La Ligue des Passibon

La Prestigieuse Ligue des Passibon
Edith Nesbit
Traduit (anglais) par Amélie Sarn
Novel, 2025

Des idées pour s’occuper pendant les vacances ?

Par Anne-Marie Mercier

Voilà une nouvelle pépite dénichée par Novel dans l’œuvre d’Edith Nesbit. Publiée en 1901, l’histoire des Wouldbegoods (quel beau titre, dommage que ce soit difficile à traduire) reprend la fratrie des Bastable (voir Les Mésaventures de l’illustre famille Bastable, chroniqué par Michel Driol), cette fois libérée de soucis financiers. Cloitrés à la campagne pour des vacances d’été, chez l’oncle de leur voisin Albert découvert dans le volume précédent, les enfants inventent des bêtises spectaculaires, innocentes quant à l’intention, mais qui génèrent des catastrophes.
Mortifiés d’avoir été punis pour une énième bêtise et obligés de cohabiter avec deux autres enfants, eux très placides, Ils décident de créer une ligue qui les aide à devenir sages. Ils inventent des règles, rédigent un procès-verbal de réunion (en vers…). Bref, ils sont pleins de bonne volonté. Mais, pour lutter contre l’ennui de vacances campagnardes, ils inventent toute sorte de jeux, et ça se passe toujours mal. Ils créent des décors composés d’éléments pris dans la maison, le jardin ou la ferme (dont une jungle, un cirque…) et font de grands saccages, du moins du point de vue des adultes. Ils partent aussi plus loin, pour découvrir les sources du Nil par exemple (le Nil étant la petite rivière qui coule dans les environs), ou pour jouer aux Pèlerins de Canterbury. Il leur arrive de se perdre, d’être attaqués, de frôler la mort ou l’accident grave et de créer de vraies catastrophes (incendie, inondation…) qui mettent en émoi la région.
On ne peut qu’admirer l’inventivité de l’autrice quant aux trouvailles des enfants et à la variété des situations. L’humour, l’innocence (relative pour certains) de ces terreurs, leurs disputes et leurs bonnes intentions, les enchainements rapides d’événements, tout cela est très drôle et les enfants narrateurs ont une distance réjouissante quant à leur style et à celui des autres:

« L’ombre de la fin des vacances s’étendait sur nous. Comme le disait l’oncle d’Albert : « l’école va bientôt fondre sur ses proies. » Dans très peu de temps à présent, nous devrions […] laisser les amusements de l’été faner comme les dernières fleurs du jardin. Bref, pour parler normalement, les vacances étaient bientôt finies. »

 

 

Allo le loup !

Allo le loup !
Pauline Martin
La Partie, 2025

Même pas peur ! … et au lit

Par Anne-Marie Mercier

A la fois récit rassurant pour ceux qui ont peur du loup (ou aiment en avoir peur) et rituel d’endormissement, voilà un « deux-un-un » bien calibré.
Pour le premier aspect, l’album s’ouvre sur une forêt noire de sapins stylisés sur fond de ciel nocturne dans lequel se découpe une bulle où se lit le hurlement du loup. Celui-ci apparait à la page suivante, silhouette noire sortant du bois… On retrouvera le même dispositif nocturne toutes les deux doubles pages, avec différentes situations (à bord d’un voilier, en vélo…) : le loup se rapproche peu à peu, jusqu’à sonner à la porte de la maison puis tenter d’y entrer par la cheminée…
Ce récit alterne avec l’autre série de doubles pages, très colorées, montrant le petit Léon chez lui, à table, dans son bain, sur son pot, avec sa maman ou son papa, puis couché avec ses doudous et expliquant chaque fois au loup, au téléphone, pourquoi celui-ci ne peut pas venir le voir à ce moment, tant il est occupé. L’album se clôt avec une image, toujours nocturne, du loup dans son lit, puis une double page reprenant la première et substituant aux hurlements du début les ronflements du loup endormi.
Que le téléphone avec fil représenté sur la couverture ait l’air assez vieillot d’aspect colle parfaitement à l’histoire :  il ressemble à un jouet plutôt qu’à un vrai téléphone, comme celui de la fin plus proche cette fois du portable ; c’est donc bien un jeu. Tout l’ensemble est très mignon et doux, même le loup qui semble perpétuellement sourire, et a l’œil tout rond d’un étonné.

 

Frankenstein

Frankenstein
Mary Shelley
Traduit (anglais) par Marie Darrieussecq
Monsieur Toussaint Louverture, 2025

Renaissance d’un classique

Par Anne-Marie Mercier

Halloween approche. Que diriez-vous de lire une histoire horrifique : « Une histoire qui renverrait aux peurs mystérieuses de notre nature et éveillerait une horreur exaltante – une histoire qui ferait craindre au lecteur de regarder autour de lui, qui glacerait le sang, et accélèrerait les battements du cœur » ?
C’est ainsi que la présente son auteure dans l’introduction au roman. Elle y raconte les circonstances de l’invention de cette histoire qui a marqué les esprits et initié un genre littéraire articulant spéculations sur la science, crainte des mutants et terreurs liées à l’abolition des frontières entre morts et vivants. Défi lancé par des amis (les poètes Shelley, Byron, Polidori et elle-même, âgée de 18 ans), ce roman devenu mythe est aussi né d’un rêve dans lequel les personnages et un paysage se sont imposés.
Magnifique roman, il commence dans les glaces au nord de la Russie, avec le récit du sauvetage d’un homme presque mort de froid alors qu’il poursuivait un autre homme, qu’il appelle le « démon ». Il raconte sa vie à celui qui l’a sauvé : enfance heureuse, vocation scientifique, affections… le tableau est idyllique, mais très vite le drame se noue, avec la création de son monstre, la fuite de celui-ci, la découverte de sa dangerosité avec l’assassinat d’un enfant.
Le monstre du roman retrouve son créateur bien plus tard, à Chamonix. Tout sauvage qu’il est, il est éloquent lorsqu’il et prend la parole à son tour et lui demande de l’aide : « la détresse a fait de moi un démon ». Sa confession occupe les chapitres centraux. Il lui raconte son nouvel éveil à la vie, tel un enfant sauvage qui découvre tout (héritage du XVIIIe siècle), ses progrès, sa découverte du langage humain, puis ses lectures (Les Ruines, Werther, Le Parardis perdu…), sa solitude, ses tentatives pour trouver de l’affection. Il explique enfin son meurtre et lui fait une demande pour éviter de recommencer : que Frankenstein crée une femme à son image pour qu’il puisse avoir une compagne qui l’accepte tel qu’il est… Ceux qui ont lu le roman se souviennent peut-être de la suite et de l’histoire d’Elisabeth, fiancée de Frankenstein. Les autres la découvriront avec effroi et délices.
La traduction de Marie Darrieussecq a le mérite de garder le ton un peu cérémonieux de certains monologues et de traduire d’autres propos dans un langage plus ordinaire, notamment les paroles du monstre. La lecture du texte en est belle et variée, très rythmée, avec un suspens quasi permanent. Cela reste aussi un roman gothique avec toute sa charge de pathétique. Voyages, rencontres, récits alternés, évocation de paysages sublimes, émotions portées au paroxysme, infinie tristesse, tout ce qui a fait la célébrité de ce texte reste bien vivant. La belle présentation des éditions de Monsieur Toussaint Louverture, couverture cartonnée et toilée, illustration aux teintes sombres mettant en valeur la blancheur des chairs.

Vortex, t. 1 (Le jour où le monde s’est déchiré)

Vortex, t. 1 (Le jour où le monde s’est déchiré)
Anna Benning
Traduit (allemand) par Isabelle Enderlein
Rouergue (épik), 2022

Un monde en tourbillons 

Par Anne-Marie Mercier

Vortex, t. 1 (Le jour où le monde s’est déchiré)
Anna Benning
Traduit (allemand) par Isabelle Enderlein
Rouergue (épik), 2025

Chambardement général 

Par Anne-Marie Mercier

A l’heure où est déjà paru le troisième tome de cette trilogie publiée dans la collection épik du Rouergue, il est grand temps d’en rendre compte, en commençant par le premier qui est paru cette année en format poche. Il faut saluer d’abord la belle invention qui le porte, et le rapproche de séries comme Hunger games tout en abordant des sujets de société plus divers, orientés plutôt vers la sauvegarde du vivant et l’acceptation des mutations et du métissage plutôt que vers la lutte simplette mais efficace de la série de Suzanne Collins qui opposait riches et pauvres.
Un Vortex (une sorte de tourbillon cosmique) a fracassé le monde ancien, apportant des mutations et créant des peuples greffés sur les éléments, comme le peuple de l’eau, celui des arbres, celui de l’air et celui du feu, avec des pouvoirs en relation avec leur élément. Pour se protéger de ces minorités, les humains non modifiés les ont parqués dans des « zones » misérables (un peu comme des camps de réfugiés, on voit les applications possibles) et les contrôlent sévèrement grâce à un corps d’élite, les « Coureurs », aptes à se déplacer d’un point de la planète à un autre grâce à des passages, ou « vortex », qu’ils ont appris à emprunter. L’héroïne fait partie de ce corps et le roman commence ou moment où elle participe à une course qui doit déterminer lesquels parmi les élèves seront sélectionnés pour rejoindre les Coureurs.
Elaine gagne, de manière inexplicable. On comprendra plus tard qu’elle a fait un saut dans le temps. Mais très vite elle est enlevée et mise à l’abri par le peuple des arbres et découvre que ces mutants qu’elle a appris à exécrer ne sont pas les monstres qu’elle imaginait. Dans le même temps, elle découvre que les autorités de son propre monde se livrent à une guerre contre eux aussi cruelle qu’injuste. Des conflits de loyauté en tous genre (familiaux, raciaux, amicaux et amoureux) mettent au jour les choix difficiles auxquels elle est confrontée et Elaine grandit, difficilement, à travers les épreuves.
La première moitié est très intéressante et installe un univers riche et problématique, la suite (chez le peuple de l’arbre) propose un univers sensible et poétique où la beauté du monde et des êtres, leur douceur, conquiert la jeune guerrière. La description de l’utopie du village-arbre est superbe, comme celles des êtres composites et changeants qui le peuplent. En revanche, la suite faite de nombreux combats dans lesquelles Elaine a un comportement peu crédible est un peu agaçante… A suivre, donc : elle aura certainement grandi dans les autres volumes.

 

 

 

H mort ou vif

H mort ou vif
Pascale Quiviger
Rouergue, 2025

Un autre royaume pour un cheval

Par Anne-Marie Mercier

Pascale Quiviger, auteure canadienne de nombreux romans, nous avait éblouis avec le Royaume de Pierre d’Angle (2019-2021), sa première saga pour la jeunesse. Mélange d’aventures et de fantasy, publiée au Rouergue, cette série est pour moi l’un des meilleurs romans de ce genre de ces dernières années. Il a d’ailleurs été récompensé, à défaut d’autres prix qui auraient été bien mérités, par le prix Millepages (2019) et le prix Elbakin. Ses quatre volumes faisaient évoluer des personnages étonnants et attachants dans un pays imaginaire aux allures celtiques. Avec sa géographie et ses multiples royaumes, son univers était si riche que l’on avait le désir de pouvoir l’explorer encore davantage. Le roman suivant, La Dernière saison de Sélim (2023), avait exaucé en partie ce désir, projetant deux des personnages, Esmée et Mercenaire (alias Arash), dans un autre espace, cette fois teinté d’orientalisme. On retrouve ici quelques éléments du premier livre avec le même duo amoureux qui retrouve, au royaume du roi Fénélon, au-delà des mers, un ambassadeur et un soldat venus de Pierre d’Angle. Si ce roman ne s’étend que sur un seul volume, celui-ci couvre plus de six cents pages et le lecteur a du champ pour y faire voyager son imagination.
Mercenaire a été convoqué par le roi Fénélon et navigue avec Esmée vers le royaume, mais à peine arrivés en vue du port, ils entendent résonner un gong qui annonce la mort du roi. Ils rencontrent à sa place son héritière, sa fille la Princesse Geneviève et le notaire chargé du testament et des dernières volontés du roi. Fénélon avait deux autres enfants : une fille morte en couches et un fils devenu fou après la mort de sa sœur. Les dernières volontés du roi indiquent implicitement qu’il y a un autre héritier, un enfant que l’on a cru mort à sa naissance il y a une vingtaine d’années, dont le nom commence par H, et que Mercenaire est chargé de retrouver pour le (ou la) faire couronner avant le délai fixé (douze jours). De multiples personnages gravitent autour de cette quête dans laquelle les deux héros échappent de peu à plusieurs tentatives d’assassinat.
Qui est coupable et tente de les faire échouer ? la douce Princesse Geneviève, son mari le sauvage baron noir (qui est aussi le premier mari de sa sœur et le père de l’enfant que l’on cherche), les autres barons, la colonelle Kyil… Guirec, le fils relégué dans une maison de fous, était-il fou ou bien cherchait-on à l’écarter ? Ces aventures trépidantes relèvent du roman policier : enquêtes, recherche d’indices, interrogatoires croisés… alternent avec des moments d’action  dans un suspens permanent jusqu’à la chute.
Ajoutons à cela de nombreuses intrigues secondaires mettant un scène une corsaire, des orphelins réfugiés dans une tour au milieu de l’eau (magnifique épisode), un magicien, une ambassadrice d’un royaume de montagnes qui pense trouver en H. la réincarnation de son roi, des oiseaux partout, des chevaux, tout cela dans de multiples décors (salles de bal, banquets, souterrains, geôles, forets et rivages et pour finir dans un cirque et une fête foraine, dans lequel un palais des illusions composé de miroirs livre la solution de toutes les énigmes).
Porté par un style vif et efficace, parfois poétique et toujours juste, tantôt tragique tantôt drôle, c’est un beau récit de vengeance, d’amour et de mort. Ajoutons aussi qu’il ne finit pas totalement bien, belle entorse à la règle tacite du roman pour la jeunesse.

Le Lapin, la pluie et le sac à goûter

Le Lapin, la pluie et le sac à goûter
Nicola O’Byrne
Traduit (anglais) par Rose-Marie-Vassallo
Flammarion, Père Castor, 2025

Le monde est à tous, et la pluie n’est à personne

Par Anne-Marie Mercier

Quel joli titre ! Surprenant, et parfait puisqu’il introduit d’emblée les acteurs principaux du début de l’histoire : un lapin part à la pêche (bizarre, les lapins ne mangent pas de poisson, sauf dans les albums, voir Tom qui pêche dans Loulou de Solotareff…) et est contrarié par un petit nuage amenant une pluie qui va gâcher sa journée : il l’attrape (avec sa canne à pêche, indispensable à l’action, ouf) et le met dans son sac à goûter (dans lequel il y a des carottes, ouf).
Arrive un canard, qui lui explique que c’est MAL : d’autres comme lui aiment la pluie, la terre en a besoin (les carottes aussi), etc. Lapin est vite saoulé par touts ces propos et a pour seul argument que s’amuser est important aussi. Il finit par accepter de relâcher le petit nuage avec la promesse qu’il va voir quelque chose de magique. C’est un arc-en-ciel qui se déploie sur la page suivante. En prime, il y aura les flaques, on peut donc s’amuser aussi.
L’argument est tiré d’un conte traditionnel. Mis en images avec humour avec un personnage attachant comme cet entêté de lapin, il sera peut-être encore plus convaincant. Tout en amusant, il donne des leçons sur la nécessité de considérer tous les effets de ses actions avant d’agir ou sur l’idée que l’univers du vivant est un équilibre fragile qui ne doit pas être menacé par les caprices d’individus.

Nicola O’Byrne avait illustré auparavant un livre écrit par Nick Bromley, voir sur lietje :  Attention ! Ouvrir doucement. Ce livre a des dents ! 

Le Miroir aveugle

Le Miroir aveugle
Giaccomo Nanni
La Partie, 2024

J’ai la miroir qui flanche, je m’souviens plus très bien…

Par Anne-Marie Mercier

L’album a un format atypique, allongé et étroit, comme une porte, comme celle d’un miroir dans une porte d’armoire à glace. Chaque page nous met face à ce miroir, encadré de noir, lumineux par ses couleurs primaires splendides qui se manifestent avec une multitude de petits points, comme une œuvre de Seurat, ou comme autant de pixels. C’est le miroir qui nous parle.
Faire parler un miroir, voilà qui est intéressant : ils en ont tant vu. Celui-ci est ancien mais perd un peu la tête ; il parle beaucoup de son ami explorateur qui semble lui avoir fait découvrir des paysages et des animaux lointains dont il a gardé une vision nette. Aveugle à présent, il voit tout en pixels dispersés : on devine la silhouette d’un enfant qui s’approche…
Dans ses souvenirs, il y a des girafes, un chat, qu’il décrit comme un « lion noir et blanc » (comme un peu plus loin les nombreux manchots aux contours bien nets), un gramophone dont il explique le fonctionnement de manière fantaisiste, avec des effets de… miroirs.
On assiste à la décrépitude progressive du miroir révélée graphiquement par des lignes multiples décalées, à des changements de lieu (un couloir de collège ?), à des dialogues avec de rares interlocuteurs (une ampoule, un carrelage – magnifiques effets de flou, toujours en couleurs primaires) à son délire fatigué : le monde existe-t-il en dehors de son reflet ? N’y a-t-il plus personne pour voir ce qu’il imagine et ce dont il se souvient ?
Il se réfugie dans des images superbes où la proximité de bleu et de jaune crée à l’œil du vert, et l’espoir d’un obscurcissement. Le dénouement est surprenant, comme l’ensemble de ce bel album qui dévoile en de nombreux effets graphiques la matérialité insaisissable de nos nouvelles images et le flou des souvenirs qui s’effacent.

Lu sur le site de l’éditeur: « Le texte plein d’humour, porté par un graphisme original où se côtoient pixels colorés et traits maîtrisés, nous interroge sur la perception relative que chacun de nous a de la réalité. Un album singulier qui parle du vieillissement comme d’un espace créatif, d’une mémoire qui s’échappe au profit d’un imaginaire épanoui. »

Prix Extra-Ordinaire Lu et Partagé 2025
dPictus Outstanding Picturebook 2025

Où est maman ?

Où est maman ?
He Zhihong
Les éditions des éléphants, 2025

Drames sur la banquise

Par Anne-Marie Mercier

Cet album au titre qui a un air de déjà vu (19 titres similaires repérés vite fait sur Amazon…) présente une situation classique : un petit attend sa maman, et elle ne vient pas… C’est un bébé phoque, animal fort mignon et les encres et aquarelles de He Zhihong lui donnent une douceur supplémentaire, et une réelle beauté, faisant jouer les blancs (neige et glace, les ours blancs, le ciel blanc, un oiseau) en contraste avec les noirs du petit tacheté et les rares taches de couleurs comme celles de la tortue qui vient à son aide.
Un petit ours se moque cruellement de ses larmes. Après l’attente et les larmes vient le temps de l’action : le bloc de glace sur lequel maman ours et son petit est rompu ; ils sont entraînés par les courants. Pas rancunier, le petit phoque rameute toutes sortes d’animaux pour les sauver… et sauver en même temps maman phoque bloquée par des orques, ouf ! Tout cela se finit par un « tendre bisou ».
Les histoires animalières de He Zhihong ont beaucoup de charme (voir sur lietje La Rentrée de Pinpin), proposant au jeune lecteur des situations difficiles qui le concernent en les mettant en décalage avec des personnages animaux et en proposant des fins heureuses.

Oskar et le comte

Oskar et le comte
Jean-Baptiste Drouot
Les Fourmis rouge, 2025

Par Anne-Marie Mercier

Dracula chez les chats

L’album commence dans une ambiance crépusculaire : le petit village de Klopek est soumis à une malédiction lancée par un mystérieux comte qui vit sur la colline au-dessus du village : il y pleut sans cesse. Le sort sera levé quand un villageois arrivera à le battre. Chaque année ils choisissent un nouveau champion… le plus fort, le plus malin, le plus beau ont été envoyés, en vain…

Par tirage au sort, du moins c’est ce qu’ils prétendent, c’est un nouveau venu, Oskar, marchand de fromage, qui est choisi. Il découvre que le comte est une comtesse, et que c’est une souris, mais une souris puissante, une espèce de Circé : elle pétrifie ceux qui lui résistent. Les souris aiment le fromage, c’est connu, mais les chats aiment les souris… Qui sortira vivant de l’idylle ?

Les illustrations sont à la hauteur de ce beau pastiche, mêlant horreur et grotesque.

 

Collection « Les classiques Flammarion »

Collection « Les classiques Flammarion »
Flammarion, 2025

Les Quatre Filles du Docteur March
Louisa May Alcott
Traduit (USA) par Maud Godoc
Le vent dans les saules
Kenneth Grahame
Traduit (anglais) par Jacques Parsons

« Bibliothèque idéale », vraiment ?

Par Anne-Marie Mercier

Après les deux premiers tomes de La Petite Maison dans la prairie, les éditions Flammarion poursuivent leur entreprise : une édition « collector d’œuvres intemporelles, avec une couverture rigide, des illustrations originales (par Amélie Dubois et Cécile Metzger) et un texte aéré, destinées à un jeune public à partir de 8 ou 10 ans ».
Voilà deux vrais « classiques » de la littérature de jeunesse à présent : on ne présentera pas ces titres si célèbres. Les couvertures sont belles, d’une joliesse un peu enfantine. Ill n’y a pas d’illustrations intérieures, ce qui ne gêne en rien la lecture du livre de L. M. Alcott mais est un peu dommage pour le livre de K. Grahame. La mise en page est un peu aérée et la typographie bien choisie pour sa lisibilité, mais le papier est un peu tristounet, vieilli avant l’âge : ce sont des classiques n’est-ce pas?
Ce sont certes des classiques, mais des classiques de quoi, pour qui ? Le prochain volume sera le roman de Jane Austen, Northanger Abbey. Ce ne sont donc pas des classiques de littérature de jeunesse (personnellement, je ne recommanderais pas ce livre avant l’âge de 14-15 ans, et sans doute plus pour être capable d’en savourer l’humour et les passages pastichant des romans « gothiques », en vogue dans la jeunesse de l’auteur). Le livre d’Austen n’est nullement une œuvre « intemporelle », pas plus que l’œuvre d’Alcott qui gagne beaucoup à être mise en contexte. Enfin, les textes choisis sont tous des traductions de l’anglais… pourquoi ? N’y a-t-il pas de classiques dans d’autres langues?
En somme c’est un peu décevant et la jolie couverture cartonnée ne suffit pas à justifier l’entreprise, qui apparait pour toutes ces raisons purement commerciale.