Si tu pouvais décrocher la lune

Si tu pouvais décrocher la lune
Simon Priem
motus (mouchoirs de poche), 2019

Rêverie géométrico-astronomique, et poétique

Par Anne-Marie Mercier

« Décrocher la lune », c’est un beau rêve, mais imaginons que cela soir possible et que ce petit ballon gibbeux gris soit entre nos mains, comme dans celles de ce petit bonhomme.

Rouge sur la couverture, il est blanc à l’intérieur du livre et jongle avec la lune sur le fond noir des pages. Ce personnage, fait de formes géométriques de tangram, se transforme au fil du livre :  bateau de papier, oiseau, maison, chaise…
Les sept formes semblent pouvoir se combiner à l’infini pour ouvrir tous les possibles de ce jeu et du rêve lunaire.

Ça gazouille

Ça gazouille
Constantin Kaïteris / Kotimi
Møtus 2021

A bec et à plumes…

Par Michel Driol

Voici un bestiaire un peu particulier : il ne concerne que les oiseaux. Bien sûr, on y trouvera les oiseaux familiers, pigeons, mésanges ou fauvettes. Mais aussi d’autres aux noms plus exotiques…

De ces oiseaux, on n’apprendra pas grand-chose car ce bestiaire n’est pas ouvrage de naturaliste. Entre le compte tenu des choses et le parti pris des mots, l’auteur a choisi le second. D’ès l’ouverture où il question des noms d’oiseaux, dans leur précision, mésange plutôt que petit oiseau avec du bleu sur la tête. Ce qui conduit au second poème, se traiter de noms d’oiseaux… On le voit, c’est la langue qui est au centre de ce recueil, une langue souvent drôle, qu’on questionne, qu’on fait jouer dans tous les sens, avec des poèmes proches de l’Oulipo dans la construction ou la façon de traiter les mots et leur succession. Les mots sont là pour leurs sonorités,  lophophore ou encore tichodrome échelette. Les poèmes jouent donc avec la langue, évoquant les multiples cris d’oiseaux sous forme d’onomatopées, ou le verbe savant et incongru qui s’applique à leur chant. Ils se jouent des paronymes (sarcelle/sorcellerie), des calembours (coq de bruyère/ stock de gruyère), de l’exploration des syllabes (le canari a ri à Cannes). Mais ils jouent aussi avec l’intertextualité : clin d’œil à Prévert, on refait ainsi le portrait d’un oiseau, clin d’œil à la Fontaine, on revisite le corbeau et le renard, clin d’œil à Perrault et aux bottes de sept lieus (sic) de l’aigle botté… Ils jouent aussi avec nos expressions imagées, les prenant au pied de la lettre, triple buse, tête de linotte… Ils jouent enfin parfois avec la typographie, lorsque la mouette plonge…

Avec humour et tendresse, le recueil explore les lieux de prédilection des oiseaux : jardins,  ciel, ou leurs origines (Sénégal, Népal, Hymalaya) pour terminer sur un poème intitulé les oiseaux migrateurs, qui passent au-dessus les frontières, sans papiers, donnant ainsi une clé de lecture à l’ensemble du recueil. C’est de la liberté et de la diversité des oiseaux qu’il est question ici, comme une façon de les donner en modèle aux hommes…

Avec humour, Kotimi propose des oiseaux expressifs, toujours soulignés d’un trait de bleu, comme pour dire l’immensité du ciel, leur élément naturel.

Un recueil de poèmes dont l’écriture joue avec les codes de la langue pour mieux dire la richesse du monde des oiseaux, leur diversité, leur liberté.

Fables

Fables
Jean de La Fontaine, Henri Galeron (choix et illustrations)
(Les grandes personnes), 2021

Fables toujours jeunes

Par Anne-Marie Mercier

La multitude d’éditions des Fables à destination du jeune lectorat pourrait lasser, or ce n’est pas le cas. Tout d’abord parce que cet auteur est infini et que chaque choix de fables recompose à nouveau son œuvre, ensuite parce que chaque illustrateur apporte sa lecture, et chaque éditeur un nouveau cadre de lecture.
Henri Galeron, bien connu comme auteur d’images chez Harlin Quist, chez Gallimard (dans la collection « Mes premières découvertes » et comme illustrateur de fictions ), chez Motus (Les Bêtes curieuses, Papillons et Mamillons…), chez (Les Grandes personnes) (Le Chacheur, Paysajeux…) et créateur de nombreuses couvertures de la collection Folio restées célèbres est à la fois artiste et documentariste. Galeron excelle dans les portraits réalistes d’animaux : la Cigale et la Fourmi apparaissent avec tous leurs détails anatomiques.
Il sait aussi leur donner une expression lisible sans trop les anthropomorphiser : l’agneau du « Loup et l’agneau » a une posture suppliante tout à fait convaincante et crédible, comme le renard contemplant le corbeau. Sur le site de l’éditeur, vous verrez quelques images dont celle du « Chat, la Belette et le Petit Lapin », où le chat a une posture très drôle, à la fois vraie et humaine. Les paysages en arrière-plan sont au contraires traités comme des illustrations de livre d’enfants d’autrefois : couleurs douces, paysages stylisés, lumières variés, de l’aube à la nuit, en passant par le plein midi ; hiver, printemps, été, automne, chaque image est superbe.

Le choix opéré pour cette anthologie est très intéressant : il combine de fables célèbres (on en a évoqué quelques unes) avec d’autres beaucoup moins connues comme :

Le Cygne et le Cuisinier (« Ainsi, dans les dangers qui nous suivent en croupe / le doux parler ne nuit de rien »),

Le Lion et le Moucheron (« entre nos ennemis / les plus à craindre sont souvent les plus petits »… « aux grands périls tel a pu se soustraire, / qui périt pour la moindre affaire »),

Le Singe (« La pire espèce, c’est l’Auteur »),

L’Âne et le chien (« Il faut s’entraider, / c’est la loi de nature »),

La Tortue et les deux Canards (« Imprudence, babil et sotte vanité, / et vaine curiosité / Ont ensemble étroit parentage »),

Le Pot de terre et le Pot de fer (« Ne nous associons qu’avecque nos égaux, / ou bien il nous faudra craindre / Le destin d’un de ces pots »),

Le Lion s’en allant en guerre (« Le Monarque prudent et sage / De ses moindres sujets sait tirer quelque usage, / Et connait les divers talents : / il n’est rien d’inutile aux personnes de sens »),

Et bien d’autres, toutes intéressantes, propres à susciter un débat, drôles (« Le Coche et la mouche »), attendrissantes (oui , il y a aussi « Les deux Pigeons »), et bien sûr avec toute la musicalité et l’art du récit de La Fontaine.

De la terre dans mes poches

De la terre dans mes poches
Françoise Lison-Leroy & Matild Gros
Coccotcot éditions 2021

Pour respirer la terre…

Par Michel Driol

Cotcotcot a la bonne idée de republier un poème précédemment paru sous le titre Jean jardinier dans le recueil Dites trente-deux (Editions Luce Wilquin, 1997).

Ce court texte, le premier de la collection matière vivante, célèbre la terre et le jardinage vus par un enfant. Il évoque le plaisir du jeu, de l’imaginaire (pousseront des pommes et des cailloux), de l’odeur de la terre.

Ode au jardinage, et aux joies enfantines qu’il procure, le livre est une façon de relier la nature et la poésie de l’enfance. Les illustrations de Matild Gros, très colorées avec une dominante d’ocre, donnent à voir un monde où humains et végétaux se complètent, voire se confondent.

Ecrit dans une langue simple et accessible superbement illustré, ce poème donne envie de retrouver les plaisirs de l’enfance et de mettre, à son tour, de la terre dans ses poches…

La petite voix de la ficelle

La petite voix de la ficelle
Thierry Cazals / Joanna Boillat
Motus 2021

Lettres à un jeune poète

Par Michel Driol

La ficelle dont il est question dans le titre, c’est celle qui relie les deux pots de yaourt avec lesquels les enfants faisaient des téléphones pour se parler. Le font-ils toujours à l’heure des téléphones sans fil ?

Entre le premier poème, où un enfant téléphone à la terre, et le dernier, où l’on entend, à travers le pot de yaourt, venue d’une autre planète, la voix du frère, le recueil développe un véritable art poétique placé sous le signe de la communication, et prenant comme postulat la facilité de l’écriture d’un poème. Il développe une série de conseils pour mettre en éveil tous ses sens : la vue, le toucher, l’ouïe, le gout, l’odorat. Il s’agit de capter des sensations à la fois quotidiennes et minuscules pour leur donner ou redonner une valeur : gout des figues, chat qui s’étire, porte de grange qui grince, et enfin de s’oublier soi-même pour devenir ces choses-là. Ces différentes sources d’inspiration évoquées en quelques mots (il y a là comme une esthétique de la poésie japonaise) s’entrecroisent avec d’autres poèmes consacrés au langage, aux phrases et aux mots, c’est-à-dire au matériau même de l’écriture. Ce matériau qu’il convient à la fois d’oublier pour se laisser envahir par les sensations, mais qu’il convient aussi de recueillir dans la corbeille des mots oubliés, jusqu’au point, peut-être, où les mots se confondent avec les choses elles-mêmes, comme les mots rouges des antennes de crevette, ou les syllabes laissées par les pattes des moineaux sur la neige.

Entre les sensations, les choses et le poème, il y a l’espace et le temps du travail poétique, travail fait de patience, d’attente, de polissage des mots, de multiples brouillons et confettis de pages, mais aussi de sommeil sur l’échiquier ou de jets de noyaux de cerise… Thierry Cazals ne cherche donc pas à simplifier ce qu’est le travail du poète, ni à le réduire à une fabrique mécanique ou à une série d’exercices pratiques. Il le décrit comme étant accessible à tous – aux enfants en particulier à qui il s’adresse – mais en illustre de nombreux paradoxes, comme cette tension entre la disponibilité au monde et le travail patient des mots, travail dont on ne saurait plus dire quand il a commencé, ni qui en est le maitre, le poème ou l’auteur. Tout ceci est écrit dans une langue poétique extrêmement épurée et limpide, pourtant faite de métaphores et de comparaisons,  d’injonctions et de conseils que l’on a envie de suivre. Les illustrations de Joanna Boillat, du noir et blanc rehaussé de taches de couleurs, donnent à voir un monde magique, dans lequel des arbres prennent racine dans les livres, les enfants jouent et rêvent…

Sous un titre empreint de modestie, La petite voix de la ficelle est un art poétique dont la simplicité de l’écriture va de pair avec la complexité du propos tenu.

L’Incroyable bibliothèque Almayer

L’Incroyable bibliothèque Almayer
Philippe Debongnie, Cyndia Izzarelli, et…
À pas de loups, 2020

 

Pension pour êtres de fiction

Par Anne-Marie Mercier

Cet album de format moyen est tiré du grand projet de la pension Almayer, autour des images du graphiste belge Philippe Debongnie. Il a collecté toute une série de portraits photographiques anciens, et a remplacé leurs têtes humaines par celles d’animaux. La rigidité du portrait ancien et l’allure digne de ces animaux en posture dressée et en costumes raides leur donne un air nostalgique particulier. Les vêtements ont été coloriés par des collages aux motifs colorés (papiers peints, impressions anciennes) ou repeints. L’ensemble est chatoyant et la mélancolie des ‘visages’ est compensée par le raffinement des couleurs.
Divers auteurs ont proposé de courtes histoires pour accompagner ces portraits dans une version pour adultes, mais aussi des musiques. Dans cette édition pour la jeunesse, on a fait appel à des auteurs bien connus dans ce secteur comme  Annie Agopian, Marie Chartres, Marie Colot, Anne Cortey, Alex Cousseau, Rapahële Frier, Anne Loyer, Carl Norac, Cécile Roumiguière, Marie Warnant et Cathy Ytac. Cyndia Izzarelli a elle aussi illustré de ses mots plusieurs portraits.
Les histoires racontées ici sont souvent étranges, parfois loufoques, ou un peu effrayantes, révélant comment le personnage est arrivé dans la pension, ce qu’il y a fait, comment il en est parti, ou non. Cela fait une belle galerie inclassable et poétique. Elles se recoupent, avec le retour de personnages, l’allusion à des pièces de la pension, à des chambres, créant  tout un univers organisé par des  thèmes : Amour, Courage, Passion, Rêve, Voyage…

 

Le Projet

Des mots en fleurs

Des mots en fleurs
Marie Colot & Karolien Vanderstappen
Cotcotcot éditions 2021

Cueillez dès aujourd’hui les mots de la vie…

Par Michel Driol

Au fil des quatre saisons, on suit deux jardiniers aux parcelles voisines : Monsieur Mot et Monsieur Terre. Le premier cueille les mots dans les fleurs, et les arrange en textes, poèmes avec une grande liberté. Le second, un peu psychorigide et productiviste !, ne veut voir que ce qui se mange. On le voit, entre les deux, tout ne va pas pour le mieux…  On croise aussi une graine de folie et des oiseaux voleurs de mots… Si vous voulez savoir comment les relations vont changer entre Monsieur Mot et Monsieur Terre, lisez cet ouvrage, où vous rencontrerez aussi des MGM, Mots Génétiquement Modifiés !

Belle idée poétique que cette récolte de mots au fil des saisons, des mots tantôt communs, tantôt rares (un lexique à la fin de l’ouvrage les éclaire), des mots aussi qui se mélangent, mots valises prêts à emporter. Les mots sont célébrés ici dans leur diversité, leur capacité à dire le monde dans sa variété. Les deux conceptions de la vie qui s’opposent sont suggérées à travers des actions, des réactions, des attitudes, avec beaucoup de légèreté. Les deux personnages sont à la fois opposés et complices dans leur lien à la terre dont ils attendent, certes, des choses différentes, mais qu’ils respectent tous deux.

L’ouvrage fait donc penser à un herbier par sa couverture et ses rabats : il s’agit bien de faire collection de mots pour les garder. Les illustrations, pleines de finesse et de gaité, accompagnent ce côté surréaliste du texte. Même les ombres y bourgeonnent !
Destiné aux jardiniers en herbe, et aux autres, un roman plein de poésie pour nous inviter à cueillir et associer les mots, comme ils viennent.
On peut  feuilleter un livret pédagogique très bien fait, et même le télécharger sur le site de l’éditeur qui propose des ressources aux enseignants pour ses albums.

Le mot sans lequel rien n’existe

Le mot sans lequel rien n’existe
Claude Clément – Conception graphique Cyril Dominger
Editions du Pourquoi pas 2020

Il y a des mots qui font vivre, et ce sont des mots innocents

Par Michel Driol

Un oiseau picore dans un grand livre douze  mots à la connotation positive et part en voyage. Il survole successivement un désert brûlant et une ville où on a faim, puis une cité aux hommes affairés entre des tours ou désenchantés dans des quartiers gris, et enfin un paysage dévasté par la guerre. A chaque fois, l’oiseau ouvre son bec et sème quatre mots. De retour sur la plage, il s’aperçoit qu’il a oublié de picorer le mot le plus important, Amour, qui s’enroule autour de la terre. Dès lors les enfants peuvent venir réinventer des mots sur le livre…

Voici un livre au format et à la conception inaccoutumés pour les Editions du Pourquoi pas. Un format très allongé et une mise en page qui magnifie les mots semés par l’oiseau, dans une typographie raffinée et aérienne en rouge et noir. Tout est donc là pour attirer le regard du lecteur sur ces mots, en laissant l’imaginaire de chacun libre de se représenter les scènes évoquées, dans leur violence, leur cruauté, leur inhumanité, leur brutalité. Le texte, qui épouse le point de vue de l’oiseau, parle de notre monde sans concession, en trois épisodes qui évoquent la famine dont souffrent les pays du sud, la double déshumanisation des pays du nord, dans lesquels règnent la compétition et la ségrégation, et enfin les pays ruinés par la guerre. Alors que les deux premières étapes font l’objet d’une description précise du monde, la dernière est juste une évocation de l’absurde dévastateur de la guerre. La mise en page déstructure les alexandrins, comme pour leur donner encore plus de force dans un rythme et une liberté retrouvés.

Les treize mots de l’oiseau incarnent autant de valeurs disparues pour redonner sens à la vie sur terre et réparer le monde. La conception typographique de l’ouvrage dit l’importance des lettres et des mots pour panser et réinventer le monde. Comme pour encore souligner cette importance du langage, l’oiseau semble dessiné à la fin à partir d’un alpha et d’un oméga…

Cette réédition de la fable poétique  de Claude Clément (1995) est de qualité tant par le texte que par la conception de cet ouvrage qui s’adresse à tous, avec des mots simples, pour dire l’importance des valeurs humanistes.

Le tournesol est la fleur du Rom

Le tournesol est la fleur du Rom
Ceija Strojka – Illustrations d’Olivia Paroldi
Editions Bruno Doucey – 2020

La vie, malgré tout !

Par Michel Driol

Les éditions Bruno Doucey ont la bonne idée de publier une version pour enfants du recueil de Ceija Strojka, Auschwitz est mon manteau, édition augmentée de poèmes inédits. Le changement de titre signale comme un nouveau pacte de lecture avec le lecteur, qui passe de l’hiver et du repli sur soi, de l’horreur évoquée par Auschwitz à la fleur lumineuse, à l’été, au soleil. Et, de fait, si le recueil enferme bien en son sein les poèmes relatifs au traumatisme que fut Auschwitz pour l’auteure – rappelons que, tzigane, elle y a été enfermée – il s’ouvre et se clôt sur des textes emplis de lumière et de joie de vivre.

Des textes qui disent le lien avec la nature, fleurs, ruisseau, animaux. Des textes qui disent l’enracinement dans une terre, l’Autriche. Des textes qui disent le temps qui passe et la transmission d’une génération à l’autre. Des textes aussi qui disent l’enfance, enfance volée dans les camps,  enfance à qui les textes s’adressent dans ce « tu » presque omniprésent, enfance invitée à chanter et à vivre. Et, au cœur de ces textes remplis de joie de vivre et d’espoir, une série de souvenirs douloureux liés aux camps, à la disparition du père, textes bouleversants sur l’enfance au garde à vous, maltraitée, textes qui se terminent sur une autre fleur, celle du père, le chrysanthème. Un texte final s’adresse aux descendants, texte rempli d’espoir et d’émotion, pour tisser le lien entre une enfance et une autre, pour dire l’amour qui lie et la beauté de la vie à partager.

Cette édition est enrichie de quatre poèmes inédits, dont la facture tranche avec le reste du recueil, textes fondés sur des anaphores, des questions réponses, comme autant de comptines dans une forme qui fait penser aux devinettes, textes pour dire la douleur, mais aussi l’étrangeté du monde.

Comme toujours dans la collection Poes’histoire, l’illustratrice a été choisie avec soin, et propose un travail lumineux, coloré, qui magnifie l’enfance avec une petite fille au visage expressif, mais qui montre aussi les barbelés, évoque de façon à la fois réaliste et métaphorique les camps.

Ce beau recueil offre l’occasion de s’intéresser à l’autrice, trop peu connue en France, poète et peintre Rom décédée en 2013.

Les herbes folles, Angélique Villeneuve

Les herbes folles 
Angélique Villeneuve, Eugénie Rambaud (Ill)
Traduit en arabe par Golan Haji
Le port a jauni, 2019.

  Un  chemin de mots

 Maryse Vuillermet

Le port a jauni est une maison d’édition courageuse et originale qui propose des livre-objet manipulables dans les deux sens de la lecture, et donc adaptables à la langue du lecteur. En effet, le poème, Les herbes folles est l’histoire d’un chemin et de celui qui y marche, et il peut se lire dans les deux sens de la lecture, en français comme en arabe, et le lecteur se prête au jeu de la manipulation de cet ouvrage. C’est un long poème qui se veut modeste,  histoire de chemin, mais aussi de pas,

« Mon pas,
Donc
minuscule et doux,
et qui traîne »,

d’attention à la nature, aux fleurs, aux herbes, aux oiseaux, aux bourdons. C’est aussi un poème du rêve, comme celui que font les enfants : « Il faudrait… » «  Je serais .. »
L’illustration d’Eugénie Rambaud sert littéralement de fil de lecture, puisqu’il s’agit d’un fil de coton brodé sur du papier, puis embelli par des feuilles dessinées autour et qui, évidemment, court dans les deux sens lui aussi.
C’est donc un profond et subtil livre poétique que le lecteur tient entre les mains, que ce soit au niveau du texte ou des illustrations.