Raymond Ah, les parents !

Raymond Ah, les parents !
Romain Gadiou (textes) – Sébastien Tiquet (images et mise en page)
Nathan

Le fils du petit Nicolas

Par Michel Driol

raymondeRaymond a 9 ans.  Un peu enrobé, affublé de grosses lunettes rondes, il mène sa vie d’écolier ordinaire, avec ses deux copains Yvon et Marcello, et son « ennemi », Valerian. A travers sept brèves nouvelles, on découvre les relations avec les autres membres de la famille (les parents, la grand-mère, l’oncle) : du cadeau d’anniversaire de mariage au spectacle de magie, du cinéma à la sortie en forêt, chaque nouvelle repose sur le même principe : d’abord l’opposition du pré-ado Raymond, trouvant nuls ses parents pour leur métier,  leur refus de l’emmener voir un film… jusqu’à la fin où c’est l’amour de la famille qui triomphe, gentiment.

Peut-être un peu trop gentiment, justement. On aimerait parfois un peu plus d’aspérités, un univers un peu moins bisounours… Peut-être aussi la présence de filles de l’âge de Raymond.

Côté qualités, on remarquera d’une part la complicité père-fils et l’amour filial qui triomphent toujours, peut-être à cause de la ressemblance entre la jeunesse de Raymond et celle de son père, dans deux histoires à peu près similaires lorsque l’on retrouve des cassettes vidéo de la jeunesse du père et du fils, et qu’ils partagent la même honte de voir projetées en public des scènes qu’avec le recul ils trouvent humiliantes, ou lorsque l’on retrouve le journal intime du père qui a vécu la même situation (en forêt avec son propre père) et la décrit avec les mêmes mots que son fils. Au fond, les générations se succèdent et rencontrent les mêmes problèmes avec la génération précédente.

Ce roman graphique associe des textes courts, écrits dans une langue simple, à la limite de l’oralité et des images très bande dessinée, dans une mise en page soignée. Cette série sera sans doute un marchepied pour de jeunes lecteurs, qui s’y reconnaitront et verront à quel point il n’est pas simple de grandir et d’apprécier ses parents dans toutes les circonstances de la vie.

Un maillot de bain une pièce avec des pastèques et des ananas

 Un maillot de bain une pièce avec des pastèques et des ananas
Claire Castillon
L’école des loisirs, coll. Neuf    2014,

 Aïe, je deviens adolescente !

Par Maryse Vuillermet

un maillot de bain  une pièce imageNancy, la narratrice a onze ans, et est folle amoureuse de son père. Elle ne supporte pas que son frère, un adolescent insupportable et violent et sa sœur, une  ado folle amoureuse et hystérique,  et même sa mère qui fait les yeux doux au dentiste,  le fassent souffrir. Elle connait les affres des adultes, elle en discute avec sa meilleure amie. Elle  a peur que ses parents ne se séparent et que sa famille se brise.  D’autant  plus que son père l’emmène en week-end seule, qu’il reçoit de très nombreux messages sur son portable, bref, tout s’écroule autour d’elle et elle voudrait faire quelque chose.

 Et en même temps,  sa meilleure  amie ne s’intéresse qu’aux garçons, pour être comme elle, elle fait semblant elle aussi,  et ensemble, elles préparent leur tenue pour l’été,  (d’où le titre !) été qui n’arrivera que dans six mois !

Bref, un portrait sympathique de préadolescente, qui,  peu à peu, ouvre les yeux, et d’une famille  en légère crise, mais parfois, des images un peu appuyés comme celle des doigts de la main, un peu trop lourdement récurrentes.

L’Heure des mamans

L’Heure des mamans
Yaël Hassan Sophie Rastégar
Utopique

La liste du raton-laveur

Par Michel Driol

couv_Heure_mamans_HDComme tous les jours, la maitresse dit que c’est bientôt l’heure des mamans… Ce qui fait bouillir intérieurement le petit raton-laveur,  héros et narrateur de cette histoire, parce que ce n’est jamais sa maman qui l’attend, car elle travaille. Et, au fil des pages et des jours, comme dans une comptine, il fait la liste de celles et ceux qui viennent le chercher à la sortie de l’école : baby-sitter, grand parents, oncle, père… ou qui parfois l’oublient … L’heure des mamans, pour le petit héros,  on la découvrira dans la  double page qui termine  l’album : c’est samedi et dimanche, l’heure des câlins dans un grand lit.

SI le décor est bien celui d’une ville, d’une école, d’un appartement aujourd’hui, les personnages sont des animaux illustrant la diversité des enfants de la classe : porc-épic, girafe, kangourou…, humanisés par leur posture sur deux pattes et un accessoire vestimentaire (bottes, gilet). On retrouve cette même diversité dans la représentation des adultes. L’illustration de Sophie Rastégar, pleine de tendresse,  fourmille de détails humoristiques : le parent kangourou tend sa poche à son enfant, un bébé chat vole une plume à une maman oiseau.

Yaël Hassan propose un texte léger et limpide, avec des mots simples, à hauteur d’un enfant qui s’interroge sur la pertinence du vocabulaire des adultes (l’heure des mamans). Voici un album qui pose la question des stéréotypes dont le langage de l’école est porteur. Il n’y a pas que les papas qui travaillent. Et bien des enfants sont attendus par quelqu’un d’autre que leur maman. Et pourtant, cela reste « l’heure des mamans ».

Un album plein de fantaisie et de poésie sur les rythmes de vie d’aujourd’hui, sur les modes de garde après l’école et sur les relations familiales, dans lequel se reconnaitront de nombreux enfants qui fréquentent l’école maternelle.

Détectives de père en fils (Tome 1)

Détectives de père en fils (Tome 1)
Rohan Gavin
Gallimard Jeunesse 2014

Le retour de Sherlock, père et fils ?

Par Michel Driol

detectivesOù il est question d’un étrange livre, Le Code, qui produit d’inquiétants effets sur les lecteurs, les terrifiant par des hallucinations insupportables. Où il est question aussi d’une association criminelle, la Combinaison, force du mal responsable de tous les crimes.  Où il est enfin question d’un père détective, sortant à peine d’un coma hypnotique de 4 ans, et de son fils, petit génie aux facultés déductives extraordinaires. Et aussi d’un oncle Bill, membre éminent de Scotland Yard, d’un beau-père présentateur d’une émission consacrée à la voiture, d’un professeur de physique inventeur à ses moments perdus, d’une concierge – femme de charge roumaine…

Bref, voici un livre touffu et dense : dense par le nombre de pages (près de 400), touffu par les intrigues qui s’y croisent, relançant sans cesse le suspense dans une série de rebondissements qui vont conduire les héros jusqu’au cœur de Londres, dans un souterrain désaffecté. De la galerie de portraits un peu caricaturaux se détachent les deux détectives, le père et le fils, dont la relation est bien décrite par l’auteur, avec un mélange d’admiration et de déception de la part du fils.

L’humour –  britannique – enfin ajoute une dimension supplémentaire à ce roman.  Théorie du complot, livre aux pouvoirs étranges traversant les âges, passion pour les voitures et la technologie : on retrouve là  quelques-unes des caractéristiques de notre société.

Attendons le tome deux…

Le Passage du diable

Le Passage du diable
Ann Fine
L’école des loisirs, 2014

Maison de poupée… gothique

Par Anne-Marie Mercier

lepassagedudiableQuel beau roman gothique que celui que vient de publier Ann Fine ! Original, touchant, et passionnant autant qu’inquiétant, il tourne autour… d’une maison de poupée. Cette maison, magnifique et gigantesque est le seul objet qui nourrit l’imaginaire d’un enfant, un garçon reclus depuis son enfance par sa mère. Il n’a jamais vu personne en dehors d’elle et a eu, pour seul contact avec le monde, la lecture de romans et de récits de voyages. Jouant en cachette avec cette maison et avec les poupées de bois qui la peuplent, il s’invente des aventures, dialogue, se confronte à toutes sortes de personnages.

Il sort de son isolement avec l’intervention de voisins et d’un médecin qui fait interner celle-ci. La suite du récit est à la fois tragique et heureuse : Daniel se trouve une nouvelle famille chez le médecin, joue avec ses filles, et continue avec la plus jeune à jouer avec la maison dans laquelle la petite découvre des choses qu’il n’avait jamais vues, notamment une poupée mystérieuse et maléfique.

Le médecin trouve la trace d’un oncle de Daniel dont le visage ressemble curieusement à cette poupée, comme les autres ont des airs de famille avec sa mère. Il est envoyé chez lui, dans la maison qui a servi de modèle à celle qu’il a connue, mais bien changée, sinistre et entourée de mystères. Grâce à l’aide de deux vieux serviteurs, Daniel découvre l’histoire de sa mère, les raisons de sa folie et la menace que représente son oncle pour lui. Personnage étrange, tantôt séducteur tantôt inquiétant, profondément diabolique, l’oncle et sa poupée vaudou introduisent une dimension fantastique dans le final de ce roman qui va progressivement du réalisme classique à un thriller passionnant. Les fils se nouent, les mystères se dévoilent peu à peu et le destin des deux maisons se scellent dans un superbe final.

Mon père est une saucisse

 Mon père est une saucisse
Agnès de Lestrade
Rouergue, Dacodac, 2013

 

Deviens ce que tu es…

 Par Caroline Scandale

 

Le père de Séraphine s’ennuie profondément dans sa vie d’expert comptable. Décidé à changer de voie professionnelle, il annonce à sa famille interloquée qu’il veut devenir comédien. S’en suivent de vives réactions et de l’incompréhension mais au final tout le monde soutient ce papa et mari hors norme et fantasque… Il débute tout de même sa carrière d’acteur en incarnant une saucisse Knacki!

Ce petit roman sur l’accomplissement de soi délivre une belle image de la famille et de la relation père-fille. De surcroît, Il montre en filigrane la difficulté à sortir du système surtout par temps de crise… L’antithèse du titre reflète parfaitement l’image que la société ou la famille se fait d’un homme non carriériste qui préfère s’accoutrer en chipolata pour une publicité plutôt que de brasser les chiffres dans son cabinet de comptable.

 Un roman nietzschéen dès 7 ans!

 

 

 

La Maison sans pareil (t. 2 : l’homme au masque)

La Maison sans pareil (t. 2 : l’homme au masque)
Elliot Skell
Traduit (anglais) par Alice Marchand
Flammarion, 2013

Sorties d’enfances

Par Anne-Marie Mercier

maisonsanspareil2Un peu comme l’a fait auparavant J. K. Rowlings, l’auteur fait grandir son univers avec son lecteur : chaque volume semble être taillé pour un âge différent. Si le premier (voir la chronique du 4 mars 2013) était porté part une petite dose de suspens et comportait quelques événements dramatiques, il était surtout dominé par la construction d’un univers, celui d’une maison infinie abritant une famille elle-aussi tentaculaire, entièrement occupée à des banquets, fêtes et distractions diverses.

Le deuxième volume est beaucoup plus noir : des menaces, des traques, des morts lui donnent une allure différente, sans le rendre forcément « gothique » comme le voudrait le descriptif du roman. Les répétitions un peu trop nombreuses soulignant la peur de l’héroïne semblent d’ailleurs répondre à une volonté d’augmenter la frayeur du lecteur – procédé inefficace alors que l’intérêt du roman est ailleurs.

On y découvre aussi des haines familiales, des mystères et surtout la découverte faite par l’héroïne de l’histoire de ce monde, des tensions qui y règnent et des rapports de force, dont certains sont des rapports de domination et d’asservissement. C’est un peu le chemin suivi dans un apprentissage lié à un milieu, qu’il soit familial ou étranger : on est sensible d’abord aux rites, aux côtés agréables, plus tard on comprend ce qui le fonde, son côté noir, mais aussi sa fragilité.

Comment faire partie d’un ensemble sans l’approuver totalement ? Comment prendre de la distance sans courir le risque de la rupture ? Toutes ces questions sont posées par cette maison qui interdit qu’on la quitte, mais parfois rejette au loin certains de ses membres, qui est le monde et la vie même, tout en étant un mensonge.

Le charme de ce lieu étonnant et poétique reste intact et l’on s’y promène avec ravissement, comme dans un jeu, heureux de découvrir de nouveaux bâtiments, de nouveaux recoins – fussent-ils des souterrains.

Gregor, livre III : La prophétie du sang

Gregor, livre III : La prophétie du sang
Susanne Collins
Traduit (USA) par Laure Porché
Hachette, 2012

 Par Anne-Marie Mercier

Gregor3Troisième prophétie, troisième aventure de Gregor et de sa petite sœur Moufle au pays sous terrain où humains, araignées, chauve-souris, rats et cafards géants cohabitent plus ou moins bien. Cette fois, c’est la mère de Gregor qui se trouve embarquée avec eux. Gregor et ses amis devront affronter une terrible jungle pour trouver de quoi la sauver et sauver tous les sous-terriens d’une terrible épidémie de peste.

Ce qui commence et se déroule dans sa plus grande partie comme un récit d’aventure classique et bien tourné se retourne en fin de volume dans un stratagème astucieux : ces prophéties fonctionnent comme des devinettes dont la résolution arrive progressivement mais surprend toujours. Enfin, les découvertes finales montrent que les familles peuvent se déchirer gravement et que les politiques sont bien machiavéliques : y aurait-il un rapport avec notre monde ?

La science fiction et la fantasy qui se plaisaient tant dans les airs ont aujourd’hui un tropisme vers le sous sols : voir Nox d’Yves Grevet. Certes, Jules Verne avait essayé les deux éléments (et avait ajouté l’eau), mais on peut se demander aussi si cela a un rapport avec notre époque.

Voir les chroniques des livre I et livre 2

L’oiseau noir (La maison sans pareil, 1)

L’Oiseau noir (La Maison sans pareil, 1)
Elliot Skell
traduit (anglais) par Alice Marchand
Flammarion (grand format), 2012

Maison, douce maison?

Par Anne-Marie Mercier

lamaisonsanspareilLa thème de la maison en littérature de jeunesse mériterait une étude poussée – et pourquoi pas une thèse –, tant il est riche, surtout depuis quelques années. Il surprend par sa plasticité et sa richesse, de la maison qui s’envole, mais juste déplacée, du Magicien d’Oz (1900) à celle, beaucoup plus complexe, du Château de Hurle (1986, superbe roman de Diana Wynne Jones qui a inspiré Le Château ambulant de Murakami), aux maisons à géométrie variable de Coraline (2002) de Neil Gaiman et des Olivia Kidney d’Ellen Potter (publiés en français au Seuil, 2006, 2007), ou aux maisons ouvrant sur une infinité de mondes, dans la trilogie de Pierre Bottero (L’autre, 2006-2009), ou la maison fermée de celle d’Yves Grevet, (Méto, 2008-2009), dont le premier volume est intitulé « La maison »… On peut trouver de multiples raisons à la récurrence de ce thème : la maison est ce qui structure le dehors et le dedans, la famille et l’étranger, ce qui protège mais aussi ce qui cache : on y vit en famille, entre voisins, on s’y aime ou on se déteste, il y a des « cadavres dans les placards », des trappes, des caves et des greniers… La maison est sans doute le premier « monde » qu’un enfant explore, avec ses lieux réservés, espaces interdits ou dangereux, ses zones d’intimité et de collectivité, les lieux pour être ensemble et pour être seul.

La maison sans pareil, château bizarre et pseudo-gothique est presque une ville entourée d’une enceinte : tours, cours, couloirs et coursives, ailes abandonnées, jardins ou forêt intérieurs, rivière souterraine, parc… jusqu’au cimetière appelé le Champ des rêves. « Au delà des tours, des grandes salles, et des longues ailes des bâtiments occupés par les Capelan, il y avait encore d’autres tours, d’autres salles et d’autres ailes qui n’avaient jamais été habitées, et certains endroits bâtis par le Capitaine étaient encore des sortes de pays attendant d’être découverts. Il y avait des centaines, sinon des milliers de pièces dont on n’avait jamais ouvert la porte. »

Les Capelan, une famille devenue elle aussi tentaculaire l’habite depuis deux cents ans. On y vit en autarcie : la fortune léguée par le fondateur, le Capitaine, est si grande que chacun peut satisfaire tous ses désirs sans travailler, faisant venir de l’extérieur ce qu’il lui faut sans rien avoir à débourser. On s’occupe cependant : chacun développe un talent ou un goût qu’il a choisi (artisanat, inventions, sciences et littérature, collections…). Les Capelan adorent les fêtes et il y en a souvent. L’école, qui se déroule dans le Hall des inclinaisons (au lieu de « inclinations », erreur qui détermine l’architecture…) n’est pas obligatoire, mais tous les enfants y vont avec plaisir car les cours sont faits de façon très variée – ils portent d’ailleurs tous sur la Maison car aucun autre savoir n’est nécessaire. On y est gourmand aussi et des banquets délicieux se déroulent dans la Nef mauve ou dans le Hall des humeurs, immenses salles qui font penser au réfectoire de Harry Potter. Le service est assuré par les domestiques de la ville la plus proche qui s’est vidée de ses habitants au profit de la maison et eux mêmes se sont reproduits et occupent des fonctions héréditaires.

Personne ne sort de la Maison : pourquoi partir d’un lieu si parfait ? Mais parfois des personnes extérieures arrivent de loin pour épouser l’un des Capelan et y restent à tout jamais. Le début se rapproche d’un lieu utopique, parfait pour les citoyens à part entière. Mais bien vite, c’est la dystopie qui l’emporte, au moment de la mort du chef de la tribu, le « capitaine » (on devine qu’il a été assassiné) qui ne désigne pas de successeur affirmant : « Je suis mort, maintenant, alors je me fiche de ce qu’il va se passer. Je n’en ai jamais aimé un seul d’entre vous de toutes façons. » Dans ce temps d’incertitude quant à la légitimité du pouvoir, l’héroïne, Omnia Capelan, découvre par hasard des vérités cachées et sa curiosité (caractéristique étrange pour une Capelan) l’amène à explorer la Maison et son histoire, beaucoup plus noire qu’elle ne l’imaginait. Le roman devient alors une enquête policière labyrinthique et passionnante, sur fond de complot. Le côté sombre est souvent désamorcé par des scènes comiques, sans doute pour ménager les plus jeunes lecteurs qui auraient l’âge de l’héroïne (douze ans et quart), ce qui fait du roman un mélange un peu curieux : je partage l’avis de Sophie Pilaire dans Ricochet quant à la dispersion des effets tout en étant impressionnée par le monde inventé.

Les noms des personnages est une autre trouvaille : les noms des hommes commencent tous par Eter : Etergrand, Eterpiaf, Etersonge… ceux des femmes imitent le latin : Artésia, Basilica, Pedagogia… Et une question, posée deux fois à Omnia, propose une énigme : « est-ce le nom qui fait la personne ou la personne qui fait le nom ? » Question qui est ici davantage de l’ordre de la fabrique littéraire que de l’être. Vu le nom de l’héroïne (féminin pluriel de « tout » en latin, toute chose, toutes les choses) fait augurer pour elle un grand destin, à suivre dans les prochains volumes (le prochain est annoncé pour mars 2013).

 

Me voici

Me voici
Friedrich Karl Waechter
MéMo,  2010

Et le matou revient…le jour suivant…

Par Christine Planchette master MESFC Saint-Etienne

La première de couverture est une aquarelle représentant un chat qui appuie sur un bouton, ce qui met en scène le titre de I’ouvrage, « me voici ». La quatrième de couverture montre ce même chat en train de dormir dans un lit.

Puis trois mots : un drame

                         une renaissance

                         une rencontre

Il n’y a alors pas beaucoup d’indices sur le contenu de cet album, mais la tendresse des aquarelles et la puissance évocatrice de ces mots donnent envie d’aller plus loin. La couleur apparaît : trois queues de chats différentes et un texte minimaliste : « nous étions trois. » Puis sur double page, une aquarelle : une famille de chats photographiée sur la plage. Ils sont « arrivés en août. » Ils venaient s’ajouter aux « quatre » arrivés en mai. La famille est trop nombreuse….

Que faire lorsqu’une famille de chats est trop nombreuse ? On en élimine quelques-uns et souvent par noyade ! Ces chats, qui nous sont montrés comme des gosses, sont fourrés dans un sac par des pêcheurs et jetés au large des côtes.

Arrivé mortelle d’un requin-chat. Un seul chaton survit et finit dans le garde-manger du requin. Changement de décor et mise en scène théâtrale. Tuer le tueur et se nourrir de sa chair pour devenir plus fort.  Sauvé, il arrive sur une plage et prend un ticket de train. Fin du voyage ! Il descend et erre dans les rues. « …j’arrive devant une maison, j’appuie sur le bon bouton, tu m’ouvres. Quel bonheur. Me voici. » Cet album nous raconte de manière bouleversante et dérangeante I’histoire de cet enfant-chat qui se bat pour la vie.

Le « tu » de la narration s’adresse à la famille retrouvée, mais aussi à nous lecteurs, qui ouvrons notre porte, en ouvrant le livre, à ce petit chat humain que nous voudrions prendre dans nos bras. Les aquarelles de cet album sont extraordinaires, tant par les regards très expressifs que par les postures des personnages, qui en disent long.

C’est un album hors norme, une énigme. Un texte minimaliste, où tout ce qui est suggéré rend l’histoire encore plus forte. Elle nous transporte dans le voyage de la vie à travers le parcours de cet enfant-chat qui se battra et se débattra pour survivre à l’abandon, à la mort, et retrouver le chemin qui mène à un être aimant.

C’est un album marquant, qu’on n’oubliera pas de sitôt, l’histoire d’un chat humain, trop humain, enfant, trop enfant…