Un Si petit jouet

Un Si petit jouet
Irène Cohen-Janca, Brice Postma Uzel
Éditions des éléphants, 2022

Comment parler de l’enfance dans la guerre ?

Par Anne-Marie Mercier

À partir d’un petit objet, d’autant plus petit qu’il semble sans importance (un jouet), ce petit album carré soulève une grande question, celle de l’enfant et de ses propriétés, de ce qu’il peut emmener ou pas avec lui quand il est obligé de changer de domicile, et de tout ce que la présence ou l’absence de ces choses représente d’inquiétude et de souffrance.
La première voix est celle d’une fillette qui possède une poupée minuscule, pas plus grande qu’un pouce, qu’elle a appelée Léo. C’est une poupée qu’on peut emmener partout avec soi (même à l’école) en la cachant, et dont on peut s’occuper partout, en la transportant dans une boite d’allumettes, en la lavant, la nourrissant avec des riens.
Avant, raconte la fillette, elle habitait dans un autre pays, bien différent et avait un ours en peluche aussi grand qu’elle. Un jour, les avions (qu’elle appelle les croix de fer) sont arrivés et ont plongé le ciel et la terre dans le chaos.
La petite fille a fait l’expérience de la fuite, pour elle, et de l’abandon, pour son ours. Si la guerre revient, elle sera prête. Dans son nouveau pays, elle rencontre une autre fillette qui possède une toute petite poupée, mais dans son cas c’est à cause du divorce de ses parents : elle a deux maisons et se déplace constamment de l’une à l’autre.
Le jouet dit bien des choses, sans pathos, de la vie des enfants déracinés qui tentent de trouver des moyens de s’adapter à une nouvelle vie.
Les images sont elles aussi pudiques et ne montrent que les silhouettes des enfants, montrés de profil. Seules les poupées nous regardent, petites et fragiles. Les pages offrent de beaux contrastes entre couleurs complémentaires, fonds blancs, hachures grises, saupoudrages argentés, formes au pochoir ou dessins délicats. L’ensemble est beau, simple et bouleversant.

Ce que disent les rêves

Ce que disent les rêves
Contes choisis et racontés par Muriel Bloch – Illustrations de Fanny Michaëlis
Gallimard Jeunesse 2022

Rêves contés…

Par Michel Driol

Voici une anthologie originale qui réunit 24 contes de tous les pays autour d’une thématique particulière, celle du rêve. Le recueil fait ainsi voyager d’Amazonie au Japon, de la Chine au Grand Nord. Il fait se croiser la tradition juive et la philosophie zen. Avec une constante : celle de parler du rêve, qu’il s’agisse du rêve d’un personnage, ou de la création rêvée du monde. Ces contes sont précédés d’une préface de l’autrice qui, sans théoriser, évoque les liens étroits entre les rêves et les contes.

La plupart de ces contes sont réécrits par Muriel Bloch, dans une langue à la fois écrite et proche de l’oralité, façon de conserver ce qui est la marque du conte : exister dans l’espace entre le conteur et le public. Si le propre du conte est de transmettre un enseignement – qu’il soit philosophique, existentiel, physique ou moral – , il en est de même du rêve. Tous deux ont en partage de dire une vérité, d’annoncer un futur meilleur ou de révéler un mystère caché, tous deux ont aussi en partage d’être imagés. Le conte comme le rêve ont besoin d’être interprétés pour être compris. Tout comme la poésie, ils disent le monde de façon oblique. Ce riche recueil a le mérite d’attirer l’attention sur ces choses que tous les hommes ont en commun, les contes et les rêves, et sur l’importance du rêve dans les contes traditionnels, qui l’évoquent au-delà des différences culturelles, des époques, de milieux sociaux. On découvrira ainsi des mythologies, des histoires de création du monde liées au rêve, mais aussi des rêves achetés, vendus, des mises en scènes de rêveurs, et toute une galerie de personnages, toute une comédie humaine où le pire côtoie le meilleur.

Une anthologie très éclectique accompagnée superbement par les dessins de Fanny Michaëlis, pour se demander, avec le dernier conte, si la vie n’est qu’un rêve…

Architectures fantastiques

Architectures fantastiques
Nancy Guilbert – Illustrations de Patricia Bolaños
Editions courtes et longues 2022

Réelles architectures de l’imaginaire

Par Michel Driol

La narratrice a du mal à supporter l’homogénéité et l’uniformité de sa ville, béton et brique. Soudain, devant un mur de miroirs, elle entend une voix et se retrouve entrainée dans un univers fantastique qui la conduit autour du monde, au sein de réalisations architecturales artistiques qui la conduisent du Jardin des Tarots de Nikki de Saint Phalle à la Closerie Falbala de Jean Dubuffet, en passant par les Etats Unis (les Watts Towers de Sabato Rodia), le Japon de la Maison de thé Takasugi-an de Terunobu Fujimori ou encore l’Italie des Jardins de Bomarzo de Vicino Orsini. Au total, ce sont ainsi près d’une vingtaine de sites qui sont visités, autant de façons de nourrir l’imaginaire pour chasser chagrin et ennui au moment de retourner la ville ordinaire.

A l’aide de la fiction de la petite fille et de ce voyage fantastique où l’on passe d’un univers à l’autre, ce documentaire explore l’univers des architectures insolites, lorsque des artistes confirmés – ou de simples facteurs comme à Hauterive – réalisent des lieux incroyables, alliant avec originalité l’utilisation des matériaux, des couleurs,  des formes, bien loin de la grisaille unie du béton industriel. Dans une langue souvent plein de poésie, le texte associe un récit à des  « commentaires » plus explicatifs, écrits en italique sous forme de vague. L’originalité de ces commentaires est qu’ils sont pris en charge par les œuvres elles-mêmes, qui évoquent leur histoire, le projet de leur créateur. Ils invitent à observer, à réfléchir, à s’amuser, à explorer. Cette façon de nouer un dialogue entre œuvre et visiteur ne manque ni d’humour ni de profondeur dans la confrontation entre le regard émerveillé de la fillette et l’explication des œuvres qui deviennent parfois un formidable terrain de jeu ou d’exploration, suscitant parfois l’effroi, l’émerveillement, la surprise, ou l’étonnement. Les illustrations cherchent à interpréter à leur manière ces œuvres, ne voulant pas atteindre le réalisme absolu, mais parvenant à les sublimer tout en jouant avec elles, avec beaucoup de vie.

Un album dont on conseillera la lecture à toutes celles et ceux qui trouvent nos villes trop monochromes, nos rues trop droites, et à toutes celles et ceux qui pensent que rêve, imagination et créativité devraient être plus présents partout.

321 choses incroyables à connaître sur l’Histoire

321 choses incroyables à connaître sur l’Histoire
Mathilda Masters, Ill. Louize Perdrieux,
La Martinière Jeunesse, 2022,

 

 Une encyclopédie passionnante et drôle

 Maryse Vuillermet

 

 

 

Cette encyclopédie est une mine d’informations, de synthèses claires, de croquis précis et souvent drôles, sur toutes les époques, toutes les civilisations, d’innombrables dieux, monarques, hommes et femmes illustres. C’est déjà une prouesse de faire tenir toute l’histoire humaine dans un seul volume et c’est encore une autre prouesse de la rendre passionnante, drôle et accessible aux enfants à partir de neuf ans.

Le livre fourmille d’anecdotes, on apprend que les Phéniciens ont inventé le congélateur, que les Incas avaient Chronopost, que les Romains avaient l’équivalent du nuoc-mâm, que les églises étaient des livres d’images… Il regroupe des portraits savoureux par séries,  » Dans la série des empereurs fous, des rois zinzins,… »

Il rétablit certaines vérités historiques, le roi Arthur n’a jamais existé, les pyramides n’ont pas été construites par des esclaves, et nous en apprend d’extraordinaires, le Colisée pouvait être rempli d’eau…les Gaulois ont inventé le savon. L’auteure n’hésite pas à aborder des sujets délicats comme les massacres, les viols, les tortures…

Les illustrations sont dans la veine du texte, didactiques et toujours amusantes.

C’est vraiment une encyclopédie qui rend l’Histoire attrayante, et la met à portée des enfants, elle utilise leur vocabulaire, leurs préoccupations, tout en étant précise, complète, et sans concessions sur la vérité historique, une réussite.

 

 

La Petite fille qui avait peur de tout

La Petite fille qui avait peur de tout
Aurora Cacciapuoti
Traduit (anglais) par Christian Demilly
Grasset jeunesse, 2022

Mais ça finit bien quand même

Par Anne-Marie Mercier

L’auteure « a étudié la psychologie et l’art thérapie avant d’obtenir son diplôme en illustration », dit la présentation, et on constate effectivement qu’elle a exploré les terreurs enfantines : la petite Amélie pense à tout («on ne sait jamais ce qui peut arriver», répète-t-elle) : de l’orage, des chutes, des orties, des araignées, de tous les animaux… et  elle se prive ainsi de beaucoup de choses : de la nature, des sorties en famille, des amis.
Un jour, arrive un petit être tout gris et larmoyant qui se présente de manière mystérieuse : « Tu ne cesses de m’éviter. Si ça continue comme ça, je ne pourrai jamais réaliser mes rêves ». Pour consoler cette petite chose, Amélie l’emmène faire ce qu’elle refusait de faire seule.

Prendre de la distance avec une émotion, s’occuper d’autrui pour oublier ses soucis, tout cela est intéressant. Mais le dédoublement est un peu étrange et le happy end apparait un peu facile. Cependant il y a de bonnes idées de choses à faire pour bercer son chagrin et les dessins sont précieux pour donner une forme à ce qui n’en a pas .

A un poil près

A un poil près
Stéphane Botti
Calicot 2022

Ce changement-là…

Par Michel Driol

Le narrateur, élève de 5ème, s’aperçoit qu’il a un premier poil pubien qui pousse. Fasciné, il passe ses journées à le toucher, l’entourer autour de son doigt. Cette nouveauté à la fois le fascine et l’inquiète. Garçon solitaire, il n’a pas d’ami à qui en parler. Il voudrait bien que ses parents ne le sachent pas. Jusqu’au jour où sa mère dit qu’il a un long poil…

Voilà un court roman qui aborde la question des transformations du corps masculin lors de la puberté. Thème peu encore abordé en littérature jeunesse. Le héros est un garçon ordinaire, dans lequel nombre de lecteurs se reconnaitront sans doute. S’il connait les termes crus pour parler du sexe masculin, il répugne à les employer. Il semble fils unique dans une famille très classe moyenne : la mère est comptable à domicile, et le père président bénévole d’un club de natation. Il connait les problèmes des ados de son âge, aime qu’on le laisse tranquille, répond parfois par monosyllabes, et goute peu les efforts. Bref, il a bien un poil dans la main ! C’est sur cette méprise finale que se clot avec esprit le roman, plein d’humour dans sa façon d’aborder la difficile communication entre parents et ados sur la question de la sexualité et des métamorphoses du corps.

Un roman plein original, plein de finesse, pour aborder la question de la puberté masculine.

L’arbre m’a dit

L’arbre m’a dit
Poèmes de Jean-Pierre Siméon – Encres et pastels de Zaü
Rue du Monde 2022

L’homme qui écoutait les arbres

Par Michel Driol

Près d’une cinquantaine de poèmes-phrases, dont l’incipit est invariablement le titre du recueil : l’arbre m’a dit. Les textes forment une sorte de double dialogue muet dans la mesure où les propos de l’arbre sont répétés par un « je » anonyme, qui mettent en quelque sorte en abyme la sagesse de l’arbre, comme s’il y avait là une double confidence, celle de l’arbre au poète, celle du poète au lecteur. Confidence dans laquelle on entre un peu comme dans cette forêt que Zaü propose sur la couverture du livre, à la fois claire et obscure, dans laquelle la multiplicité des arbres s’oppose au singulier du titre : l’arbre.

L’arbre m’a dit, c’est déjà toute une conception de la poésie comme un secret à partager. Secret d’une sagesse venue non pas des hommes, mais de la nature, comme si l’arbre ici se montrait comme un modèle à suivre. Secrets pour résister à la solitude, secrets pour grandir, secrets pour garder l’espoir. A chacun d’écouter cette leçon de sagesse. Les mots de l’arbre nous parlent dans un langage à la fois simple et imagé, nous confrontent à l’arbre et à ses caractéristiques : son immobilité face à notre désir de voyager, sa permanence victorieuse face à la neige qui revient chaque année. On est dans une poésie de la nature qui est en fait celle de l’attention aux moindres choses, aux plus minuscules détails (l’ombre qui rafraichit, la fleur qui devient fruit, le sourire de l’enfant qui cueille) à laquelle elle donne sens. Cette confrontation entre l’humain et l’arbre ne tourne pas, on s’en doute, à l’avantage du premier. L’arbre se révèle un puits de connaissances,  un être pétri de générosité, de patience et renvoie parfois par de simples questions l’homme face à lui-même, à son ignorance de la nature, à son impatience, à sa solitude.

Ces textes sont magnifiquement intégrés aux pastels de Zaü, monochromes évoquant l’arbre dans différents contextes, l’hiver, le brouillard, le bord de l’eau, accompagné parfois d’oiseaux ou d’un enfant.  Ces illustrations résonnent avec subtilité aux  propos de l’arbre : ainsi ce tas de bois coupé accompagnant L’arbre m’a dit : celui qui me coupe perd un ami. Trois doubles pages colorées, sans texte, apportent comme une respiration au recueil, donnant à contempler une nature vierge dont l’homme est absent. La verticalité de l’arbre est encore soulignée par le format très allongé de l’ouvrage.

Jean Pierre Siméon et Zaü revisitent les rapports entre les arbres et les hommes dans une leçon de sagesse apaisée et apaisante, donnant à voir et à sentir une autre relation au temps ou à l’agitation, et peut-être redéfinir ce qui donne sens à notre existence pour découvrir, comme le suggère le dernier poème, que « finalement, tu n’es qu’un arbre qui parle et qui marche ».

Le Roi de la blague

Le Roi de la blague
Thomas Scotto – Illustrations de Vanessa Hié
A pas de loups 2022

Tel est pris qui croyait prendre

Par Michel Driol

Le héros est un Pique-Bœuf qui, nettoyant les dents de différents animaux de la savane, piaille qu’il voit leur culotte jusqu’au désert, voire jusqu’au Pôle Nord. Et chacun, Hippopotame, Crocodile, Gnou, Caméléon, Girafe, de se sentir affreusement gêné. Mais, lorsque c’est au Lion qu’il entend faire sa blague, couic… C’est la fin du livre et du farceur.

Voilà une histoire en randonnée autour d’un personnage bien impertinent. Le texte est enlevé, rythmé, et on le lira de préférence à voix haute pour apprécier les multiples onomatopées qui le parsèment. Tic tic, slurp… On entend le Pique-Bœuf facétieux faire son office, et réitérer sa blague qui ne fait rire que lui… et le lecteur, bien sûr ! De fou rire en fou rire, le héros ne se sent plus de joie ! Tout semble permis à celui qui se moque des autres, veut leur jouer un mauvais tour, les mettre dans l’embarras avec ce qu’ils ont de plus intime et qui devrait rester caché. Jusqu’à ce pas de trop, ce Lion qui n’a pas le sens de l’humour, et affirme ne jamais porter de culotte… Ne reste alors plus du Pique-Bœuf qu’une plume dans les mains du Lion. C’est une fable, animalière et traditionnelle, avec une morale explicite qui veut rester dans la tonalité légère et humoristique de l’album : Les plumes courtes d’un Pique-Bœuf blagueur sont toujours les meilleures. Morale explicite et décalée qui masque sans doute la vraie morale, que chaque lecteur aura soin de construire par lui-même, où il sera bien sûr question d’humour et de pouvoir. Mais ceci est une autre histoire ! Les illustrations de Vanessa Hié répondent bien à la légèreté du texte : il n’est que de voir les yeux rieurs du Pique-Bœuf, son bec qui esquisse des sourires, et les autres animaux anthropomorphisés. La palme revient-elle au maillot de bain-salopette rose de l’Hippopotame ou aux tee-shirts du Crocodile ou du Gnou ? La savane devient ainsi une espèce de Club Med où il fait bon vivre, jusqu’à la rencontre avec le Lion.

Oui, comme disait Pierre Desproges, on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui… Le Roi de la blague est un album cruel et pourtant léger, aux images hautes en couleur, malicieux, humoristique et que l’on prendra plaisir à lire à haute voix !

C’est ce soir

C’est ce soir
Clémence G
A pas de loups 2022

Objectif lune

Par Michel Driol

Une poule pleine d’entrain part à la rencontre de ses amis, 1 oie, 2 ours, 3 cochons… jusqu’à 12 lapins, sans oublier une centaine de fourmis et leur donne rendez-vous ce soir. Mais pour quoi faire ? Pourquoi, dans leurs galeries, les fourmis transportent-elles des tubes plus longs qu’elles ? Et quel est le rôle de cet oiseau fantaisiste qui fait l’acrobate d’une page à l’autre sur les fils électriques ? Tout ce petit monde se retrouve donc le soir, pour un compte à rebours suivi d’une magnifique pyramide d’animaux en direction de la lune, les tubes des fourmis servant à construire l’échelle.

C’est d’abord un album à compter les animaux jusqu’à 12, mais aussi jusqu’à 100 pour les fourmis. C’est ensuite un album en randonnée et à énigme, invitant le lecteur à se questionner sur ce qui va se passer ce soir, secret partagé par tous, sauf le lecteur ! C’est enfin un album  sur l’entraide qui permet grâce à l’union de réaliser ses rêves et de tenter de toucher la pleine lune. L’album est porté par un graphisme plein de couleur, de vie et de fantaisie. Les doubles pages en format paysage regorgent de détails à découvrir, comme ce minuscule escargot récurrent. Il faut enfin déplier un volet pour découvrir dans son ensemble la majestueuse pyramide. Le style plutôt naïf de la représentation des animaux, les paroles sagement enfermées dans des bulles donnent à lire une sorte de bande dessinée au dénouement inattendu, poétiquement absurde.

Autour d’un personnage exalté, un album qui suit le rythme d’une journée, joue sur les variations des modes d’invitation, sur l’attitude des différents animaux, pour célébrer les plaisirs de l’entraide et rendre hommage à la nature.

La Boutique de Ya foufou

La Boutique de Ya foufou
Patrick Serge Boutsindi – Illustrations Sue Levy
L’Harmattan 2022

Grandeur et décadence du petit commerce de proximité

Par Michel Driol

Voici le 7ème opus des aventures de Ya foufou, le héros récurrent de Patrick Serge Boutsindi, un gros rat prédateur, une sorte de putois. Il s’est mis dans la tête d’ouvrir une boutique dans son village de Bikeri, au Congo. Dans un premier temps, il rencontre tous ses amis, qui sont des animaux vivant en Afrique, pour les informer de sa décision, et annoncer ce qu’on trouvera dans sa boutique. De rencontre en rencontre, la liste s’allonge… Le chef du village donne son accord. La boutique ouvre, et Ya foufou accepte aussi les commandes. Mais a-t-il vraiment vendu de la vraie vodka, et les layettes commandées en France viennent-elles vraiment de la Redoute ? A la suite de cela, la boutique fait faillite.

L’univers africain de Ya foufou tient du conte et de la fable. Les personnages sont en effet le Chimpanzé, l’Hippopotame, le Lion, et bien sûr le Lièvre, protagoniste traditionnellement  rusé et malin. Ils sont à la fois des animaux et des hommes : ils stockent de l’herbe à manger, mais boivent de la vodka, de la limonade et de la bière et mangent spaghettis, riz et confiture… La première partie se présente comme un conte en randonnée traité sous forme vivante de dialogue, avec la rencontre de chaque personnage qui accueille avec plaisir le projet de Ya foufou. On lui donne des conseils avec bienveillance (ne pas faire crédit, avoir des fétiches pour protéger sa caisse), et on assure de devenir client. On retrouve là toute l’oralité du conte. Et les affaires marchent bien sans que le héros ne prenne la grosse tête ou change de comportement. Quand le lièvre l’accuse d’avoir vendu de la fausse vodka, et de la layette fabriquée au Congo, a-t-il tort ou raison ? Le livre semble dire qu’il y a des preuves de la tromperie. Mais la Redoute peut bien vendre des vêtements fabriqués à bas cout dans les pays d’Afrique.  La chute est conforme à celle des autres aventures de Ya foufou, qui montrent l’échec du personnage, sans doute moins honnête qu’il n’y parait…

Un conte africain plaisant et plein de vie invitant à réfléchir sur la question de la confiance dans les affaires, illustré par de magnifiques portraits d’animaux hauts en couleurs, en pleine page.