Halte à la bagarre !

Halte à la bagarre !
Caroline Pelissier – Virginie Aladjidi  – Illustrations de Kei Lam
Casterman 2020

La communication pacifiste expliquée aux enfants

Par Michel Driol

A qui appartient l’acacia majestueux de la savane ? Il abrite trois amis : un chacal, Nico, un zèbre, Alfred, et un singe, Johnny. Mais un jour, parce qu’il est gêné par les deux autres dans son sommeil, l’un prétend en être l’unique propriétaire. Et les deux autres de revendiquer l’arbre eux-aussi pour eux seuls. Le ton monte, la bagarre éclate, dévastant quelque peu l’arbre. Arrive alors la girafe au grand cœur, Thérésa, qui réfléchit au lieu de parler, et leur propose d’expliquer les raisons de leur colère. Chacun découvre alors pourquoi l’autre tient à l’acacia, et la paix revient.

Voilà une fable qui montre, en action, la communication non violente appliquée à un cas concret. L’album fait le choix de la distanciation, avec des animaux, l’Afrique, une situation bien loin des conflits de cour de récréation ou dans la famille. Les illustrations sont particulièrement expressives pour montrer la montée de la violence. On voit bien qu’il est question de revendiquer pour soi seul un coin de territoire, de ne pas accepter de partager quelque chose. Prendre le temps de réfléchir, apprendre à verbaliser ses émotions, ses sentiments, à mettre des mots sur ce qu’on ressent, voilà une façon d’apprendre à gérer les conflits. Trois pages explicatives, à destination des enfants pour les unes des parents ou des éducateurs pour l’autre, permettent d’aller plus loin.

Un album didactique pour apprendre à gérer les conflits.

 

La Plus Grande Peur de ma vie

La Plus Grande Peur de ma vie
Eric Pessan
L’école des loisirs (« Médium »), 2017

Massacre au collège ?

Par Anne-Marie Mercier

Un roman court, une illustration pleine page en couverture, un titre qui semble pasticher un sujet de rédaction à l’ancienne… tout cela pourrait faire penser à un ouvrage pour les très jeunes lecteurs. Mais non, c’est un titre de la collection « Médium », qui est donc destiné à des adolescents.
La peur dont il est question est effectivement une grande peur, et elle est partagée par beaucoup : il y est question de massacre possible en établissement scolaire, d’un désir de vengeance chez un adolescent harcelé par d’autres, de secrets partagés, et de responsabilités de groupe, donc de questions lourdes. Elles sont traitées ici sans pesanteur, avec le point de vue d’un adolescent qui raconte ce dont il a été témoin. Il le fait de manière empathique : le manipulateur d’explosif est d’abord son ami, un élève fragile un peu perdu, un être pris par un engrenage de circonstances. Chacun pourrait occuper l’un ou l’autre des rôles dans cette histoire.
C’est aussi une réflexion sur la passivité qui nous empêche parfois d’agir quand on le devrait : « quand on est témoin […] on est contaminé par la honte et la colère. On s’en veut de ne pas savoir comment réagir. On aimerait se lever […] Et je ferais mieux d’arrêter d‘écrire « on » pour oser écrire « je », parce que ces pensées sont les miennes. Norbert a beau être mon ami, je ne l’aide pas. Je me dis qu’il doit trouver la solution tout seul. Je me dis que si je l’aide […] Alexandre me harcèlera toute l’année »

Le récit ménage le suspens, commencé avec un prologue dans lequel le narrateur se présente : un garçon ordinaire, avec juste une touche d’originalité par le fait qu’il aime écrire des histoires.  Il a une histoire à raconter, mais comme elle est vraie, il peine à la dramatiser et il cherche ses mots, il les pèse. Chaque étape semble rapprocher du drame ; des retours en arrière ralentissent la réponse à cette attente. La description de la montée de l’angoisse  chez les quatre amis, élèves de cinquième est très réussie et illustrée par des effets typographiques originaux et éloquents.

La rédaction est réussie, elle obtient une note maximale pour son art du récit et sa vérité, pour ses personnages très caractérisés, pour la peinture fine de leurs relations, avec le portrait d’une vie scolaire et la mise en scène de questions très contemporaines, et pour l’évocation de questions difficiles comme la prise de responsabilité, la demande d’aide aux adultes, et le prix – et le coût – de la solidarité.

Lire le début

La fille quelques heures avant l’impact

La fille quelques heures avant l’impact
Hubert Ben Kemoun
Flammarion Jeunesse, 2016

Montée des périls

Par Christine Moulin

Voilà un livre qui a pour mérite premier et non négligeable de maintenir le lecteur en haleine. Tel est l’effet produit par les multiples voix qui se succèdent, que l’on peut repérer grâce à la typographie: le premier « je », on l’apprendra très vite, est celui de l’héroïne, Annabelle, collégienne de troisième. Elle semble en grand danger mais évidemment, on ne sait pas pourquoi et commence un flash back haletant. Le deuxième chapitre laisse sa place à un narrateur extérieur à l’histoire, même si les événements sont vus à travers le regard épuisé d’une prof, Isabelle, qui tente d’intéresser une classe de troisième à son cours de français (« Les intéresser? Les réveiller lui suffirait. »). Les personnages principaux sont campés à travers des dialogues vigoureux et drôles: Fatoumata, la meilleure amie, pleine de vie, d’Annabelle; Mokhtar, dit Momo, particulièrement « bon en invectives »; flanqué de son servile alter ego, Fabien, le fils d’un riche gérant d’hôtels aux sympathies d’extrême droite, qui veut se présenter aux élections municipales; Ethan Atkine, discret et peu populaire; Sébastien, le bourreau des coeurs avec qui « sort » Annabelle, pour de mauvaises raisons. De réplique en réplique, la tension monte et trois élèves sont exclus. Mais à la fin du chapitre, une nouvelle scène est mise en place: un jeune homme agonise, fou de douleur. Annabelle prend alors la parole, le temps de nous parler de son amitié avec Fatou. L’atmosphère est révélatrice: « La chaleur était trop pesante. Elle ressemblait à une erreur, un mensonge qu’on aurait aimé voir rectifié par un gros orage ou, au minimum, un chouïa de vent ». Les éléments principaux de la tragédie sont mis en place et on va assister à la montée des périls: tout converge vers le concert qui est prévu le soir même, pour protester contre la candidature du père de Fabien, en une alternance de chapitres plutôt courts et haletants (selon le procédé bien connu mais efficace qui consiste à interrompre le récit de chaque « branche » du roman à un moment palpitant). Chaque personnage est soumis à une trop forte pression et semble prêt à « péter les plombs ». Jusqu’au drame.

Mais cet art du suspens n’est pas le seul attrait du livre: les personnages en sont attachants, à commencer par la courageuse Annabelle, qui prend soin de sa mère dépressive pendant que son père est en prison. Certes, on pourrait reprocher à l’auteur de n’avoir pas toujours fait dans la nuance, d’avoir forcé le trait mais pour une fois, on sent que les classes sociales existent et qu’elles influent sur les vies des adolescents, qu’il serait difficile de rassembler sous l’étiquette trop générale de « jeunes ». D’ailleurs, tout n’est pas caricatural et l’on sent que certaines prises de conscience ont eu lieu.

Enfin, c’est l’écriture qui réserve les meilleurs surprises: les dialogues claquent, la prose d’Hubert Ben Kemoun est dense et en quelques mots, on capte une image, on ressent une émotion, on comprend un personnage. Un exemple ? Dès les premières pages: « A présent, c’est moi qui livrais ma dernière bataille dans l’incandescent de ce qui allait devenir ma tombe » ou bien vers la fin: « Est-ce qu’on commence à mourir par les yeux? ».

Tous ces atouts sont au service d’un message de tolérance relayé par la postface de l’auteur: « Ma fiction est-elle rattrapée par l’immonde réalité? Je ne sais pas. J’ai plutôt tendance à penser que les auteurs d’aujourd’hui éclairent des réalités de demain… »

PS: qui fait lire Le diable au corps en troisième?

 

Dans le désordre

Dans le désordre
Marion Brunet
Sarbacane 2016,

Vivre en communauté et croire à ses rêves
Par Maryse Vuillermet

Sept jeunes se rencontrent en plein cœur d’une manif, ils s’entraident, se soutiennent. S’apprivoisent et continuent à se voir. Puis ils décident de vivre ensemble dans un squat. Grâce aux dialogues très animés et aux points de vue qui alternent,  on les suit au plus près. Certains sont étudiants, Jeanne, Ali, Jules et Lucie, certains travaillent,  Basile est cordiste, d’autres essayent de travailler et vivent de tout petits boulots comme Marco déjà bien cabossé mais expérimenté dans les luttes. Tous veulent échapper à leur famille trop bourgeoise ou trop bête ou trop triste, certains veulent fuir un passé déjà douloureux mais tous veulent changer le monde et construire une autre vie plus libre, plus dans le présent,  une vie où l’on ne possède rien, où l’ on partage tout et où l’on s’aime sans compte à rendre.
Mais les contradictions sont tyranniques, comment changer le monde ? Par la lutte armée, la violence ou la non-violence, être libre mais qui fait le ménage dans le squat, ne pas travailler mais qui vole au supermarché pour manger, ne plus aller à la fac et se retrouver plongeuse à la merci d’un patron immonde?
Ce portrait de groupe va à l’encontre des idées reçues sur la jeunesse d’aujourd’hui, il nous montre des jeunes qui n’ont pas renoncé à leurs rêves, qui se battent, qui ne sont ni individualistes ni résignés mais au contraire inventifs et généreux. Ils vont cependant en payer le prix et le récit commencé dans l’enthousiasme s’achemine vers une tragédie.

Détroit

Détroit
Fabien Fernandez,

Gulf Stream, 2017

Le roman d’une ville à l’agonie

Par Maryse Vuillermet

Detroit, motor city, la ville de Ford et de l’opulence américaine, désormais à l’agonie, sert de décor à ce roman urbain. L’extrême misère sociale, les zones de non-droit, les gangs ultraviolents, les combats de chiens, la prostitution des gamines…
Trois narrateurs s’expriment tour à tour, Ethan, journaliste photographe, fasciné par le passé industriel et les immenses friches de Détroit, Tyrell, jeune lycéen black, qui attend avec impatience la fin du lycée pour fuir l’endroit, et peut-être oublier ses accès incontrôlés de rage. Et, une curiosité narratologique, la ville de Détroit elle-même, narratrice, observe, commente le destin de ses habitants et espère malgré tout en sa propre résurrection.
D’autres personnages sont attachants, Sonya lycéenne, que Tyrrell aime, mais qui se prostitue pour faire vivre sa famille et qui est terrifiée par le chef du gang des Crisps, la mère de Tyrrell, infirmière de nuit dont on découvrira le drame à la fin, la policière, le clodo, ex chanteur déchu, ils hantent cette ville,  impuissants à la quitter, désespérés et ils nous restent en tête.
L’ambiance est ultra violente, l’univers romanesque inédit, le style intéressant, qui se déploie parfois en images très puissantes mais les interventions de la ville-narratrice tournent parfois au procédé, en tout cas,  ralentissent l’intrigue qui est peut-être un peu vite résolue.
C’est le seul bémol à ce roman trash mais audacieux et attachant.

Cours !

Cours !
Davide Cali, Maurizio A.C. Quarello
Sarbacane, 2016

Eloge du sport

Par Anne-Marie Mercier

Le narrateur revient sur son passé : seul élève noir dans une classe de blancs, il se bat beaucoup avec ses camarades, d’abord pour se défendre ou répondre à des insultes, puis presque par habitude, habité par une colère permanente contre le monde, la pauvreté de sa famille, la noirceur de son avenir. La nomination d’un nouveau chef d’établissement dans son lycée change sa vie : celui-ci lui propose de canaliser sa colère en faisant de la boxe. L’adolescent est séduit et rêve de d’avoir un destin  proche de celui des champions qu’il vénère.

L’intérêt de l’album réside dans sa bifurcation vers des rêves plus accessibles : avant d’apprendre à boxer, Ray doit travailler son souffle et commencer par la course à pied. Des succès, des prix ( et de l’argent) marquent ses succès mais il connaît aussi des revers, des échecs et apprend à canaliser son énergie. Le récit est porté par de beaux portraits, celui de Ray qui évolue, celui du proviseur, qui sait ruser avec les étapes à proposer à son protégé…

Le texte et les images s’insèrent de manière variées dans la page, tantôt dissociés, tantôt associés, dans des formats divers, des typographies changeantes. Le rouge des vêtements de sports de Ray et l’ocre de la piste de course tranchent sur les illustrations aux teintes pâles, comme un appel à changer le destin qui n’est jamais tracé à l’avance, dans un sens comme dans l’autre : Ray ne sera pas boxeur ni ne restera champion de course à pied, et pourtant il réussira sa vie…

Endgame, t.3 : les règles du jeu

Endgame, t.3 : les règles du jeu
James Frey et Nils Johnson-Shelton
Traduit (anglais, USA) par Jean Esch
Gallimard (Grand format), 2017

Jeux du cirque, le retour?

Par Anne-Marie Mercier

Une trilogie, le monde pour décor, un contexte pré-apocalyptique, un complot d’extra-terrestres cyniques contre l’humanité, des personnages jeunes, garçons et filles, de toutes les races, puissants et déterminés, engagés dans une compétition qui n’aura qu’un seul survivant, un rythme haletant, dû en grande partie à la technique des récits fragmentés et points de vue alternés… tous les ingrédients d’un Brest seller sont là.

On peut ajouter quelques ingrédients supplémentaires, comme une organisation proche d’un jeu de plate-forme, la liaison avec un vrai concours en ligne avec de l’argent à la clé qui devait s’achever en juillet 2017 si un lecteur avait trouvé la solution des énigmes…( je en sais pas si quelqu’un à gagné, le web étant discret sur ce point, peu importe).

Il n’est donc pas étonnant que la série ait eu du succès. Mais on se permettra quelques bémols. Tout d’abord, comme on vient de le dire, l’absence totale d’idée nouvelle, la nouveauté consistant à mixer des recettes existantes. Ensuite, le happy end facile, la morale sauve ( les joueurs tuent aveuglement des centaines de personnes mais se refusent à tuer une petite fille innocente  – ceux qui envisagent de le faire sont bien punis d’ailleurs) ; la terre est à moitié détruite mais la reconstruction est immédiate et l’amitié entre les peuples universelle (le lecteur dans ces dernières pages se demande : pour qui nous prend-on ?). Enfin, en lisant les aventures de ces jeunes gens rivés à leurs armes et trouvant une jouissance dans le sang et dans le combat, en s’interrogeant sur la nécessité qui pousse l’auteur à détailler la mort de chacune de leurs victimes et l’expression qu’elle a à son dernier souffle, on se dit que décidémment cette « littérature » rejoint un voyeurisme douteux et que, somme toute, entre ces héros proposés à l’identification et les sinistres assassins de masse dont les journaux nous parlent, la différence tient à peu de chose.

Stéphane

U4. Stéphane
Vincent Willeminot

Nathan/Syros, 2015

U4 – La filière lyonnaise

Par Anne-Marie Mercier

Quatrième et dernière chronique à propos de U4.

Stéphane est à la fois le plus « ado » (au sens de dur, violent) et le plus enfantin de la série : ce paradoxe s’explique en partie par le fait que la narratrice et héroïne, Stéphane, n’a pas perdu toute sa famille dans l’épidémie, contrairement aux autres personnages et est même persuadée que tous sont en vie, quelque part : le père tout puissant aura réussi à les sauver. Ce père est un scientifique, un médecin qui travaillait au fameux laboratoire « P4 » de Lyon, chargé de la recherche sur les virus hautement dangereux ; il voyageait beaucoup, allait en « mission humanitaire », et transmettait à sa fille quand il la voyait (pas très souvent…) son savoir. La naïveté de Stéphane dure longtemps, comme son espoir de retrouver son père, forcément (selon elle) pas au courant de ce qui se passe, pas d’accord avec les violences de l’armée, et capable de tout arranger dès qu’elle l’aura retrouvé. La première partie du roman est fait de contrastes forts, entre la rencontre avec un garçon qu’elle aimera et avec qui elle essaie de sauver les animaux du parc de la Tête d’Or et le massacre qui les détruira, lui et les bêtes qu’il voulait sauver, et entre l’implication de Stéphane dans le travail de réorganisation voulue par les officiels et sa révolte et sa fuite avec Yannis et Jules.

On pourrait ajouter que la naïveté du roman découle du traitement du personnage  de Stéphane : du fait de sa filiation, elle est considérée comme savante, capable de travailler dans les hôpitaux de fortune. Il est vrai que, tous ceux qui étaient âgés de plus de dix-huit ans étant morts, ceux-ci sont dirigés par gens à peine plus qualifiés qu’elle, des étudiants de médecine de première année pour la plupart (on se demande comment tous les blessés ne sont pas morts et les talents de Stéphane, capable de réaliser une amputation laissent perplexe, mais bon, l’intérêt du livre n’est pas là – on attendait un peu plus de vraisemblance cependant).

L’intérêt du roman tient à la personnalité de l’adolescente, capable de dureté extrême, confiante dans l’autorité et pétrie des préjugés et illusions de sa classe, et à son détachement progressif de ses certitudes (sa rencontre avec Yannis, adolescent du quartier du Panier à Marseille, l’y aide).

Le trajet de Lyon à Paris reprend les éléments donnés par les trois autres romans, mais à travers son point de vue, assez différent de celui des autres du fait de sa situation particulière, que l’on a évoquée plus haut. La violence de Stéphane, physique et verbale, le rapport très distant avec le jeu Warriors of time qui réunit les protagonistes, la rencontre avec son père et le retour au réel qui s’ensuit le mettent un peu à part. Mais chacun de ces romans n’est-il pas d’une manière ou d’une autre « à part » des autres ? C’est la réussite de l’entreprise de U4.

J’atteste contre la barbarie

J’atteste contre la barbarie
Abdellatif Laâbi, Zaü, Alain Serres (dossier sur le terrorisme)
Rue du monde, 2015

J’atteste qu’il n’y a d’Être humain que celui dont le Cœur tremble d’amour
pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment
plus pour eux
que pour lui même
Liberté
Paix
Dignité

Par Anne-Marie Mercier

jatteste contre la barbarieAprès les attentats de 2015, ceux de janvier qui ont visé la rédaction du journal Charlie-Hebdo, ceux de novembre dirigés contre le Bataclan, le stade de France, des terrasses de cafés parisiens, des passants… Alain Serres a publié dans la maison d’éditions qu’il dirige, le poème d’Abdellatif Laâbi complété par un dossier expliquant aux enfants les évènements, leur contexte, comment et pourquoi réagir à ces actes. Le massacre de Nice le 14 juillet 2016, l’assassinat d’un prêtre commis dans une église un peu plus tard maintiennent ce livre dans une actualité brûlante. Les enseignants et parents qui souhaitent trouver un support pour parler de ces questions trouveront ici un ouvrage à la fois beau, bon et vrai : utile.

Abdellatif Laâbi, poète né au Maroc, emprisonné dans son pays pour avoir parlé trop librement, prix Goncourt de la poésie en 2009, dit en quelques lignes, écrites le 10 janvier 2015, avec des mots simples, ce que c’est qu’être un homme revendiquant son humanité. C’est un appel à la paix, au dialogue, à l’effort pour être à la hauteur de cette déclaration. Zaü a rendu visibles et compréhensibles à travers de beaux symboles ces idées qui pourraient sembler très générales et lointaines.

Le dossier d’Alain Serres est concis et complet : rappel des événements et des réactions qu’ils ont suscitées, du contexte géopolitique (avec une carte), analyses : la religion est un prétexte qui cache d’autres mobiles, conseils ; on peut être en désaccord avec la façon de vivre ou de penser des autres, mais c’est avec des mots – ou des dessins – qu’on doit l’exprimer ; les extrémistes qui se réclament de la religion musulmane remettent en cause le statut de la femme, les libertés, la laïcité et ne sont pas tous les musulmans… le terrorisme ne vise pas que la France : l’Algérie, le Liban, L’Egypte, le Nigeria, l’Irak, la Syrie… sont aussi des cibles, et plus encore.

Fidèle aux idées de Rue de monde, Alain Serres lance un appel à la jeunesse, source d’espoir : les nouvelles générations sauront développer un monde où il fera bon vivre, ensemble.

Ecouter l’émission de France-culture : Abdellatif Laâbi : La poésie en réponse à la barbarie (janvier 2016)

 

Les autodafeurs, tome 2 et 3

Les autodafeurs,  Tome 2
Ma sœur est une artiste de guerre, Tome 2
Rouergue 2014,
Nous sommes tous des propagateurs, Tome 3
Martine Carteron
Rouergue 2015,

 Duel à mort pour les livres

Par Maryse Vuillermet

Cette trilogieautodafeurs2  pourrait paraître classique, et ressembler à A comme association de Erick Lhomme ou à Typos de Scagnoli, elle en a les ingrédients :

– une lutte à mort entre deux forces, d’un côté les autodafeurs qui, depuis la nuit des temps, ont voulu détruire les livres. Ils étaient déjà à l’origine de l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, ils étaient encore là lors des autodafés des nazis à Berlin. En face, la Confrérie, secrète, puissante et organisée, qui a pour mission de sauver les livres.

– Dans la confrérie, une famille, les Mars dont les grands-parents, et le père ont été tués dans le tome 1, la mère, Auguste, le grand frère, un ado, comme tous les ados,  plein de contradictions, de doutes et de pulsions et Césarine, la petite sœur, autiste Asperger, aux réactions étonnantes.

autodafeurs3 – des aventures, des bagarres, des souterrains, des laboratoires secrets…des évasions, du suspens.

Mais elle est originale car :

– elle pose des questions fondamentales : à quoi servent les livres, pourquoi faut-il risquer sa vie pour les sauver ? La petite Césarine, adepte des listes, et d’une logique redoutable, après avoir bien réfléchi, trouve que les livres rendent heureux.  Autre question que se pose Césarine qui a du mal à ressentir les émotions : qu’est-ce que l’amour ?

– cette série est également un mélange détonant qui fait constamment rebondir l’action, une intrigue guerrière,  sur la base d’un complot et d’une lutte à mort, une intrigue politico-philosophique, la survie des livres et de la culture, et une intrigue scientifique. En effet, les autodafeurs ont mis au point une bactérie tueuse de livres, un procédé chimique qui les réduit en cendres, mieux qu’un incendie, la Confrérie doit donc aussi utiliser la science, les nouvelles technologies…

– les variations de point de vue, c’est tantôt Auguste qui s’exprime, son langage ado est drôle, le tandem qu’il forme avec son ami geek Nene est désopilant et tantôt Césarine, ce personnage est une trouvaille, un enchantement, ses réactions sont tellement étonnantes et sûrement vraies, elle a une intelligence supérieure et une logique infaillible, elle sait se battre et a comme livre de chevet l’Art de la guerre,  du maître chinois Sun Tzu…dont elle connait par cœur les préceptes, mais c’est une petite fille, donc, personne ne l’écoute !

Cependant, j’émets deux réserves, même si on change de lieu au tome 3, l’intérêt a tendance à s’essouffler un peu.  De plus, on a du mal parfois à justifier la violence de ces enfants transformés en tueurs, à coups de poing, de stylos, de revolver, ils tuent allégrement leurs ennemis, car ils sont entrainés pour ça ! Auguste a beau en faire une dépression, il recommencera, on atteint là la limite du genre !