreuses, je vous aime, même si c’est difficile d’y trouver sa place !

 

Pas à vendre !
Isabelle Rossignol

L’école des loisirs (théâtre), 2012

Ravisseur d’enfants *

Par Anne-Marie Mercier

Cette courte pasavendrepièce en cinq scènes et cinq personnages est un bel exemple de ce que peut le théâtre pour la jeunesse et des voies qu’il emprunte.

Une fille de 11 ans, Iris, suit une femme, Viviana, qui l’attire avec de l’argent et des promesses de château et d’or pour l’abandonner dans une rue sombre d’un quartier pauvre de la ville. Ce schéma réaliste et un peu glauque est déplacé par une suite qui montre Iris prête à vendre ce qu’elle a pour retourner chez elle : sa peur, ses jambes, sa voix… Si l’on songe à une version plus cruelle encore de la petite sirène, et sans prince aucun, cette impression s’éloigne avec l’épisode suivant où Iris, momentanément sauvée par un personnage « simple », retombe dans la même erreur que celle qui l’a perdue, son incapacité à dire non.

Viviana la fée ou la sorcière est l’image de la tentation, Albert le sauveur est un pédagogue, et Iris, l’éternelle enfant à la fois désobéissante et soumise, est l’image d’un jeune spectateur qui passe de l’effroi à la réflexion puis au rire soulagé. L’importance de savoir dire « Non » pour sauver l’intégrité de sa personne est ici bien démontrée, sans qu’il soit besoin de loup ni de sorcière.

* un clin d’oeil à l’ouvrage de Maurice Yendt publié sous ce titre sur le théâtre pour la jeunesse.

http://www.letheatre-narbonne.com/cpjp/01-02/bio/mauriceyendt.html

Livre sélectionné par le Ministère de l’Education nationale

Des ados parfaits

Des ados parfaits
Yves Grevet
Syros, 2014

Mini « Meilleur des mondes »

Par Christine Moulin

des-ados-parfaits-505670-250-400La science-fiction pour les plus jeunes n’est pas très abondante. On ne peut donc que se réjouir de la publication de ce livre qui peut être lu dès 10 ans, me semble-t-il. Le narrateur, Antoine, est un élève parfait, parfait au point que dès les premières lignes, son ton compassé met en alerte un lecteur habitué aux débordements de l’adolescence: « J’apprécie d’être à ses côtés [aux côtés de Célia, une camarade] parce qu’elle ne parle que pour dire l’essentiel et que je tiens à rester concentré pendant les cours ». Suspect…! Dès les premières pages, un mystère s’installe: certains élèves de la classe (dont Antoine et Célia) reçoivent une mystérieuse enveloppe, destinée à leur famille. Quand Antoine donne la sienne à ses parents, ils paraissent inquiets… On apprend également que sur le Tableau Blanc Interactif (science-fiction oblige!) est apparu, quelques jours plus tôt, une menaçante inscription : « Dehors les sept usurpateurs ».

Au début, Antoine ignore tous ces signes car il a une « totale confiance » dans les adultes. Mais peu à peu, en même temps que Célia, il est de plus en plus intrigué, d’autant que celle qui va devenir son amie, elle, a lu le papier: « Elle a le droit de savoir »…

C’est ainsi que débute une intrigue haletante sur fond de meurtres et de secrets, parsemée d’indices qu’il s’agit de relier entre eux pour découvrir, presque en même temps que les héros, l’effrayante solution que l’on a trouvée, dans ce monde à peine futuriste, pour régler les problèmes d’éducation.

Le thème en est passionnant et devrait parler aux enfants et aux adolescents à qui on serine toujours qu’ils ne sont pas parfaits et qui ont l’impression de ne pas répondre aux attentes démesurées, voire déraisonnables, de leurs parents. Antoine et Célia vont braver les dangers, abandonner la sécurité anesthésiante d’un foyer faussement protecteur, pour affirmer leur identité et pour affronter la vérité, même douloureuse. C’est le prix qu’ils doivent payer pour être libres.

PS : Une première version est parue dans le magazine Je bouquine, janvier 2012

Broadway Limited – Tome 1 : Un diner avec Cary Grant

Broadway Limited – Tome 1 : Un diner avec Cary Grant
Malika Ferdjoukh
L’Ecole des loisirs

Un automne à New-York

Par Michel Driol

BroadwayJocelyn, petit français de 17 ans, débarque à New York pour y prendre des cours de musique avec comme seule adresse en poche la pension Giboulée… une pension pour jeunes filles. Mais, grâce à un potage aux asperges confectionné par sa mère, le voilà admis dans cet établissement où il rencontre six jeunes filles, qui rêvent de devenir comédiennes, danseuses, chanteuses, mais galèrent, pour l’instant, comme chorus-girls, taxi-girls, cigarette-girls ou vendeuses de donuts… On va le suivre, durant un trimestre, à sa découverte de l’Amérique, de Broadway, du monde du jazz, du théâtre et du cinéma, jusqu’au bal de son école et son premier amour avec sa jeune voisine, d’origine turque…

Voilà un livre ambitieux, par son volume, près de 600 pages, entre drame, romance et romanesque,  et qui tient ses promesses. Livre choral, car les personnages principaux (une bonne dizaine) y sont traités à égalité, avec leurs ambitions, leurs rêves, leurs problèmes, et, selon les chapitres, c’est l’histoire de chacun qui se révèle peu à peu, mais surtout celle de Hadley, dans le seul flashback, deux ans plus tôt, à bord du train Broadway Limited, qui donne son titre au roman. Chaque personnage semble porter sa part de mystère, plus ou moins dévoilée (ainsi ce personnage de dragon farouche qu’est l’une des deux propriétaires de la pension se révèle être une ancienne reine de beauté de New York !). C’est un roman fortement inscrit dans la période où il se situe, 1948.  On y retrouve donc la façon dont les personnages y vivent avec les séquelles de la seconde guerre mondiale (l’espoir de paix avec la construction du bâtiment de l’ONU, la bombe atomique récente), les souvenirs de la guerre, de l’exode, des privations et de l’aide apportée au Juifs en France, mais aussi, aux Etats Unis, s’y confrontent et s’opposent à la chasse aux communistes.  Le roman présente donc, sous forme de fresque, cette période, tout en permettant la rencontre des mouvements artistiques à New York (l’émergence de l’Actors Studio), et, à la façon d’un roman historique, met en scène la rencontre entre les personnages fictifs et des personnages historiques (le jeune Woody Allen, qui ne portait encore ce nom, Grace Kelly courant les auditions, Sarah Vaughan, Clark Gable…).  Le tout est traité avec humour et légèreté, à la façon de certaines comédies américaines (ce n’est pas pour rien qu’un des personnages porte le nom de Cosmo Brown,  comme dans Singing in the rain, qu’un des chapitres s’intitule  Moses supposes his toes are roses et  que l’illustration de couverture est tirée de Tous en scène).

On attend donc avec beaucoup d’impatience la suite !

 

Bansky et moi, Elise Fontenaille

 Bansky et moi
Elise Fontenaille
Rouergue  2014, doado

 

Des dessins pour éclairer les murs  et la vie

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

Bansky et moi imageDarwin,  collégien à la peau noire et aux yeux bleus raconte sa vie dasn un quartier où,  chaque jour,  on expulse, détruit pour reconstruite plus cher et  faire partir les pauvres, Darwin  va au collège et croise tous les matins sa mère, qui rentre du y travail en effet, elles est chauffeur de taxi de nuit,  elle a  fui  la Somalie,  son pays enceinte à quinze ans.  Darwin n’en saura pas plus  de la vie de sa mère et de son père inconnu. Il est assez timide et  aime  cuisiner, il est heureux avec sa mère s’il n’y avait pas devant leurs fenêtres un énorme mur de bêton gris et sale qui leur cache la lumière et la vue. Alors,  quand il rencontre Eva, la fille la plus secrète du collège et qu’il la voit dessiner sans cesse, il a l’idée de lui proposer de peindre ce mur. Comme Bansky, le célèbre artiste de street art,  mystérieux graffeur dont personne ne connaît l’identité, un modèle pour ces jeunes.  Eva et Darwin vont s’apprivoiser et vivre quelques aventures, dont une expédition  dans les catacombes où ils croisent de très horribles skin heads  racistes et violents qui veulent les tuer !

C’est un roman  optimiste où ceux qui pourraient sembler misérables et exclus, les réfugiés,  les sans-papiers, à force de courage, d’entraide et de fidélité à eux-mêmes s’en sortent et se réalisent. Darwin, qui aime tant cuisiner et qui invente des recettes va entrer en apprentissage,  et  vivre sa passion  et,  à la  fin du  récit,  petite originalité, l’auteur nous livre plusieurs de ses recettes !  A essayer !

 

Le Passager de l’orage

Le Passager de l’orage
Claire Gratias
Syros – Rat noir

Job d’été

Par Michel Driol

lepassagerDans un petit village sans doute anglais, Jonathan, 17 ans, vit entre ses parents et sa petite amie avec laquelle il envisage de rompre lorsqu’arrive Katharin Bets, célèbre auteure de polars, qui, par l’entremise d’un des propriétaires du salon thé, l’engage pour le mois de juillet comme secrétaire. Il emménage donc avec elle dans une grande maison, à la très mauvaise réputation. Et là, dans la chaleur épouvantable de l’été, chacun des deux va révéler à l’autre un terrible secret, et commettre un acte inoubliable,  à moins que tout cela ne soit une fiction, car Le Passager de l’orage est à la fois le titre du livre de Claire Gratias et de son personnage Katherine Bets.

Voilà un roman complexe, situé sous le double patronage de Moby Dick et de Des souris et des hommes. Si on frôle parfois le roman gothique (dans les décors, dans le motif du tableau aux pouvoirs maléfiques), on est plus proche d’un roman qui met en abyme l’écriture et l’art, jusque dans la pirouette finale. Qu’est ce qui est vrai ? Qu’est ce qui est faux ? Tout n’est-il que fiction ? De plus, le roman, miroir qu’on promène le long du chemin, montre une réalité sociale sombre : père alcoolique risquant d’être placardisé par un petit chef autoritariste, famille à la dérive, difficultés d’insertion d’un ado, pris entre sa famille, le couple de lesbiennes qui l’affectionne, sa petite amie et l’auteure à qui il sert de secrétaire.

Un bon thriller efficace, découpé en chapitres courts et percutants.

Ava préfère l’amour

Ava préfère l’amour
Maïté Bernard
Syros, 2014

Et de quatre !

Par Christine Moulin

ava-prefere-l-amour-432957-250-400Nous avions déjà suivi les aventures d’Ava dans son périple à travers l’Archipel de la Manche. Dans ce quatrième volume de la série, cap sur Aurigny! On retrouve les ingrédients habituels: le cadre, brièvement décrit mais de façon assez évocatrice pour que le parfum de la mer arrive jusqu’à nous, la peinture de la société des fantômes, avec ses personnalités bien campées, ses drames et ses rivalités et surtout, l’analyse du caractère d’Ava, timide, pleine de scrupules, généreuse. Elle évolue doucement, au fil des tomes, grandit, s’émancipe (jusqu’à faire des « bêtises » en forme de fugue), tombe amoureuse de jeunes gens aussi beaux que gentils, mais malheureusement, un peu déboussolés par ses attitudes parfois déroutantes. Comme à l’ordinaire, elle se retrouve confrontée à toutes sortes de situations surprenantes et dangereuses et s’en sort avec brio, tout en se disant qu’elle est nulle! L’intrigue, d’ailleurs, plus linéaire que dans les tomes précédents, y gagne en clarté et en suspens.

Pourtant, cette fois, la « recette » semble moins réussie, ou elle est plus visible, justement: comme dans le tome III, c’est un secret qui constitue le coeur de l’action, un secret qui concerne la mère d’Ava, cette fois. Bien sûr, on comprend bien que c’est là la richesse de ces histoires, toutes fondées sur l’idée qu’il faut pour avancer, clarifier le passé pour qu’il cesse de nous hanter: les fantômes qu’il s’agit de « consoler » en sont les vivants (si j’ose dire…) symboles. Cela dit, on se demande quand même pourquoi tout d’un coup, le projecteur est braqué sur la mère d’Ava, alors qu’elle était jusqu’alors un personnage dans l’ombre, plutôt secondaire. Pour le cinquième tome, est-ce que ce sera son père qui tiendra la vedette?

Tout cela pour dire qu’on attend quand même avec intérêt ce cinquième volume, surtout qu’il est arrivé quelque chose à un personnage important et attachant…

Hourra !

Hourra !
Juliette Binet
Rouergue

De passage en passage…

Par Michel Driol

couv_hourraUn explorateur, spéléologue d’abord, alpiniste ensuite, à la tenue quelque peu rétro, traverse une grotte. Celle-ci est figurée par les pages du livre, ajourées. Il va donc de passage en passage, tantôt assuré, tantôt en équilibre sur des rochers, tantôt rampant jusqu’à la sortie. « Hourra ! », s’exclame-t-il alors. Mais l’histoire n’est pas finie. Il s’engouffre, sur fond de ciel bleu, prenant appui sur des rochers flottant sur ce bleu, dans une forme blanche non ajourée. Vraie sortie ? Nuage ? Porte vers un au-delà différent…

Voici un album cartonné minimaliste et subtil, aux couleurs pastel gris et bleu, aux découpes étonnantes, qui ne manquera pas d’ouvrir la porte aux interprétations les plus variées.  Evocation de la naissance ? Evocation de la vie ? Parcours initiatique qui conduit de l’obscurité à la lumière, et du « réel » à « l’idéal » platonicien ? Ou métaphore du lecteur, plongeant dans le livre ?

Un album pour les tout-petits… mais aussi pour les plus grands, chacun y trouvant un plaisir différent, du plaisir physique de glisser son doigt dans les trous au plaisir intellectuel d’interpréter…

L’Incroyable Histoire de l’homme qui avait trouvé un petit pois dans une huitre

L’Incroyable Histoire de l’homme qui avait trouvé un petit pois dans une huitre
Philippe Ciamous, Thomas Baas
Flammarion Père Castor, 2015

Petite perle

Par Anne-Marie Mercier

 

Dans les deLincroyablehistoiredelhommequissins, il y a du Sempé pour les décors, du Ungerer pour les personnages, du noir et blanc, colorié par endroits de vert et de rose. Dans le texte il y a beaucoup de fantaisie, d’excès et surtout de sérieux excessif et donc loufoque. Quant au sens de cette histoire, ou à sa morale si vous y tenez… elle ne cherche pas à en avoir et c’est tant mieux.

C’est le deuxième ouvrage de Philippe Ciamous qui avait publié en 1999 Pob, le petit ours bleu chez Milan.

Comment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?

Comment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?
Jessie Magana
Le baron perché, 2014

Bonne question, réponses multiples

Par Anne-Marie Mercier

En ces temps dComment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?e crispation sur le « genre » et sa « théorie », des ouvrages comme celui-ci, à la fois fermes sur le principe de l’égalité et pleins de bon sens quant à la connaissance des freins qui demeurent encore, sont extrêmement précieux. Ce n’est pas un ouvrage théorique mais il répond très précisément à la question posée par son titre. Il répond aussi aux « pourquoi » et « pour quoi ».

Après un court préambule sur le contexte actuel et sur l’le passé, il propose des activités pour éduquer à l’égalité et répond à une série de questions classées par thèmes : le corps, l’apparence, le sexe, l’identité sexuée et l’orientation sexuée, les rôles attitrés, les modèles féminins dans les religions, etc.

Complété par des illustrations variées et éclairantes, souvent drôles, un index, des suggestions de lectures complémentaires, c’est un excellent outil pour aider tous ceux qui travaillent auprès d’enfants et d’adolescents.