Entre mes nunga-nungas mon coeur balance

Entre mes nunga-nungas mon coeur balance, le journal de Georgia Nicolson (T3)
Louise Rennison
Gallimard (Pôle Fiction Filles), 2011

Georgia Nicolson : une Bidget Jones ado   

par Sophie Genin

 

9782070635399.gifEn 2002 sortait ce nouvel opus au titre improbable du « Journal de Georgia Nicolson » dont je suivais les aventures depuis un moment (le premier était sorti en 2000). Le voilà en poche !

 Nul doute que si Bridget Jones avait tenu son journal intime quand elle était adolescente, cela aurait donné les romans à succès de l’anglaise Louise Rennison ! Les anciennes lectrices ferventes de Georgia vont pouvoir la retrouver dans une aventure au titre évocateur, les « nunga-nungas » étant ses seins ! Tout comme sa grande soeur de papier, l’adolescente nous livre ses déboires multiples. Dans cet épisode, elle nous apprend qu’elle a été exclue du « Stalag 14 » (elle nomme ainsi son collège) et que, pour éviter la colère de « Vati », son père, elle est condamnée à rester dans sa chambre, « à faire la fille qui a super mal au bide ».

 Par la suite, dans un style mordant, à la fois blasé et décalé (les originaux avaient une couverture illustrée par Claire Brétécher qui convenait parfaitement au ton de l’auteur), la jeune fille ne cessera de se plaindre de sa condition, pour le plus grand bonheur des lecteurs (plutôt lectrices ?) qui la suivront avec jouissance. En effet, le texte, bien traduit, n’est pas exagérément outrancier mais juste et drôle, sans tomber dans la caricature. L’humour anglais sauve cette peste qui n’est jamais insupportable car, malgré de nombreux traits de caractère exaspérants, cette dernière est attachante. Pouvoir l’emporter partout dans la poche va permettre de sourire un peu face aux souvenirs adolescents. L’auto-dérision sans prise de tête est essentielle pour vivre ou revivre cette délicate période de transformation !

Soeurs et frères

Soeurs et frères
Claude Ponti

Ecole des Loisirs, novembre 2010

Le nouveau Ponti est arrivé !

 par Sophie Genin

9782211203258.jpgPonti s’était déjà occupé des parents dans le Catalogue de parents pour enfants qui veulent en changer et, après un détour par le conte des origines l’année dernière (Bih-Bih et le bouffron-Gouffron), il nous offre un nouvel album drôle et émouvant, original mais dans lequel on retrouve des personnages que nous connaissons tous, même si nous sommes enfants uniques : les frères et soeurs !

La quatrième de couverture nous invite à la lecture, donnant le ton :
« Tu veux apprendre à connaître ta soeur ou ton frère ?
Tu veux apprendre à les reconnaître pour mieux les ignorer, ou au contraire pour les savourer et les aimer sans limites ?
Tu veux être sûr(e) de les identifier sans te tromper ?
Tu veux savoir ce qu’est la sorofrérie ?
Ce livre est pour toi ! »

 Et, en effet, tous les cas de figure sont envisagés : les frères et soeurs de sang, les bébés frères et soeurs (sans intérêt aucun), le « Killi-Toultan-Partou », les demi-soeurs et demi-frères mais aussi les quatre-quart, le « Frèridéal » ou la « Soeuridéale », « Lencombrant », le « Chou-Chou-Ma-Ma » mais aussi le « Chou-Chou-Pa-Pa », le « Répètou-Skilenten »… Chacun est accompagné d’une définition sommaire ainsi que des conseils pour « vivre avec », comme, par exemple, le « Tiderne » à « l’esprit princier fin de série. Modestie. Calinicité futée. Vivre avec : s’acoquiner ou contrecarrer. »

 Le lecteur peut même, à la fin de l’album, remplir deux formulaires au choix :
« a) Demande de petite soeur ou de petit frère » (Ponti va jusqu’à proposer d’indiquer avec qui faire cet enfant et le prénom qu’on pourrait lui donner !) ;
« b) Demande d’exil lointain ou d’échange adressée à la « Direction des Affaires Sorofrérantes, Sous-Direction des Echanges ou Abandons, Bureau des Réclamations, Troisième Tiroir de Droite ».

 Mais, encore une fois, sous couvert de sourire, ou même de rire, en se moquant des frères et des soeurs, dans une lecture cathartique qui permet de s’en débarrasser « pour de faux », Ponti touche au plus profond de l’âme des enfants, en mettant des mots sur des maux. Il suffit, par exemple de lire la page consacrée aux frères et soeurs « entiers, demi ou quatre-quart », spécialement créée pour les familles recomposées, qui avaient déjà une place dans Le Catalogue de Parents. Au-delàde cette prise en compte, voire en charge, des évolutions de la sphère familiale, l’auteur accorde aussi une double page très sobre et juste, aux « frères et soeurs morts ».

 Comme à chacune des lecture des albums de ce grand monsieur qui sait si bien raconter des histoires aux plus jeunes comme aux plus âgés (dont certains, comme moi, ont eu la chance de grandir au rythme de ses textes et de ses illustrations), on rit, on pleure, on se souvient, on imagine, on a peur, on espère… comme dans la vie !

Sur la bouche

Sur la bouche
Antonin Louchard
Thierry Magnier (tête de lard), 2011

Cap ou pas cap d’embrasser cet album ?

par Sophie Genin

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Antonin Louchard l’avait déjà commis en 2003 chez un autre éditeur. Il se fait plaisir (et à nous par la même occasion !) en rééditant ce petit album cartonné, « à embrasser », comme nous l’apprend la couverture, dans la collection dont il est responsable chez Thierry Magnier.

« Livre à embrasser », en effet, car le pauvre prince transformé en crapaud par un « sorcier très méchant » demande à une princesse qui lirait cette histoire de le délivrer de sa malédiction en l’embrassant, tour à tour sur le front, les yeux, les pieds, les mains… jusqu’au baiser salvateur. Mais la fin, surprenante, c’est peu de le dire, nous fera, comme très souvent chez cet auteur illustrateur de talent, nous esclaffer et crier « beurk » en même temps !

De plus, outre les références aux contes de fées traditionnels et l’humour décapant de son auteur, le texte, écrit en jaune sur fond rouge, rime. Citation à l’appui, comme mise en bouche (!), pour finir :

« Mais il me faut
une vraie princesse
pas une grenouille
avec des tresses
pour que le charme soit brisé
Embrasse-moi sur les pieds. »

 

Câlin express

Câlin Express
Emile Jadoul

Ecole des Loisirs (Pastel), 2011

Marre des parents pressés !

par Sophie Genin

9782211203036.gifEmile Jadoul précise au début de cet album qu’il a été créé d’après une idée de son fils Edouard et on veut bien le croire tant les enfants et les parents (les papas, certes, mais aussi les mamans !) se retrouvent dans les personnages et les situations proposés. Comme dans le cas de toutes les réussites littéraires, il suffit de peu et si on résumait l’histoire qui nous est contée, cela pourrait donner : un papa toujours pressé ne prend jamais le temps de câliner son fils jusqu’au jour où ce dernier lui impose ce tendre moment.

Mais en écrivant cela, nous ne dirions rien de l’humour du texte (la notion de « PGV : papa à grande vitesse ») et de l’illustration (que dire du papa, cravate autour du cou, attaché case au sol et téléphone portable vissé à l’oreille mais en position pour un sprint, ou de ce même personnage, attachant, parlant dans l’appareil, faisant cuire des oeufs au plat et réussissant tout de même, du bout du museau, à embrasser son enfant?). Les personnages et les situations ne sont jamais caricaturaux car puisés dans la vie quotidienne mais transcendés par la Littérature telle qu’Emile Jadoul peut nous la proposer.

Merci à Edouard qui a sûrement inspiré une page qui fait à la fois penser à Grosse Colère de Mireille d’Allancé (double page rouge sang badigeonné en fond et enfant qui boude au premier plan) et au schtroumpf grognon (« moi, j’aime pas les câlins express. ») !

Faites la queue !

Faites la queue !
Tomoko Ohmura, traduction Jean-Christian Bouvier
Ecole des Loisirs, 2011

… ou comment apprendre la patience par l’humour !

par Sophie Genin

humour,patience,ohmura,sophie genin Dès la page de titre, le lecteur est prévenu : « En rang sur une file et dans l’ordre, s’il vous plaît » annonce un grand panneau de bois au centre de la page. Une hirondelle ajoute : « Bienvenue ! Les derniers arrivés prennent la queue ici ». Et le narrateur, comme s’il prêtait sa voix au lecteur, s’écrie : « Tiens, mais qu’est-ce qu’ils attendent tous ? Allons voir… ». A cet instant, le regard peut enfin se poser sur une grenouille portant un mystérieux « n°50 ».

Au fil des pages, cinquante animaux, du plus petit au plus grand, tous numérotés dans l’ordre décroissant, font des commentaires qui ne peuvent que titiller la curiosité grandissante du lecteur. Ce dernier ne saura pas de quoi il s’agit avant la surprise finale, de taille ! 

Cet album fonctionne à merveille et c’est avec une rapidité croissante qu’on finit par tourner les pages ! Cet éloge de la patience dans notre monde d’hyper-concommation tombe à pic pour qui voudrait (re)découvrir la jubilation de la patience. La récompense à la clef est à la hauteur ! Toujours pas l’album entre les mains, petits impatients que vous êtes ? Foncez !

Le Yark

Le Yark
Bertrand Santini

illustrations de Laurent Gapaillard
Grasset jeunesse (lecteurs en herbe), 2011

Le monstre de Madeleine 

Par Anne-Marie Mercier

Le  Yark est le monstre à l’état pur : il est plein de poils, il a des ailes de chauve-souris, des mains de sorcière et de grandes dents. Il mange les petits enfants…

– Rien de neuf, direz vous ?

– Mais si !
D’abord, contrairement au croquemitaine classique, ce ne sont pas les petits diables qui font sa nourriture, ceux qui ne finissent pas leur soupe, non. Il ne peut digérer que les enfants sages. Ce goût et la dévoration en elle-même sont évoqués avec un délice de détails qui fait penser à la Modeste proposition de Swift : on en croquerait ! D’ailleurs, la phrase de John Locke placée en exergue au livre ajoute à ce ton d’irrévérence face à sa majesté l’enfant.
Le problème du Yark, c’est que les enfants sages ne courent plus les rues, avec cette éducation permissive : « Les cours d’école grouillent d’un peuple bête et méchant, portrait craché de leurs parents » ; « réfractaire aux pensées profondes et à la poésie, le gamin d’aujourd’hui ne rigole plus qu’aux histoires de caca et de zizi ».
Le Yark cherche donc toutes sortes de solutions pour trouver un enfant sage (notamment à travers les listes des lettres au Père Noël, belle idée !), chaque tentative se solde par une erreur et une diarrhée gigantesque et rabelaisienne (l’auteur tient compte des goûts des enfants !). Le Yark fait des rencontres surprenantes et drôles – à condition d’aimer l’humour noir. Par exemple, celle de la troupe d’enfants abandonnés par des parents avisés : les voyant évoluer vers l’adolescent boutonneux, ils s’en sont débarrassés – «l’abandon s’impose alors pour rester sur un bon souvenir ».
La rencontre d’une délicieuse Madeleine, qui sera un peu la Zéralda du Yark, change tout et la morale est enfin sauve, in extremis. Les dessins sont hirsutes, merveilleux de drôlerie. A proposer aux lecteurs capables d’ironie, où (et ?) à ceux qui aiment se faire peur.

J’aime pas dire bonjour

J’aime pas dire bonjour
Carole Zalberg, Boll
Grasset Jeunesse, 2010

par Frédérique Mattès

Le personnage principal, un enfant, explique, en présentant une galerie de portaits, pourquoi il n’aime pas embrasser : les vieux pépés, la grand-mère campagnarde, la cousine aux gros seins … C’est sympathique, assez drôle (certains y retrouveront certainement du vécu !) mais un peu long et caricatural … Les illustrations de Boll, trait alerte à l’encre et aplats de couleurs, rappellent celles de Zaü.

Travailler moins pour lire plus

Travailler moins pour lire plus
Alain Serres et Pef
Rue du monde (kouak !), 2010

par Anne-Marie Mercier

Contre celui Dontontairalenom

Jolie fable dont les adultes auront compris le propos et saisiront l’humour, ce petit album peut plaire également aux enfants (et les instruire aussi…) : ils apprécieront la description de l’île Turbin (gouvernée par le roi Dontontairalenom (le Président actuel en Voldemort ?), où les professions principales sont rangées chacune sur une montagne et participent à l’équilibre du pays, tandis qu’à l’écart se trouve le mont Boukiné, où se font les histoires et les livres, destinés à l’exportation et interdits aux habitants.

On y trouve une intéressante description de la valeur du livre, aussi bien marchande que symbolique, des dangers supposés de la lecture et de ses bonheurs, tout cela porté par une historiette drôle et légère, bien accompagnée par les dessins de Pef.