Infiltrés

Infiltrés
Laurent Queyssi

Rageot (Thriller), 2012

Hacker : l’union du livre et de l’écran

Par Matthieu Freyheit

InfiltrésLes personnages ont leurs classiques ; le roman de Laurent Queyssi pourrait en donner un au hacker, pourvu qu’il ne soit pas noyé dans l’immense océan de la littérature de jeunesse. À vos librairies donc, voilà un livre à lire.

Adam, adolescent hacker, réussit à la suite d’un pari une passe informatique dont il se souviendra. Pour cause : elle est à l’origine de son enlèvement et d’une succession d’aventures qu’il n’avait ni cherchées, ni souhaitées. Espionnage, argent, haute technologie et, surtout, menace pour l’humanité, tout est là, contemplé depuis la hauteur réduite d’un héros rivé à son fauteuil roulant. Nous n’échappons certes pas à un certain lot de clichés et à une extrapolation des motifs qui n’aurait pas été toujours nécessaire. Mais enfin, l’auteur fait ici le compte de ce qui fonde l’imaginaire du personnage de hacker et les restitue intelligemment ; et avec style.

Comme nombre de hackers de la production romanesque, Adam est un petit génie de l’informatique, et sa passion l’entraîne bientôt au-delà des limites qu’il s’était fixées, au-delà des fictions qu’explorent les jeux vidéo en ligne dont il se repaît. Attention pourtant ! Adam n’est pas un héros adolescent comme les autres. Non pas qu’il soit plus doué sur son clavier d’ordinateur, pas non plus qu’il soit, handicapé, cloué à son fauteuil quand son frère parade en skate dans les rues de la ville. Non, tout ça est somme toute assez banal. Mais Adam est bon élève, a une mère professeur de lettres, et résout une importante énigme en faisant appel à ses souvenirs de lecteur et à la fameuse Lettre volée d’Edgar Allan Poe. Si ça vous épate, moi aussi. L’opposition classique entre l’écran et le livre est enfin balayée par un auteur qui, dans une morale scolaire sans doute plus originale que les marges contre-culturelles trop à la mode, a la finesse de rapprocher les contraires et de rappeler au passage que oui, la lecture c’est aussi bien pour les garçons.

On regrette peut-être un manichéisme qui ne rend pas compte de la réalité du hack : car le cracker est l’autre visage du hacker, et mériterait, simple pincée de mister Hyde dans ce docteur Jekyll de la toile, d’être restitué pour une figure plus complexe. Cela reste cependant peu de choses devant un roman brillant au style enlevé et, pour ne pas se perdre en palabres, véritablement réussi.

Et avant

Et avant
CharlElie Couture, Serge Bloch
Sarbacane, 2012

 Sur la question sans fin des origines

Par Dominique Perrin

Un habitant d’une grande ville moderne dialogue avec un interlocuteur essentiellement curieux, qu’on devine être jeune. Au départ, il semble s’agir d’un monologue ; quelqu’un décrit, de manière très concrète, les conditions actuelles de son existence : ce qu’il a sous les yeux, ce qu’il a fait la veille… Puis le récit embraye sur ce qui devient un principe d’engendrement : « Et avant ? », demande en cascade l’interlocuteur mystérieux. D’une peinture volontiers prosaïque et ironique du monde qui l’entoure, le narrateur-auteur passe au témoignage autobiographique, à la narration d’une histoire familiale, puis à l’histoire collective, puis au mythe des origines de l’humanité, et à une représentation poético-scientifique des origines de la vie. Il se réempare finalement de la première personne (« avant, j’étais une algue »), et retourne la question : « Et toi, à propos, d’où viens-tu ? ». Cet album percé de part en part d’un œil-soleil-tunnel présente la même fraîcheur et la même exigence que les productions séparées de ses deux auteurs « multistes » dans d’autres domaines de création – musique, dessin , conte…

 

Je fabrique mes livres

Je fabrique mes livres
N. Palmaerts, M. Paruit
Casterman, 2012

Par Caroline Scandale

On n’arrête plus le progrès…

Je fabrique mes livresA l’heure où les enfants manient les tablettes numériques mieux que certains adultes, prient leurs parents de regarder Tchoupi sur le Ipad et lisent leurs revues en mode 2.0, ce documentaire leur rappelle de façon ludique que les livres sont avant tout des objets en papier dont la valeur réside dans le soin, l’attention et le temps passé à les rédiger et à les fabriquer.

Je fabrique mes livres foisonne d’idées de livres à créer et d’astuces pour les réaliser. Il propose des tutoriels et des croquis explicatifs pour chaque type de livre (le livre de ma semaine, le livre d’une couleur, le livre « j’aime », le livre des collages, le livre à histoire, le livre pop up…). Cerise sur le gâteau, il débute par un cours synthétique sur l’objet-livre, présente ses différentes parties, en dresse une typologie rapide, et explique très simplement comment relier les pages d’un ouvrage à partir du pliage de papiers de formats A2, A3 et A4.

Son autre point positif est la simplicité du matériel nécessaire à la réalisation des livres: des feuilles, de la colle, des ciseaux, une grosse aiguille à coudre, du fil, une photocopieuse et le tour est joué!

Un livre intelligent et stimulant à conseiller aux petits et aux grands, adeptes des loisirs créatifs.

 

Pierre Gripari : oeuvres

Pierre Gripari
Sept farces pour écoliers
Illustrations de  Till Charlier

Contes de la folie Méricourt
Illustrations de Serge Bloch

Contes d’ailleurs et d’autre part
Illustrations de Guillaume Long
Grasset, 2012

Petite bibliothèque et grands plaisirs

Par Anne-Marie Mercier

Vous le voulez comment, Le Marchand de fessées? En conte? Allez voir à la Folie Méricourt. En théâtre? C’est dans les farces pour écoliers. La truculence de Pierre Gripari son insolence et son goût de la subversion fonctionnent à plein dans ces titres, moins connus que les contes de la rue Broca, mais tout aussi drôles et inventifs. Les contes français, russes, grecs… sont revisités; les sorcières ont de multiples rôles, les enfants sont vifs et rusé.

On trouve quelques surprises : conte en forme d’échelle (Nanasse et Gigantet), conte à la table des matières rimée (Petite soeur, où l’on montre qu’on peut être fille et courageuse comme un prince). Les farces se disent au téléphone ou dans un bureau (entre Lui et Elle), on assiste au dialogue d’une famille avec la télé, d’un bébé avec un dieu, d’un diable avec un ange…

Chaque volume est imprimé dans une belle typographie, sur un beau papier épais et  illustré en noir et blanc de dessins proches de la caricature. De quoi monter une belle première bibliothèque d’oeuvres complètes pour une chambre d’enfant.

 Dans la même collection : Huit farces pour collégiens, Jean-Yves à qui rien n’arrive, Marelles et L’Histoire du prince Pipo, dont on reparle bientôt.

 

La Douane volante

La Douane volante
François Place
Gallimard  jeunesse, 2012

François Place, romancier géographe

Par Anne-Marie Mercier

François Place est surtout connu pour ses albums, Les Derniers Géants ou son Atlas des géographes d’Orbae. Mais ses romans n’arrivent pas à percer véritablement. Sa dernière publication (deux romans parus dans le livre-boîte intitulé « Le Secret d’Orbae », Le voyage de Cornelius et  Le Voyage de Ziyara), pourtant superbe n’a pas apparemment obtenu la notoriété qu’elle mérite. À l’occasion de la reparution en poche de La Douane volante on peut poursuivre la réflexion amorcée lors de la recension du Secret d’Orbae et s’interroger sur les raisons de ce déséquilibre.

Première hypothèse : les romans sont moins originaux (les albums sont devenus des références dans un style bien particulier) et surtout il leur manque une ossature. Les aventures du héros sont une succession d’événements marquée par la malchance ou le hasard. Le jeune Gwenn est prisonnier d’un monde dont il ne peut sortir malgré tous ses efforts, un peu comme dans un cauchemar, et il n’en sort que parce que ce cauchemar s’achève : il se noie et renaît dans le monde qu’il a quitté, un peu comme un rêveur qui se réveille. Les rapports entre les deux mondes sont un rapport d’opposition, le monde « réel » s’opposant au monde imaginaire mais ce dernier est plus vivant que l’autre qui peine à exister. Le problème est donc que l’intérêt se situe ailleurs que dans l’intrigue – problème qui n’en est un que pour ceux qui ont besoin d’être tenus en haleine par l’illusion d’un destin.

Gwenn le tousseux est un jeune homme frêle et malade, martyrisé par son entourage, des villageois de Bretagne, peu avant 1914. Formé par un ermite rebouteux, herboriste et misanthrope, il se retrouve emporté par l’Ankou (représentant de la mort dans les légendes bretonnes) dans un autre monde. C’est une Hollande imaginaire proche de celle du dix-septième siècle, mais dans laquelle une administration, la douane, règle la vie des habitants et surveille très étroitement les entrées et les sorties. Manipulé et tyrannisé par l’homme qui l’a recueilli, Gwenn finit par obtenir un peu d’autonomie. Après plusieurs tentatives de fuite, il devient guérisseur puis médecin diplômé, sauve la ville d’une épidémie, tombe amoureux, trouve une reconnaissance sociale et une aisance matérielle. Mais il rêve de rentrer chez lui où rien ni personne ne l’attend. On ne sait pas bien ce qui nourrit ce désir de retour.

Aussi le charme du récit ne tient-il pas à son intrigue, un peu lâche, ni à la psychologie du personnage, opaque ou sommaire, mais à l’univers dans lequel elle se déroule : si François Place n’est pas un « historien », au sens de raconteur d’histoire, il est bien un géographe extraordinaire. L’atlas de Gwenn, c’est un ouvrage très ancien sur le corps humain. Mais celui-ci renvoie à d’autres livres et surtout au grand livre du cosmos, inscrit sur les carapaces des tortues. Atlas du corps humain, atlas du cosmos, atlas du temps (le temps et l’espace étant tous deux cartographiables), les cartes et les tortues en sont les messagères. Aussi, l’exploration d’un espace vierge, la découverte, sont-elles au coeur du roman. Gwenn vole une carte ancienne des côtes atlantiques à des contrebandiers ; il découvre que l’espace réel qu’il a quitté et l’univers de la douane, situé dans un autre temps, se superposent avec un léger décalage : l’océan Atlantique est toujours là, la Bretagne toujours à sa place. Dans ses tentatives pour la rejoindre, Gwenn est très proche des explorateurs des albums de François Place. Il essaye plusieurs itinéraires, parcourt en patins le lacis des canaux gelés, rencontre des coutumes étranges, une société très organisée, tente de la comprendre. Il explore aussi le monde des herboristes et des médecins du dix-septième siècle et nous offre un tableau très complet et vivant de leurs savoirs et de leurs pratiques.

François Place le géographe nous propose à travers les aventures de son personnage de parcourir un espace mi familier, mi étrange, un peu décalé dans le temps et dans l’espace mais autant en marge du réel que le serait un peuple imaginaire. Il parsème cet espace de petites merveilles, de « curiosités » comme celle de l’oiseau acariâtre et alcoolique, le Pibil siffleur. On retrouve donc dans ce roman ce qui fait le charme des albums, les images en moins et la longueur de textes en plus.

 Voir une autre critique sur le site « mesimaginaires » qui analyse la dimension fantastique du roman.

 

 

Eona et le collier des dieux

Eona et le collier des dieux
Alison Goodman
Traduit (anglais) par Philippe Giraudon
Gallimard Jeunesse, 2012

Le crépuscule des dragons (2)

Par Anne-Marie Mercier

Pour ceux qui n’auraient pas lu le premier tome, voir plus bas la recension parue sur notre site précédent.

Après avoir refusé sa féminité pour survivre tout en assumant une fonction interdite aux femmes, Eon est devenu Eona.

Eona a ainsi pu accéder à son dragon, le Dragon miroir, seul dragon femelle au milieu d’un cercle de onze mâles. Mais hélas les autres seigneurs des dragons qui auraient pu l’aider à rétablir l’équilibre du monde ont disparu, massacrés par le maître du dragon Rat, le sinistre sire Ido. Dans le volume précédent, il avait également provoqué la mort de l’empereur. Il cherche à obtenir le pouvoir suprême et l’immortalité en manipulant Eona et en obtenant deux objets, les deux livres de perles, capables de soumettre les dragons.

Ce volume a les qualités du précédent; il est moins original car il n’a plus cette dimension de construction d’un monde imaginaire nourri de Chine impériale et de quête d’identité du personnage. C’est davantage un roman d’aventures, proposant de nombreuses scènes d’action, de fuite, de combats et de retrouvailles. C’est aussi un roman d’initiation amoureuse. Eona hésite entre deux hommes et entre deux formes d’amour : Ido, qu’elle croit changé, représente l’homme adulte et la sexualité ardente et libre dans laquelle elle se découvre et risque de se perdre ; le fils de l’empereur représente le jeune homme dont elle est d’abord l’amie et la confidente, puis la « fiancée »; il incarne la construction d’un avenir, le sens de la responsabilité et la nécessité du sacrifice. On voit que la morale finit par être sauve, mais elle aura été entretemps bien mise en question.

Enfin, si les personnages principaux ne sont pas sans quelques caractères stéréotypés, les personnages secondaires sont extraordinaires : dame Dela le «contraire » (homme se faisant passer pour une femme), l’eunuque, le général, la servante, l’enfant contrefait… Tous donnent à l’histoire une belle humanité.

 

Eon et le douzième Dragon
Alison Goodman
Gallimard jeunesse (pôle fiction) 2011

Dragons, masques et complots

par Anne-Marie Mercier

Amateurs de dragons et de Chine impériale et d’orphelins triomphants, ce livre est pour vous. Ce beau roman d’aventures et d’intrigues de palais est aussi un récit initiatique original et très calculé, alternant progressions lentes et chutes brutales, descriptions et scènes d’action.  L’ensemble du roman, très précis dans ses descriptions et dans ses localisations (tout se passe à peu près dans l’équivalent d’une « cité interdite ») et par l’évocation constante de couleurs, de matières, d’odeurs et de goûts tend à créer pour son lecteur une expérience d’immersion totale dans son univers.

C’est aussi un récit très noir où la cruauté et la violence dominent. En quelque sorte, du Pearl Buck (Impératrice de Chine) mixé avec du Franck Herbert (Dune), à moins que ce ne soit avec du Ann Mac Caffrey (cycle des dragons de Pern). La dissimulation et la trahison règnent, même dans le comportement du héros-ou plutôt de l’héroïne.

Eon, esclave orphelin, est à douze ans candidat au statut d’apprenti d’un maître « oeil du Dragon ». Il est en réalité Eona, obligée par son maître à cacher son identité pour entrer dans un domaine de pouvoir strictement interdit aux femmes (d’où son nom : ce thème de la fille déguisée est inspiré de l’histoire – fausse – du chevalier d’Eon). De nombreux personnages à l’identité sexuelle floue complètent le tableau. Enfin, la question du masculin et du féminin, du solaire et du lunaire,  et de leur équilibre nécessaire est au coeur du roman et de sa progression. Tout dépend de l’acceptation par Eona de sa féminité alors que ceci ne peut que provoquer sa mort et celle de ses proches.

Les visions d’Eon, des rencontres avec le monde des dragons qui se greffent sur des explorations de sa propre intériorité, ont beaucoup d’allure ; la dimension mythique de ce récit lui donne une coloration particulière. Le cataclysme qui se déchaîne à la fin du roman a un air de crépuscule des dieux spectaculaire.

Ce volume avait paru en 2009 en grand format, la version poche sort en même temps que le deuxième volume en grand format. (2011)

 

Anka

Anka
Guillaume Guéraud
Rouergue
Collection doadonoir, 2012

 Mariage blanc très noir

Par Maryse Vuillermet

  Tout est noir dans ce court roman, rien ne vient éclaircir la douleur, l’angoisse, la violence.  La police marseillaise vient trouver Marco, adolescent, pour lui  apprendre  sans ménagement que sa mère est morte. Premier choc, d’une grande violence,  mais sa mère rentre. Elle lui explique que son père,  dix ans auparavant,  a contracté un mariage blanc avec une jeune roumaine pour toucher la commission. Il doit s’agir de cette jeune femme. Marco, choqué,  veut comprendre,  il enquête, cherche des traces de cette jeune femme, et il apprend la veulerie de son père, la malhonnêteté de ses amis,  la cruauté du  logeur, de son employeuse,  le machisme des petits voyous qui couchaient avec elle pour cinq euros, tous ont laissé mourir cette  jeune femme de tuberculose  sur un banc en pleine ville, sans faire un geste.

Marco, ivre de douleur, devient à son tour d’une cruauté  totale, il ne peut  ni accepter, ni rester sans rien faire.

Ce tableau de la société,  est assez désespérant, et malheureusement, sûrement assez vrai. Rien ne résiste, tout est  sali.  La famille est même au cœur de la pourriture,  le mariage est utilisé pour faire de l’argent par le père,  la sœur amène des voyous à la maison qu’elle protège, la mère laisse faire.  Suffocant !  

Vers un théâtre contagieux : souscription

Les éditions théâtrales nous informent :

Souscription pour l’ouvrage Vers un théâtre contagieux. Répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse (volume 2) de Marie Bernanoce

 » Six ans après le volume 1 À la découverte de cent et une pièces, voici le deuxième répertoire critique dédié au théâtre contemporain pour la jeunesse par Marie Bernanoce, à paraître en novembre 2012 : Vers un théâtre contagieux. Répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse (volume 2).

À l’image du premier ouvrage, Vers un théâtre contagieux analyse 80 nouvelles pièces et une dizaine de recueils de pièces courtes à travers des fiches critiques. Les références sont croisées avec une centaine de textes de théâtre, de pistes de lecture, de travail en classe et en atelier, de mots d’auteurs, de définitions dramaturgiques avec leurs applications concrètes, le tout étayé par une bibliographie, des index thématiques et dramaturgiques pour approfondir davantage.

Structure des fiches : éléments bibliographiques, entrées thématiques et dramaturgiques, niveaux scolaires conseillés, éléments sur l’auteur, analyse dramaturgique et littéraire via des pistes de lecture et de travail (mises en voix, ateliers d’écriture, ateliers plastiques, théâtre d’objets…) ».

À paraître en librairie le 16 novembre 2012 (576 pages, 15 x 21 cm).

Offre de lancement : 19 euros au lieu de 29 euros.
Souscription-Vers-un-theatre-contagieux-Marie-Bernanoce

 

Tout le monde à dos

Tout le monde à dos
Annie Agopian, Claire Franek
Rouergue, 2012

 

Etre Ado : dur, dur

Par Anne-Marie Mercier

Qu’on soit homard, crotale ou têtard, la métamorphose est une étape difficile ; celle de l’adolescence est du même ordre, on le sait et  Françoise Dolto l’a expliqué. Mais une fois ce constat fait, comment aider les ados ?

Cet album prend le parti de la science et de l’humour, deux excellentes voies. La première est rapide (une double page), développant ce qui se passe chez les homards, crotales ou têtards qui semblent incarner différentes façons d’être ado. La seconde prend tout son temps, montrant des ados d’âge, de taille et de sexe divers confrontés à l’incompréhension voire l’aigreur de leur entourage et incapable de répondre aux questions qu’ils se posent et qu’on leur pose.

La solution proposée par l’album : Opposez-vous, et vous trouverez les réponses ou des débuts de réponses. C’est donc un album qui fait du bien, déculpabilisant et tonique, ne craignant pas de hérisser et d’user de la caricature (les humains représentés sont tous très moches, les ados juste un peu plus que les autres !).

Annie Agopian est psychologue de formation et a collaboré à plusieurs reprises avec Claire Franek, notamment pour l’excellent album Dans 3500 mercredis, belle interrogation sur ce que c’est que grandir, mais cette fois en allant de l’enfance à la vieillesse, vieillesse traitée avec humour mais sans masque aucun.

Le Coffre enchanté

Le Coffre enchanté
Jean-François Chabas, David Sala
Casterman, 2011

Fable désenchantée

par Anne-Marie Mercier

« Ce que nous croyons posséder ne compte-t-il pas autant à nos yeux que ce que nous possédons vraiment ? »

Cette conclusion à la fable proposée ici est fort bien illustrée par le texte de Jean-François Chabas dans un récit très classique, sous forme de randonnée avec de belles variations subtiles, un peu d’humour et de cruauté. Les illustrations de David Sala (inspirées de Klimt)  mêlent les techniques et les couleurs de façon somptueuse.

Enfin, tout cela est bien « habillé », comme le coffre de l’histoire, avec une couverture évidée en forme de fenêtre à ogive et une tranche dorée. Cet habillage n’est pas là pour masquer du vide, mais donne une belle allure à la morale finale. Celle-ci est cependant peut-être trop cynique pour être comprise et acceptée par de jeunes enfants.