Koi que bzzz ?

Koi que bzzz ?
Carson Ellis
Hélium 2016

Unk mazet turlitiboot !

Par Michel Driol

koi-ke-bzzz-de-ellis-carson-1089051240_lLe décor ? Un tronc d’arbre coupé gisant au sol page de gauche, et une plante qui se développe page de droite. D’abord plantule, puis fleur épanouie, enfin fleur fanée. Sur l’une des branches du tronc, une chenille qui devient cocon puis papillon éphémère dansant au clair de lune. Printemps, été, automne, hiver, puis à nouveau printemps l’album illustre le cycle des saisons, en quelques pages.

Mais son originalité tient aux multiples insectes qui viennent animer ce décor, à la langue imaginée, poétique et créative dans laquelle ils s’expriment – une sorte de gromelot – et à leur discrète humanisation (cannes, chapeaux, sacs à mains…) ainsi qu’à l’expression des sentiments multiples qu’ils éprouvent – étonnement, joie, désolation, crainte. C’est d’abord un couple de libellules qui s’interroge devant la plante, puis une coccinelle, un hanneton qui vont demander conseil à la chenille savante qui habite dans le tronc d’arbre – véritable logis avec sa table, sa lampe à pétrole, ses lunettes et sa pipe… Elle leur offre une échelle, qui leur permet de grimper sur la plante, d’y installer leur cabane, menacée par une araignée géante qui l’entoure de sa toile, avant qu’un oiseau, encore plus géant, ne la détruise. Puis la vie de la petite communauté reprend, jusqu’à l’automne  qui laisse un paysage désolé et abandonné.

Le graphisme – minutieux – est de ceux qui regorgent de détails à profusion, souvent humoristiques et que l’on peut suivre de page en page – la coccinelle empruntant son transat à la chenille, la hissant en haut de la plante avant d’y siroter un verre, la chenille arborant veste et cache-nez quand l’automne arrive. Sans oublier les fourmis, personnages muets, mais présents, tel un chœur antique dont les gestes seuls commentent cette tragi-comédie.

Un album qui traite de façon poétique du cycle des saisons, qui met en évidence les multiples vies cachées des insectes qui, tels des enfants, se construisent une cabane en hauteur pour y jouer aux pirates. Un album aussi pour parler de sciences naturelles et d’écologie.

 

J’ai planté un arbre dans la montagne

J’ai planté un arbre dans la montagne
Kanayo Sugiyama et Shigeatsu Hatakeyama
Editions l’Edune 2016

« La forêt est l’amante de la mer »

Par Michel Driol

jaiCet album documentaire prend appui sur une action entreprise au Japon il y a 20 ans pour revitaliser une mer très polluée. Des pêcheurs et ostréiculteurs ont eu l’idée de planter des arbres en montagne. Cet album explore et montre le lien et l’interdépendance entre les différents éco systèmes : la montagne et les animaux qui y vivent (mammifères, mais aussi insectes), les ruisseaux, chargés de l’humus de la forêt, qui font vivre les poissons et crustacés, jusqu’à la mer, et une autre forêt souterraine, celle des algues. Les poissons deviennent alors nos aliments.

Cet album est original à plus d’un titre : d’abord parce qu’il prend appui sur une action réelle, qui a permis de sensibiliser les habitants de cette région du Japon à l’écologie et donné naissance à une cérémonie festive annuelle tout en permettant à la biodiversité de revenir. Ensuite parce qu’il est le fruit de la collaboration entre un ostréiculteur, porte-parole de l’Association des Amis de la Forêt Huitrière et une auteur de littérature jeunesse. Enfin, parce qu’il prend le parti d’impliquer l’enfant du début à la fin. Tout commence par une sorte de jeu de l’oie – quizz sur la nature et les problématiques évoquées dans le livre.  Ensuite parce qu’on a un enfant, le « je » narratif, qui plante un arbre, et est représenté, armé de sa bêche. Si le « je » disparait tout au long de l’album, il revient dans la dernière page « Alors j’ai planté un nouvel arbre dans la forêt », mais il n’est plus seul, trois autres personnages font de même.

On peut regretter que, dans les pages consacrées à la forêt, les textes soient difficilement lisibles (marron sur marron, marron sur jaune). Mais cet album se révèle être une riche encyclopédie visuelle, puisqu’on y retrouvera de nombreux animaux peu connus – vivelle, aplysie, polygonia – comme une invitation à ouvrir les yeux sur le vivant qui nous entoure et à y prêter attention. De façon très pointue, on y insiste aussi sur l’origine et le rôle de l’acide fulvique, son association avec le fer (traitée de façon très graphique), son transport au fil de l’eau, puis sa fonction dans la croissance de la forêt d’algues. Les explications sont claires, exprimées dans une langue facilement accessible.

La mise en pages est aérée et inventive : page qui se déplie, pages de plus en plus grandes lorsqu’on passe du phytoplancton… au thon. Quatre pages finales, plus documentaires, apportent des compléments d’information sur les notions connexes à l’album.

Un album plein d’intérêt et d’optimisme pour sensibiliser sans mièvrerie à l’interdépendance de tous les organismes sur terre, et montrer que de petites actions locales peuvent avoir de grands effets sur l’ensemble de l’éco système.

 

 

Espèces de monstres

Espèces de monstres
François David, Olivier Thiébaut
Motus, 2015

Un album « monstre »

Par Anne-Marie Mercier

Espèces de monstresAprès Les Hommes n’en font qu’à leur tête, François David et Olivier Thiébaut reprennent le procédé de portraits composites, à la manière d’Arcimboldo, accompagnés de courts textes poétiques. Ce sont autant de « caractères » (à la manière cette fois de La Bruyère ou La Fontaine) qui sont brossés : monstres fabuleux (le loup du Chaperon rouge), caricaturaux (le monstre d’hygiène, l’encyclopédiste), moraux (le brise-tout).

A cette liste s’ajoutent les monstres qui souillent la nature : marée noire voitures, ordures… François David et Olivier Thiébaut renouent ici avec un autre de leurs albums , Un Rêve sans faim, qui dénonçait les injustices et déséquilibres du monde ; poésie et art engagés ne sont pas avec eux des gros mots, loin de là. Textes simples, riches et rythmés, images sophistiquées alliant les assemblages les plus étranges, tout est… parfait : un album « monstre », qui conjugue monstration, dévoilement et poésie.

 

Un rêve sans faim

Le Japon d’Anno

Le Japon d’Anno
Mitsumasa Anno
Traduit (japonais) par Jean-Christian Bouvier
L’école des loisirs, 2014

Le Japon en « énergie basse »

Par Anne-Marie Mercier

Le Japon d’AnnoL’école des loisirs a publié en 2010 un album de Mitsumasa Anno inspiré par un rouleau de peinture sur soie « Jour de Qingming au bord de la rivière », qui proposait une vision de la Chine « éternelle ». On retrouve la même esthétique de dessin aquarellé, des images sans texte mais avec quelques explications en fin de volume et une carte géographique qui permet de situer les lieux.

ici, c’est une vision datée avec précision, même si certaines images semblent hors du temps : Anno a représenté le Japon de son enfance, celui de l’après guerre. Un texte en fin d’album explique le propos et le situe dans le contexte du « grand tremblement de terre de l’est du Japon », dit aussi « catastrophe du 11 mars (2011) », ou catastrophe de Fukushima. Si les images ont un charme qui dit le silence, l’espace paisible (beaucoup de scènes sont en vue plongeante), les réjouissances (fêtes, danses, spectacles) et l’espace traversé (routes, rivières, navires…), avec nostalgie le texte est un plaidoyer pour un arrêt des énergies nucléaires et pour que l’on se prépare à se passer de toute cette électricité, quoi qu’il en coûte, comme au temps de l’enfance d’Anno.

La Forêt est en danger !

La Forêt est en danger !
Edwige Planchin et Caroline Petit, illustré par Gabriella Corcione
Les petites bulles éditions (premières lectures), 2014

Un gang de petites taupes écolo

Par Anne-Marie Mercier

Voilà des petitLaForet_endanger_dp_01es taupes occupées à une affaire plus sérieuse que de s’interroger sur leurs mésaventures personnelles : il s’agit de sauver la forêt, et la planète par la même occasion. La « leçon » citoyenne est ici délivrée avec humour et fantaisie : de jeunes taupes complotent à l’école afin de lutter contre la destruction de la nature et son envahissement par des déchets. Plans, souterrains (taupitude oblige !), rendez-vous nocturnes, cabane cachée, messages secrets (un alphabet codé est donné en fin d’ouvrage), et un zeste magie (procédé un peu facile : espérons que cette sympathique bande aura d’autres ressources si cet ouvrage fait série), toutes sortes d’ingrédients rendent l’aventure savoureuse.

Elle est par ailleurs très lisible pour des lecteurs débutants, avec une typographie simple, une liste de personnages pour repérer les petits détails qui les distinguent entre eux (une taupe ressemble terriblement à une autre sans cela…), et une disposition tantôt en pavé de texte dans l’image pour la narration, tantôt en bulle, pour les dialogues. Les dessins, à l’allure enfantine, savent mettre en valeur les éléments importants et font que textes et images se complètent.

Edwige Planchin, documentaliste et auteur de plusieurs ouvrages de littérature de jeunesse (notamment de Bienvenue chez les Tous-pareils que nous avons beaucoup aimé-voir sa chronique sur lietje ), fait partie de l’équipe du journal gratuit distribué sur Lyon, Saint-Etienne et Grenoble, « bimestriel ludo-culturel », dont on reparlera plus tard : Patatras ! mag

patatrascouv15Vous pouvez le feuilleter en ligne en attendant :

http://www.patatrasmag.com

 

L’accumulatôr à bidouilleries

L’accumulatôr à bidouilleries
Leïla Brient, Julie Grugeaux
Winioux , 2013

 Drôle d’album, album sérieusement drôle

Par Anne-Marie Mercier

Curieux album a priori, d’abord pL’accumulatôr à bidouilleriesar son format haut et très étroit (on se demande où on va pouvoir le ranger), puis par son graphisme composite fait de papier découpés, gravures, photos, journaux collés, bandes de tissus, petits objets récupérés (façon Christian Votz). A l’intérieur ça se complique encore, on pense à Béatrice Poncelet. Et puis, au fil des pages, on ne cherche plus de références, le style prend, bien à elle (Julie Grugeaux), tandis que l’histoire contée par Leïla Brient se déroule en dévoilant peu à peu ses mystères, sa pertinence et sa drôlerie.

Hector et Archibald vivent dans une petite maison au milieu des gratte-ciels, c’est petit mais ils ont tout ce qu’il leur faut : deux hamacs, un potager, des livres, une guitare, deux verres à citronnade ; le temps passe agréablement jusqu’au jour où Hector découvre une publicité proposant une offre super-spéciale qui le jette dans une spirale de consommation. Les objets envahissent l’espace malgré les protestations d’Archibald, obligé de dormir dans des lieux de plus en plus bizarres et étriqués (Archibald est un chat, on l’apprend progressivement). Tout cela progresse jusqu’à l’arrivée du diabolique accumulatôr et l’explosion finale. La morale est claire, le message utile, et on s’amuse beaucoup en chemin.

Bravo aux auteures et à Winioux !

Winioux a été créé par Marion Fournioux et Rafaele Wintergerst en 2010, et vit entre Lozère et Bruxelles.

Blackzone

Blackzone
Philip Le Roy
Rageot, 2012

Bottero like

Par Christine Moulin

36279_Brigadedes Fous.inddOn ne compte plus les bandes d’adolescents dotés de superpouvoirs, tels que les héros de la trilogie L’Autre de Pierre Bottero ou de Phaenomen (Erik L’Homme) ou d’Instinct (Vincent Villeminot) ou de… Cette fois, l’auteur n’a pas hésité: ce sont les aventures d’un clan de six « phénomènes » que nous allons partager, l’originalité résidant dans le fait que ce sont en fait des handicaps (autisme, trisomie, dépendance aux jeux video, etc.) qui les rendent invincibles – ou presque -. Sinon, l’intrigue, sur fond de lutte écologique, multiplie les bagarres, les rebondissements, plus ou moins vraisemblables. Mais cela va vite et bien, on ne s’ennuie pas, on tourne les pages, on sourit parfois, car les dialogues sont incisifs, presque « américains » (euh… c’est un compliment). La fin n’en est pas une, bien sûr. De fait, il y a une suite: http://www.philipleroy.com/ Notons qu’il s’agit là d’une première œuvre pour la jeunesse d’un auteur confirmé, qui écrivait jusque là « pour adultes seulement » (c’est là le titre d’une de ses œuvres).

Nox, t. 2 (ailleurs)

Nox, t. 2 (ailleurs)
Yves Grevet
Syros, 2013

Les héros qui puent : les Misérables version SF

Par Anne-Marie Mercier

nox2 La nouvelle série d’Yves Grevet (auteur de l’excellent Méto) a bien des qualités : elle propose un monde original, dans lequel les basses classes vivent dans la « Nox », un brouillard de pollution qui ne peut se dissiper, et qui en meurent, tandis que les privilégiés habitent dans les hauteurs où l’on peut voir du ciel bleu, de la nature ; ils captent aussi à leur profit toutes les ressources médicales qui pourraient sauver les malades d’en bas.

Le premier volume (voir la chronique de lietje) faisait se rencontrer une jeune fille du haut et un jeune homme du bas, ce qui pouvait laisser présager les banalités habituelles de rencontres des cœurs malgré les différences. Mais non, la situation s’embrouille, la violence gagne comme les compromissions, des deux côtés. On retrouve le jeune héros assassin malgré lui, prisonnier, père, en fuite, la jeune fille est de son côté coincée par de nombreux conflits de loyauté… devient traître à tous et surtout à elle même ; comment tout cela va-t-il finir ? Le récit est enlevé, rythmé, les personnages sont attachants, qu’ils soient principaux ou secondaires.

L’autre mérite du récit est de proposer des héros (ceux du monde de la Nox) qui « puent » atrocement, qui sont affligés de maladies affreuses, dont les vêtements sont en lambeaux, toutes sortes d’images qui inspirent d’ordinaire le dégoût et qui sont élevées au rang de souffrances infligées par le système dominant. Captation des ressources, système de surveillance policière, catastrophes écologiques, tout cela y est discuté. C’est de la SF, certes, et cela fait réfléchir, c’est donc de la bonne SF. Ces nouveaux misérables ont de l’allure et nous parlent d’aujourd’hui ou de demain.

Des Yeux dans le ciel

Des Yeux dans le ciel
Jean-Marc Ligny

Syros (Soon), 2012

I see you. Or not

Par Matthieu Freyheit

desyeuxdanslecielAux allergiques d’Avatar et des créatures bleues qui disent I see you dans une planète où tout vous agresse, aux agacés des clichés sur Mère Nature et sur ces horribles occidentaux qui n’aiment rien mieux que détruire les arbres-maison, ne posez surtout pas vos yeux sur la quatrième de couverture, qui risquerait de vous faire fuir comme elle a failli me repousser. Ah, et tant qu’on y est, n’allez pas vous aventurer à lire la présentation de l’auteur. Quand on s’empresse de préciser qu’il « vit avec une licorne et plein d’animaux », je vis, je meurs, je me brûle et me noie. Ou, pour les mélomanes, je frémis, je chancelle. Bref, je craque.

À tous ceux-là donc, méfiance, car malheureusement l’éditeur ne rend pas justice à un livre étonnamment réussi. Oui, oui, mon introduction n’avait pas pour but de vous décourager définitivement, mais plutôt de rappeler que les éditeurs ne savent pas nécessairement trouver les mots pour nous convaincre, ou mettre en valeur les atouts des romans qu’ils publient.

Après quelques appréhensions, il m’a soudain semblé que Des yeux dans le ciel tenait davantage de Pierre Boulle que de James Cameron. Et c’est, eu égard à ma fascination immodérée pour La Planète des singes, un vrai compliment. Dans Des Yeux dans le ciel, l’humanité, après l’âge des machines, est retournée à un  mode de vie pastoral, dédiant un culte à la fois poétique et violent à Mère-Nature. Dans ce « nouveau » monde, chacun porte un nom de végétal, de Buis à Genêt en passant par Nénuphar et, enfin, Jasmin, le héros. Tout change pour ce dernier lorsqu’un inconnu, tout droit sorti des Âges machiniques de l’humanité, sorte de George Taylor (cf. La Planète des singes, le film), le sauve des griffes d’une panthère. Oui, d’une panthère. Et quand on le lit, c’est même pas ridicule. Quoi qu’il en soit, Jasmin est obligé de fuir – je vous laisse découvrir pourquoi –, de traverser la jungle qu’est devenue la Terre, et j’en passe. Un périple qui le mène jusqu’à… la planète Mars, où se développe une société hyper-technologique. Rien que ça.

Inutile que je vous en dise davantage. Si ce n’est que Jean-Marc Ligny porte fort bien son récit et échappe à nombre de clichés du genre, refusant le simplisme des utopies, quelles qu’elles soient. On lui en sait gré. Une très bonne surprise, en somme, que ce roman-là, à défendre dans le vaste paysage science-fictif destiné à la jeunesse – ou aux adultes, d’ailleurs.

Nox, t. 1 : Ici-bas et Aerkaos, le retour

Nox, t. 1 : Ici-bas
Yves Grevet
Syros, 2012

Cadeau d’ados : SF en série

Par Anne-Marie Mercier

noxC’est une très bonne nouvelle que le retour d’Yves Grevet dans le genre de la science-fiction – plus précisément de la dystopie. Il renoue avec le talent qu’il avait montré dans la trilogie de Méto. Comme dans cette œuvre, il allie inventivité et simplicité, chocs de mondes et d’êtres peu fait pour se rencontrer, réflexion sur la société et l’exploitation des faibles par les puissants.

Le monde de Nox est peu attrayant et ressemble au monde que l’on nous promet si nos habitudes de consommation ne changent pas. Autant dire qu’il est un manifeste écologique « catastrophiste », tentant de convaincre, à la manière du « prophétisme catastrophiste » (voir les analyses de J-C. Dupuis) une humanité sceptique. Les pauvres vivent dans le monde de la « nox », perpétuel brouillard de pollution ; il s’y éclairent à la dynamo et l’on voit des patineurs acharnés, ou des cyclistes faisant du sur-place afin d’alimenter un éclairage, une machine… ils se dirigent aussi à l’odorat et survivent avec différents métiers comme policier, récupérateur, bricoleur, éleveur de rats, recycleur de cafards… Dans ce monde on meurt très jeune.

La société est organisée de telle manière que les enfants fassent le métier de leur père et épousent en général une fille qu’ils n’ont pas choisie mais qui a été déclarée leur « compatible », censée leur donner à partir de 17 ans de nombreux enfants. La société décrite est assez proche dans son organisation sociale et politique (en dehors de la misère et de l’inégalité) de celle des romans d’Ally Condie portés par une héroïne féminine, Promise et Insoumise. Le sort des femmes stérile est également « réglé » d’une façon qui fait frémir… En haut, vivent les puissants ; au dessus de la crasse, des nuages, ils connaissent la lumière, le soleil, le confort. Ils vivent cette aisance grâce aux efforts des êtres qui rampent en dessous ou qui pédalent dans les caves – ils les ignorent ou les méprisent.

L’intrigue se noue par une suite de rencontres et d’incursions du haut vers le bas et du bas vers le haut, avec tous les dangers que cela entraine ; on y trouve aussi des amours contrariées, des amitiés en péril dans un groupe de garçons tiraillés entre résistance, terrorisme ou participation à une milice de répression, et des conflits de loyauté : amis ou famille, justice ou vérité…

La seule ombre au tableau est le choix fait par Yves Grevet de chapitres proposant des points de vues alternés ; si ce dispositif fonctionne très bien au début et permet de découvrir le monde d’en haut vu par une jeune héroïne riche et le monde d’en bas vu par un fils de « récupérateur », amoureux d’une fille qui refuse d’être mère, et par d’autres jeunes gens de son âge, le récit s’essouffle un peu dans le milieu du roman : les personnages vivant les mêmes événements, la différence dans leur manière de les vivre n’est pas assez constante pour que l’on sente une vraie nouveauté. En revanche, les derniers chapitres, dans lesquels on voit exploser les couples, le groupe et les familles, et se fissurer la société, reprend une belle allure et laisse impatient de connaître la suite !

aerkaosEnfin, une autre bonne nouvelle pour les amateurs de science fiction : la réédition de la trilogie Aerkaos de Jean-Michel Payet, publiée chez Panama en 2006 et quasi introuvable depuis la fin de cette belle maison d’édition, est réédité chez la très belle maison d’édition qui a repris le flambeau (et plus encore), Les Grandes personnes.