Contes de la rue Broca

Contes de la rue Broca, l‘intégrale
Pierre Gripari
Illustrations de Claude Lapointe
Grasset, 2012

 Hommage!

Par Anne-Marie Mercier

Les contes de Pierre Gripari, publiés pour la première fois en 1967 (chez La Table ronde), sont connus, archi-connus, mais risquaient d’être méconnus, transposés à présent en dessins animés. Il est temps sans doute de se souvenir de ce qu’ils étaient dans leur fraîcheur. Réédition en un volume des deux tomes publiés en 1990 par Grasset-Fasquelle, toujours illustrés par Claude Lapointe, ce beau livre carré, au dos « effet toilé » et aux belles illustrations pleines pages est un vrai cadeau des éditions Grasset. On retrouve la verve du texte : La sorcière de la rue Mouffetard, Scoubidou la poupée qui sait tout, La sorcière du placard à balais, Le prince Blub et la sirène… les contes sont présentés dans une typographie claire et aérée, et les dessins de Lapointe, n’ont rien perdu de leur charme.

Pour lire et relire, et pour offrir sans doute en ce temps de fêtes, à moins d’opter pour les autres rééditions que propose Grasset, de textes moins connus, en version poche, avec d’autres illustrateurs? (A suivre)

Menthe aux grands pieds

Menthe aux grands pieds
Masini Béatrice

Hachette jeunesse, La Bibliothèque rose, Belle intelligente et courageuse, 2012

Par Caroline Scandale

Du côté des petites filles

La Bibliothèque rose propose une série à destination des filles de 6-8 ans, « Belle intelligente et courageuse ». Une énième collection stéréotypée « girly » où l’héroïne aime le cheval ou la danse? Perdu! A contrario, les personnages féminins principaux sont plutôt iconoclastes et rebelles.

Menthe, l’héroïne de cet ouvrage, a des grands pieds et ses parents ne l’acceptent pas telle qu’elle est. Ils voudraient les lui faire raccourcir alors qu’elle-même apprécie cette spécificité anatomique qui la rend unique… D’ailleurs elle se fait faire un paire de bottes rouges sur mesure qu’elle porte fièrement comme un drapeau! Un jour, fatiguée par ses géniteurs intolérants, elle décide de fuir pour parcourir le monde à la découverte des autres. Durant ce périple, elle vit de nombreuses aventures avec brio et panache et comprend rapidement que sa différence est une force.

L’intitulé de cette série aurait juste pu se passer de l’adjectif belle, raccoleur et inutile. Les petites filles n’ont vraiment pas besoin d’entendre encore et toujours qu’elles doivent être jolies… Les héroïnes de ces histoires ne sont pas centrées sur leur image mais veulent plutôt se réaliser à travers le mérite. Et si nous attendions autre chose des filles, notamment qu’elles soient ce qu’elles désirent être? C’est justement ce que Menthe nous enseigne à travers ce conte fantastique.

La Sorcière Rabounia

La Sorcière Rabounia
Christine Naumann Villemin, Marianne Barcilon

Kaleidoscope, 2012

 sorcière + doudou = ?

par Anne-Marie Mercier

Cette sorcière est dans un premier temps un concentré de tous les clichés des histoires de sorcières qui font peur. Normal, elle est enfermée dans un recueil intitulé « Histoires pour le soir »… Mais lorsqu’elle sort des pages du livre, alertée par un bruit, tout change et elle fait merveille pour consoler un petit lapin qui a perdu son doudou. C’est joli, assez amusant, et l’adulte endormeur endossera le rôle de cette super mamie avec facilité.

Grigrigredin menufretin ; Les Habits neufs de l’empereur

Grigrigredin menufretin
Conte d’après les frères Grimm, ill. Nathalie Ragondet
Les Habits neufs de l’empereur

Conte d’après Hans Christian Andersen, ill. Bérengère Delaporte
Flammarion Père Castor, 2012

Contes traditionnels au présent

Par Dominique Perrin

Les contes traditionnels continuent à « craquer sous la dent » (selon l’expression de l’auteur-éditeur Christian Bruel pour désigner les plaisirs les plus stimulants de la littérature pour la jeunesse) dans la précieuse collection souple du Père Castor.
La perle d’humour et d’efficacité narrative donnée par Andersen en 1837 d’après une matière espagnole y semble avoir la patine de nombreux siècles, sans parler de Grigrigredin menufretin, dont la logique exotique et familière à la fois offre un frais voyage dans un imaginaire à mi-chemin entre inventivité populaire et stéréotypes sociaux. Les textes sont légèrement adaptés, les illustrations assez plaisamment croquées ; et la dédicace de l’illustratrice des Habits neufs – « Pour Ameline et sa garde-robe » – rappelle  l’actualité de ces fantaisies en matière de mise à distance de l’engouement humain pour la richesse et pour ses étalages.

Le chevalier à la courte cervelle

Le chevalier à la courte cervelle
Anne Jonas, Bérangère Delaporte
Milan, 2012

Conte à l’envers

par Anne-Marie Mercier

Les chevaliers n’ont décidément pas bonne presse aujourd’hui : on traque les stéréotypes partout et l’on pastiche à tour de bras. D’où cette histoire comique d’un chevalier qui part vers son destin et rate la princesse, le trésor, mais pas le dragon (qui, lui, ne le rate pas). C’est assez léger, pas inoubliable. Mais les étapes du conte traditionnel sont bien mises en valeur.

Les trois petits cochons

Les trois petits cochons
Orianne L’allemand, Marianne Dubuc
Casterman, Mon tout premier conte, 2012

Par Caroline Scandale

Eloge du pragmatisme

A l’origine, le conte des trois petits cochons est violent; Le loup dévore les deux premiers cochons insouciants et le troisième plus rusé le mange à son tour… Bettelheim, dans Psychanalyse des contes de fées, interprète cette histoire comme une façon de prévenir les enfants des dangers du principe de plaisir. À celui-ci il oppose le principe de réalité, représenté par une maison solide, pour lutter contre les   aléas de la vie, personnifiés par le méchant loup.

Cet album Casterman, collection Mon tout premier conte, en propose bien évidemment une version édulcorée, à la sauce Walt Disney, puisqu’ici point de petits cochons tués… En revanche il s’en démarque sur la fin, en suggérant que le couvercle de la marmite se referme sur loup, lui laissant donc peu de chance de survie.

Le petit plus de ce livre cartonné réside dans la scène finale de la cheminée proposée sur une page double qui s’ouvre vers le bas. Ce procédé permet un panorama vertical de la chute du loup dans le conduit d’où s’échappe la fumée, ce qui retient l’attention des enfants et les amuse beaucoup.

Le Coffre enchanté

Le Coffre enchanté
Jean-François Chabas, David Sala
Casterman, 2011

Fable désenchantée

par Anne-Marie Mercier

« Ce que nous croyons posséder ne compte-t-il pas autant à nos yeux que ce que nous possédons vraiment ? »

Cette conclusion à la fable proposée ici est fort bien illustrée par le texte de Jean-François Chabas dans un récit très classique, sous forme de randonnée avec de belles variations subtiles, un peu d’humour et de cruauté. Les illustrations de David Sala (inspirées de Klimt)  mêlent les techniques et les couleurs de façon somptueuse.

Enfin, tout cela est bien « habillé », comme le coffre de l’histoire, avec une couverture évidée en forme de fenêtre à ogive et une tranche dorée. Cet habillage n’est pas là pour masquer du vide, mais donne une belle allure à la morale finale. Celle-ci est cependant peut-être trop cynique pour être comprise et acceptée par de jeunes enfants.

Les Lutins cordonniers

 Les Lutins cordonniers
d’après les frères Grimm
Illustré par Amélie Dufour
Flammarion, Père Castor (classiques), 2011

 

Il était une fois… deux lutins

Par Jessica Peyragrosse master MESFC Saint-Etienne,

« Aide-toi, le ciel t’aidera » ! Ce dicton pourrait parfaitement avoir pour illustration le conte Les lutins cordonniers, écrit à I’origine par les frères Grimm et repris ici par la collection du Père Castor. Ce texte, pouvant s’adresser aux enfants dès trois ans, nous conte I’histoire d’un pauvre cordonnier qui avec l’aide de deux petits lutins retrouve la richesse et leur confectionne en retour des petits vêtements. Ainsi, ce texte célèbre les vertus du partage, du don de soi, mais surtout du travail et de la reconnaissance.

Même si cette version du conte reste fidèle au texte des frères Grimm, certaines modifications ont cependant été apportées. Un véritable travail au niveau de la syntaxe et du vocabulaire a été réalisé sur le texte original, dans le but de le rendre plus accessible aux jeunes enfants.

Ce grand classique de la littérature de jeunesse a également été revisité par des illustrations pleines d’humour. Amélie Dufour a en effet su retranscrire avec talent l’émotion des personnages en dessinant aux crayons de couleurs des illustrations vivantes, drôles et pleines de malice. Ainsi, l’attention des enfants est fixée par une farandole d’habits miniatures ou encore par l’image d’un petit bonhomme jonglant avec des souliers, heureux que ses affaires reprennent.

Fidèle à leur lignée éditoriale caractérisée par des illustrations douces et belles dans des tons pastels, les classiques du Père Castor proposent un bel album souple et à un prix très abordable, qui fait découvrir une histoire ancienne mais dont le succès est toujours d’actualité.

L’étrange aventure du courageux chevalier très peureux

L’étrange aventure du courageux chevalier très peureux
Arnaud Alméras, Jacques Azam
Sarbacane, 2012

Histoire d’oxymores

par Anne-Marie Mercier

Petit Paul est mal aimé, petit, faible, peureux, nul enfin. Sa famille le vend à des pirates ; il se sauve à la nage et arrive à l’île Impossible où il rencontre la sorcière adorable, la belle princesse affreuse, le nain géant… et est déclaré « courageux chevalier très peureux ». Après bien des aventures, dignes de tout séjour sur une île inconnue, il épouse… la sorcière, dont il a de nombreux enfants uniques !

La fantaisie des aventures se mêle à la loufoquerie des images et au jeu de l’illogisme ; l’ensemble forme un conte savoureux. La famille indigne est définitivement mise hors-jeu, contrairement à ce qui se passe dans les contes traditionnels, mas c’est de son propre fait : les enfants peuvent enfin jouer tranquillement, la conscience en paix.

Le Bal d’anniversaire

Le Bal d’anniversaire
Lois Lowry
Traduit (anglais) par Agnès Desharte
L’école des loisirs (Neuf), 2011

Vive l’école, à bas les bals !

Par Anne-Marie Mercier

On a connu Lois Lowry plus inspirée, plus percutante (avec le célèbre Le Passeur, en science fiction, avec Les Willoughby, pastiche de roman réaliste, ou encore avec L’Elue, beau récit initiatique proche de la fantasy). Ici, elle s’essaie au conte et accumule les stéréotypes, tout en modifiant quelques traits sans pour autant être très originale.

Une princesse s’ennuie ; comme elle va avoir seize ans, un bal est annoncé où elle choisira un époux. Pour voir un peu le monde avant cet événement bien ennuyeux lui aussi, elle échange ses vêtements avec sa femme de chambre (histoire type « Le Prince et le pauvre » de Mark Twain (1882) reprise par Disney, Fleischer, Foster, etc.) et va à l’école sous un faux nom. Elle y découvre les charmes de l’apprentissage et du jeune maître. Quant aux fiancés, ils sont tous aussi laids et ridicules que possible, on devine la suite. Certains passages de caricature outrée feront rire les très jeunes lecteurs, le côté romantique et sage plaira peut-être à quelques très jeunes lectrices : le classement en collection « neuf » malgré la longueur de l’ouvrage est judicieux.

Le site et le blog de l’auteure sont intéressants : j’y ai appris que les Mystères de Harris Burdick de Chris Van Allsburg (publié en 1984) venait d’être enrichi de nouvelles écrites par différents auteurs (Jon Scieszka, M. T. Anderson, Walter Dean Myers, Jules Feiffer, Louis Sachar , Stephen King , Sherman Alexie ) sous le titre de The Chronicles of Harris Burdick (voir l’article du Sunday book review) : je n’ai pas trouvé de traduction française : à quand ?