Le Secret d’Iona

Le Secret d’Iona
Gil Lewis
Gallimard (folio junior), 2011

Pour l’amour des oiseaux

Par Anne-Marie Mercier

La jeune Iona passe comme un éclair dans la vie du jeune narrateur (11 ans), mais elle détermine sa vie et ses choix : tournant le dos à ses copains, aux exploits en vélo ou à la pêche, il fait un bout de chemin avec celle que tous rejettent et il arrive à partager son secret : un nid qui prouve le retour d’un oiseau d’une espèce quasi disparue en terres écossaises, le balbuzard.

Si la première partie est guidée par la rencontre avec Iona, rencontre qui se termine tragiquement, la seconde suit le parcours d’Iris, la femelle balbuzard, jusqu’en Afrique : le garçon la suit grâce à une bague et à google earth, il tient son journal et l’on voit parfois à travers les yeux d’Iris. Tout cela mène à une autre rencontre, celle de la jeune africaine handicapée Jeneba, et à une belle histoire de solidarité.

Le roman mêle des préoccupations écologiques, sociologiques, humanitaires à la description de la vie quotidienne en Ecosse sans tomber dans l’artifice. Les personnages sont attachants et pittoresques, à peine stéréotypés (juste ce qu’il faut pour la couleur locale), comme les décors. Les événements s’enchaînent naturellement, en maintenant cependant plusieurs suspens. L’ensemble est un roman tout à fait réussi, plein de bons sentiments sans être mièvre, et émouvant.

Les Pakomnous

Les Pakomnous
Anne Jonas, Christophe Merlin

L’Edune, 2012

« En ces temps lointains, le monde s’occupait doucement de ses commencements »

Par Dominique Perrin

La fable est ancienne comme l’humanité, et son humour piquant aussi : deux peuples vivent en ennemis chacun de leur côté d’un fleuve, jusqu’à ce qu’un(e) innocent(e) convertisse la défiance atavique en désir de rencontre. L’histoire n’a pas une ride, et rayonne de tous ses feux sous les plumes d’Anne Jonas et de Christophe Merlin, qui semblent la réinventer, l’une dans une écriture « des commencements » associant de façon remarquable simplicité syntaxique et puissance métaphorique, l’autre dans un style graphique évoquant ici une tradition populaire russe mâtinée de clins d’oeil à Nicole Claveloux, là les stables paysages de Cézanne.

 

Oeuf

Oeuf
Jerry Spinelli, traduit par Jérôme Lambert

L’école des loisirs (neuf), 2010

Vous comprendrez

par Sophie Genin

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Oeuf, c’est l’histoire d’un garçon de 9 ans qui découvre, pendant une chasse à l’oeuf, le corps d’une adolescente, Primrose, qu’il croit morte.Oeuf, c’est l’histoire d’une famille hétéroclite qu’on se choisit pour survivre.

Si vous le lisez, vous comprendrez pourquoi un certain John Frigo pense que « ce n’était pas un hasard si tous trois formaient une sorte de famille ». Vous comprendrez comment deux inconnus, perdus, l’une sans père, l’autre sans mère, peuvent devenir amis, pourquoi une tortue violette peut être un souvenir secret, pourquoi on peut traiter sa mère – une voyante du dimanche aux pieds couverts de bagues- de « dingo », pourquoi, à 13 ans, on peut choisir de dormir dans un van sans roues, malgré les oeufs écrasés sur les vitres au matin, comment chasser les vers de terre et ce qu’est le « shopping de nuit ». Vous comprendrez surtout comment la vie, de rencontres en rencontres, de surprises en surprises, peut ressusciter l’espoir.

Il y a du Anna Gavalda, du Olivier Adam et du Claudie Galay dans ce roman : écorchés vifs qui n’auraient jamais dû se croiser, ils se rencontrent, la vie fait le reste et il n’y a plus qu’à lire…

Mongol

Mongol
Karin Serres

l’Ecole des Loisirs (Théâtre), 2011

Transformation réussie

par Sophie Genin

différence ; école    « Cette histoire a d’abord existé sous forme d’un roman (…). Je l’ai entièrement réécrite pour le théâtre à l’invitation de Pascale Daniel-Lacombe, du Théâtre du Rivage, qui l’a créée à l’Atrium de Dax le 24 mars 2011 » (Karin Serres). Nous pouvons remercier la metteur en scène car, si je n’ai pas lu Mongol sous forme de roman (édité en 2003), la pièce a tout des qualités de ce qui fait un texte marquant.

En effet, l’idée de départ, un quiproquo du héros, Ludovic, traité de « mongol » par Fabrice, caïd de sa classe, permet à l’auteur de nous emmener en voyage sur les traces des véritables Mongols, en particulier de celles de Gengis Khan. Jamais la visée de cette pièce n’est didactique ou moralisatrice car le jeune garçon trouve un sens à son existence dans la découverte de la langue et des traditions d’un peuple souvent méconnu. En refermant l’ouvrage, une seule envie : continuer à en découvrir plus !

On retrouve dans cette pièce au rythme rapide et dense, suivant celui de Ludovic au sein de sa famille et à l’école, par épisodes, la qualité d’une pièce pour plus jeunes : Le Petit Bonhomme vert (et le rouge!), publié aux éditions du Bonhomme Vert en 2008. En effet, l’adresse aux enfants est juste, sans non-dits, directe mais attentive. On peut alors suivre Karin Serres où bon il lui semblera de nous conduire. On se laisse emporter, suivant Ludovic, pas si « différent » que ça.

Mongol

Mongol
Karin Serres
L’école des loisirs (Théâtre),

Moi ?   Différent ?….

Par Chantal Magne-Ville

mongoltheatre.aspx.gifmongolroman.gifDans cette adaptation théâtrale du roman éponyme, Karine Serres met en scène Ludovic, un enfant différent qui se fait souvent insulter par ses camarades de classe. Un jour ils le traitent de « mongol ». Le dictionnaire lui apprend qu’il s’agit d’un peuple d’Asie, et il n’a alors de cesse de trouver des informations sur ces hommes dont il découvre la culture. Il en apprend les expressions, la géographie, et rêve sur leurs noms de lieux. En s’identifiant à ces guerriers, et en tentant maladroitement d’en adopter les coutumes, il se singularise et génère l’incompréhension autour de lui. Seul le spectateur perçoit la logique de ses nouveaux comportements, ce qui fait ressortir l’inadaptation des réponses de l’entourage. Cependant Ludovic acquiert progressivement de l’assurance et parvient à tenir tête à ses persécuteurs. Les échanges sont nerveux et très percutants, mimétiques de la montée de la force intérieure du héros, dont nous partageons les conquêtes par le  point de vue interne qui prend souvent la forme de monologues décoiffants où l’humour est souvent présent ainsi que la poésie. Une œuvre attachante, pleine d’humanité, qui sait toucher tout spectateur, quel que soit son âge. La découverte de l’altérité se fait avec une très grande justesse psychologique, sans misérabilisme, délivrant un message résolument optimiste.

Tous pareils tous pas pareils

Tous pareils tous pas pareils
Michel Séonnet et Olivier Pasquiers
Rue du Monde, 2010

Identiques et pourtant si différents !

par Sophie Genin

9782355041204.gif« Ils grimpent dans des arbres… qui font du vélo sur une roue. Ils ont des maîtresses d’école… qui deviennent des parapluies quand il pleut.
Ils font des bonshommes de neige… qui font de l’ombre dans le désert.
Ils regardent avec des yeux… qui s’éclairent la nuit comme des phares. »

Voici le genre de phrases que l’on créée quand on joue avec le drôle de livre qu’est Tous pareils, tous pas pareils. Sur le principe des rencontres dues au hasard, la poésie surgit, laissant place à une évocation étonnante, des associations rigolotes ou plus graves qui donnent à réfléchir au lecteur, quel que soit son âge. Associez à ces petites trouvailles, très riches au niveau de la création langagière, des illustrations sous forme de photos en noir et blanc et vous obtiendrez un portrait coloré de l’enfance, une image variée de filles et de garçons du monde entier, accompagnés de nounours, tous pareils mais si différents !

L’Une danse, l’autre pas

L’Une danse, l’autre pas
Geneviève Casterman
Ecole des loisirs (Pastel), 2011

 Poésie et humanité réunies

par Sophie Genin

9782211203012.gifLe titre poétique -référence au film d’Agnès Varda, L’Une chante, l’autre pas, traitant du droit des femmes et du féminisme à travers le destin très différent de deux amies – donne le ton de cette fable philosophique délicate.
Rose et Line, oiselles jumelles partagent tout dans la prime enfance mais sont fondamentalement différentes.
Le trait des dessins représente avec pudeur et émotion des oiseaux blancs aux pattes jaunes et au bec orange, les détails les humanisant pour rendre l’histoire accessible à tous. L’identification est immédiate car, grâce à la gémellité, chacun peut s’identifier à l’une ou l’autre soeur : l’une est « bougeon » et rêve de parcourir le monde, l’autre, plus sédentaire, a un tempérament d’artiste et recueillera les oisillons tombés du nid.
Toutes deux auront besoin de se détacher l’une de l’autre, de s’émanciper, afin de mieux se retrouver. La fin reste ouverte, chacun pouvant interpréter le destin des soeurs. Une des lectures, dans la lignée de Auprès de mon arbre de Brassens, pourrait être la renaissance de celle partie puis revenue, celle partie chercher ailleurs ce qu’elle retrouve chez elle, avec ses racines…