10 escargots font la course

10 escargots font la course
Isabelle Gil
L’école des loisirs (« Loulou et Cie »), 2021

Compétition suave

Par Anne-Marie Mercier

On retrouve avec plaisir l’art d’Isabelle Gil, qui photographie des petits objets dans des décors naturels (ou faisant semblant de l’être) en jouant sur des effets d’échelle : oursons en chocolat, peluches ou autres objets de l’enfance deviennent de vrais personnages, vivant des aventures, passant par diverses émotions. Les escargots en pâte à modeler pourvus de vraies coquilles, déjà présents dans Le Déjeuner sur l’herbe, Le Chapeau de maman et Les Vacances, sont ici, au nombre de 10, les acteurs d’une belle compétition car comme chacun sait, ils adorent faire la course.
De nombreux enfants ont joué à faire des courses d’escargots (des vrais) en peignant leurs carapaces afin de les distinguer. Isabelle Gil a collé des gommettes numérotées, c’est plus élégant.
Les escargots étant ici plus proches du lièvre que de la tortue de la fable de La Fontaine, chacun fait une pause pour une raison différente : le 1 pour déjeuner, le 2 pour dormir, le 3 pour lire… chaque scène est composée avec des objets tantôt en taille réelle (la salade du déjeuner), tantôt en miniatures fabriquées pour l’occasion (le livre, la chaise, le hamac, le lavage de voiture…), tout est charmant et drôle et les escargots affichent des expressions très parlantes.
Quant à la chute comique de ce petit album tout en carton, elle permet de revenir au point de départ pour recommencer le joli circuit, et, pourquoi pas, apprendre à compter de 1 à 10.

 

 

 

Des voix pour la Terre

Des voix pour la Terre
Collectif

Bruno Doucey, « Poés’idéal », 2021

 

Des slogans pour la Terre

Par Matthieu Freyheit

Si l’écologie contemporaine en appelle à l’urgence et à la crise, la nature, elle, enseigne le temps long, comme le fait le travail : « Il nous a fallu un an de travail pour rassembler les textes de ce livre et en préparer l’édition », précise l’éditeur en fin d’ouvrage. Nul doute qu’il fallut du temps, de la patience et de la volonté pour rassembler les plus de 40 textes et 40 auteurs de ce collectif présenté comme une anthologie poético-combattive au service du défi climatique et environnemental. Ce rassemblement n’est cependant guère inattendu, dans un contexte marqué par l’alignement de voix faisant front face à ce qui relèverait d’un déni écologique (l’éditeur ne s’empêche pas, à ce titre, de mentionner Donald Trump).
De fait, l’heure est aux vertes lectures et aux littératures « éco-éthiques » qui, conscientes d’être dans le camp du Bien, réinvestissent volontiers la portée édificatrice de la littérature de jeunesse – une portée facilement jugée ringarde en d’autres circonstances, et sur d’autres sujets. Le numéro 172 (décembre 2019) de la revue Lecture Jeune posait d’ailleurs très directement la question : « Peut-on prescrire l’indignation écologique ? »
Fidèle aux lignes d’une collection militante (la quatrième de couverture choisit plutôt de parler d’une « collection engagée), Des voix pour la Terre revendique un héritage poétique tourné vers l’ancrage à la fois dans le réel et dans le collectif : le « je » ne cesse d’y rencontrer le « nous », le « nous » ne cesse de s’y élargir au profit d’un réseau de voix animales, végétales, élémentales, humaines (« Je suis un paysage et je m’adresse à toi. / Moi, je veux croire encore / en l’amitié des hommes et des paysages », Carl Norac).
Ce réseau n’est cependant pas harmonique, et l’apparente communion initiale (« J’ai les poumons comme deux banquises ») produit inlassablement des effets d’étouffement, d’écrasement, d’urgence (« J’ouvre la bouche / Crache une bouée », Florentine Rey). La poésie interroge alors les possibilités d’un langage évidé de nature : « Il pleuvait comme vache qui pisse / mais il n’y avait plus de vaches. / Il faisait un temps de chien, un temps de cochon / mais il n’y avait plus de chien ni de cochon » (Jean L’Anselme). Y a-t-il une poésie après la nature ?
Il n’y en a en tout cas pas nécessairement lorsqu’il s’agit de prendre sa défense. Le collectif fait ainsi la part belle aux slogans : ceux qui, à plusieurs reprises, ouvrent les parties de ce recueil. Ceux qui, également, nourrissent les textes eux-mêmes : formules convenues, stéréotypées, parfois naïves. En bien des endroits, la langue ressemble à celle d’une super-production hollywoodienne (pensons à Avatar, de James Cameron).
Cette tendance est renforcée par un appareil didactique édificateur : engagement, humanisme, partage, fraternité et autres vertus sont repris à l’envi dans les notices biographiques des auteurs, produisant un effet pour le moins hagiographique.
L’ensemble comprend également de fort beaux passages (« J’ai construit cette maison un jour / parce que je voulais la / saison la plus froide, où tu puisses être / toute proportion gardée, un / substitut de soleil ») dont on regrette seulement qu’ils ne soient pas plus nombreux dans un collectif qui fait le choix du discours plutôt que de la poésie.
L’ouvrage n’en demeure pas moins une proposition ambitieuse et travaillée qui offre aux jeunes lecteurs de nombreuse pistes, qui n’hésite pas à ouvrir et croiser les imaginaires, et à affirmer une vue essentielle qui caractérise, depuis longtemps, le travail des éditions Bruno Doucey : la certitude que la poésie à tout à voir avec le réel et avec l’immédiat.

Comment devenir un élève modèle

Comment devenir un élève modèle
Audrey Poussier
L’école des loisirs 2021

En 7 leçons et sans ce fatigué

Par Michel Driol

Colette et Mo adorent jouer, et détestent l’école. En 7 « leçons », ils expliquent comment être à l’heure, bien écouter en classe, ne jamais rater l’école, excuser ses absences, faire ses devoirs, être bon camarade, savoir s’adapter aux situations imprévues… Sauf que ces « leçons de sagesse » sont plutôt des façons d’échapper à l’école, de faire l’école buissonnière, de faire croire qu’on est malade, et d’écrire des mots d’excuse à l’orthographe approximative mais qui dénotent une bonne dose d’imagination !

Sous une forme qui tient à la fois de l’album et de la bande dessinée, voici un album qui réjouira tous les cancres… mais pas que ! Deux personnages pleins de vie, un frère et une sœur, malicieux, étourdis, roublards, inventifs, et, au fond, terriblement sympathiques ! Pas de parents, mais un robot  « notre petit bonhomme en chef », métaphore du père ou de la mère, et une maitresse, autoritaire, peureuse, sévère, mais amatrice de bonbons comme les enfants, qui, au fond, l’adorent. Des situations farfelues, où les mots peuvent être pris au pied de la lettre, et des illustrations pleines de gaité, comme ce costume d’école buissonnière. L’album joue sur l’antiphrase, les deux personnages se prétendant sans arrêt bons élèves, alors qu’ils démontrent le contraire dans leur comportement, leurs attitudes. Mais rien de méchant, rien de violent, juste un désir assumé de ne pas se soumettre aux règles de l’école pour vivre sa vie d’enfant, loin des contraintes qui fera sans doute rêver tous les lecteurs en leur donnant l’image du fruit défendu et en les renvoyant à leurs propres pratiques et comportements.

Tout est dit de la complicité qui unit les deux personnages et les lecteurs dans la quatrième de couv’ : sil vou plé, ne dite pas que vous zavé trouvé toute ses idées dans notre livre, on pourrai avoir de cérieux problème. Autre preuve que pour apprécier les transgressions, il faut connaitre les normes et les règles!

Seconde chance

Seconde chance
L.Karol
Mijade 2021

Diagonale du vide, amitié, et solidarité

Par Michel Driol

Jeanne, la narratrice, est élève de 6ème au collège de Kœur-la-ville, quelque part dans la diagonale du vide. La seule usine a été délocalisée en Pologne. Depuis, beaucoup sont au chômage. Pour venir en aide à une de ses amis, dont les parents n’ont pas vu qu’elle avait grandi, et dont les habits et les chaussures sont trop petits, Jeanne et ses amis vont avoir l’idée d’un troc solidaire au collège, véritable modèle d’économie circulaire, qu’avec l’aide de leurs professeurs et de l’administration ils mettent en place, et dont même TF1 parle.

Seconde chance porte bien son titre. C’est à la fois la seconde chance des parents de Lou-Ann, victimes du chômage, qui deviendront boulangers, c’est le nom de l’espace d’échange solidaire, qui donne une seconde chance aux vêtements trop petits. C’est un roman plein d’optimisme dans l’amitié, la solidarité, l’inventivité des jeunes, la compréhension des adultes du collège, la façon dont des initiatives locales peuvent recréer du lien dans une ville lorsque celui que créait l’usine a disparu. Mais c’est aussi un roman qui n’édulcore rien de la réalité de cette diagonale du vide, du chômage, de la crise. La narratrice avoue elle-même employer des mots qu’à son âge, on ne devrait pas connaitre, allocation chômage ou RSA… On apprécie la galerie de portraits d’adultes pleins de dignité et d’humanité, depuis cette mère – nourrice à domicile – le cœur sur la main jusqu’à ces parents que le chômage a brisés. Les enseignants et le personnel du collège sont eux aussi bien traités par le récit, depuis ce prof de gym, un peu enrobé, surnommé Pastèque, ancien du Larzac, jusqu’à cette enseignante de français, qui a la délicatesse de ne pas corriger à l’encre rouge… Enfin, les quatre enfants de la bande, véritables héros collectifs, 3 filles et un garçon qui parsème les conversations de ces citations, toujours appropriées, issues de pièces de théâtre.

Un feel-good roman à la fois plein de réalisme dans la description des conséquences du chômage sur une petite ville et d’optimisme sur la façon dont la solidarité peut permettre de redonner à tous une seconde chance.

Le Fantôme de mon grand-père

Le Fantôme de mon grand-père
Yann Coridian – illustrations d’Anjuna Boutan
Neuf de l’Ecole des loisirs 2021

Conversations avec un disparu

Par Michel Driol

Le grand-père paternel de Jeanne, la narratrice, est mort avant sa naissance. Se rendant au cimetière avec son père, elle voit un curieux chat près de la tombe. Et le soir, au milieu de la nuit, le grand père vient rendre visite à la petite fille. Tous deux, durant deux nuits, vont faire connaissance.

Habituellement, en littérature de jeunesse, c’est la mort des grands-parents qui est traitée, de façon à aborder la phase du deuil. Le parti pris de ce court roman est différent : il s’agit de nouer un lien qui n’a jamais existé, de rencontrer un disparu. Jeanne, qui a huit ans, est fille unique, dans une famille qu’on pourrait qualifier d’aisée, voire de bobo. Elle raconte sa vie à hauteur d’enfant, n’en percevant pas forcément tous les aspects (comme le fait que le père, quelque peu déprimé, est en recherche d’emploi). Mais le roman vaut peut-être autant par ses ellipses, ses silences, que ce que dit sa narratrice. Que faisait le grand-père à Clermont-Ferrand où il est mort ? Pourquoi le père ne veut-il pas trop aller au cimetière ? Quel est le sens des mots posthumes que, par l’intermédiaire de Jeanne, le grand-père adresse à son fils ? Le romancier a recours à un fantastique qui ne vise pas l’épouvante. Rien d’obscur, ou d’inquiétant dans ces visites, familières, familiales, où le mort mange avec la petite fille. Et on est bien dans le fantastique, puisque le grand-père laisse son chapeau… qui s’envolera une nuit de grand vent. Les illustrations renforcent ce côté rassurant par leurs cadrages, leurs couleurs, et la façon de représenter un fantôme qui n’a rien de l’imagerie qui y est habituellement associée.

Un roman qui a recours au surnaturel pour dire l’importance du lien intergénérationnel dans  la construction de soi.

Appel à communication : Strenæ n°22, 2023: Seriality, literarity and popular culture in picturebook studies

International call for papers for Strenae, no 22 (scheduled for publication in 2023), adapted with the help of Sophie Heywood (Associate Professor in French, University of Reading) in collaboration with Dominique Perrin, from the call for papers « Critiquer l’album sériel. Vers un décloisonnement des corpus légitimes et populaires dans les études sur l’album »)

Deadline for proposals (between 2000 and 3000 characters, spaces and bibliography included) plus a short biography and bibliography : 17 April 2022 to be sent to strenae@revues.org

Deadline for submitting full articles (30,000 characters, spaces and notes included): 5 October 2022

Deadline for completion of any revisions required: 16 December 2022

Date of scheduled online publication: 15 February 2023

More informations

Bienvenue Castor, Magnus Weightman

Bienvenue Castor
Magnus Weightman
La Martinière Jeunesse, 2022

Un délicieux voyage au pays des maisons d’animaux

Maryse Vuillermet

L’album raconte le voyage de Castor qui décide un jour de quitter son nid et de courir le monde. Il croise le chemin du chien Atika qui l’embarque dans sa montgolfière. Ensemble, ils découvrent la Terre vue d’en haut, sa beauté, « ses paysages étonnants » puis les habitats de nombreux animaux. Nous explorons avec eux la tanière du phoque et de l’ours, le terrier du renard, la ruche des abeilles, la termitière, le nid du rat des moissons… Chaque logis est surprenant, son emplacement et son architecture sont la preuve d’une immense habileté.
Le dessin de Magnus Weightman est tendre, drôle, plein de fantaisie, chaque nid ou tanière est rempli d’animaux habillés comme des humains et meublé comme une maison humaine, cet anthropomorphisme des animaux les rend  sympathiques et proches des enfants, le tisserin joue du piano, le bernard-l’hermite fait du surf, les chiens de prairies ont des bibliothèques, c’est un univers de maisons de poupée.
A la fin de l’album, un planisphère permet de retracer le parcours des héros et de situer l’habitat de chacun des animaux pour apporter des informations complémentaires sur leur mode de vie.

Un album qui plaira à tous les enfants.

Un air de voyage

Un air de voyage
Julia Binet (textes) – Nicolas Côme (univers sonores) – Patrick Jacques (photographies)
Editions du Pourquoi pas ? 2022

Romancero Gitano

Par Michel Driol

Beau jeu de mot, plein de sens, que le titre de cet ouvrage original à plus d’un titre. On passe ainsi de l’aire pour les gens du voyage – et ses connotations négatives – à un air de voyage, avec toute la polysémie du mot air.

L’ouvrage associe huit textes de Julia Binet, un carnet de photographies de Patrick Jacques, et  douze cartes postales sonores de Nicolas Côme, afin de donner à voir et à entendre l’univers des gens de voyage, et de renverser quelques stéréotypes et idées préconçues sur les gitans, manouches et autres bohémiens, de leur donner identité, visage, histoire, rêves, mais aussi d’interroger avec subtilité les relations entre nomades et sédentaires à l’heure où les changements climatiques risquent de modifier durablement nos modes de vie.

Deux nouvelles encadrent les textes de Julia Binet, deux textes quelque peu dystopiques situés en 2072, traçant deux alternatives possibles. Dans la première, l’autrice imagine la visite scolaire d’une aire de voyage reconstituée, musée à ciel ouvert peuplé d’hologrammes, et y oppose les réactions entre deux élèves, descendants  de gens du voyage obligés de se taire et de taire leur origine, et les commentaires racistes et stéréotypés du guide. Dans la seconde,  les dérèglements climatiques font que le temps est venu de concilier nomadisme et sédentarité, chacun ayant à apprendre de l’autre. Ces deux nouvelles interrogent bien sûr sur deux futurs possibles, mais surtout questionnent la légitimité du discours sur les gens du voyage. La parole doit être celle des dominants, majoritairement sédentaires, qui peuvent en vainqueurs réécrire l’histoire, ou doit-elle être donnée aux individus qui ont fait ce choix de vie, par tradition familiale, par culture? C’est cette parole que l’on va entendre ensuite, dans une série de nouvelles qui sont autant de portraits de personnages attachants, tantôt pleins d’humour, tantôt suscitant une réelle émotion, portraits qui conduisent l’autrice à décrire différents rites et coutumes liés à la naissance, au mariage, à la mort. Plusieurs des personnages sont des enfants, qui parlent de la complexité de leurs relations avec l’école, avec les mots aussi, à l’image de cette jeune femme qui collectionne les chaussures pour qu’on ne traite plus ses enfants de va-nu-pieds, comme ses ancêtres. Les derniers portraits sont l’occasion de dire ce que nous aurions à apprendre des gens du voyage : acceptation de l’autre, sens profond de la liberté, laïcité entendue comme la liberté individuelle de chacun de croire ou de ne pas croire, sans que cela ne pose un problème à la communauté. Des textes qui font entendre des voix singulières, dans une langue parfois proche de l’oralité, parfois très écrite et prenant de la distance avec son sujet dans le plus grand respect des personnages évoqués.

Les photographies sont pour l’essentiel aussi des portraits, portraits posés d’hommes, femmes enfants, portraits de famille ou portraits individuels. Chacun de ces portraits s’inscrit dans un cadre large montrant l’arrière-plan. On est tantôt dans la caravane, tantôt devant, et, symboliquement, la porte est ouverte, comme une invitation à y entrer. D’une certaine façon, chacune de ces photos raconte une histoire, histoire familiale, histoire d’amitié, histoire de travail dans un réalisme poétique que ne renierait pas Prévert. Les cartes postales musicales sont une véritable bande son pour accompagner la lecture de l’ouvrage ou la contemplation des photos : elles mêlent des bruits (de moteurs, de feu qui crépite), des chants d’oiseaux, des paroles, des morceaux de guitare, créant une ambiance, un arrière-plan animé, varié, à l’image de la vie et du quotidien.

Un ouvrage multimedia  pour mieux faire apprécier, à travers différents arts, dans leur complexité, des modes de vie saisis dans leur évolution à l’aube du XXIème siècle, des coutumes que nous connaissons mal, et sur lesquelles nous avons encore trop souvent des représentations négatives.

René.e aux bois dormants

René.e aux bois dormants
Elen Usdin
Sarbacane, 2021

Parcours initiatique

Par Anne-Marie Mercier

Ce superbe roman graphique aux couleurs sidérantes commence de manière presque enfantine (même si le dessin et les couleurs ne le sont pas) : à Toronto, un enfant, appelé René, dont on nous dit de manière très allusive qu’il a été adopté et qu’il est d’origine amérindienne, cherche sa place. Il part dans ses rêves pour éviter une réalité difficile, des moments d’humiliation. Dans l’un de ses rêves, il perd son doudou, un lapin.
La quête du doudou fait dériver l’album vers d’autres genres, à tous les sens du terme. René rencontre un être grand comme une statue de l’île de Pâques et rouge comme le feu qui se dit « Deux-esprits », homme et femme à la fois. Réfugié dans le monde des aoriens, des êtres primitifs et sans mémoire traqués par les humains et obligés de se cacher dans l’ombre, de l’autre côté du réel, il entraine René dans le monde des mythes, celui de l’ogre mangeur de lumière, de la fleur essentielle (où René devient Renée), et il lui fait rencontrer Isba, une sorcière au passé sanglant, qui doit lui permettre de retrouver son lapin… puis tout dérape: les générations et les sexes s’inversent, le monde de la ville se superpose au monde imaginaire, celui des morts avec celui des vivants.
On l’aura compris, ce n’est pas une « histoire de lapin » (au sens où l’entend Christophe Honoré dans Le Livre pour enfants), ni de doudou perdu, mais une plongée dans un imaginaire fondé sur les archétypes, une tentative pour neutraliser la dureté du monde des hommes et la cruauté de leur histoire, une quête d’identité vertigineuse. Ce n’est pas non plus une simple réécriture  du conte de la Belle au bois dormant : la thématique du passage de l’enfance à l’adolescence est entrelacée à de nombreux autres motifs, dont celui du masculin et du féminin, de la recherche des origines et enfin celui du sort tragique des Premières Nations du Canada.
Explorer, sur le site de l’éditeur.

 

 

Les Devinettes de la langue au chat

Les Devinettes de la langue au chat
David Dumortier
Rue du monde (« Une petite poignée de poèmes »), 2021

Belle poésie miniature

Par Anne-Marie Mercier

La nouvelle collection de Rue du monde, lancée au printemps 2021, porte bien son nom : c’est petit, c’est poétique, ça a un air modeste et en même temps c’est une belle récolte, qui tient bien dans la main avec son petit format et sa reliure cartonnée.
Même modestie dans la forme qui s’affiche comme une série de devinettes, forme simple et populaire : chaque poème est suivi de la réponse à la question qu’il pose dans son dernier vers (« C’est le, c’est le ?), placée à l’envers. Les peintures d’Aurelia Fronty éclatantes de couleurs, livrent d’emblée certaines réponses et d’ailleurs les devinettes ne sont pas difficiles. L’intérêt est dans la musicalité, le jeu, qui joue parfois sur les mots.
Éléments naturels  (le vent, la lune…), animaux et plantes (un chat, une asperge), sont accompagnés d’autres secrets à découvrir, plus subtils (un souvenir, un murmure, un chagrin d’amour…).

Qu’est-ce qu’il veut ?
Qu’est-ce qu’il vend ?
Où va-t-il ?
Il va et il vient
Comme un vendeur de rien.
C’est le ? C’est le ?