L’heure du Grimm

L’heure du Grimm
Bruno Heitz

Casterman (mini BD), 2011

Petit ? – concentré !

Par Anne-Marie Mercier

L’heure du Grimm.gifC’est une « mini BD », et pourtant il y a une foule d’histoires et de jeux : d’abord l’histoire de Hansel et Gretel, racontée par Louisette la taupe, héroïne de la série (9 volumes parus), puis celle des trois jeunes lapins kidnappés par une belette qui veut réécrire cette histoire à son profit, et celle des sauveteurs qui se déguisent en renard pour les délivrer. On pense à Sylvain et Sylvette : un décor réduit, la maison, la forêt, le stupide ennemi. On pense aussi aux Musiciens de Brême, petits animaux unis contre un plus gros.

C’est aussi une BD bien faite, dynamique, qui enchaîne les cases de divers format et de formes variées sans que ce soit jamais artificiel et qui intègre un récit (le conte de Hansel et Gretel) dans le récit de façon astucieuse pour être lisible par de jeunes lecteurs. Les personnages sont croqués parfaitement et ont chacun leur caractère : lapins peureux et gourmands, belette à demi rusée, écureuil peureux, raton laveur couturier borné, taupe sagace à lunettes.

Enfin, le conte rejoint l’actualité à travers la lecture du journal qui raconte les conflits des humains, celui de la « guerre des truffes » qui a défrayé la chronique cet automne. Conte, récit policier, actualité, c’est un festival où l’humour est présent partout, y compris dans le drame et le suspens.

Coucou hibou !

Coucou hibou !
Lucile Placin

Casterman (queue leu leu), 2011

Par les bois et les prés

Par Anne-Marie Mercier

lucile placin,comptine,casterman (queue leu leu),anne-marie mercierLa collection « queu leu leu » compte déjà 38 titres, et est très reconnaissable avec son format allongé, à l’italienne, et ses pages en carton fort, aux coins arrondis. Le principe est celui de l’enchaînement et de la répétition et les albums créés à partir de comptines fonctionnent parfaitement, reprenant les refrains et inventant de nouvelles formulettes sur le même mode.

Ici, c’est le célèbre « dans la forêt lointaine » qui porte les belles images de Lucile Placin. Papiers découpés, collages, montages photographiques, l’ensemble est très original. On suit le petit hibou, dans un chemin qui le ramène chez lui : par les bois, la rivière, le pont, les herbes… pour revenir à sa maman et faire découvrir au petit lecteur que c’est un oiseau à son image.

Le grand livre d’activités

Le grand livre d’activités
John Woodward
Gallimard jeunesse, 2010

Il pleut ? La solution

par Anne-Marie Mercier

John Woodward,Anne-Marie Mercier,livre d'activités, Gallimard jeunesse« Ne plus jamais s’ennuyer », tel est le sous titre de cette Bible des activités, destinée à tous les enfants solitaires que leurs parents n’ont pas autorisé à rester branchés en permanence sur les ordinateurs et play stations.

On y trouve les bonnes vieilles recettes (jouer avec du papier, des fils, des ombres, faire un jardin, un gâteau… faire un feu, un abri, se diriger grâce aux étoiles…) mais aussi les solutions liées aux nouvelles technologie (faire un film d’animation avec un appareil photo numérique et un PC…) . Tout cela en une à deux pages très lisibles, avec photos, schémas et illustrations. Ainsi, on peut jouer un petit air de guitare, devenir champion de foot, se perfectionner en skate board, en suivant pas à pas les instructions.

Magique, non ? A offrir à tous les grands-parents qui ne savent comment occuper des petits-enfants solitaires.

L’agenda du lecteur curieux

L’agenda du lecteur curieux
Régine Barat, illustré par Pef

De la Martinière, 2011

Agenda pour remplir le temps

Par Anne-Marie Mercier

L’agenda du lecteur curieux .gifDans le même collection que les agendas des « apprentis » (apprenti écrivain, illustrateur,  scientifique, gourmand, comédien…) voici une jolie proposition pour les lecteurs… confirmés.

En effet, il se destine à ceux qui ont déjà le goût de lire et pourraient souhaiter élargir leur champ de vision à d’autres œuvres de la littérature, principalement de jeunesse, mais pas exclusivement, classiques et modernes, français et étranger. Il leur propose d’écrire, de chercher, de réfléchir, de lire…

Un cadeau intelligent pour un été pluvieux ou pour un enfant solitaire.

Monstres et Dragons

Monstres et Dragons
Matthiew Reinhart, Robert Sabuda

Seuil 2011

pop-up monstre !

Par Anne-Marie Mercier

Monstres et Dragons.gifL’édition française de ce pop-up justement qualifié de « spectaculaire » en quatrième de couverture a été rapide puisqu’il a été publié la même année en Grande-Bretagne, et c’est tant mieux. On a rarement vu un pop-up aussi généreux, à tous points de vue : l’inventivité des montages la variété des papiers, l’humour, la présence d’images annexes dans les marges, cachés sous des rabats et enfin la quantité  et la qualité des textes.
Le livre convoque plusieurs mythologies, européennes ou asiatiques, anciennes et modernes. Dans ses pages sages au format carré, il propose de frémir devant le surgissement du calmar géant, l’éveil du vampire, le saut du yéti, et de réfléchir aux origines des croyances et à leur impact sur les civilisations. Ainsi, à propos du Dragon, se côtoient une légende, une réflexion sur le kung-fu et une évocation des fêtes du nouvel an chinois.

New York en pyjamarama

New York en pyjamarama
Michaël Leblond, Frédérique Bertrand
Rouergue, 2011

Images magiques

Par Anne-Marie Mercier

 New York en pyjamarama.gifUn livre gris… et magique !

Un enfant en pyjama se couche et rêve de New York ; il s’y promène comme on vole. Il y a un peu de la Cuisine de nuit de Maurice Sendak, à ceci près que le pyjama reste en place… Avec l’enfant, on s’émerveille devant la foule, les gratte-ciel, le trafic, le vent dans les arbres, les lumières. Et aussi à ceci près que rien n’est statique. Tout bouge : les lumières clignotent, les roues tournent, les voitures circulent, les gens passent et les feuilles volètent.

Tout cela, grâce à la grille rayée (comme le pyjama!) que l’on peut passer devant les images pour les faire s’animer: une merveille d’astuce graphique (l’ombro-cinéma), sans batterie, sans souris, qui illustre un pouvoir inattendu – et pourtant ancien – du livre.

Le prochain ouvrage de la collection, Luna Park en pyjamarama sera certainement décoiffant !

démonstration sur You tube :

Le Buffon choisi

Le Buffon choisi
Benjamin Rabier

Ciconflexe, 2010

A lire aux enfants pour se faire plaisir (et instruire en s’amusant !)

Par Anne-Marie Mercier

buffon,benjamin rabier,anne-marie mercier,animaux ciconflexeRéédition de l’album de 2009 (Circonflexe), lui-même repris de l’édition du même titre de 1924 (Garnier), cet album est une anthologie de textes et d’images tirés du Buffon de Benjamin Rabier commandé au dessinateur par la maison Garnier et paru en 1913.

La sélection a bien évidemment ôté les textes qui choqueraient les lecteurs des 20e et 21e siècles (notamment sur les races et la place des femmes) et choisi principalement des animaux connus, domestiques ou familiers (la brebis, le cochon d’inde…) ou exotiques (le tigre, le singe…). On ne trouvera donc pas le cycloptère ventru, ni le tcha-chert-bé.

La nomenclature de Buffon étant pour l’essentiel encore actuelle, elle est ici simplifiée et il n’y a rien de démodé : l’on peut apprendre un début de classement (gallinacées/ échassiers… poissons cartilagineux/poissons osseux…).

Les illustrations sont sages et visent au réalisme. Les planches en couleur hors textes sont attachantes et rappelleront au lecteur adulte des lectures chez les grands parents et offriront aux plus jeune une vision de l’image documentaire plus poétique qu’à l’ordinaire (le singe se regardant dans la glace, l’éléphant se saisissant du chasseur, le paon devant un palais oriental, les lapins sous la lune…)

Enfin, la langue de Buffon, toujours belle et claire est maintenue, et c’est un délice de lecture. Un bémol toutefois : le texte est autant expurgé qu’abrégé. Pour en donner une idée, voici quelques unes des phrases qui ont été ôtées à la description du cochon d’Inde (sans que la coupe soit signalée) : « Ces animaux sont d’un tempérament si précoce et si chaud, qu’ils se recherchent et s’accouplent  cinq ou six semaines après leur naissance ; » […] « ils n’ont de sentiment bien distinct que celui de  l’amour, ils sont alors susceptibles de colère, ils se battent cruellement, ils se tuent même quelquefois  entre eux lorsqu’il s’agit de se satisfaire et d’avoir la femelle. »

La fin est presque intégralement maintenue, et l’on y entend le rythme de la phrase de Buffon :

« naturellement doux et privés, ils ne font aucun mal, mais ils sont également incapables de bien, ils ne  s’attachent point : [ils sont] doux par tempérament, dociles par faiblesse, presque insensibles à tout ». Il manque la suite, qui montre le regard de Buffon : « ils ont l’air  d’automates montés pour la propagation, faits seulement pour figurer une espèce. »

Pour les passionnés – ou pour le devenir, plusieurs idées : aller acheter chez les bouquinistes l’édition complète avec des planches, s’offrir une édition courante (moins cher), ou bien (gratuit) voir le texte de Buffon en ligne (http://www.buffon.cnrs.fr/).

Pour tous : offrir d’urgence cet album aux petits enfants sages, afin de se faire plaisir à dire ce beau style en leur faisant la lecture. Et demain, on découvrira sur le site les nouveaux volumes des Sciences naturelles de Tatsu Nagata : le pou et le cheval, en albums.

Mademoiselle de Maupin

Mademoiselle de Maupin
Théophile Gautier

Abrégé par Marie-Hélène Sabard
L’école des loisirs (classiques abrégés), 2011

L’amour masqué

Par Anne-Marie Mercier

Théophile Gautier,androgyne, féminisme,romantisme,travesti, homosexualité,bisexualitéL’école des loisirs (classiques abrégés),Anne-Marie Mercier   Quelle bonne idée que de proposer cette version abrégée aux élèves des lycées ! En effet, on ne lit plus de Mademoiselle de Maupin que sa préface où Gautier se moque des critiques, de la littérature vertueuse, du goût pour la couleur locale, des modes littéraires de tout poil et s’interroge sur l’ « utilité » du roman, de l’existence même… pour conclure qu’il « n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines ».

Quelle est l’utilité de Mademoiselle de Maupin ? C’est, comme toute belle œuvre, d’être inutile et superflue, donc nécessaire. C’est aussi d’offrir un récit dans lequel points de vue particuliers, journaux, lettres se croisent et s’entrelacent avec une narration neutre et distante.

Il propose une aventure singulière, proche d’une situation de comédie de Marivaux : un jeune homme, Albert, cherche l’amour absolu et ne le trouve pas, malgré la perfection de sa liaison avec Rosette. Arrive Théodore, que Rosette aime et qu’il a repoussée pour des raisons mystérieuses. Albert tombe amoureux de Théodore, puis il devine que c’est une femme déguisée. On apprendra les causes de ce travestissement, et le roman devient doublement féministe : d’abord par le thème du travestissement, ensuite par les raisons évoquées par le personnage, dénonçant l’attitude des hommes vis-à-vis des femmes.

Contrairement à la comédie, rien ne rentre dans l’ordre. La fin est troublante, inexpliquée et permet de s’interroger sur ce qui n’est pas dit.

Gargouilis

Gargouilis
Nina Blychert Wisnia
Rouergue, 2010

« Tout, tout, tout, vous saurez tout … »

par Anne-Marie Mercier

Gargouilis.gifL’estomac, cet être étrange, n’aura plus de secrets pour nous : à quoi il sert, ce qui en sort (scato rieur), ses différentes formes, combien il y en a dans un ventre de girafe, comment il fonctionne ou dysfonctionne (superbe jeu du labyrinthe faisant passer par différents aliments pour provoquer diarrhée, constipation ou bonne santé…).

C’est un excellent documentaire doublé d’un album très drôle aux illustrations souvent loufoques qui imite les dessins scientifiques (dessins en coupe, légendes…).

A conseiller vivement à tous, et notamment à ceux qui veulent faire comprendre ce genre de texte de façon amusante ou réfléchir sur les usages de la littérature de jeunesse dans tous les domaines – les conseils du loup sont hilarants, et sa digestion du Chaperon rouge est un morceau d’anthologie !

Le Journal d’Aurore

Le Journal d’Aurore
Marie Desplechin
école des loisirs (médium), 2011

« jamais contente », « toujours fâchée », etc.

par Anne-Marie Mercier

Le Journal d'Aurore.jpg Voici réunis en un volume les trois volets du journal d’Aurore, intitulés « jamais contente », « toujours fâchée » et « rien ne va plus », parus entre 2006 et 2009. Aurore est le prototype de l’ado insupportable, version « fille », bien sûr.

Mécontente de tout, et surtout de sa famille (parents qui ne comprennent rien, petite soeur bonne en classe, grande soeur rebelle mais sans ambition…), elle passe une partie de l’année chez ses grands-parents qui tentent de l’aider.

Amitiés décevantes et pourtant indispensables, amours ridicules et pourtant vitales, fugue virtuelle, catastrophes scolaires… la vie d’Aurore est bien sombre. Mais elle est éclairée par l’humour de la narratrice qui met dans ce journal la quintessence de la négativité adolescente au point qu’elle en devient comique et que tout ado pourra s’y reconnaître. On y trouve aussi quelques éclaircies: un miracle ( un professeur de mathématiques qui a deviné sous le cancre hostile le talent caché), la découverte de la musique et du travail dans un groupe, une complicité enfin.