Atlas des lieux littéraires

Atlas des lieux littéraires
Cris F. Oliver, J Fuentes (ill.)
Traduit (espagnol) par Françoise Bonnet
Éditions Format, 2021

Embarquement immédiat

Par Anne-Marie Mercier

Plutôt qu’un Atlas, il s’agit d’un guide touristique : il propose différentes destinations pour lesquelles on indique comment d’y rendre, quoi mettre dans ses bagages, quels lieux visiter, où dormir, où manger, le moyen de communiquer avec les habitants, une géographie sommaire (de belles cartes stylisées, réalisées par J. Fuentes aident à se repérer), des renseignements sur l’économie, la religion ou le régime politique… Des conseils sur ce qu’on peut acheter et ramener chez soi comme souvenirs de voyages.
Il donne aussi divers conseils, et parfois insiste sur le fait qu’il vaudrait mieux ne pas se rendre dans cet horrible pays (ceux de 1984, ou de Hunger games, par exemple) ; si l’on passe outre, on bénéficie de quelques conseils de survie, tirés de l’expérience des héros des romans.
Tous ces éléments, courants dans les guides de voyage, sont bien plus complexes ici puisqu’il s’agit de pays imaginaires. En effet, même si on y trouve le Londres de Sherlock Holmes et les villes du sud de l’Angleterre fréquentées par les héroïnes de Raison et sentiments de Jane Austen, la plupart des lieux sont purement fictifs et souvent improbables : la majorité des romans sont des ouvrages de fantasy ou de science-fiction et souvent défient les lois d ela logique et de la géographie : Le Pays des merveilles de Carroll, La terre du milieu de Tolkien, le pays d’Oz, Le Château de Hurle, le Pays imaginaire de Barrie, Westeros, Poudlard, les Royaumes du Nord… A ces romans très connus s’en ajoutent d’autres qui le sont moins et que l’on découvre avec la grande envie de s’y plonger. L’ouvrage ne fonctionne pas comme une suite de résumés permettant de connaitre sans lire, mais comme une invitation à entrer dans ces livres.
L’auteure réussit un tour de force en résumant les conditions d’accès à ces pays en quelques lignes de manière précise et drôle : comment en effet se rendre au pays imaginaire d’Alice, dans celui de Peter Pan, ou bien à Lilliput et Blefuscu? Même chose pour le retour : par exemple, si vous décidez de faire un Voyage au centre de la terre, il vous suffira d’attendre qu’une explosion volcanique vous expulse.
Chaque univers est traité en quatre pages, dont une d’image, avec des rubriques qui varient d’un pays à l’autre : comment s’orienter, comment survivre, comment voyager, la flore et la faune… On voit que l’auteure connait parfaitement les univers qu’elle décrit et sait choisir les traits saillants, les incohérences, les merveilles. C’est souvent extrêmement drôle (notamment sur  Peter Pan). La dernière rubrique intitulée « le saviez-vous » donne des renseignements précis sur l’auteur, la conception de l’œuvre, la place de l’intertextualité ; tout cela est très intéressant.
À savourer de 7 à 107 ans.

Feuilleter sur le site de l’éditeur

 

Le Poisson qui me souriait

Le Poisson qui me souriait
Jimmy Liao
HongFei, 2021

Mon ami l’axolotl

Par Anne-Marie Mercier

Comme dans la nouvelle de Julio Cortàzar, un homme solitaire tombe en arrêt devant un bac d’aquarium dans lequel un poisson semble le regarder, et lui sourire. Le voilà son ami.
Il l’emporte chez lui dans un petit bocal rond, et passe son temps à le contempler. Ce poison qui sourit est d’après lui « aussi dévoué qu’un chien et affable qu’un chat. Attentionné comme une amoureuse. »
Un rêve emporte l’homme dans une course heureuse et libre, à la suite de son ami qui l’entraîne dans la nature jusqu’à la mer. Mais le rêve se transforme en cauchemar : il se découvre enfermé  dans un bocal en verre et comprend qu’un poisson, encore plus qu’un chien, un chat, ou une amoureuse, ne doit pas être enfermé si l’on veut qu’il continue à vous sourire.
Magnifiques, les pleines pages de bleu océan ou de nuit de rêve entraînent le lecteur dans une réflexion sur la solitude, une rêverie heureuse, puis inquiétante. Le visage de l’homme, très expressif, apporte une touche de rose et de vie. Les vignettes rythment le récit et donnent chair à cet homme ordinaire, miroir de la condition de ceux qui sont seuls, séparés de la nature, et qui cherchent désespérément un sourire, un visage ami à contempler, un être vivant qui les raccroche au monde.

Pour entendre (en VO) Jimmy Liao présenter son livre et les circonstances de son écriture

Dans le cœur

Dans le cœur
Nada Matta
Editions MeMo 2021

A tous les enfants de la guerre

Par Michel Driol

La narratrice a six ans lorsqu’éclate la guerre au Liban. Sa famille se réfugie dans une grande maison qui abrite aussi de nombreux enfants. La tante raconte des histoires, on dort dans un dortoir,  on subit les multiples privations, d’eau, de gaz, d’électricité… On rêve et parfois on va à la mer se baigner. Vingt ans plus tard, la fillette qui a grandi découvre enfin l’autre côté de la ville.

C’est en fait une histoire double que raconte ce bel album de Nada Matta, artiste et autrice jeunesse franco-libanaise. D’une part, il y a la fillette dont on a résumé l’histoire qui occupe la plus grande part de l’album, illustré. D’autre part, il y a une autre fillette, qui raconte aussi en « je » son histoire, sur une page. Orpheline, elle est recueillie par une dame au grand cœur solide, dans une grande maison. Enfin, il y a les mots de l’autrice, qui explique le lien autobiographique entre elle et l’autre fillette, sa sœur de cœur. Ce qui se lit donc dans cet album, c’est l’histoire de cette amitié, et aussi, de façon très explicite, l’hommage à la tante, Janine Safa, qui a permis à de nombreux enfants de traverser la guerre du Liban, de continuer à vivre et à aimer.

A partir de son expérience très forte et très personnelle, Nada Matta signe ici un album dont l’écriture et les illustrations sont particulièrement soignées. Le texte au présent évite tout pathos : il est surtout constitué de notations, de constats liés aux activités que l’on fait quand il n’y a plus d’école, aux sensations comme la couverture qui gratte ou le froid, aux peurs et aux réactions presque animales (se rouler en boule pour n’être qu’un point). Ce texte permet donc au lecteur d’être au plus près du vécu de la fillette, de s’identifier à elle. Il sait aussi user des répétitions et des anaphores pour rendre encore plus sensibles certains termes et donc certaines réalités, le cœur de la maison qui protège, les « parfois » qui rythment le temps, ou les « Comme il n’y a plus… » qui marquent les absences, les privations, les difficultés de la vie matérielle.

Les illustrations sont de véritables tableaux qui tantôt partent dans l’abstrait (les couleurs de la fête qui font écho à la guerre qui éclate, composition verticale de coulées qui semblent exploser au sol), tantôt au contraire sont très réalistes, comme les nombreux portraits d’enfants ou d’adultes, traités avec une grande humanité. Ces tableaux utilisent aussi toute une riche palette de nuances : des grisailles rehaussées de quelques taches de couleur pour le temps de la guerre, taches de couleur qui explosent en jaune vif  lorsque le texte évoque l’éclairage à la bougie. Le tout se clôt se un magnifique portrait de fillette souriante dont les larmes bleues s’envolent vers le ciel : tout un symbole de cet album à la fois sombre et lumineux, qui parle d’espoir et de la nécessité de sauver tous les enfants de toutes les guerres.

Un album sensible, riche, émouvant et porteur d’espoir, un album pour dire ce que les survivants doivent à celles et à ceux qui ont su leur transmettre les valeurs et l’amour qui leur ont permis de rester vivants, et debout.

C’est chez moi !

C’est chez moi !
Aurore Petit
La Martinière Jeunesse 2020

Un imagier pop-up pour visiter la terre

Par Michel Driol

Sur chaque page, qui associe un milieu naturel et un animal, revient comme un refrain « C’est chez moi, dit… ». On parcourt ainsi 5 lieux différents, de la montagne au désert, en passant par la banquise ou la forêt. Arrive enfin l’homme dans la ville. Et c’est la terre qui conclut l’album avec un « C’est chez nous ».

Conçu comme un imagier destiné à sensibiliser les plus jeunes sur la notion de milieu naturel, d’écologie et de préservation de la nature, l’ouvrage présente des pop-ups astucieux dans lesquels les animaux se cachent comme le loup, ou le scorpion (bien tapi sous ses lamelles de papier figurant le sable du désert). Il ne cherche pas à figurer le monde de manière réaliste, mais propose plutôt des formes géométriques, épurées et presque abstraites, façon peut-être de rapprocher l’habitat humain dans la ville très rectangulaire des habitats animaux. Seule la terre, figurée comme un visage rond, sympathique et souriant, échappe à ce système.

Un imagier animé pour découvrir quelques milieux naturel et avoir envie d’en savoir plus sur les animaux sauvages évoqués.

 

 

 

Bob et Marley. Le capitaine

Bob et Marley. Le capitaine
Marais, Dedieu
Seuil jeunesse, 2020

On serait des pirates

Par Anne-Marie Mercier

Bob (c’est le plus petits de cette paire d’amis) a une idée en regardant une fourmi naviguer sur une feuille au fil de l’eau : et si on construisait un bateau?
Marley (le gros ours noir) se met au travail. Celui-ci terminé, la grande question est de savoir qui va ramer, qui va commander, bref qui sera le capitaine. Si Marley cède, on comprend vite que c’est peut être avec une arrière pensée : commander donne quelques droits amis aussi des devoirs.
Voilà une jolie dispute pleine de conséquences. Les images sont comme dans toute la série délicieuses de simplicité.

Le petit camion de papa

Le petit camion de papa
Mori
HongFei 2021

Sur la route…

Par Michel Driol

Une fillette part pour la journée dans le camion de son papa. Ils y entendent des chansons, traversent des villes, des ponts, échappent au mauvais temps, gravissent des montagnes, traversent des tunnels, s’envolent… Papa répare le camion…

Ce voyage peut se lire à différents niveaux. Voyage réel avec le père d’abord, bien sûr, père qui emmène sa fillette travailler avec lui. Mais aussi voyage merveilleux dans l’imaginaire, car ce voyage bien réel prend très vite une dimension surnaturelle : tantôt c’est le camion qui rétrécit, devenant un jouet sur la table, sous l’œil du chat, tantôt les montagnes et la nature prennent la forme d’animaux, qui emmènent finalement le camion dans les airs. C’est aussi un voyage dans la mémoire : le présent du récit change de sens à la fin, pour correspondre au moment de l’énonciation, et s’associe avec un imparfait, façon de montrer que le temps a passé, que la fillette est devenue grande, mais que les souvenirs sont toujours là. C’est enfin le voyage de la vie qui est évoqué, avec la compagnie silencieuse et bienveillante du père, père plein de puissance pour la petite fille, plein de mystère aussi avec ses chansons qu’on ne comprend pas, père omniprésent et pourtant jamais représenté sur les illustrations. L’album dit, avec tendresse,  les liens étroits et inoubliables qui unissent la fillette et son père, dans des illustrations colorées, pleines de fantaisie et de gaité, composées à base de papiers découpés, des images qui entrainent de plus en plus dans l’imaginaire avant de se styliser dans les dernières pages. A la fin ne subsiste, sur fond blanc, qu’un camion qui avance jusqu’à sortir de la page sur la ligne bleue du temps, accompagnant ainsi la petite fille dans son propre cheminement…  Les illustrations de Mori, artiste taïwanais,  ont été justement remarquées dans plusieurs sélections internationales.

Un album sensible sur les liens entre une fillette et son père, mais aussi sur les souvenirs et le temps qui passe.

Trek

Trek
Pete Oswald
Helvetiq 2021

La famille qui plantait des arbres

Par Michel Driol

Cet album sans texte raconte la journée d’un père et de son enfant. L’homme réveille l’enfant qui s’habille, prépare son sac, puis ils partent en voiture et commencent une randonnée qui les conduit au sommet de la montagne. Là, ils sortent du sac un petit arbre et le plantent, au milieu d’autres arbres,  puis retournent chez eux, où ils feuillettent l’Album de famille sur le canapé. Sur les photos, sépia, noir et blanc, couleurs, on voit que de génération en génération se perpétue cette tradition, de planter  un arbre.

L’album apparait d’abord comme une ode à la nature et à sa préservation. Les images montrent des paysages grandioses où vivent nombre d’animaux sauvages, que l’on suit à la jumelle ou dont le sol garde la trace du passage : autant de signes de vie à observer, à protéger. Il apparait ensuite comme la description des relations d’un père avec son enfant : un père qui joue (aux boules de neige), montre la nature, donne confiance et rassure dans les passages dangereux, pose la main sur l’épaule de son enfant, le protège en lui donnant un casque d’escalade. Tous deux regardent dans la même direction, mais tout est dit dans le regard complice qu’ils échangent, vu dans le rétroviseur de la voiture. C’est enfin un album sur la transmission à travers une coutume familiale qui a traversé plusieurs générations, et dont la nature porte la trace. Cette journée apparait donc quelque part comme un rite d’initiation aux mystères de la nature et de la vie familiale. L’album tire toute sa force des illustrations, respectant ainsi le silence de la nature sans distraire le lecteur par des bavardages ou des commentaires inutiles : il se passe de texte (mises à part quelques onomatopées discrètes) pour magnifier ces petits riens  (objets, gestes, attitudes), ces moments partagés qui disent la force de l’amour et de la vie.

Un album touchant qui laisse au lecteur une puissante  impression de quiétude : zen…

Alfonsina, reine du vélo

Alfonsina, reine du vélo
Joan Negrescolor
Gallimard Jeunesse 2021

Hommage à une pionnière

Par Michel Driol

A dix ans, Alfonsina se voit offrir par son père un premier vélo, bien trop grand pour elle. Mais elle persévère, malgré les quolibets et le chutes, se déguise en 22cycliste. A 13 ans, elle participe à sa première course, puis court un peu partout en Europe.

Cet album est inspiré par la vie d’Alfonsina Strada (1891-1959), cycliste italienne, qui fut la seule femme à avoir officiellement participé à l’un des trois grands tours cyclistes masculins. Elle a notamment pris part deux années de suite au Tour de Lombardie ainsi qu’au Tour d’Italie 1924. Conçu comme une autobiographie, – texte en je au passé composé – , l’album se focalise sur l’enfance et la jeunesse de la championne, évoquant très brièvement sa carrière. Il s’agit de montrer la passion d’une fillette pour une activité essentiellement masculine à l’époque, son désir de vitesse et de liberté, sa façon de ne pas se conformer aux codes sociaux en vigueur pour les faire exploser. C’est bien à l’enfance d’une pionnière du féminisme, montrant comment l’égalité hommes/femmes peut se réaliser dans tous les domaines. Alfonsina devient ainsi un modèle de persévérance à suivre, invitant les enfants à lutter pour réaliser leurs rêves.

Les illustrations dessinent tout un univers coloré, aux teintes chaudes, avec une dominante de jaune et d’oranger. Elles sont souvent remplies de détails pittoresques, de visages expressifs, interloqués, réprobateurs ou admiratifs,  campant ainsi l’arrière-plan idéologique dans lequel évolue l’héroïne. Quant au style graphique, il est fortement inspiré des mouvements artistiques du début du XXème siècle, en adéquation parfaite avec son sujet : le constructivisme russe, voire le futurisme italien.

Un album engagé, sortant de l’ombre une figure féminine oubliée, celle d’une championne italienne de la petite reine.

Petit Pêcheur, grand appétit

Petit Pêcheur, grand appétit
Suzy Vergez
Rue du Monde 2021

Il faut cultiver nos océans…

Par Michel Driol

Alors qu’il pêche avec modération ce qui est nécessaire pour nourrir sa famille, Petit Pêcheur délivre le Roi-des-crabes, qui lui accorde un vœu. Sur l’insistance de ses enfants, qui en veulent toujours plus, il demande à pêcher 100 poissons par lancer. Avec l’argent gagné, il achète un bateau plus grand, devient exportateur de conserves de poissons, jusqu’au jour où il ne pêche plus aucun poisson et doit partir plus loin. A la suite d’une tempête, toute la famille se retrouve sur une ile, où elle rencontre d’autres pêcheurs qui prennent soin du fond de l’océan, font attention à leurs prises et leur offrent quelques algues et quelques couples de poissons pour repeupler leur coin d’océan…

Comment produire ? Comment consommer ? Voilà les importantes questions que soulève ce conte philosophique de Suzy Vergez, sans manichéisme. La mécanique est lancée par deux facteurs. D’un côté, l’envie d’avoir toujours plus, incarnée ici, c’est original, par les enfants, qui n’ont pas le rôle de sauveurs qu’ils jouent souvent dans ce type de conte, mais déclenchent, par leurs désirs incontrôlés et incontrôlables, la catastrophe. De l’autre, l’appât du gain, qui pousse le père à passer outre l’avertissement du Roi-des-crabes (pas plus de 100 poissons) et, dans une logique très capitaliste, le conduit à industrialiser son activité sans prendre garde aux ressources limitées de la planète. Face à cette démesure, les éléments naturels deviennent des personnages du livre : les crevettes et oiseaux jouent le rôle du chœur antique, et commentent, avec inquiétude, les événements. Les crabes ont un roi, et se coalisent contre Petit Pêcheur. L’océan lui-même déclenche une tempête. Cette personnification, propre au genre du conte dans lequel s’inscrit cet album, introduit à un imaginaire riche, mais, en même temps, correspond tout à fait au propos tenu : la nature est vivante et doit être respectée et préservée si l’on veut y survivre. Plein d’optimisme, l’album propose une solution aux dérèglements causés par Petit Pêcheur : cela passe par l’entraide et le respect de la nature, afin de préserver et faire prospérer les ressources naturelles.

Cette fable laisse le lecteur conclure de lui-même, choisir entre différents comportements dont les uns sont mortifères pour la planète : elle ne se veut ni moralisatrice, ni édifiante. Les personnages y sont humains, tout simplement, avec leurs désirs et leurs passions. Il leur faut encore apprendre à dépasser leurs envies immédiates pour rester raisonnables, penser au futur et le préserver. C’est une belle leçon d’écologie politique que donne l’album, à travers un beau conte que les illustrations situent en orient. Il faut souligner la qualité du travail graphique de l’autrice qui utilise différentes techniques, tampons, encre, sans doute papiers découpés, afin de composer un spectacle pour les yeux de toute beauté et particulièrement animé.

Un bel album, particulièrement bien écrit et bien illustré, pour réfléchir ensemble à notre lien avec notre terre nourricière, à travers l’exemple de la pêche.

Au pays des loups qui chantent

Au pays des loups qui chantent
Mickaël El Fathi / Odile Santi
Editions Courtes et Longues 2021

Dans les steppes de l’Asie Centrale

Par Michel Driol

C’est l’histoire d’un face à face entre l’homme et le loup, dans des steppes qu’on dirait mongoles, au milieu de l’immensité. C’est leur chant à deux voix que conte cet album, fait de rencontres, de naissances, et de saisons qui passent.

Entre poème et documentaire, ce magnifique album célèbre l’union de l’homme et de la nature. Les illustrations, en pleine page, d’Odile Santi, rendent compte d’un univers de steppe dans lequel l’homme n’est qu’un point, isolé, mais aussi magnifient, par des gros plans, l’homme et le loup. Elles sont à la fois très réalistes dans leur évocation précise de l’Asie, des costumes, des instruments de musique, ou encore de la fourrure du loup, mais aussi, par leurs couleurs, leur composition, elles ouvrent à un autre univers, qui peut s’avérer menaçant ou, au contraire, plein de paix et d’harmonie.

Le texte n’envahit pas l’image. Il se veut discret, presque minimaliste, souvent réduit à des groupes nominaux, afin de laisser une part importante à l’imaginaire du lecteur. Il évoque les liens entre l’homme et le loup, les similitudes entre les deux, l’amour qui les unit, même si parfois, comme les amoureux, ils se disputent. Le loup devient donc personnage à part entière de cette histoire, reflet de l’homme, possédant comme lui le chant et le sens de la famille. Tous deux sont de passage sur un territoire immense, où ils savent pourtant se retrouver tout en gardant leur liberté. A la fois proches et lointains, ils se guettent, ils se cherchent, et, d’une certaine façon, ils se respectent.

Un superbe album pour contempler la nature, les animaux, l’homme, les paysages, mais aussi pour revoir l’image du loup, bien loin de ce qu’il devient parfois en littérature jeunesse : un animal plus proche de l’homme qu’on ne le pense.