Mathieu Hidalf et le sortilège de ronces

Mathieu Hidalf et le sortilège de ronces
Christophe Mauri
Gallimard Jeunesse, 2012

Belle confirmation

Par Matthieu Freyheit

MatthieuhidalfroncesDans le deuxième volume de la série, Christophe Mauri engageait une première modification du personnage qui cessait d’être ce monstre d’égoïsme du premier opus pour s’ouvrir à l’acceptation des autres. Dans ce troisième volet, l’auteur confirme cette évolution du héros qui, tout en conservant (aux yeux des autres surtout) son caractère « légendaire » (on préfère « insupportable »), devient aux yeux du lecteur un adolescent complexe, parfois même intéressant. N’en déplaise par ailleurs aux titres très J.-K.-rowlingiens de la série, le personnage de Mathieu Hidalf n’a pas grand-chose de l’ennuyeux Harry Potter, et tient parfois davantage de l’insupportable (lui aussi, d’où la liaison) Naruto, du manga de Masashi Kishimoto, avec qui il partage le même objectif : devenir le plus célèbre des combattants d’élite. Cependant, le bon cœur de Naruto est remplacé ici par le malin génie de Mathieu Hidalf. Pourtant, pourtant ! le plaisir du lecteur naît cette fois, précisément, du bon vieux principe de l’arroseur arrosé : Mathieu Hidalf battu à son propre jeu, pris à ses propres pièges, le tout dans une intrigue rondement menée et, il faut bien l’avouer, passionnante. Christophe Mauri n’écrit pas sans humour, et les revers de son personnage ne peuvent que nous ravir.

Voila, en peu de mots, de quoi il s’agit. Les lecteurs du premier volume se souviennent que Mathieu Hidalf est parvenu à faire épouser au roi, contre son propre désir, une vieille sorcière. Le Gand Busier (c’est comme ça qu’on l’appelle) voit enfin venir l’heure de se venger : il profite, avec Hidalf père, d’une conférence de presse donnée par Mathieu pour le piéger et annoncer son mariage avec son ennemie jurée : Marie-Marie du Château Boisé. S’ensuit une fuite non pas en Egypte mais dans l’enceinte de l’école des Élitiens, dans laquelle Mathieu a été accepté au cours du deuxième opus. Dès lors tout s’enchaîne et l’on retrouve avec bonheur des personnages secondaires riches et finement travaillés par un auteur qui a l’intelligence de ne pas tout miser sur son héros.

La série de Christophe Mauri, en somme, évolue significativement, tant dans l’avancée de ses aventures que dans la construction de ses personnages. Aucun n’est oublié, et quelques détails préparent d’ores et déjà le terrain d’une suite que l’auteur, dans son talent, sait nous faire attendre. Bien joué !

 

Prends garde à toi

Prends garde à toi
Fanny Chiarello
Ecole des Loisirs, 2013

L’inspiration est un oiseau rebelle

Par Christine Moulin

chiarelloVoici le pendant de Holden, mon frère (selon l’auteur elle-même, ce n’est pas une coïncidence). Louise est aussi bourgeoise que … Kevin ne l’est pas. Et c’est là que l’on se rend compte que Fanny Chiarello sait à merveille rendre compte des variations langagières! Toutefois, la truculence du style de Kévin était beaucoup plus séduisante que l’écriture gourmée, très « Auteuil-Neuilly-Passy » de la jeune narratrice. Et puis, il faut le dire, Kévin était tellement émouvant alors que Louise est une pimbêche odieuse à laquelle on a du mal à s’attacher (je sais, c’est voulu, mais quand même).

Même l’intrigue est plus superficielle (en plus, elle comporte, pour les habitués de l’univers scolaire, quelques invraisemblances: a-t-on déjà vu un professeur demander, dès les premiers jours de l’année, à des parents de participer à un atelier d’écriture pour aider leurs enfants à monter une comédie musicale, adaptée de Carmen ?): Louise aime la lecture, elle! (« […] j’ai toujours rêvé de faire partie des rares initiés. C’est pourquoi je suis tant attirée par les livres dont maman, papa ou les documentalistes me disent qu’ils sont trop compliqués pour mon âge. », dit-elle dès la page 11). Mais c’est à l’amitié, à l’humilité et… à l’opéra qu’elle doit s’initier (grâce à son professeur de musique, l’équivalent de la vieille dame de Kévin dans Holden), après toute une série d’épisodes « bac à sable » qui la confrontent à sa grande rivale, Manon, qui, elle, est délicieuse. Tout cela est un peu convenu et bien-pensant.

Une analyse plus indulgente sur le blog « Les riches heures de Fantasia » . Une autre analyse qui va plutôt dans notre sens: celle de Ricochet.

Le Bal d’anniversaire

Le Bal d’anniversaire
Lois Lowry
Traduit (anglais) par Agnès Desharte
L’école des loisirs (Neuf), 2011

Vive l’école, à bas les bals !

Par Anne-Marie Mercier

On a connu Lois Lowry plus inspirée, plus percutante (avec le célèbre Le Passeur, en science fiction, avec Les Willoughby, pastiche de roman réaliste, ou encore avec L’Elue, beau récit initiatique proche de la fantasy). Ici, elle s’essaie au conte et accumule les stéréotypes, tout en modifiant quelques traits sans pour autant être très originale.

Une princesse s’ennuie ; comme elle va avoir seize ans, un bal est annoncé où elle choisira un époux. Pour voir un peu le monde avant cet événement bien ennuyeux lui aussi, elle échange ses vêtements avec sa femme de chambre (histoire type « Le Prince et le pauvre » de Mark Twain (1882) reprise par Disney, Fleischer, Foster, etc.) et va à l’école sous un faux nom. Elle y découvre les charmes de l’apprentissage et du jeune maître. Quant aux fiancés, ils sont tous aussi laids et ridicules que possible, on devine la suite. Certains passages de caricature outrée feront rire les très jeunes lecteurs, le côté romantique et sage plaira peut-être à quelques très jeunes lectrices : le classement en collection « neuf » malgré la longueur de l’ouvrage est judicieux.

Le site et le blog de l’auteure sont intéressants : j’y ai appris que les Mystères de Harris Burdick de Chris Van Allsburg (publié en 1984) venait d’être enrichi de nouvelles écrites par différents auteurs (Jon Scieszka, M. T. Anderson, Walter Dean Myers, Jules Feiffer, Louis Sachar , Stephen King , Sherman Alexie ) sous le titre de The Chronicles of Harris Burdick (voir l’article du Sunday book review) : je n’ai pas trouvé de traduction française : à quand ?

 

 

 

Mademoiselle météo

Mademoiselle météo
Susie Morgenstern
L’Ecole des loisirs (neuf), 2011

 L’école, contre vents et marées

par Anne-Marie Mercier

Trop mince, trop jolie, trop fantaisiste, Alizée Tramontane est seule. Elle a deux passions dans sa vie, la météo et ses élèves de CM1; elle a également deux ennemies, une collègue méchante et jalouse et une inspectrice qui n’aime pas son inventivité pédagogique.

Deux intrigues se déroulent en parallèle, la tentative de ses proches pour la marier (le candidat s’avère être un jeune businessman incapable d’exprimer une émotion), et une expérimentation pédagogique qui l’amènera à faire réaliser des bulletins météo théatralisés par ses élèves, en costumes et en actions, puis à une classe de mer « météo », chaque volet se terminant en catastrophe, du moins provisoirement. La vision du monde enseignant est assez noire, celle de la vie des hommes d’affaires n’est guère meilleure, mais le roman est constamment porté par l’humour et le style de Suzie Morgenstern, autant dire qu’on se régale.

À noter particulièrement : le récit de la visite d’un auteur dans l’école avec deux types de préparation, l’une scolaire et ennuyeuse, menée par la méchante institutrice, l’autre inventive et intelligente, menée par la jeune, jolie, gentille et parfaite héroïne… Du vécu, Susie?

La Bande à Tristan

La Bande à Tristan
Marie-Aude Murail
Ecole des Loisirs (Mouche), 2010

Tristan : un petit Nicolas des temps modernes ?

par Sophie Genin

amitié,écoleLa mystérieuse dédicace de Marie-Aude Murail (« Chacun son tour d’apprendre la vie dans la cour de récréation ») semble s’adresser directement au personnage du caïd dénommé Olivier dans le roman, davantage un enfant maltraité par la vie qu’un vrai méchant.

Sur un ton juste, l’auteur adopte le point de vue d’un héros de CE2, Tristan, qui raconte ses aventures scolaires quotidiennes, souvent liées à celles de sa petite soeur, Karine, en CP mais drôlement dégourdie. Dans un premier temps, le garçon veut entrer dans la bande de Jujube et est prêt, pour cela, à « mettre une fausse crotte en plastique sur la chaise » de son maître. Mais, par le suite, allant de découvertes en découvertes, en particulier concernant la gentillesse d’un voisin présenté tout d’abord comme une sorte d’ours mal léché, Tristan va décider de créer une bande pas comme les autres, une bande qui accepte les filles et même les CP !

Le ton de l’ensemble est une sorte de mélange entre le club des cinq et le petit Nicolas, tout en étant réaliste dans la description de la réalité des cours d’école, même si la fin est un peu décevante. En effet, que penser du pauvre petit Olivier, méchant parce que pas gâté par la vie qui se transforme complètement lorsque, pour Noël, Tristan et sa bande, après de nombreuses difficultés, lui offrent un cadeau ? Sans parler de la préparation du spectacle de Noël, grande catastrophe à la Sempé !

L’Erreur de Pascal

L’Erreur de Pascal
Florence Seyvos

Illustré par Michel Gay
L’école des loisirs (mouche), 2011

Doisnel enfant

Par Anne-Marie Mercier

L’Erreur de Pascal.gif« Ma mère est morte ». L’excuse inventée par Antoine Doisnel dans Les Quatre cent coups est utilisée par un jeune garçon qui cherche à échapper à tout ce qui le contraint. Mais Pascal ne s’arrête pas à ce premier mensonge et s’empêtre dans de nombreux autres, finissant par ne plus savoir comment échapper à l’embrouillamini qu’il a créé, sinon par la fuite, l’envie de disparaître.

On peut craindre le pire, mais Florence Seyvos esquive et ce récit s’achève tout tranquillement sur une leçon claire : il suffit de dire la vérité, toute la vérité (du moins sur le plan des faits) pour que tout s’arrange… C’est une belle exploration d’un point de vue d’enfant buté qui s’évade loin des problèmes en inventant ou en regardant ailleurs. Et c’est fort bien écrit, avec des gros plans sur des moments, des mets, des odeurs.

Mongol

Mongol
Karin Serres

l’Ecole des Loisirs (Théâtre), 2011

Transformation réussie

par Sophie Genin

différence ; école    « Cette histoire a d’abord existé sous forme d’un roman (…). Je l’ai entièrement réécrite pour le théâtre à l’invitation de Pascale Daniel-Lacombe, du Théâtre du Rivage, qui l’a créée à l’Atrium de Dax le 24 mars 2011 » (Karin Serres). Nous pouvons remercier la metteur en scène car, si je n’ai pas lu Mongol sous forme de roman (édité en 2003), la pièce a tout des qualités de ce qui fait un texte marquant.

En effet, l’idée de départ, un quiproquo du héros, Ludovic, traité de « mongol » par Fabrice, caïd de sa classe, permet à l’auteur de nous emmener en voyage sur les traces des véritables Mongols, en particulier de celles de Gengis Khan. Jamais la visée de cette pièce n’est didactique ou moralisatrice car le jeune garçon trouve un sens à son existence dans la découverte de la langue et des traditions d’un peuple souvent méconnu. En refermant l’ouvrage, une seule envie : continuer à en découvrir plus !

On retrouve dans cette pièce au rythme rapide et dense, suivant celui de Ludovic au sein de sa famille et à l’école, par épisodes, la qualité d’une pièce pour plus jeunes : Le Petit Bonhomme vert (et le rouge!), publié aux éditions du Bonhomme Vert en 2008. En effet, l’adresse aux enfants est juste, sans non-dits, directe mais attentive. On peut alors suivre Karin Serres où bon il lui semblera de nous conduire. On se laisse emporter, suivant Ludovic, pas si « différent » que ça.

L’école des massacreurs de dragons, t. 1 (le nouvel élève)

L’école des massacreurs de dragons, t. 1 (le nouvel élève)
Kate McMullan

Gallimard (folio cadet), 2011

Désir d’école

Par Anne-Marie Mercier 

L’école des massacreurs de dragons, t. 1 (le nouvel élève).jpgDans cette série qui a eu beaucoup de succès et qui paraît maintenant en poche on retrouve plusieurs ingrédients qui ont fait le succès de nombreuses autres. Le jeune héros est martyrisé par sa famille dans lequel il joue un personnage de Cendrillon. Treizième fils, roux, il est totalement différent de ses frères et se sait destiné à un futur glorieux grâce à la prédiction d’un ménestrel de passage. Intégrer une école va lui permettre de changer sa vie.

Il y a beaucoup de loufoquerie, ce qui fait que le roman ne se prend jamais trop au sérieux. On pourrait y voir un mixage de Harry Potter réécrit par Roald Dahl, un pastiche de romans de fantasy. Cela fait une lecture drôle et distrayante, sans prétention.

Cherub, vol. 1: Cent jours en enfer

Cherub, vol. 1: Cent jours en enfer
Robert Muchamore

Traduit (anglais) par Antoine Pinchot
Casterman, 2011

Petit manuel de machiavelisme pour les enfants

Par Anne-Marie Mercier

michael gerard bauer,moby dick,timidité,persécution,école,parole,éloquence,concours,cancer,castermanLe premier tome de la série « culte » de Cherub est publié en poche… Enfin, direz-vous ? Hélas, plutôt… Bien sûr, ce sont des romans d’action bien menés ; bien sûr le jeune héros, James, petit délinquant qui ne pense qu’à jouer à la PlayStation et à regarder la télé et qui est sauvé par l’ »organisation » Cherub peut séduire certains.

Mais l’école de Cherub ressemble beaucoup à un camp d’entraînement (le titre, « 100 jours en enfer », désigne le programme d’entraînement intensif des futurs agents-espions), la discipline est menée à coup de punitions humiliantes, l’enseignement présenté comme un enseignement d’élite pour une élite (10 élèves par classe).

Enfin, sur le terrain, les jeunes gens ont une activité d’espions : mensonge, dissimulation et trahison sont leur domaine. Le seul interdit (« ne pas nuire à des innocents ») est hardiment franchi au prétexte que « on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs ». La volonté d’entrer dans la complexité est intéressante, mais

Le succès de la série montre-t-il que le nouveau rêve des adolescents n’est plus d’être un hardi policier, ou sorcier, ou voleur, mais d’être un enfant soldat ? que l’école dont ils rêvent est un pensionnat-prison militaire ? ou bien est-ce juste pour se faire peur ?

Le prétexte est que ces héros eux aussi « sauvent le monde », mais au bénéfice de qui ? Dans ce premier volume c’est au bénéfice des compagnies pétrolières contre les hippies et les écologistes. Bien sûr, les uns agissent en toute légalité et les autres pas… mais si la littérature pour adolescents se met à donner la primauté au Droit contre la Justice, il y de quoi s’interroger.

Enfin, que je sache, les écologistes – fussent-ils terroristes (?) – n’ont jamais commis d’attentats sanglants. Que le livre fasse croire le contraire n’est pas innocent.

Quant à l’écriture, elle est d’une platitude sans nom.

Pour aller plus loin, lisez la chronique- coup de gueule parue sur le blog de Patrice Favaro.

Et lisez plutôt Grande école du mal et de la ruse de M. Walden (oui, les héros sont des affreux jojo délinquants, mais au moins c’est drôle) ou Jimmy Coates de Joe Craig, A comme Association de Bottero et L’Homme (surtout les deux premiers), éventuellement Spy High (série, pas excellente, mais moins inquiétante, pour ce que j’en ai vu). Et, pourquoi pas, les Langelot (Lieutenant X/ Vladimir Volkoff), romans d’espionnage pour la jeunesse bien conservateurs mais écrits avec style.

L’Ecole du soir

L’Ecole du soir
Elzbieta , Vincent Tessier
Rouergue, 2010

Qui sont les bébés ?

par Anne-Marie Mercier

L’Ecole du soir.gif Une lune, des animaux, un arbre, tous en pâte à modeler brune (la couleur qui finit par dominer quand on a trop mélangé les couleurs), un fond de ciel bleu orangé, la tombée de la nuit. C’est le moment où les animaux se rassemblent, parlent à la lune et l’écoutent.

Comme à l’école maternelle, l’un d’eux commence en évoquant une découverte et les autres enchaînent : il a rencontré un être tout nu, vêtu d’une couche, un bébé. Chacun parle et interroge la lune sur ce sujet (est-ce que c’est gentil ? pourquoi ça crie, pourquoi ça court…) ; un petit frisson avec les déclarations du lion. Jusqu’au moment où la lune déclare qu’il est l’heure d’aller se coucher.

L’ensemble est charmant. Cela n’a pas la profondeur d’un autre album d’Elzbieta où des ours (en peluche) s’interrogeaient sur les bébés (Où vont les bébés ?). Mais les tout petits aimeront sans doute voir que les animaux s’interrogent sur eux, exactement comme les enfants s’interrogent sur les animaux.