Te voilà !

Te voilà !
Anaïs Vaugelade

L’école des loisirs, 2013

Intergalactiques

Par Dominique Perrin

te voila

La gestation et la naissance d’un petit humain racontées comme aventures intersidérales : c’est la vision (probablement fort réaliste) qu’offre cet album d’Anaïs Vaugelade, sous la forme d’un récit personnel transmis par une mère à son enfant, sur fonds de vols d’oiseaux et de poissons, de bals planétaires et de constellations en expansion. Munificence rime avec évidence : ce regard, cette mise en histoire si singuliers transfigurent en un mythe personnel à l’usage de tous l’imagerie scientifique des cellules, mais aussi une longue tradition de légendes tout aussi autorisées sur la naissance comme oubli d’acquis antérieurs. Ce tour de magie est un tour d’artiste. Et ce bébé à la peau dorée et au filament incandescent sur le crâne est l’un des moins mièvres et des plus beaux qu’aient donné la littérature de jeunesse… Et voilà !

Poupoupidours

Poupoupidours
Benjamin Chaud
Helium, 2014

L’art du rebond

Par Anne-Marie Mercier

Depuis UnePoupoupidours Chanson d’ours, on attend avec impatience la prochaine escapade du petit ours de Benjamin Chaud… et on n’est pas déçu ! Poupoupidours est un festival d’inventions, de surprises, une promenade infinie (ou presque) que l’on fait à la suite du petit ours. Il se réveille au début de l’album, par un beau matin de printemps, seul dans la tanière familiale – où sont passés les parents? Nullement inquiet, heureux de partir à l’aventure, après avoir traversé une forêt (très peuplée), un monde souterrain (idem : on y trouve même Alice en train de tomber à la suite du lapin pressé), petit ours arrive dans un cirque où il voit se produire ses parents en équilibristes. Il participe à leur spectacle, et découvre dans les bras de sa maman un ours encore plus petit que lui, Tout petit ours.

Outre le charme des images, pleines de détails facétieux et poétiques, le dispositif d’enchainement des double page est particulièrement réussi : dans chaque page de droite, petit ours se trouve face à un trou qui lui fait apercevoir la double page suivante : trou dans le sol, tuyau de canalisation, rideau, cercle de feu du dompteur, gueule de dragon… petit ours franchit tous les obstacle et passe à travers toutes ces ouvertures, jusqu’à ce qu’il en trouve une trop petite pour qu’il s’y engouffre, « une boite si minuscule que petit ours ne pourrait s’y blottir même s’il le voulait » posée sur le ventre de sa maman. Eh oui, on peut franchir tous les obstacles, mais pas revenir d’où l’on est né… Un autre, plus petit que lui, est installé dans cette « boîte », et en sort pour participer au spectacle de la famille.

Pour voir et entendre, sur vimeo

 

Les Trois Vies d’Antoine Anacharsis

Les Trois Vies d’Antoine Anacharsis
Alex Cousseau

Rouergue, 2012

Edgar Poe, l’esclave, le pirate et la baleine

Par Anne-Marie Mercier

les3viesIl y a des livres-mondes, celui-ci en est un. Aventures, réflexions, poésie, tout y est. Ces trois vies pourraient être trois livres, tant elles offrent trois histoires différentes, si celles-ci n’étaient pas si étroitement imbriquées. Ces vies s’articulent autour de la quête d’un trésor, celui qu’aurait laissé le pirate La Buse, ancêtre du narrateur-héros. D’autres  quêtes s’y ajoutent : quête de la liberté, quête des amis perdus, quête de l’écrivain Edgar Poe, lui même en quête d’inspiration…

Ces trois vies tissent l’histoire d’une naissance : naissance d’une conscience, à travers la superbe évocation de la vie intra utérine que forme la première vie, naissance d’une identité, qui commence avec un extraordinaire récit généalogique dans les mers du sud, une naissance fantastique qui donne à l’enfant un corps de poisson jusqu’à sa deuxième « naissance », et se poursuit avec plusieurs « baptêmes » (nominations, épreuves, rencontres…) et l’affirmation progressive de l’autonomie du héros (l’une des parties du livre se place dans le contexte de l’esclavage au sud des Etats-Unis, juste avant son abolition), celle d’une famille, celle du bonheur.

Superbement écrit, traversé par une foule d’autres histoires (celles de Poe, bien sûr mais aussi Moby Dick et d’autres classiques moins connus, comme les Voyages du jeune Anacharsis en Grèce (1788), qui donne lieu à un jeu à la Raymond Roussel), ce roman brasse bien des sujets, tout en restant un très beau roman d’aventures initiatiques.

Cet ouvrage fait partie de la liste de lectures conseillées pour les collégiens sur le site eduscol.

 

La chaise de Peter

La chaise de Peter

Ezra Jack Keats

Didier, 2013

D’un discret chef-d’œuvre

 

Par Dominique Perrin

chaiLa chaise de Peter se présente comme un récit classique d’appropriation par un jeune garçon de sa nouvelle condition d’aîné : Peter constate que son mobilier est en passe d’être intégralement repeint en rose, à destination de sa toute jeune petite sœur. Il opère à l’extérieur de la maison un mouvement de retrait et de contestation, mais aussi d’émancipation, qui le conduit finalement sans mélodrame à assumer pleinement l’évolution de son statut.

Il s’agit en fait là d’un classique au sens historique et génétique du terme, dont la création remonte à 1967. L’image y découpe des silhouettes nettes, agréablement stylisées sur des fonds jouant avec bonheur sur différents motifs de papiers peints. Esthétiquement fort, ce théâtre du quotidien revêt une portée que l’immense majorité de ses descendants n’ont pas : sans aucun effet d’emphase, il offre comme un évident universel littéraire la représentation d’une famille noire-américaine de condition modeste.

Retracer l’histoire de l’auteur – enfant comme un peu plus tard Maurice Sendak d’une famille polonaise juive émigrée à New-York – et des controverses suscitées par son engagement à mettre en scène des enfants noirs serait ici une autre histoire. Peut-être la présentation de l’éditeur français fait-elle bien de ne pas attirer l’attention sur ces aspects : les lecteurs pourront calmement constater, loin de douloureuses polémiques, qu’un chef-d’œuvre peut être infiniment discret, mais se laisse définir assez simplement comme « de la pensée engagée dans une forme ». 

D’où viens-tu?

D’où viens-tu?
Pronto
Seuil jeunesse (secrets de fabrication), 2012

Qui de la poule ou de l’oeuf?

Par Caroline Scandale

Ce documentaire jeunesse propose d’expliquer simplement l’origine des choses à la façon d’un imagier à rabats. Il se décline en six chapitres dont quatre concernent l’alimentation.

Si certaines origines paraissent évidentes, d’autres le sont beaucoup moins. Par exemple, la confection de la polaire à partir de bouteilles en plastique est propice à discuter du recyclage.  Quant à la provenance du fil de soie, elle permet d’évoquer son originale fabrication animale. D’autres encore familiarisent avec la biodiversité alimentaire,  les principaux matériaux et les différents milieux de vie…

En point d’orgue, le livre se referme sur la question existentielle « et toi d’où viens-tu? ». Pour tenter de répondre à ce questionnement déterminant, le rabat, quatre fois plus grand que les autres, est recouvert d’un papier miroir (de bonne qualité!) Le jeune lecteur se regarde… À qui ressemble-t-il? Mais surtout d’où vient-il? En soulevant son reflet, il découvre le ventre d’une femme enceinte… Les nouveaux modèles familiaux, les prouesses techniques de procréation médicalement assistée et l’adoption ouvrent le champs des possibles… Aux adultes de répondre… Bon courage!

 

 

 

Mon bébé

Mon bébé
Jeanette Winter
Gallimard jeunesse, 2012

La tradition ancestrale du bogolan

Par Caroline Scandale

Mon bébé est un album souple au format poche. Coloré et festif, il nous fait découvrir la tradition du bogolan malien, étoffe graphique peinte de boue et réalisée ici pour préparer la naissance de bébé. Nous y découvrons Nakunté enfant puis femme. Assise sous un calebassier, elle raconte au petit être qui pousse en elle, tout ce qu’elle peint sur le bogolan : le roulement des tam-tams, le petit serpent blanc, la moucheture du léopard, le scorpion qui pique, le ruisseau à sec, le sifflement de l’iguane, la maman crocodile, le caméléon, la douceur de la fleur de calebassier… Quand arrive la saison des pluies, le bogolan est fini juste à temps pour la naissance de son bébé. Enveloppé dans l’étoffe réalisée avec amour, l’enfant s’imprègne des merveilles du monde qui l’entourent…
Cette jolie histoire nous fait voyager au cœur de l’Afrique. Les couleurs chatoyantes évoquent la luminosité et les contrastes de ce continent. Publié dans la collection « L’heure des histoires », ce récit se raconte, s’écoute, se partage avec son enfant et élargit son horizon.