Les Enfants du chemin de fer

Les Enfants du chemin de fer
Edith Nesbit,

Traduit (anglais) par Amélie Sarn
Novel, 2024

Un classique anglais chaleureux

Par Pauline Barge

L’année 2024 marquait le centenaire de la disparition d’Edith Nesbit, l’occasion de (re)découvrir cette autrice. Son chef-d’œuvre majeur, Les enfants du chemin de fer, est traduit pour la première fois en français.
Roberta, Peter et Phyllis vivent confortablement avec leurs parents à Londres. Lorsque leur père disparaît mystérieusement, ils partent vivre à la campagne, dans un modeste cottage. Leur mère met tout en œuvre pour que la famille ne manque de rien, et réussit tant bien que mal à gagner quelques sous en publiant des histoires. Comme elle s’enferme souvent pour écrire, la fratrie, livrée à elle-même dans cette campagne isolée, se prend de passion pour le chemin de fer et sa gare. Ils y rencontrent divers employés et passagers, avec qui ils se lient d’amitié. Si l’absence du père est le fil rouge du récit, c’est avant tout le quotidien du trio et leurs péripéties qui occupent une place centrale. Il est impossible de s’ennuyer : les enfants nous amusent, et l’intrigue autour de la disparition du père maintient le suspense.
C’est un roman vivant et fluide, dans lequel on s’immerge facilement. Les enfants nous entraînent dans leurs découvertes et aventures. Ils sont attachants, avec des personnalités bien différentes. Roberta, l’aînée, est plutôt raisonnable et sage, tandis que son cadet Peter est têtu et la jeune Phyllis très maladroite. Si leurs disputes sont récurrentes, ils restent soudés, empreints d’une innocence enfantine et d’une profonde gentillesse, que ce soit entre eux ou envers leurs amis et les inconnus qu’ils rencontrent. C’est une lecture très chaleureuse, qui propose de jolies leçons de vie et qui transmet des valeurs intemporelles.

Le Jour où le monde est devenu bizarre

Le Jour où le monde est devenu bizarre
Marie Pavlenko
Flammarion Jeunesse 2024

Rentrer dans son corps

Par Michel Driol

Un beau matin le narrateur, Aaskell, se réveille collé au plafond et voit son propre corps couché dans son lit. Il comprend qu’il n’est plus que gaz, tandis qu’un autre habite son corps, et se fait passer pour lui. Avec la complicité de son chat, d’une amie de sa sœur, de sa propre sœur, qu’on croyait atteinte d’une maladie mentale, et de quelques tonnes de côtes de blettes, il va réussir non seulement à réintégrer son corps, mais aussi à sauver la planète ! Rien que ça !

Dans sa note d’intention, Marie Pavlenko évoque Roald Dahl, et elle nous propose bien ici un univers à la hauteur de cet auteur. Tout est délicieusement fantaisiste, farfelu. Les péripéties s’enchainent, toutes plus loufoques les unes que les autres.  Laissons au lecteur le soin de découvrir un chat tapant sur les touches d’un ordinateur, feuilletant pour le héros les livres de la bibliothèque, ou encore les innombrables nuances de vert dont l’une de personnages se vernit les ongles ! Tout ceci est agréablement déjanté et diablement agencé.

Pour autant, cette légèreté, qui s’inscrit dans la parodie des romans de science-fiction mettant en scène des extraterrestres, ne manque pas de fond. Aaskell est un adolescent seul, mélancolique, depuis qu’il a perdu la complicité de sa sœur, qui vit recluse dans sa chambre, après un séjour en hôpital psychiatrique.  Il est victime de harcèlement au collège. Mais ce n’est pas l’essentiel. Il est question de santé mentale et d’intime, voire d’intimité. La vie serait-elle supportable si nous ne pouvions cacher nos émotions, nos sentiments ? Quel lien entre le corps, manifestation physique, et l’esprit ? Pourrait-on cohabiter à deux dans le même corps, partageant ainsi une intimité forcée ? Quelle est la part de notre quant-à-soi ? Autant de questions qui traversent l’adolescence et qui sont abordées ici comme en passant, sans s’y appesantir.  Il est question aussi des filles et de la physique, du rapport entre le corps et les ongles vernis et l’intelligence profonde. On y parle aussi d’amitié et de confidences…

On se demandera enfin, non sans ironie, quel rapport l’autrice entretient avec les côtes de blettes : l’ouvrage sert-il à redorer le blason de ce légume aqueux, ou à lui régler son compte ?

Un roman plein de fantaisie, d’humour et d’entrain, avec une bande de personnages pleins d’énergie confrontés à des situations incroyables au milieu des champs de tulipes !

Le fils du roi, c’est moi

Le fils du roi, c’est moi
Sophie Dieuaide
L’Elan vert 2024

D’après Perrault, mais pas trop…

Par Michel Driol

Le narrateur, Paul, connait par cœur le conte de la Belle au bois dormant… Et, lorsque rentrant de l’école, il découvre un parc entouré de broussailles, au fond duquel on perçoit un toit, le voilà persuadé que c’est le château de la Belle endormie… C’est alors que surgit Tom, toujours là où on ne l’attend pas. Mais les deux garçons vont finalement pénétrer dans la maison, et y découvrir non pas la jeune princesse mais une vieille femme, qui, par chance, a une petite fille qui s’appelle Aurore ! Suivra le conte raconté par Paul… et le conte original. Le tout est illustré des célèbres gravures de Gustave Doré.

Voilà un roman plein de drôlerie et de finesse. L’humour vient d’abord du ton du jeune narrateur, à la fois inséré dans sa famille (ah ! les relations avec la sœur zézayant avec laquelle il consent à jouer pour qu’elle le couvre !) et persuadé d’être en face du château… Dès lors, alors que le portail peut s’ouvrir facilement, il tient à franchir la barrière de ronces, pour faire comme le prince… Mais un écolier est-il un prince ? Un cartable vaut-il un cheval ? Car, tout en agissant, Paul propose sa lecture des personnages du conte. Il trouve le personnage du prince assez falot : après tout, tout est facile pour lui ! Et Paul de confronter l’époque du conte à l’époque actuelle, pour le plus grand plaisir du lecteur embarqué à la fois dans un roman d’aventures et une réflexion sur le conte. Tout au long du roman se dessine une vraie relecture très fine du conte original, abondamment cité, commenté par le narrateur, qui n’a pas sa langue dans sa poche. Sa façon de raconter et de juger le conte de Perrault est désopilante : si c’était une rédaction, quelle note lui mettrait-on ? Que penser de la fin du conte, où on découvre soudain le danger potentiel représenté par la femme du roi, une Ogresse ? C’est drôle, enjoué, plein d’imagination, et écrit dans la  langue bien vivante d’un enfant d’une dizaine d’années.

Que valent les contes aujourd’hui ? Quels enseignements peuvent-ils encore donner à un enfant contemporain ? Ce sont aussi ces questions que pose, en filigrane, ce roman qui parvient, avec succès, à se mettre dans la tête d’un jeune lecteur pour évoquer sa réception de Perrault à l’aune de son propre vécu.

La folle Evasion

La folle Evasion
Sandrine Bonini – Merwan Chabane
Seuil jeunesse 2024

Escape game grandeur nature

Par Michel Driol

Tessa va avoir 11 ans. Elle est une fillette au caractère bien trempé, fine, intelligente, coquette, et couvée par ses parents. Dans sa classe il y a Matéo, cheveux trop longs, débraillé, qui a toujours oublié ses affaires, un vocabulaire limité et une passion pour le skate. Ce matin-là, Tessa ramasse la carte tombée de la poche de sa mère, une carte avec l’adresse de « la folle évasion ». Ce n’est pas très loin de chez Matéo, et les deux enfants, un peu en cachette, s’y rendent, et acceptent de participer à l’escape game proposé par le gérant.  Mais lorsqu’ils en sortent, les voilà menacés par des bandits, aidés par une policière, prisonniers dans un supermarché où on se livre à de drôles de trafics… Bref, courses poursuites et aventures hors du commun !

La folle Evasion se présente d’abord comme un thriller pour enfants à la première personne. Les aventures s’y enchainent, toujours plus angoissantes, toujours plus folles, toujours plus dangereuses pour les deux héros, entrainés à un rythme d’enfer par les circonstances dont ils ne sont que le jouet. Mais surtout c’est drôle, d’abord  à cause du contraste entre les deux personnages, la première de la classe toujours tirée à quatre épingles, le cancre accro au skate. Ce contraste, Tessa, la narratrice, n’hésite pas à la souligner, soulignant les stéréotypes langagiers de Matéo, commentant ses actions sans aménité.  Mais c’est aussi drôle en raison des personnages secondaires que l’on rencontre, l’animatrice du rayon sushi qu’on croirait sortie d’un manga par sa tenue, le pépé grincheux et ses chats…. Enfin, c’est drôle par les commentaires que fait Tessa sur les situations, les personnages, commentaires imprimés en italique et qui établissent une sorte de métadiscours plein d’humour.  On laissera bien sûr le lecteur savourer jusqu’à la fin cette folle évasion urbaine, et en découvrir la chute aussi surprenante que réjouissante ! C’est un roman premières lectures longues (il fait près de 160 pages), dans une typographie agréable et aérée, et superbement illustré. Des personnages pleins de vie, souvent saisis en action, facilement reconnaissables à leurs tenues, aux longues jambes de Tessa, aux cheveux trop longs de Matéo, avec un graphisme très coloré, qui font penser à ce que le film d’animation peut avoir de meilleur.

Deux enfants que tout oppose obligés de collaborer pour se tirer d’un mauvais pas, pour la plus grande joie des lecteurs, dans une aventure pleine de sel et de piquant que Roald Dahl ne renierait sans doute pas !

Les mamies et les papis cassent le baraque !

Les mamies et les papis cassent le baraque !
Claire Renaud Illustrations de Maureen Poignonec
Sarbacane2023

L’anti maison de retraite !

Par Michel Driol

Les Mamies voudraient bien s’installer ensemble dans une maison plutôt que de vivre chacune chez elles. Les Papis ont la même idée. Tour à tour, les deux groupes visitent la même maison, et voudraient bien l’acheter. Mais ils n’ont pas assez d’argent. Alors, quoi de plus simple que de préparer le casse de la banque ? Et quand les deux groupes se retrouvent devant la même banque, peut-être que l’union fera la force ?

Faisant suite à deux autres romans, Les Mamies attaquent et Les Papis contre-attaquent, ce troisième opus de la série est tout aussi délirant et fantaisiste. Des personnages de Mamies et de Papis non conventionnels, stéréotypés à souhait pour que chacun ait son rôle à jouer : la costaude, l’inventeuse la timide, la coach, le pharmacien, le déménageur, le prof de français, l’architecte, et un Anglais, sans oublier un chien, des personnages qui souffrent de solitude, ont quelques obsessions bien sympathiques (Comme ce pharmacien hypocondriaque) et surtout ne sont pas étouffés par la morale. Pétris de mauvaise foi, quand c’est pour la bonne cause, ils ne reculent devant rien pour arriver à leur but. Le récit est vif, accumule les situations pleines de cocasserie, les dialogues percutants, et les illustrations, nombreuses, sont aussi une exaltation de ce bonheur d’être vieux sans être adulte… Les personnages secondaires (en particulier l’employée d’agence immobilière et le commissaire de police) sont des faire-valoir, prompts à se faire avoir par ces mamies et papis pleins de vie et d’inventivité.

Un roman sans enfants… mais dont les personnages, bien qu’âgés, ne sont pas des parangons de vertu ou de sagesse, pour le plus grand plaisir des lecteurs !

La (presque) grande évasion

La (presque) grande évasion
Marine Carteron
Rouergue 2021

Trois ados sur un bateau

Par Michel Driol

Lorsqu’au début du confinement d’avril 2021 Bonnie découvre le mot de sa mère scotché sur le frigo, Je pars, elle décide de la retrouver en descendant le canal, jusqu’à une maison où elle pense qu’elle est. S’embarquent avec elle son chien, Melting-Pot, et ses deux seuls amis, Milo l’hypocondriaque et Jason le costaud… Mais c’était sans compter sur leur inexpérience à survivre dans ce milieu si hostile qu’est le canal de Roanne à Digoin, et les dealers qu’ils dérangent au cours d’une rave party… Bref, tout va de mal en pis !

Voilà un roman jubilatoire… D’abord par les multiples péripéties rocambolesques racontées à un rythme effréné par une narratrice, Bonnie, seule fille au milieu de deux garçons. Cette équipe de pieds-nickelés, de bras cassés, coche toutes les cases des oublis, maladresses, et autres bévues plus ou moins graves, pour le plus grand plaisir des lecteurs ! C’est drôle, enlevé, écrit dans une langue assez savoureuse pour reprendre quelques tics du langage des ados d’aujourd’hui. L’intrigue est construite sur un retour en arrière, à partir du point le plus dramatique de l’histoire, comme une façon de générer le suspense. C’est en fait un procédé d’écriture que l’on retrouve dans le roman, la révélation progressive. Ainsi on découvre petit à petit la particularité physique qui fait de Bonnie une fille un peu différente, et les secrets de sa famille. De fait, ces trois ados d’aujourd’hui sont élèves de collège (ce qui est assez commun, on en conviendra, en littérature ado) et  fils et filles de gendarmes (ce qui est une caractéristique bien plus rare !). Ils sont attachants parce que tous, à un moment ou l’autre de leur existence, se sont sentis exclus et, de ce fait, ont sympathisé. Trois ados en quête de liberté, d’amour, de vie tout simplement à une époque de cours à distance, de confinement et de distanciation, de démerdenciel.  Chacun avec ses fêlures, (physiques, psychologiques) ou ses obsessions. Tous trois pleins de vie, réunis malgré leurs différences, et capables de faire face au danger avec la bonne conscience, l’inconscience et les valeurs des fils et fille de gendarme qu’ils sont ! Se mêlent ainsi l’insouciance de la jeunesse  et son audace, un gout immodéré pour les bonbons Haribo qui rattache à l’enfance et les premiers émois amoureux, qui augurent une autre tranche de vie. Cette histoire d’amitié, de solidarité, d’envie d’évasion n’exclut pas un sens de la famille comme un cadre sécurisant. Mais ce n’est pas l’essentiel du roman, qui vaut d’abord par sa puissance narrative, sa drôlerie dans l’expression et les situations, son inventivité. Et cela fait du bien !

Paru en feuilleton durant le confinement, voici un boat-trip hilarant (presque) déconfiné,  avec ses héros (presque) aventuriers, son dénouement (presque) dramatique,  son rythme (totalement) déjanté, et son humour (absolument) contagieux !

Tonnerre de mammouth

Tonnerre de mammouth
Véronique Delamarre- Pascale Perrier – Illustrations de Bastien Quignon
Sarbacane 2023

Des mammouths et des hommes

Par Michel Driol

Moutt et Kanda sont deux jeunes mammouths, un garçon et une fille, au cours d’une période glaciaire qui n’en finit pas. Inséparables, ils font de nombreuses bêtises ensemble. Ils ont caché quelques baies dans une grotte, et, poussés par la faim, veulent aller les récupérer. Mais la grotte est occupée par de drôles de mammifères qui se déplacent sur deux pieds, sans poils, sans ailes. Branlebas de combat chez les mammouths, car la vieille Moumoutte révèle qu’il s’agit d’hommes et qu’ils mangent de la chair. N’obéissant qu’à leurs désirs, les deux jeunes mammouths entendent pourtant récupérer leurs friandises, mais se retrouvent prisonniers des humains, qui sont bien décidés à manger Kanda…

Précisons tout d’abord que le narrateur n’est autre que Moutt et que son récit ne manque pas de saveur. D’abord dans la relation qu’il entretient avec Kanda, la fille du chef, bien plus entreprenante et audacieuse que lui, qui se verrait bien poète (ne s’exprime-t-il pas parfois en vers, parfois en slam ?) ou artiste (n’est-ce pas lui qui a dessiné des animaux sur les parois de la grotte, faisant croire aux hommes que ce sont des messages des esprits ?). Le récit de leurs aventures est assez désopilant, tant dans les mésaventures qui leur arrivent que la façon de les raconter. Plaies, bosses, chutes sur le coccyx… on a un large panorama de petits et grands bobos qui affectent le corps de héros sans affecter leur moral ou le sens de l’humour du narrateur ! Mais le récit vaut peut-être autant par son côté roman d’aventures cocasses que par ce qu’il dit de nos propres rapports avec l’histoire et les animaux. La préhistoire vue par Moutt, ce sont un peu nos Lettres persanes…  D’abord, ces mammouths ont toutes les caractéristiques des hommes : des noms, un langage, des activités, ils vivent en groupe, ont un chef (qui subit une vraie carnavalisation réjouissante dans ce récit !), se transmettent des savoirs, élèvent leurs enfants en leur interdisant de manger trop de sucreries, par exemple… Ensuite parce qu’ils ont un regard qu’ils croient justifié sur les humains : petits, chétifs, nus, ils ne pourront pas survivre. Cruels, attachant des animaux, les tuant pour en faire des vêtements, ils sont à l’opposé des pacifiques mammouths herbivores.  Pour Kanda, les choses sont sûres : dans de nombreuses générations, quand les hommes auront disparu et que des mammouths viendront visiter leur grotte, ils salueront en Moutt un grand artiste… L’histoire de l’humanité est là pour lui donner tort… Mais ne sommes-nous pas, nous, hommes du XXIème siècle, dans la même position que Kanda ? Nous nous croyons invincibles, maitres du monde, espèce éternelle sur terre. C’est sans doute là un des messages de ce roman, d’attirer notre attention sur ce que nous faisons subir aux animaux, et de nous dire que, comme les mammouths qui se croyaient invincibles, nous ne le sommes peut-être pas… Mais retrouvons un peu d’humour et de légèreté avec les illustrations, pleines de vie, de Bastien Quignon, qui donne vie à ces personnages attachants (et attachés), respectant à la fois leurs caractéristiques de mammouths, mais les humanisant par le regard (et une fleur dans la toison !).

Un roman enlevé, drôle, dynamique, plus proche de Silex and the city que de la Guerre du feu, mais dont le fond est peut-être bien plus sérieux qu’il n’en a l’air…

Voyage au centre de la Terre

Voyage au centre de la Terre
D’après Jules Verne – Illustration de Marjorie Béal
Balivernes 2019

De l’Islande au Stromboli

Par Michel Driol

Quand le professeur Lidenbrock et son neveu trouvent un message secret contenant le moyen d’accéder au centre de la terre, ils n’hésitent pas. Descendant par un volcan en Islande, rencontrant des animaux préhistoriques et des champignons géants, ils finiront par ressortir par le Stromboli…

Marjorie Béal continue d’adapter pour les plus petits (petit format, pages cartonnées, peu de texte sur chaque double page) les romans de Jules Verne. Sont sélectionnés les  épisodes les plus dramatiques, résumés dans une langue simple, au présent, une langue avec de nombreuses marques d’oralité adaptées au public : exclamations… Le nombre de personnages est réduit au professeur et à son neveu – plusieurs images montrant en fait trois personnages. Les illustrations, très colorées, très stylisées, sont aussi très lisibles, et actualisent les décors et les costumes : rien ne fait XIXème siècle.

Le roman de Jules Verne perd ses dimensions didactiques et scientifiques pour devenir ainsi un album d’aventures qui ne manque pas de charme dans une espèce de représentation naïve d’un monde mystérieux. Un album qui suscitera peut-être des vocations d’explorateur !

L’île aux panthères, La presqu’île empoisonnée

Les Jaxon, t. 2: La presqu’île empoisonnée
Guillaume Le Cornec
Editions du Rocher, 2017

Les Jaxon, t. 1: L’île aux panthères
Guillaume Le Cornec
Editions du Rocher, 2017

Comment décoiffer le club des cinq

Par Christine Moulin

La quatrième de couverture de l’opus 1 l’indique clairement: « Signant le renouveau du polar de clan, en version 2.0, L’île aux panthères jette cinq adolescents au destin singulier dans les sous-sols obscurs d’un monde contemporain dangereux et réaliste ». De fait, ce roman, tout comme le second, met en scène une bande de collégiens dotés de pouvoirs extraordinaires mais pas surnaturels (l’un est un hacker surdoué, l’autre est hypermnésique, etc.). Et elle les plonge dans des complots qui leur font affronter la mafia calabraise, les Triades chinoises, des trafiquants en tout genre, des  spéculateurs immobiliers, j’en passe et des meilleurs.

Le premier tome se déroule à Nantes, le deuxième à Lyon : les deux villes sont mises à l’honneur et jouent un grand rôle dans l’intrigue. Pour ceux qui les connaissent bien, il est très réjouissant de voir comment l’auteur en fait le cadre de luttes souterraines et impitoyables. D’une manière générale, les deux histoires sont en prise directe avec le réel et évoquent, sans faux semblant et avec une grande précision, nombre de problèmes politiques contemporains (notamment l’environnement: le désherbant Cleanfields, au cœur du problème à résoudre dans La Presqu’île empoisonnée, cache mal sa ressemblance avec le Roundup, par exemple). Cela dit, ces deux romans restent des romans car nos cinq héros, malgré leur âge, accomplissent des exploits que ne renierait pas un agent aguerri du FBI et la vraisemblance est sans cesse oubliée: l’une des héroïnes n’est-elle pas engagée dans un combat « visant à abattre le système de prédation financière et écologique imposé par certaines multinationales »? Et en gros, elle revient pour le goûter…

L’invraisemblance ne touche pas, toutefois, les relations entre les membre du groupe qui sont finement décrites et ressemblent, finalement, à ce que vivent des jeunes « normaux ». Ce qui fait qu’on s’attache aux héros et que la lecture est très agréable, voire, par moments, addictive, du moins celle du tome 2 car l’intrigue du premier ouvrage est un peu embrouillée.
Mais surtout, surtout, c’est le style qui est remarquable (là encore, sans doute plus nettement dans le second opus): il y a de l’humour, beaucoup d’humour, fondé notamment sur des formules surprenantes (exemple: « Xavier l’attendait porte ouverte avec, sur le visage, un air qu’Oscar ne lui avait jamais vu. Une boule de papier journal chiffonnée qui essaierait de sourire était ce qui s’en rapprochait le plus »). Mais il y  aussi des descriptions fortes et frappantes, comme dans cette évocation de Lyon: « Et autour de tout ça, la main invisible et puissante de l’argent toxique et l’énergie brute des quartiers sous pression dont la rage pulsait dans la ville comme des vibrations sorties d’un caisson de basses. Lyon était opulente, baroque, géniale, vulgaire, industrieuse, moderne, expansive, gourmande, explosive et dangereuse ».  Il y a souvent, enfin, des passages d’écriture quasi fragmentaire particulièrement bien venus: « Lucas avait appris cette histoire par hasard – porte mal fermée, mère tourmentée « ce n’est pas cet homme que j’ai épousé », lui réveillé… ».

Bref, si l’auteur s’en était tenu au premier volume, on aurait pu penser qu’il s’était contenté de revisiter (avec talent) le club des cinq, en ciblant, il est vrai, un lectorat plus âgé. Mais le deuxième volume, à l’intrigue épurée, séduit par son rythme et par son écriture et acquiert une tout autre dimension : vivement la parution des Jaxon 3!

Les Aventures rocambolesques de l’oncle Migrelin
Elzbieta
Rouergue 2016

L’Oncle, la mamie et le dragon…

Par Michel Driol

L’Oncle Migrelin et sa grand-mère ont vécu des aventures étranges. A travers coupures de journaux, extraits de correspondance, plans de villes, sms… son neveu permet au lecteur de retracer son parcours, entre France,  Ecosse et Chine. On y rencontre des animaux fantastiques (un dragon bisou, une barge rousse un kikilatondu d’Estonie…). Il y est question de trafics d’animaux, d’un ministère des affaires étranges, d’un medium et même du Prince de Galles… On le voit, « rocambolesques » est un terme que n’usurpe pas ce petit roman.

Ce petit roman, le premier d’Elzbieta, a de quoi surprendre. D’abord par ses thèmes : il surfe sur la vague de la magie, des animaux fantastiques. Ensuite par sa forme : le neveu propose au lecteur de reconstituer le parcours de son oncle, ce qui est parfois un peu déroutant.  Enfin parce qu’il se situe dans un genre : le récit d’aventures, à rebondissements, n’hésitant pas à faire appel au paranormal ou au surnaturel, le tout baigné dans un humour fort agréable.

Un récit loufoque et déjanté, pour ceux qui aiment les récits d’aventures peu ordinaires. Et qui fera découvrir un autre aspect de son auteure.