La route des vacances

La route des vacances
Eric Battut
Autrement, 2014

Chien (et chat) perdus sans collier

par Christine Moulin

9782746736139FSLa couverture et les premières pages sont trompeuses: les couleurs vives et le trait naïf nous transportent dans un dessin d’enfant dédié à la représentation du départ en vacances. Rien ne manque, ni la voiture d’un autre âge, ni les hirondelles en virgules dans le ciel, ni Chien et Chat, les héros de l’histoire. Pourtant, très vite, les choses dérapent: Chien et Chat ont mal au cœur, se disputent, trouvent le temps long (toute ressemblance avec des petits d’humains…). Dans l’illustration, toujours idyllique, se glissent toutefois, tel un mauvais présage, un renard et un lapin, l’un poursuivant l’autre. Arrêt pipi. Arrive alors l’impensable, ce que redoutent, sans toujours le formuler, bien des enfants: les parents, pardon, le patron et la patronne s’en vont, sans se retourner, et abandonnent Chat et Chien.

Ceux-ci, après un moment de flottement, s’organisent et découvrent que solidaires, ils peuvent profiter de leur liberté et découvrir le monde. Mais Battut n’étant pas adepte de l’eau tiède, il introduit la vengeance dans son histoire, dont le ton se fait grinçant. Si bien que le « happy end » semble plus ironique que rassurant: Chat et Chien abordent sur une île. Certes, leurs semblables y semblent heureux et ils les accueillent avec un large sourire. Mais la violence et l’abandon n’ont pas été réparés, juste écartés, oubliés. Cette île, d’ailleurs, « ne figure sur aucune carte ». Et si au fond, ce dénouement, faisant du titre une antiphrase, était bien plus terrible qu’il n’y paraît?

Comme souvent, Battut, sous un dehors lisse, insignifiant, amène ses lecteurs à douter de la fausse quiétude dans laquelle nous pourrions nous enfermer et lézarde le quotidien, sans imposer toutefois une interprétation que nous ne serions pas prêts à assumer. On peut, en effet, de manière bien plus optimiste, voir dans cet album une dénonciation des maîtres cruels qui laissent sans scrupules leurs animaux derrière eux pour les vacances et se réjouir qu’ils soient punis et que tout se termine bien (bien?).

Un exemple (parmi tant d’autres) d’une lecture positive de l’album.

Le Mystère de la grande dune

Le Mystère de la grande dune
Max Ducos

Sarbacane, 2014

 

Sauvetage animal au Pyla

Par Anne-Marie Mercier

LeMysteredelagrandeduneMax Ducos, auteur de Jeu de piste à Volubilis, nous emmène dans un nouveau jeu, cette fois-ci en pleine nature, sur la dune du Pyla. Un jeune garçon suit un chien qui l’emmène jusqu’à un dauphin échoué ; il arrive à la sauver grâce à l’aide de quelques personnes rencontrées sur le chemin. Jolie histoire.

Elle plaira aux jeunes lecteurs amateurs d’animaux, et leur dira que l’aventure appartient à ceux qui se lèvent tôt ( ! ), mais c’est surtout une belle promenade dans la dune, ses pins, ses pentes abruptes, ses rives encombrées après la tempête, tout cela vu en plans larges et souvent surplombants, une plongée dans les couleurs bleu et sable.

Entre chat et chien

Entre chat et chien
Eric Battut

Autrement, 2014

La plus fervente histoire

Par Dominique Perrin

9782218931437FSC’est la rencontre forte entre un lettré matériellement installé et un vagabond attentif au monde, entre un poète qui ne sait plus sortir et un explorateur qui a tout à découvrir des lettres, un sérieux et une légèreté…entre un créateur de texte et un créateur d’images enfin, qui désirent et accomplissent ensemble un livre qui rencontrera notamment le public des renards passionnés de poésie  !
C’est donc la plus fondamentale histoire sans doute, celle qui donne le spectacle non tant du « choc des cultures » (ou des civilisations) mais de la découverte inconfortable d’autrui, avec ses tensions (« Il ne faut pas abîmer les livres. Va-t-en de chez moi ! ») et ses détentes (« C’est beau. »), et de ce que vaut cette découverte (le besoin et la capacité de créer). Tout cela, dans un petit album au format « livre », et avec la simplicité caractéristique d’Eric Battut…

Le goût d’être un loup

Le goût d’être un loup
Catherine Leblanc
Motus, 2012

Debout !

Par Christine Moulin

gout loupComme La fabuleuse histoire de Frida Cabot, Le goût d’être un loup donne la parole à un narrateur animal pour qu’il raconte sa fugue: en l’espèce, il s’agit d’un loup, qui quitte sa meute pour découvrir le monde mais aussi se découvrir lui-même. Un soir, fatigué, déçu, perdu, il s’arrête et las d’être loup, il rêve à ce qu’il aimerait être : il finira par se retrouver.

Pour les plus jeunes, la structure répétitive, aisément repérable, facilite la lecture et en même temps, elle dit la peur, la souffrance, le découragement, tout aussi bien que la progression vers la lumière. Des calligrammes permettent de partager les aspirations du héros. Le jeu sur des empreintes renforcent le propos sans l’illustrer platement.

Mais surtout, ce livre, sans pesanteur, nous parle de nous-mêmes:  il y a des jours où nous ne savons plus qui nous sommes, où nous nous perdons mais il nous est possible de nous remettre debout, d’aller plus loin, de reprendre goût à  la vie!

La fabuleuse aventure de Frida Cabot

La fabuleuse histoire de Frida Cabot
Lise Renaux
Motus, 2012

Perplexité…

Par Christine Moulin

fridaOui, perplexité devant ce petit livre de la collection « Mouchoir de poche »: comme les autres ouvrage de la même collection, il comporte des illustrations en noir et blanc. Mais au lieu qu’elles soient stylisées, comme souvent, elles sont complexes, détaillées, faites de tissus collés, si bien qu’on en vient à regretter la couleur…

Perplexité aussi devant cette histoire, celle d’une fugue dont l’héroïne ne sort pas vraiment transformée, même si elle se révèle fort sympathique en tant que narratrice canidé.

Perplexité devant ce mélange d’humour à destination des adultes (le jeu de mots du titre en est un exemple: Frida Khalo/Frida Cabot…) et à destination des tout petits (« J’avoisinais les six cents milliards de kilomètres à l’heure »). Perplexité devant des procédés utilisés de façon un peu désordonnée: la parodie des superhéros mais aussi le contraste entre texte et image (Frida voit des chats partout!) ou le côté circulaire de l’histoire (certes, on en revient à la fameuse leçon « il ne faut pas habiller les animaux » mais la fin peut-elle vraiment être considérée comme une chute?).

Finalement, à force de perplexité, on se dit que ce petit album n’est pas désagréable mais qu’il n’est pas non plus inoubliable…

L’ABC des chiens

L’ABC des chiens
Julie Eugène
L’édune, 2013

 Des Chiens de partout, petits et grands

Par Anne-Marie Mercier

LABCdeschiensOn pourrait croire qu’il s’agit d’un simple  abécédaire de plus, qui tenterait de faire coïncider vaille que vaille son objet aux 26 lettres de l’alphabet, eh bien non, c’est bien plus. Tout d’abord, il réussit le tour de force qui consiste à trouver des noms pour toutes les lettres (avec quelques rares entorses comme « italian Grey Hound », ou « U Cursinu » (chien corse ; quant à la lettre « q », on vous laisse la surprise). Mais c’est aussi une encyclopédie charmante : chaque chien est donné avec son caractère, son histoire, son origine géographique et une mini carte et un drapeau pour l‘illustrer. Tout cela est accompagné de conseils d’éducation, d’alimentation (le Mâtin de Naples mange 700 g de viande par jour, c’est bon à savoir, parents qui voulez limiter les désirs de vos enfants) et d’un zeste d’humour.

Petit Chien

Petit Chien
Anne Brouillard
Seuil jeunesse, 2012

Album espace-temps

Par Yann Leblanc

 On ne sait pas bien où va ce petit chien qui apparaît à moitié (on ne voit que son train avant) tout à gauche de la première page (en fait, la deuxième de couverture) et qui disparaît (on ne voit que son train arrière) dans la dernière (3e de couv.) tout à droite. On ne sait pas bien qui lui parle, l’interpelle, à qui il offre une fleur (l’auteur, le lecteur ?). Mais on le voit déambuler petit à petit dans un espace théorique, ou l’abstraction de la couleur et des formes prend sens à un moment, puis change à nouveau, ou le vert se remplit de champignons, puis de neige, puis de fleurs… l’espace se fait temps, les saisons sont des bulles de couleurs avec lesquelles jouer : on passe, comme lui, et on recommence à l’infini.

C’est un beau travail, difficile à décrire, et qu’il faut parcourir pas à pas ; il est proche de celui de son premier album, Les trois chats, dans lequel l’image est à elle seule tout un poème.