Au bout du monde

Au bout du monde
Anna Desnitskaya
La Partie 2023

L’ami(e) trouvé(e)

Par Michel Driol

D’un côté de l’album – et de l’Océan – il y Vera, qui habite au Kamtchatka avec sa mère et sa grand-mère, et dont on partage la solitude et le quotidien fait de gâteaux au fromage blanc, d’un livre préféré, Harry Potter, et d’un chien qui rapporte sa balle de tennis. De l’autre côté de l’album – et de l’Océan – il y a Lukas, jeune chilien qui a quitté avec ses parents Santiago, et dont on partage la solitude et le quotidien fait de burgers, d’un livre préféré, Harry Potter, et d’un chat et d’une passion pour le football. La nuit, sur la plage, les deux enfants envoient, à l’aide d’une lampe torche,  des signaux morse qui traversent l’espace du livre et de l’océan, reliant, par un faisceau lumineux, les deux solitudes.

On apprécie la rigueur de la construction de cet album, qui joue sur les parallélismes entre les vies des deux enfants, séparés par des milliers de kilomètres, pour montrer qu’au fond, quel que soit le lieu où on vit, il y a des constantes universelles de l’enfance : la relation avec la grand-mère, les collections, le gout du secret, les jeux, la passion des animaux domestiques, et, clin d’œil à la mondialisation de la culture, la lecture d’Harry Potter. En commun aussi la solitude et la quête d’un ami, montré comme un fantasme jaune dans les deux situations. Le texte sait jouer sur la simplicité des récits de vie à la première personne et l’émotion car, en allant au spécifique de chacun de ses personnages, il atteint l’universel. Les illustrations, d’une grande précision, montrent les décors de la vie quotidienne, les objets familiers, avec un vrai côté documentaire. Les doubles pages centrales montrent le faisceau lumineux traverser le Pacifique, ses animaux, ses bateaux, sur fond de nuit.

C’est une histoire d’espoir, celle de la rencontre avec un autre qui serait un alter ego, pleine de mélancolie, de poésie et de douceur, qui parle d’un monde à la fois immense et minuscule. La construction habile du livre illustre comment peut se transcender l’espace, la distance et les frontières culturelles pour devenir un appel à la fraternité universelle.

Un mot sur l’autrice, multi primée, qui a quitté la Russie au moment de l’invasion de l’Ukraine, et vit maintenant au Monténégro, et dont toute l’œuvre pour la jeunesse vise à tisser des liens, de ponts entre les cultures.

Moi et les autres

Moi et les autres
Amanda Cley, Cecilia Ferri (ill.)
Traduit (italien) par Florence Camporesi et Laura Costa
Passe partout, 2023

Être ou ne pas être comme les autres ?

Par Anne-Marie Mercier

Amanda Cley nous propose une réflexion philosophique. C’est une interrogation sur la place de l’homme en société et les choix qu’un enfant doit faire : imiter les autres, voir à travers leurs yeux et faire ce qu’on lui dit pour être accepté par le groupe, pour être protégé, aimé ? ou bien refuser de trahir ce qu’il est, au risque d’être seul, en danger ?
Les illustrations transposent ces questions graphiquement, avec sensibilité. Les enfants sont montrés dans des décors schématiques, parfois minimaux et résumés à un fond blanc, parfois avec des teintes sombres : dans une classe, puis dans une foule, ou en petits groupes, ils portent des déguisements d’animaux. Quant aux adultes, ils sont de vrais loups malgré leur costume humain.
Le groupe, c’est la meute. L’enfant à qui s’adresse cette histoire rédigée en « tu » figure sur la couverture en costume de loup, comme le Max de Sendak mais avec une autre signification : le loup n’est plus le signe de la sauvagerie individuelle et de la libération des pulsions mais indique la soumission à la meute. Ce personnage se dépouille de cette apparence, pour devenir lui-même, seul mais heureux et en paix, et surtout totalement humain.
C’est une belle réflexion, subtile, portée par des images étranges et pourtant parlantes, une fable dans laquelle homme et animal ne font parfois qu’un.
On peut voir quelques unes de ces belles images sur le site de l’éditeur.

Poiravechiche

Poiravechiche
Jacqueline Held (comptines), Tina Mercie (ill.)
Grasset jeunesse (1973), 2023

Légumes, chiffres et villes

Par Anne-Marie Mercier

Le « concept éditorial » du livre est de François Ruy-Vidal, « un des grands noms de l’édition pour enfants ». Il l’a développé dans une collection créée chez  Grasset, « 3 pommes », « pour les enfants hauts comme trois pommes » ; cet album est l’un des premiers, autant dire qu’il a valeur patrimoniale. Au-delà de cet aspect historique, il a gardé son charme : on reconnait le graphisme souple des années 70 (ah les pochettes des disques des Beatles !), aimant les illusions et les volumes. On se réjouit de ses couleurs vives qui ont réveillé toute une palette de nuances longtemps mises de côté dans les publications pour la jeunesse : orangé, violet, rose, vert pomme…
Les comptines de Jacqueline Held, pionnière de la poésie pour enfants, sont simples et craquantes comme les légumes qui en font le sujet. Ils sont le sujet mais non le cœur, car le principal, c’est le langage et ses possibles :

Six radis
Trottant lundi
Sur la route de Paris
rencontrent un soulier gris.
Un gros rat s’en étonna :
« Radis, radis que m’a-tu dit ? »
Le gros rat rit.
Le radis dit :
« Le soulier gris, c’est mon ami.
Sur la route de Paris. »

Les autres poèmes (betterave, artichaut, poireau, chou, citrouille…, tous différents, sont tout aussi musicaux, surprenants, drôles (oh, l’oignon de Vancouver !) et inventifs ; les illustrations sont aussi belles que de belles planches de botanique. Voilà de quoi reposer la fourmi de dix-huit mètres de Desnos, épuisée d’avoir parcouru tant de classes !

Tout Zuza

Tout Zuza
Anaïs Vaugelade
L’école des loisirs, 2023

Le tout sur tout

Par Anne-Marie Mercier

Depuis 1998, Anaïs Vaugelade fait des Zuza, ou plutôt des albums de Zuza, mais c’est presque un concept : « Un » Zuza, autant dire une histoire de Zazou endossée par une toute petite fille : à table (« j’aime pas » – le diner s’en va bouder lui aussi ailleurs), dans son bain  (avec un crocodile), dans sa chambre (avec tous ses bébés, et un crocodile), ou encore : en voyage, faisant la fête, avec un nouvel ami, une nouvelle petite sœur, fêtant son anniversaire, pensive à l’école pendant que la maitresse parle…
Il y a un Zuza pour presque toutes les circonstances de la vie d’un enfant, ce n’est donc que justice que, après une anthologie de Zuza, L’école des loisirs republie tous les albums, moins nombreux que ceux de la série des petits cochons Quichons, certes.
Le format ramassé, presque carré, les couleurs acidulées, vives et variées, résistant comme Zuza à toute soumission à une quelconque obligation de réalisme ou de raison autre que celle de son bon vouloir, en font un bel objet séduisant.

Henri l’escargot

Henri l’escargot
Katarina Macurová
Albatros 2023

Etre ou ne pas être comme les autres

Par Michel Driol

Il est né sans bave, Henri, le petit escargot, et, de ce fait, il ne peut pas grimper sur les plantes comme les autres. Il tente de pallier son handicap, à l’aide de ses antennes, de miel, de résine… Peine perdue ! Mais, en s’entrainant à porter de lourdes charges en équilibre pour se muscler, il parvient à faire l’acrobate sur les tiges. Et lorsqu’un beau jour une limace qui voulait une coquille comme la sienne l’emmène au sommet d’une fleur, c’est la découverte d’un nouveau monde : les autres apportent leur aide à Henri pour grimper, et en échange, il leur ouvre le monde du cirque et de l’acrobatie.

L’escargot est un des animaux récurrents en littérature pour la jeunesse. Lent, petit, fragile, il permet assez facilement que les enfants s’identifient à lui. Henri ne fait pas exception, lui qui est dessiné très peu anthropomorphisé (avec une bouche et des antennes expressives, et des yeux grand ouverts sur le monde). Mais surtout avec ses qualités : sa détermination, sa volonté sans faille, son désir de faire comme les autres, de vaincre le handicap avec lequel il est né. Il donne une belle leçon d’humanité ! La dynamique du récit fait passer, de façon intéressante et pertinente, d’une problématique individuelle à une problématique sociale. Seul, Henri ne peut réaliser ses rêves. Il a besoin des autres, mais, en échange, il a quelque chose à leur apporter. C’est cette solidarité, qui les conduit tous à ses dépasser dans une dimension joyeuse, ludique, artistique, circassienne, que l’album met en évidence avec beaucoup de douceur et de délicatesse. L’acceptation de la différence ouvra ainsi de nouveaux horizons.

Le texte, avec sobriété, épouse le point de vue d’Henri, lui donne la parole, et commente ses actions sans devenir envahissant, histoire de donner la part belle à de splendides illustrations qui rythment le récit. Tantôt en double page (avec des vues d’un grand réalisme poétique sur le jardin, la nature luxuriante), tantôt en strips animés montrant les efforts d’Henri, elles savent aussi faire un écho à la fantaisie du texte lorsque l’on voit les escargots devenus personnages de cirque (clowns, acrobates, équilibristes…). Et que dire de la dernière illustration où un pot de fleurs renversé, ébréché, devient un chapiteau de cirque vers lequel convergent tous les insectes ! C’est plein de couleurs et de vie…

Une douce histoire pour aborder des thèmes sérieux comme celui du handicap, de l’entraide, avec une grande simplicité et comme une espèce d’évidence dans la façon d’accepter la différence de la part des différents personnages… Un album pour développer naturellement des compétences sociales de ses lectrices et de ses lecteurs.

L’Ascenseur

L’Ascenseur
Yael Frankel
Taduit (espagnol) par Lise Capitan
0briart, 2021

Envols dans une cage

Par Anne-Marie Mercier

Il y a parfois des albums parfaits. L’Ascenseur de Yael Frankel, primé à Bologne, aux Etats-Unis (USBBY), en Corée, à Moscou, aux Emirats, en Allemagne) en fait partie.
Le format est parfaitement adapté à son objet : ici une belle verticalité correspond au décor presque unique de l’histoire, l’intérieur d’un ascenseur. La situation est bien connue des lecteurs et pourtant étonnante : un ascenseur monte et descend au gré des appels effectués par les occupants d’un immeuble, et finit par s’arrêter pour une panne prolongée. Les occupants pestent, s’interrogent, s’inquiètent, se réconfortent, partagent, et finissent enfin par sortir pour se retrouver tous ensemble, soudés par ces émotions, chez la narratrice. Sont réunis : celle-ci accompagnée de son chien Roco, Madame Paula qui a peur des chiens, monsieur Miguel qui est très vieux et se déplace avec un déambulateur, Cora et ses jumeaux dans une poussette double… tout ce petit monde entassé passe par diverses émotions. Les « ouaf » de Roco le chien et le ton placide de la narratrice ajoutent une touche d’humour.
Le graphisme est parfait : tracés à grands traits, les personnages sont caractérisés sommairement. Le noir et banc domine, à quelques exceptions près (les grenouillères des jumeaux, le petit chapeau de la narratrice qui se multiplie parfois, l’intérieur d’une boite à gâteau, autant de traces de joie) et ce décor s’ouvre en surimpression au moment où Monsieur Miguel raconte une histoire pour faire patienter tout le monde après que le gâteau de madame Paula aura été offert à tous : le décor de l’ascenseur, toujours présent, s’incruste alors dans une forêt où s’inscrit l’histoire d’un ours qui va fêter tout seul son anniversaire, à moins que….
La nouvelle histoire, tragi-comique et charmante, est un autre exemple de gâteau à partager (mais avec une notion de partage un peu différente) et est offerte sous la forme d’un petit album souple et carré, glissé dans une enveloppe collée en fin d’album, permettant de prolonger le plaisir.
L’enfermement s’ouvre sur l’espace de la fiction, montrant le pouvoir des contes. Les surprises du quotidien créent l’occasion de belles rencontres et de nouvelles amitiés. Elles  mêlent toutes les générations : vieux ronchons et enfants affamés se réunissent dans le plaisir de savourer et partager ensemble gâteaux et histoires, et les lecteurs de tous âges sont bel et bien embarqués. C’est si joli qu’on a envie, une fois l’histoire terminée, de remonter à bord de cet ascenseur.

 

 

L’Adorable ours des neiges

L’Adorable ours des neiges
Lionel Tarchala
Sarbacane, 2023

L’amitié, envers et contre tout

Par Anne-Marie Mercier

Les deux héros de Lionel Tarchala poursuivent leur vie et leur amitié tumultueuse dans un beau récit pour l’hiver. Petit Homme Poilu (c’est ainsi que l’ours désigne le trappeur) appréhende de passer l’hivers seul, sans la compagnie de son seul ami, Grosse Bête Velue. En effet, celui-ci doit hiberner.
Ils se rencontrant une dernière fois avant de se séparer. Ils passent tout près d’une vraie rupture, chacun se retirant en colère avec le regret de n’avoir pas dit à l’autre « que quoi qu’il fasse il restera toujours son ami ». Réconciliations, rires, découvertes de nouveaux plaisirs (ils inventent la luge) et création de nouvelles occupations pour l’hiver (le Petit Homme va avoir du travail pour réparer ce qu’ils ont cassé).
Les illustrations sont drôles, dynamiques, évocatrices, et simples. Elles vont à l’essentiel et se contentent de quelques couleurs dans une dominante de bleus et de blancs sur fonds blancs.  Paquets de neige, plaisirs des glissades et du retour au coin du feu, c’est un très bel éloge de l’hiver et un joli renversement des clichés :  l’abominable (homme des neiges) devient l’adorable, les distractions urbaines sont renvoyées à leur vacuité et la solitude est le plus beau cadre pour l’amitié.
On voit ce duo prendre ici vraiment forme, très agréablement, développant ce que le premier volume de leur histoire, un peu mince, avait laissé en suspens : on souhaite longue vie et de nombreuses aventures à cette belle équipe.

Me manque

Me manque
Anne-Margot Ramstein
La Partie 2023

Une enfance réunionnaise

Par Michel Driol

Etrange objet que ce livre, conçu autour d’un vide circulaire, d’une forme ronde découpée dans le carton, et qui évoque tantôt la lune, tantôt le soleil, tantôt l’orifice d’un coquillage, tantôt l’œil d’un caméléon, tantôt une bille. Autant d’objets liés à l’enfance de l’autrice à la Réunion, mais porteurs aussi  d’une mémoire plus commune, flute de pan, sucette.

Ce trou est là, béant, au milieu de toutes les pages, comme pour monter l’absence et les pertes liées à l’enfance. En trois lignes, à la façon d’un haïku, débutant par l’anaphore Me manque, les textes sur chaque page mettent  des mots sur ces choses qui ne sont plus là, fortement matérialisées par ce trou à la fois physique et symbolique, ce vide qui les laisse imaginer. Ce sont des lieux, des paysages, des activités comme la baignade, des souvenirs épars comme le jour où la tortue a pondu… Ce sont aussi des termes exotiques, les chansons lontan, les petits béliers, les goyaviers, l’endormi. Ce sont enfin les souvenirs des membres de la famille, la maman grondant « les yeux plus gros que le ventre » ou les visites de mamie Paula. Tout cela évoque, en creux et en plein, une enfance heureuse dans une sorte de paradis, jusqu’au dernières pages qui prennent de la distance, distance géographique d’abord avec le trou à la place de l’ile de la Réunion tout entière, puis le trou comme une planète dans l’univers, distance affective ensuite, avec la dimension du souvenir qui comble (terme polysémique si bien choisi), tandis que l’image montre comme une vitrine emplie de souvenirs que la dernière illustration, un cadenas, viendra clore. Très géométriques, très colorées les illustrations, introduisent une distance liée à la stylisation et opèrent déjà comme une transformation du souvenir.

Un, album à la fois très intime, autobiographique, et universel qui parle de la douleur de l’exil, loin de la terre natale. S’il semble s’adresser plus à des adultes, à qui leur enfance manque, il dit aussi aux enfants de profiter du temps présent. Se doutent-ils aujourd’hui qu’il fera défaut un jour ?

De si mignons ogrillons

De si mignons ogrillons
Clotilde Perrin
Seuil Jeunesse 2023

Anges et/ou démons ?

Par Michel Driol

Dispositif ingénieux que celui de cet album. Une première page présente deux ogrillons sages comme des images. Mais, dès que l’on rabat la demi-page de droite, l’image devient celle de deux affreux garnements. Affreux, sales et méchants ! Dans une seconde partie, une surprise frappe à la porte : un bébé ! Mais le dispositif continue, les rabats une fois tournés, on voit les mauvais traitements que les deux ogrillons lui réservent !

Réduit à une seule ligne sous l’illustration pleine page, le texte se veut commentaire de l’image, avec deux formules récurrentes, Quels charmants petits ogrillons d’amour, suivi, page suivante, de Enfin, à peu de chose près… Humour du texte qui se situe soit dans l’hyperbole un peu puérile, soit dans la litote, laissant donc finalement le lecteur juger ce que montre l’image. Une image remplie de détails : bottes de sept lieues, tableaux et affiches qui se transforment, rat expressif omniprésent, livres (de cuisine) aux titres alléchants… Comique de gestes, comique de situation, grotesque : l’album joue de tout cela pour libérer un rire salutaire. Un rire disant et amplifiant des choses bien identifiées. Qu’il est bien difficile pour des enfants – ogrillons ou humains – de se conformer à ce qu’on attend d’eux : la gentillesse, l’ordre et la politesse, l’accueil sans sourciller d’un petit frère ou d’une petite sœur. C’est bien de cela que parle cet album, qui donne, sous ses outrances carnavalesques, une image vivante et bien réaliste  de l’enfance et de ses contradictions. Par la caricature, l’autrice montre et exhibe ce gout des enfants pour la transgression des règles, et pose en filigrane la question de leur identité : sont-ils mignons ? Sont-ils affreux ? La fin apporte une réponse… encore que…

Un album qui joue sur les effets de surprise, de rebondissement, dans lequel on retrouve tout l’univers graphique et imaginaire de Clotilde Perrin : drôle, décalé, cruel pour montrer, avec humour, à quel point « La chose la plus terrifiante, c’est de s’accepter soi-même », phrase de Gustave Jung citée en exergue.

Deux Ans de vacances

Deux Ans de vacances
Jules Verne, Frédéric Pillot
Abrégé par Thibault Vermot
Sarbacane, 2023

Un classique pour d’autres jeunes Robinsons

Par Anne-Marie Mercier

Pour ceux qui ne connaissent pas Deux ans de vacances (1888), roman de Jules Verne au titre trompeur, il est urgent de le lire, car c’est un petit chef-d’œuvre (enfin, pas si petit). Il est proche de Robinson Crusoé, bien sûr : les héros, de jeunes naufragés, abordent sur une île déserte, qui ne le restera hélas pas assez pour leur épargner quelques grandes frayeurs.
Pas d’adulte avec eux, à part un jeune mousse, cela le différencie des autres robinsonnades de Jules Verne. La nature du groupe (14 garçons inscrits dans le même collège de Nouvelle Zélande, de nationalités différentes) le rapproche de Sa Majesté des mouches de Golding, comme la difficulté de la survie et la tension qui règne entre les enfants, qui augmente sans aller jusqu’aux extrêmes de sauvagerie dans laquelle tombent certains personnages de Golding.
Son seul défaut est d’être un peu long sans doute pour les lecteurs modernes : cette édition l’a raccourci un peu (mais pas trop : il reste 179 pages dont un tiers est couvert par l’illustration, très présente, et la mise en page aérée. De nombreuses pleines pages aux superbes couleurs  augmentent tantôt la beauté de l’aventure, avec de magnifiques paysages et des perspectives vertigineuses, tantôt  la noirceur de certains passages.
Un beau cadeau des éditons Sarbacane, sans doute pour des lecteurs expérimentés malgré l’apparence un peu trop enfantine des images. Ce que l’album chroniqué plus bas (Les Petits Robinsons) recensait comme difficultés de survie, ce récit le met en actes. Les héros ont bien du mal à les surmonter, mais ils les surmontent et le roman finit avec un bel optimisme : la rédemption est possible, le danger réunit les hommes, vive Jules Verne !