Entre chat et chien

Entre chat et chien
Eric Battut

Autrement, 2014

La plus fervente histoire

Par Dominique Perrin

9782218931437FSC’est la rencontre forte entre un lettré matériellement installé et un vagabond attentif au monde, entre un poète qui ne sait plus sortir et un explorateur qui a tout à découvrir des lettres, un sérieux et une légèreté…entre un créateur de texte et un créateur d’images enfin, qui désirent et accomplissent ensemble un livre qui rencontrera notamment le public des renards passionnés de poésie  !
C’est donc la plus fondamentale histoire sans doute, celle qui donne le spectacle non tant du « choc des cultures » (ou des civilisations) mais de la découverte inconfortable d’autrui, avec ses tensions (« Il ne faut pas abîmer les livres. Va-t-en de chez moi ! ») et ses détentes (« C’est beau. »), et de ce que vaut cette découverte (le besoin et la capacité de créer). Tout cela, dans un petit album au format « livre », et avec la simplicité caractéristique d’Eric Battut…

La Petite Ecole de l’imagination
Zaü et Alain Serres

Rue du monde, 2012

Fictionary pour un jeu intergénérationnel

Par Anne-Marie Mercier

lapetiteecoledelimaginationA l’image du jeu Pictionary, ce coffret propose d’inventer des histoires en se basant sur des déclencheurs proches de ceux que l’on peut trouver dans l’ouvrage fondateur de Gianni Rodari, Grammaire de l’imagination, récemment réédité.

Quinze grandes planches à fonds perdus proposent des univers, peut-être une histoire en cours, quarante jetons tirés au hasard demandent à créer un lien entre l’élément du jeton (un téléphone, un perroquet, une onomatopée, une figure géométrique…) et la planche.

C’est donc un matériel simple et efficace qui est proposé, adapté à tous les âges  – les adultes pourront y jouer avec intensité avec leurs enfants ou petits enfants. Deux règles du jeu sont proposées, avec un exemple de début d’histoire.

Enfin c’est une mini encyclopédie de l’illustration d’aujourd’hui : les jetons sont de Guillopéon trouve parmi les noms des auteurs des ouvrages dont les planches sont tirées (les titres pouvant aussi jouer un rôle) ceux de François Place, Nathalie Novi, Olivier Tallec, Martin Jarrie, et bien d’autres : des styles et des univers très divers, et de beaux talents, et partout de la couleur.

Anthony Browne, déclinaisons du jeu des formes

Anthony Browne, déclinaisons du jeu des formes
Anthony Browne et Joe  Browne
Kaléidoscope, 2011

Browne, par lui-même ?

par Anne-Marie Mercier

Le titre un peu énigmatique est éclairé par un sous-titre en page de couverture, sans doute ironique, mais assez juste : « mon métier, mon œuvre, et moi ». Il s’agit en effet d’une biographie de Browne issue d’entretiens avec son fils. Elle est présentée sous forme autobiographique, écrite à la première personne et c’est peut-être le point qui pose problème. En effet, on peine à trouver un véritable ton à ce texte, souvent écrit de manière factuelle, parfois lourde. Effet de diction, de transcription ou de traduction ?

 

La partie biographique surprendra ceux qui lui imaginent une enfance difficile à cause de la présence fréquente dans son œuvre d’enfants et de familles malheureux. Il affirme qu’il ne faut notamment pas interpréter les images négatives de pères de ses albums comme des reflets de son propre père et nous présente une image idyllique de sa famille, trop idyllique ?

 

La partie consacrée à son œuvre est beaucoup plus intéressante et éclairante. Il indique sa formation, son goût pour le surréalisme (Magritte) et pour Francis Bacon, ses hésitations entre graphisme et art, ses premiers travaux. Bien souvent, il montre que certaines images ont été réalisées sans intention consciente de signification, davantage pour leur force intrinsèque. Ainsi, la part symbolique et métaphorique de son travail s’est construite peu à peu et cela fait que certaines interprétations proposées par des enfants lui semblent aussi vraies que celles qu’il peut donner, qu’il n’a construites qu’après coup. La réception par les enfants de ces albums est extrêmement intéressante, comme ce qu’il décrit du processus de création de ses principaux ouvrages. Un chapitre consacré à son travail d’illustration de textes d’autres auteurs (Carroll, McEwan…) est lui aussi très éclairant. Enfin c’est un ouvrage qui n’apportera peut-être que peu d’éléments nouveaux à ceux qui connaissent bien Anthony Browne, mais qui propose un parcours complet accompagné de nombreuses images fort bien choisies et reproduites et qui donne des informations intéressantes sur la genèse et la réception de ses œuvres. Pour les autres, ce sera une belle découverte et une clé pour entrer dans l’univers complexe de cet auteur.

 

C’est moi qui lapin

C’est moi qui lapin 
Jean Gourounas
Rouergue

               Fais comme moi

Par Chantal Magne-Ville

peinture, création,  Jean Gourounas, Rouergue, Chantal Magne-VilleUn joli petit livre au format carré, aux illustrations tout en douceur, dont le titre joue sur les mots « lapin » et « la peins ». Il s’agit en effet de peinture. Un petit lapin blanc s’adresse directement à son lecteur, en commentant ce qu’il est en train de créer au moyen de couleurs variées. La surprise naît du fait que peu à peu les formes approximatives ainsi créées – pré, nuages, soleil, fleurs… – viennent  peu à peu orner le corps du lapin, qui se complète, et ce de jour comme de nuit. Ces transformations au caractère quelque peu magique sont soulignées par un texte minimaliste qui parfois rime, ajoutant ici et là une touche de  poésie. Une incitation à la création en toute simplicité.