Une ou deux bêtises

Une ou deux bêtises
Isabelle Gil
Ecole des loisirs (loulou & Cie), 2011

Pour rire

par Sophie Genin

Une ou deux bêtises Isabelle GilIsabelle Gil est venue à la fête du livre jeunesse de Villeurbanne les 12 et 13 avril derniers et c’est l’occasion idéale de parler de son opus consacré à un garçon-ourson en guimauve qui fête son anniversaire chez sa grand-mère avec ses copains et n’aura de cesse de faire des bêtises mais, surtout, de les réparer – vainement, cela va sans dire !

Le texte dévoile les pensées et idées saugrenues du jeune narrateur racontant son après-midi chez sa mémé (et son chien, répondant au doux nom de « Pétoche » !). En effet, que penser du fait de remplacer un tableau abîmé par une sardine, mais réelle, tout droit sortie du frigidaire ?! Les illustrations, photos d’oursons de guimauve dans un univers kitch à souhait, ajoutant un autre niveau d’humour et jouant souvent sur de la résolution d’implicite, font sourire le lecteur, quel que soit son âge !

Je ne peux que vous recommander de découvrir les petits frères de cet album cartonné à mettre entre toutes les mains : Oursons et A la mer, en particulier, et les derniers nés, remplaçant les oursons de guimauve par des escargots tout aussi expressifs , Le Déjeuner sur l’herbe, Les Vacances et Le Chapeau de maman.

Rouge et vert

 Rouge et vert
Gabriel Gay
L’Ecole des loisirs,   2013

Pour un peu de fantastique urbain

Par Michel Driol

 rougeetvertVert et rouge, ce sont les petits bonshommes des feux qui règlent la circulation. L’un autorise, l’autre interdit, chacun son tour. Mais quand ils se disputent, les conséquences sont dramatiques. Vert est expulsé, et un gigantesque embouteillage paralyse la ville. Vert, qui devient l’ami d’un pigeon, est victime d’un accident de la route. Heureusement, le pigeon va chercher Rouge, et tout rentre dans l’ordre…
Deux petits personnages bien sympathiques qui découvrent leur complémentarité, et illustrent de façon amusante le couple dialectique liberté / interdiction sans laquelle la vie ne serait que chaos.
Les illustrations très expressionnistes, évoquent d’abord un univers urbain nocturne, sombre, marqué par des taches de lumière, et surchargé vers la fin des bruits de la ville. Le retour à l’ordre est marqué par des teintes plus chaudes et le lever du jour.

Et si je mangeais ma soupe ?

Et si je mangeais ma soupe ?
Coralie Saudo, Mélanie Grandgirard
Seuil jeunesse, 2013

Quand la matérialité du livre joue avec le propos…

Par Frédérique Mattès

soupeOn se plonge avec bonheur  dans ce livre tout en longueur illustrant avec beaucoup de malice l’imaginaire d’un petit garçon qui explore les conséquences de l’injonction qui lui est faite : « Mange ta soupe ! ».

Après avoir, comme le bon sens populaire le prédit, grandi, grandi, grandi …, il se voit , tour à tour obligé de se mettre au dernier rang tout le temps, obligé de dormir tout recroquevillé dans un lit beaucoup trop petit et …  bien d’autres désagréments encore …

L’illustration pleine page composée par un trait simple et naïf renforcé par un jeu d’échelle caricatural nous transporte aussitôt dans le monde onirique de l’enfant. La collaboration texte (une simple phrase par page) et image fonctionne parfaitement.

Un vrai moment de plaisir à partager entre petits et grands autour de cet album « impertinent ».

A destination de tous les enfants qui n’aiment pas la soupe ! (Quelques arguments dans leur escarcelle !) Mais qui peut aussi permettre à ceux qui se trouvent trop petits de mesurer leur chance ! …

Des moutons à la mer

Des moutons à la mer
Einar Turkowski
trad. de l’allemand par Miléna Rambeau-Bisäth
Grasset, 2014

Humour d’Einar Turkowski

Par Dominique Perrin 

9782246787129FSLa taille et le format carré de ce petit livre d’un grand monsieur de l’album contemporain allemand semblent en annoncer le caractère plutôt minimaliste. « En Irlande », « un berger » « avait beaucoup de moutons ». Une galerie d’ovins, machinés autant dans leur essence de robots mi-futuristes, mi-surannés que dans leur désignation (le « mouton enveloupé » n’étant pas le moins attachant) s’offre d’abord au lecteur – qui peut, s’il est adulte, se trouver interloqué par la vision inaugurale d’un atelier où le tronc des moutons ressemble si l’on veut à une petite bombe. Quant au jeune lecteur, sans doute est-il interloqué par bien d’autres aspects : difficile d’en imaginer la liste.
Survient ensuite le pivot de la fable très sobre de cet album au graphisme très soigné, et au rapport plutôt libre aux codes narratifs dominants : l’existence du berger est assombrie par la hantise de perdre ses moutons (pour cause notamment de « rouille précoce », « manque de ressort », loup… et « grand vent d’ouest » au-dessus des falaises). Moyennant une unique péripétie, dont on taira ici le contenu mais non le caractère magistralement humoristique, le sentiment se fait jour pour le lecteur d’avoir été emporté en bateau par un album plus ambitieux qu’il ne le pensait, loin des potacheries post-modernes en vogue dans un monde volontiers matérialiste et hypocondriaque.  Le beau vers remis en circulation par le dernier film de Miyazaki y trouve une résonance : « Le vent se lève !… il faut tenter de vivre ! »

 

Une Fois encore !

Une Fois encore !
Emily Gravett
Ecole des loisirs (Kaléidoscope), 2011

Emily Gravet a encore frappé !

par Sophie Genin

encoreunefoisEncore un livre avec un trou, cette fois-ci occasionné par la colère d’un jeune dragon, dont la mère en a par dessus la tête de relire encore et encore la même histoire, tous les soirs: celle de Cédric le dragon qui ne va jamais dormir et préfère manger. Cédric qui menace de recommencer encore et encore son forfait nocturne, tout comme le petit héros de l’album, jeune tyran domestique répétant à l’envi « encore » !

La mise en abîme est une spécialité de l’auteure illustratrice à l’humour ravageur. Une fois encore, si on ôte la couverture papier de l’album, on découvre celle du livre placé dans les mains du jeune dragon. Lorsque sa maman, éreintée, s’endort (quelle expressivité possède son visage qui se plisse !) et, peu à peu, simplifie à l’extrême la trame du conte, il crache du feu et transperce les livres, celui de l’histoire et celui que tient le lecteur dans les mains. L’écriture de ce nouveau récit de lecture a dû être jubilatoire, sa découverte (et redécouvertes successives assurées !) l’est tout autant et peut-être même encore plus pour les adultes acculés à la relecture jusqu’à ce que mort (ou sommeil !) s’ensuive !

 

ça déménage

Ça déménage
Cécile Chartre

Rouergue (Zig Zag), 2012

Trop rapide mais drôle !

par Sophie Genin

cademenageLe point de vue du garçon de 8 ans et demi de ce roman est grinçant juste ce qu’il faut et il sonne comme il faut aux oreilles du lecteur mais la rapidité de l’histoire, depuis le départ précipité de la maison de rêve à la campagne pour un petit appartement en ville jusqu’à la fin idyllique (papa vit avec sa nouvelle compagne et ses enfants dans une maison pas loin de l’ancienne et maman se fait faire des bouclettes et tout est parfait dans le meilleur des mondes !) empêche de réellement entrer dans ce récit.

Néanmoins, la collection « Zig Zag » qui s’adresse aux lecteurs à partir de 7 ans est adaptée au public visé et des créations originales se font jour dans ce roman : notamment le nom étonnant du chat (Jean-Claude Chipolatas !) et sa relation fusionnelle avec le narrateur, son maître ainsi que l’humour décalé de ce dernier.

J’y vais !

J’y vais !
Matthieu Maudet
L’Ecole des loisirs (loulou et compagnie), 2011

Humour très efficace pour les plus jeunes

par Sophie Genin

Jy vaisUn petit livre cartonné présente sur la couverture un oiseau harnaché : parapluie, lampe de poche, livre et casquette. Il est décidé et toute sa famille lui remet l’un de ces objets au cas où. Mais où va-t-il ? Pour le savoir, il vous faudra lire la chute de cet album à structure répétitive, chute rigolote et adaptée au jeune âge du lecteur.

Grosse peur!

Grosse peur!
Nathalie Dieterle, Patricia Berreby

Casterman, Drôles de têtes, 2012

Par Caroline Scandale

Le mouvement en trois dimensions

 

Dans cet album pop-up se cachent tous les standards de la peur enfantine, du monstre vert à la méchante sorcière en passant par Dracula. Plus qu’un simple livre qui s’anime en trois dimensions, cet objet littéraire est interactif et ludique. Grâce à des poignées découpées dans l’album et des trous à l’emplacement des yeux, l’enfant peut porter le livre devant son visage et devenir le personnage, caché derrière son masque… Chaque double page s’ouvre sur un monstre rigolo dont la bouche s’anime verticalement ou horizontalement, provocant ainsi un mouvement qu’il est plaisant de répéter en ouvrant et refermant plus ou moins l’album… Effet de mouvement 3D garanti!

Pipi! Crotte! Prout!

Pipi! Crotte! Prout!
Pittau et Gervais
Seuil jeunesse, 2012

Pipicacaprout!

Par Caroline Scandale

Pittau et Gervais, auteur/illustratrice de cet ouvrage et couple à la ville, ont à leur actif des dizaines d’albums en commun. L’originalité de leur travail est qu’ils ne prennent pas les enfants pour des idiots. A travers des thèmes en apparence légers, et de manière toujours décalée, ils font passer des messages intelligents dénués de toute moralisation pesante. On leur doit par exemple, Les interdits des petits et des grands où ils dressent l’inventaire leger de ce que les enfants ne doivent pas faire (pipi dans la piscine…) Et surtout, celui beaucoup plus serieux, de ce que les adultes n’ont absolument pas le droit de faire, comme toucher leur zizi ou zezette… Leur volonté de parler de choses qui dérangent est claire et réussie.
Concernant Pipi! Crotte! Prout!, il s’agit d’une réédition de trois albums cultes, réunis en un seul, à l’occasion des 20 ans de Seuil jeunesse. Le titre évocateur colle parfaitement au contenu… Phobiques d’humour scatologique s’abstenir!

Et pourtant… Comment faire rire un enfant si ce n’est en lui parlant de prout-pipi-caca? Et quoi de plus naturel et vital que cela? L’histoire transposée dans le monde animal permet à l’auteur de transgresser les règles de bienséance, obtenant ainsi des scènes cocasses. La plus marquante est celle du zèbre dans un restaurant, qui urine dans l’assiette d’un hôte installé à la table d’à côté, faute de pouvoir juguler ce besoin naturel…

Un ouvrage à posséder dans sa petite bibliothèque idéale des moins de 5 ans.

Les Willoughby

Les Willoughby
Lois Lowry

Traduit (anglais) par Francis Kerline
L’école des loisirs (neuf), 2010

Les Désastreuse et Hilarantes Aventures des non-orphelins Willoughby

Par Anne-Marie Mercier

Les Willoughby.gif« Abominablement écrit et ignominieusement illustré par l’auteur », lit-on dans la page de titre, sous le nom de la famille héroïne de l’histoire. Les termes « lugubre », « ignoble », « dégoûtant », « abject », « ignominieux » (un glossaire est donné dans les dernières pages), rythment le récit, accumulant les détails sinistres dans la vie de ces enfants qui aimeraient bien être orphelins (et méritants, et donc récompensés à la fin de l’histoire), comme dans les livres « vieux jeu » pour enfants « vieux jeu ».

Le livre est un concentré d’allusions à cette littérature à travers des titres (essentiellement anglais et américains – une bibliographie est donnée en fin d’ouvrage, avec des résumés de ces histoires édifiantes – Un chant de Noël de Dickens, La maison aux pignons verts, Heidi…). On y retrouve également des personnages et intrigues classiques (une gouvernante pauvre mais tendre, des parents diaboliques, un enfant trouvé, une famille perdue, des destins qui se rassemblent à la fin…). Le livre offre un festival de caricatures et de situations rocambolesques dignes des romans d’autrefois – pour petits et grands (Willoughby est d’ailleurs le nom d’un personnage peu sympathique de Jane Austen). On y retrouve aussi des éléments modernes de la littérature de jeunesse : la veine des orphelins Baudelaire (pour le côté désastreux), une touche de Marie-Aude Murail (pour la fratrie malmenée mais résistante), un recours massif à l’intertextualité et à la parodie.

Les enfants Willoughby ne manquent pas de ressources. L’aîné a des idées très traditionnelles sur ses prérogatives d’aîné et sur la place des filles, la fille s’affirme (c’est difficile), les jumeaux gagnent en indépendance. Ce qui était séparé est réuni, tout s’arrange, mais pas comme dans les histoires « vieux jeu » où les héros ont « un choix limité ». Lois Lowry ne s’est tenu à aucune limite de vraisemblance et de sérieux, à l’exception de celle de l’unité du style et du ton, et c’est tant mieux.