Graou n’a pas sommeil

Graou n’a pas sommeil
 Kaisa Happonen Anne Vasko
Nathan 2017

Etre ou ne pas être comme les autres ?

Par Michel Driol

Graou est une petite ourse mignonne. Sa robe est rêche et brune comme celle des autres ours, mais elle n’arrive pas à s’endormir au moment d’hiberner.  Alors que, dans la tanière, tous les autres ours ronflent, elle est réveillée, s’ennuie, ne parvient pas à rêver. Faut-il faire absolument comme les autres ? Elle sort de sa tanière, découvre la neige et les étoiles, et se proclame ourse d’hiver…

Entrer ou ne pas entrer dans le moule ? Faire ou ne pas faire comme les autres ? Telle est la question centrale posée avec beaucoup de poésie par cet album, sans aucun didactisme. Graou est un plaidoyer touchant pour la différence et l’indépendance, pour trouver sa vérité et son identité (ce n’est pas rien que le dernier mot de l’album est Graou). Le texte, qui épouse le point de vue de l’héroïne, est particulièrement bien mis en valeur dans les doubles-pages colorées qui jouent de façon expressive avec différents codes graphiques pour montrer l’ennui et les différentes tentatives de Graou pour s’endormir. On ne peut qu’être attendri par les yeux grands ouverts de l’oursonne qui va découvrir une autre monde, celui de l’hiver.

Un album qui, avec beaucoup de simplicité, aborde des thèmes fondamentaux pour les jeunes enfants : la différence, l’identité, la découverte du monde. Et qui, de surcroit, renverra chaque enfant à sa situation au moment de s’endormir quand le reste de la famille est encore éveillé.

 

Elvis et l’homme au manteau rouge

Elvis et l’homme au manteau rouge
Ole Könnecke
De la Martinière jeunesse 2017

Accident de traineau !

Par Michel Driol

Le 24 décembre, un petit bonhomme en manteau rouge sonne à la porte d’Elvis, garagiste au look de rocker, qui vient juste d’installer son sapin. Son traineau est en panne, et il en a besoin pour aller travailler. Tout en rechignant, Elvis consent à réparer le traineau. Mais il faut l’aide d’Ernest, de la casse voisine, d’un paysan pour nourrir les rennes, et du vieux grand père qui offrira son traineau. Malgré tous les indices concordants, personne ne reconnait l’homme au manteau rouge, et si le vieux grand père a son nom sur le bout de la langue, il l’aura oublié à la fin du livre.

Voilà un conte de Noël d’Ole Könnecke particulièrement drôle. La situation de départ est cocasse et surprenante. Les personnages sont attachants : de l’homme au manteau rouge, vraiment ennuyé de manquer sa seule journée de travail, quelque peu manipulateur, oublieux de ses rennes…, à Elvis, homme ordinaire, rockeur au grand cœur, sans parler des personnages secondaires, dont ce vieux grand-père, commentateur des scènes initiales et finales, comme un chœur antique qui aurait perdu la mémoire. Pleins de bonne volonté, tous ces personnages se trompent souvent, échouent, sont maladroits, au point qu’on se demande si cette équipe de bras cassés réussira à réparer le traineau. La traduction de Bernard Friot joue sur un registre de langue simple. On goute la saveur des dialogues, et en particulier la langue parfois peu châtiée de l’homme au manteau rouge ! Les illustrations – ligne claire façon BD – viennent occuper les blancs du texte – assez long – et mettent en relief les attitudes, les regards, les expressions des personnages.  Quelques détails y sont particulièrement croustillants, et contribuent à poser le personnage d’Elvis dans son cadre de vie.

Un conte de Noël déjanté, qui certes parle d’entraide, mais qui permettra surtout au lecteur de jubiler et de se montrer plus malin que les personnages, d’en savoir plus que les personnages, et de comprendre à leur place ce qui se joue !

Le mauvais pli

Le mauvais pli
Juliette Binet
Rouergue, 2017

Passera, passera pas ?

Par Hélène Dérouillac

Voilà un petit album réjouissant qui joue avec les possibilités graphiques et narratives du pli central. Un promeneur tenant une laisse apparaît dès la première page de gauche. Page de droite : une interjection « Aïe ! » qui laisse imaginer quelque mésaventure… Et en effet, le promeneur aura bien du mal à franchir le pli central du livre : sa jambe se tord de drôle de façon, il perd l’équilibre, puis se prend les pieds dans la laisse. Son chien sera-t-il plus malin pour contourner l’obstacle ?

Divisé en trois parties, cet album au format proche est presque sans texte. Chaque section est seulement introduite par une courte interjection ou une question (« aïe ! » « oh ! » « mais ?… »), comme si le narrateur compatissait aux déboires du promeneur et de son chien, confrontés à cette situation étrange : le pli de l’objet-livre devient une frontière invisible difficilement franchissable. Juliette Binet nous propose une série de variations autour du pli central de l’album qui n’est pas sans faire glisser une histoire a priori banale dans une forme d’inquiétante étrangeté…

Une lecture réjouissante pour petits et grands.

 

 

 

 

 

Le pire livre pour apprendre le dessin

Le pire livre pour apprendre le dessin
Antonin Louchard
Seuil Jeunesse 2017

Le Maitre et l’élève

Par Michel Driol

L’album se présente sous forme d’un dialogue entre un professeur qu’on ne voit pas, dont les propos occupent la page de gauche, en caractères gras, et un jeune lapin, page de droite, vu de face. Ce dernier ronchonne, proteste que c’est sa mère qui l’a envoyé à ce cours de dessin, parce que c’est gratuit, râle parce qu’il n’a pas le droit d’avoir un cutter, voudrait dessiner avec un modèle, et réalise évidemment le dessin d’une carotte… sous forme d’un gribouillage bleu. Surprise du professeur qui trouve que ce n’est pas ressemblant et propose alors de lui faire rapidement le dessin d’un lapin très gentil, bien élevé, et qui adore les carottes… Le résultat est surprenant et le professeur explique qu’il n’avait pas de modèle…

Ce face à face entre deux personnages ne manque pas de saveur. D’un côté, la bonne volonté du professeur, de l’autre l’élève qui croit déjà tout savoir, et trouve tout nul… Comme toujours avec Antonin Louchard, les dessins sont à la fois simples et d’une totale expressivité : l’air buté et boudeur du petit lapin se lit sur son visage, ses yeux… Que dire de la trousse ouverte, du matériel de dessin en parfait état… et du petit porte-clef en forme de carotte, bien sûr ! La chute de l’album, avec la pirouette finale du professeur qui a plus d’un tour dans son sac, sera bien sûr comprise à différents niveaux par les enfants, et il sera intéressant de voir comment ils l’interprètent : nullité ou extrême subtilité de l’adulte…

Voilà un album décalé,  plein d’humour, sur le thème de l’apprentissage.

Catalogue des mamies et des papys

Catalogue des mamies et des papys
Lionel Koechlin
Gallimard jeunesse, 2017.

A chacun son papy et sa mamie

Par Hélène Dérouillac

  Chaque double page de cet album brosse des situations mettant en scène grands-parents et petits-enfants. C’est souvent tendre, parfois clonwnesque ou décoiffant. « Grand-papa farine » / « Mamie nourricière », « Mémé marmotte » / « Pépé fausse note »,  « Pépé la main verte/ Mémé langue verte »… les illustrations évoquant la naïveté de dessins d’enfants s’assemblent par paire selon un principe thématique, des associations sonores, ou encore des expressions imagées.

Cette variété est ce qui fait la richesse de l’album. Diversité des appellations (les traditionnels mémé, pépé, grand-mère, etc. voisinent avec des « bon papa » et « bonne maman »  semblant tout droit sortis des romans de la comtesse de Ségur), mais aussi des situations évoquées. Si l’album représente bien sûr des grands-­parents jouant avec les enfants, leur apprenant à jardiner ou à faire du bricolage, les accompagnant avec affection dans la découverte de la vie,  il dépasse avec humour ces situations un peu stéréotypées. Sensible aux mutations sociales de ces dernières décennies, l’auteur met notamment en scène des portraits de femmes intéressants : des grands-mères motardes ou un peu « geek », des femmes encore très actives et ouvertes sur le monde. Intéressant aussi le choix de la première page : un grand-papa farine qui investit avec enthousiasme la cuisine, espace traditionnellement féminin.

Avec tendresse et humour, cet album permet donc de bousculer les stéréotypes de genre. Petit regret cependant : les grands-parents représentés sont tous de type caucasien. Dommage aussi qu’il n’y ait pas à la fin une double page vide (ou deux) pour inviter les enfants à dessiner leur(s) mamie(s) et leur(s) papy(s). Une façon de suggérer que ce type d’inventaire n’est jamais achevé, et qu’il prend une saveur particulière selon chaque famille.

 

Mort au loup !

Mort au loup !
Philippe Jalbert
Seuil Jeunesse 2017

La fine équipe ?

Par Michel Driol

Voici une bande dessinée en deux actes. D’abord, décor militaire. Une tente, une jeep, et sous la tente un instructeur chien tente d’expliquer aux trois petits cochons comment se débarrasser du loup. Mais comme ils n’ont pas d’avion pour bombarder, ni d’argent pour acheter des mercenaires, reste la troisième solution, tendre un piège au loup, l’entrainer chez eux, et le supprimer. Acte deux, un petit cochon invite à grand peine le loup chez lui. Après quelques discussions, celui accepte, et se trouve face à trois ennemis bien décidés à en finir avec lui. Il veut bien se sacrifier, mais il leur conseille de ne manger que sa bouche, qu’il ouvre grand… et surprise… Son haleine est si fétide que les cochons le mettent à la porte, avant qu’il ne revienne demander du dentifrice !

C’est un album drôle et inventif. D’abord du côté des personnages et des situations : les trois petits cochons sont limités intellectuellement, peureux, quelque peu imbus d’eux-mêmes… des caricatures d’enfants un peu immatures… L’instructeur, devant son tableau noir, est la parfaite caricature du GI, que les réactions de ses recrues exaspèrent. Et quant au loup, qui voudrait être aimé par le petit cochon, changer les relations cochons-loup, il apparait subtil, élégant, distingué et cultivé. Des contrastes entre ces personnages naissent des dialogues parfaitement écrits, pleins d’humour et de cocasserie. Les illustrations  jouent aussi avec ces codes. La représentation des personnages permet de les caractériser : la cravate et le costume pour le chien, trois teeshirts rayés pour les trois cochons, de couleur différente bien sûr, un pantalon à bretelles pour le loup. Graphiquement, la hiérarchie des personnages – très anthropomorphisés –  est ainsi posée.  Par ailleurs, l’absence de vignettes permet de jouer dans un entre deux album – Bd : ainsi certaines doubles pages viennent rythmer et marquer les temps forts : l’explosion de l’instructeur, qui fait voler la tente, et de jouer sur les points de vue : celui du loup qui voit les trois cochons armés jusqu’aux dents, ou ce plan étonnant où un petit cochon est vu depuis la gueule du loup… Le récit est donc conduit avec entrain, jusqu’à ménager une chute surprenante. Quant aux intentions réelles du loup, elles restent voilées : est-il l’intellectuel  un peu naïf prônant ce rapprochement avec les cochons, ou un personnage subtil et plus rusé que ces ennemis ? La force de l’album est de ne pas trancher…

Un album rythmé, coloré, et plein d’humour, qui tient les promesses de sa couverture, dont le graphisme évoque les films de gangsters des années 50.

Le Festin des Affreux

Le Festin des Affreux
Meritxell Marti – Xavier Salomó
Seuil Jeunesse

Bon appétit, messieurs !

Par Michel Driol

Les monstres les plus redoutables se sont donné rendez-vous à l’Auberge pourrie, chez le célèbre chef Louis Pacuit. Chacun s’installe à table, et, page après page, on va découvrir ce que le chef a préparé pour le loup, la sorcière… jusqu’au monstre sous le lit. A chaque fois, le dispositif graphique est le même : une double page, et, sur la page de droite, une cloche à soulever, masquant le menu et les plats, tous plus ragoutants les uns que les autres, on s’en doute… Mais il manque un plat… arrive alors le plus terrible des monstres, un enfant, dévoreur de livres, comme il se doit. On ne révèlera pas ici ce que le chef lui a concocté… De quoi glacer d’effroi tous les monstres présents, qui songent à chercher un autre restaurant. « C’est incroyable ce que les jeunes mangent aujourd’hui ! Au bon vieux temps, leurs parents prenaient le temps de leur préparer des galettes maison ! », conclut le loup, philosophe et désabusé.

On avait lu et aimé l’Histoire perdue, des mêmes auteurs. Voici, dans un genre différent, un ouvrage qui se laisse dévorer jusqu’à la dernière page. Il renvoie, avec humour, à tous ces plats de sorcière que les enfants adorent imaginer, et à ce qu’il peut y avoir de plus dégoutant dans la nourriture, mais cuisiné de façon gastronomique. Tout y est, depuis les noms ronflants des plats jusqu’au dressage soigné et en parfaite harmonie avec les monstres présentés. Le tout est bien sûr farci de références textuelles et culturelles : de la pomme de Blanche Neige au Petit Poucet, les monstres sont nourris de leur propre histoire. Face à ces monstres, l’enfant arrive, débordant de joie et de vitalité, d’un appétit féroce pour croquer la vie à pleines dents, et, bien sûr, l’emporter sur les monstres par la monstruosité de ses pratiques alimentaires, que dénoncent ici plaisamment les deux auteurs… Le texte est enjoué, à la manière d’un commentaire de reportage un peu grandiloquent, farci de questions rhétoriques à destination du lecteur. Les images jouent tantôt avec les codes de l’horreur, tantôt avec celles des représentations de banquets (la Cène n’est pas loin…)  et sont pleines de vie et de couleurs.

Un ouvrage à dévorer sans modération… On peut même y revenir ! Et on découvrira, comme dans tous les bons albums, dans l’illustration une foule de détails qui avaient échappé au premier regard (chaque cloche ainsi est personnalisée).

 

 

 

 

La Traversée

La Traversée
Véronique Massenot – Clémence Pollet
HongFei 2017

Les copains d’abord…

Par Michel Driol

Il était une fois un éléphant qui voulait traverser le fleuve. Comme il a bon cœur, il permet à deux tigres, trois singes, et d’autres animaux de lui monter sur le dos pour traverser sans se mouiller. C’est ainsi toute une pyramide qui se retrouve en équilibre sur l’éléphant, jusqu’à ce qu’une toute petite araignée fasse tout tomber…  Mais, parvenue au sec de l’autre côté, elle tend son fil pour faire passer les autres animaux, qui reforment la pyramide dans l’autre sens.

Voici un album au format peu usité (étroit et très haut) pour s’harmoniser avec la pyramide des animaux les uns sur les autres. Des images simples, colorées, immédiatement lisibles par les plus petits qui s’amuseront de cette escalade – dégringolade, qui évoque le cirque et les acrobates. On a affaire à un univers tendre dans lequel tout le monde est gentil et serviable – l’éléphant en premier – , les tigres sont amoureux, les mangoustes rêvent de vacances et le perroquet a l’aile abimée. Personne ne rechigne à accueillir l’autre, même différent de soi. Et l’on s’aperçoit à la fin que même les plus petits, comme l’araignée, peuvent servir à tous. Sans doute les plus grands pourront retrouver un arrière-plan contemporain, social et politique : quelque part entre les migrants qui veulent traverser sur un bateau surchargé et le colibri-araignée qui fait sa part dans un univers qui préfère la solidarité à l’égoïsme. Les plus petits seront sensibles à l’humour et aux renversements, culbutes qui parsèment l’album.

Un album à l’image de Véronique Massenot, qui  veut écrire et dessiner un monde plus juste et plus beau, en jouant des couleurs et des mots, pour partager avec petits et grands, sans frontière d’aucune sorte, la seule richesse qui soit vraiment : celle des sentiments. (http://veroniquemassenot.net/index.html)

 

 

Princesses Power

Princesses Power
Lucia Etxebarria et Allegra R. Illustrations d’Olga de Dios
Nathan 2017

Contes punk, gothiques et rock and roll

Par Michel Driol

Dans l’infinie variation sur les contes revisités et transposés à notre époque, voici une nouvelle livraison, que l’on doit à Lucia Etxebarria et à sa fille, Allegra. On y retrouvera aussi bien des contes connus (Les Fées, le petit Chaperon rouge, Cendrillon, la Princesse au petit pois, que des contes inventés (la Princesse Trop pas par exemple). Ce qui marque ce recueil, c’est à la fois l’univers, la langue et la vision du monde qu’il transmet.

L’univers est celui de la mode et de la musique.  Plusieurs types de « princesses » et de « princes » s’y côtoient, les snobs, distingués, et les punks, gothiques. Pas de forêt… mais le choix entre le quartier à la mode et le quartier chic, pour le petit Chaperon noir. Les sept nains sont un groupe de rockeurs ravis de trouver une soliste. C’est une guitare électrique qui électrocute et endort la Belle au bois dormant. Dans cet univers factice de l’apparence et de la superficialité, où l’on s’invite à des soirées pyjamas et où l’on danse « A la queue leu leu », le grand veneur de Blanche Neige devient un styliste chargé faire porter à  la princesse des couleurs pastel  et de lui peroxyder les cheveux…

Du coup, la langue devient une langue contemporaine. Plusieurs personnages ont leurs tics de langage, tel ce prince qui recherche « l’exquise sensibilité d’une véritable princesse », ou les deux sœurs qui profèrent des gros mots censurés « x***** », ou encore le marquis de Colibri, dont tous les « a » sont accentués : «  D’âcc’, pourquoi pâs ! Ce serait absolument fâbuleux ». Les personnages portent des noms souvent symboliques, telles ces trois sœurs, Hautaine, Méprisante et Douce. Si le texte veut se mettre, par la langue, à la portée d’un jeune public – à moins que ce ne soit de leurs parents (!) – en expliquant des termes comme « manager » ou « groupe de rock emo » – , il a aussi parfois recours au pastiche des contes dans une langue plus poétique. La typographie, particulièrement travaillée, est là pour mettre en valeurs certains mots ou expressions.

Tout ce dispositif narratif est au service d’une vision du monde, explicitée par l’auteure dans la postface. Il s’agit de lutter contre les préjugés sexistes, de faire des « princesses » des personnages déterminées, qui ne se préoccupent pas des standards que la société de consommation impose. Elles ont choisi leur mode de vie, leur allure, assument d’être elles-mêmes. Elles veulent pouvoir profiter de la vie, et sont porteuses de valeurs profondes, comme celle qui préfère sauver une chienne sans race et ses petits plutôt que d’accepter des chiots munis de pédigrées.  Le mal a diverses formes, mais peut toujours être vaincu par le courage individuel (le Diable de la montagne) ou par l’union : c’est un collectif anti-expulsions qui empêche la sorcière – devenue maire – de raser le château de la Belle au Bois-dormant.

Un recueil amusant et plein de fantaisie, qui retourne assez bien certains stéréotypes sociaux, genrés et invite chacun à trouver sa voie et à devenir reine de sa propre destinée.

 

Mes vacances à Pétaouchnok

Mes vacances à Pétaouchnok
Olivier Pouteau
Le Rouergue, 2016

Marcello

Par François Quet

Au départ c’est une histoire policière : on est à la recherche d’une femme dont on n’a plus de nouvelles depuis des années. Il y a des rencontres, des interrogatoires, une sorte d’enquête, il y a un voyage Paris-Province et un retour vers le passé.  Mais tout le monde sait bien que, dans les bons romans policiers, l’objet de la quête, ce n’est pas tant le coupable ou le magot caché, que la connaissance de soi. Mes vacances à Pétaouchnok est justement un bon roman policier, c’est-à-dire que le héros, en pleine crise sentimentale et d’adolescence, fait un sacré plongeon qui lui fera découvrir quelques secrets de famille, oublier Léa et rencontrer Ève.

Reprenons. Le jeune héros n’est pas très en forme. Son grand-père est malade, sa copine vient de le plaquer et voilà que Richard, le meilleur ami de son père l’embarque dans une drôle d’aventure : retrouver son premier amour dont il vient de rêver qu’elle lui avait jeté un sort. Un mot de ce Richard : c’est manifestement un double du père mais un double inversé, un double de fantaisie ou de comédie, un être instable et farfelu, amusant parfois, lassant le plus souvent, assez fou en tout cas pour entraîner le jeune garçon dans un petit village de montagne près de l’Italie (« On est partis de Paris sur un coup de tête sans prévenir personne, juste pour retrouver son premier amour. Un truc comme ça pour mon père, c’est de la science-fiction ». p.120). La quête subit ainsi un premier déplacement parodique. Tout cela ne paraît pas très sérieux. Richard est un peu fou, la fille n’existe peut-être pas ou plus, les rencontres sont plutôt comiques.

Mais un jour, Richard disparaît et le père du narrateur apparaît. À ce moment, la quête prend un tour plus mélancolique. Le village est celui de l’enfance fraternelle des deux hommes : « On écoute les bruits de la montagne. Il y a un peu de vent. Autour de nous, les sapins grincent en se balançant » (p. 152). On comprendra peu à peu que ce retour au source est une odyssée réparatrice à des degrés divers pour chacun des personnages engagés dans l’aventure.

L’hommage final à la comédie italienne des années 70 donne une autre couleur à ce roman à la fois léger et doux-amer. En reconnaissant sa dette à la drôlerie parfois un peu triste des films de Dino Risi ou de Luigi Comencini, Olivier Pouteau, par la seule évocation de Marcello Mastroianni, ressuscite un cinéma et un monde disparus. Le jeu excessif de Richard, la silhouette de Cruella, la beauté pure d’Ève, le retour mélancolique des quadragénaires vers leur jeunesse : pas de doute, derrière ces montagnes, il y a l’Italie d’Amarcord.