Thermae Romae

Thermae Romae
Mari Yamazaki
Casterman, 2012

 Plouf !

Par Anne-Marie Mercier

ThermaeromaeOn pouvait espérer beaucoup de ce livre, un Grand prix du manga 2010, une vision de la Rome antique sous une forme qui pouvait la rendre intéressante à de jeunes lecteurs. On aurait dû se méfier en lisant l’argumentaire : « et si le Japon moderne avait influencé la Rome antique ? ». Le résultat est petit.

Un architecte romain, Lucius, en tombant à plusieurs reprises dans l’eau, émerge dans des bains du Japon du XXe siècle. Il en ressort avec de « grandes » idées pour améliorer les thermes romains (idées minimes qui relèvent davantage du gadget ou de la déco plutôt que de l’architecture). La qualité dominante est l’humour : Lucius ne comprend jamais rien à ce qui lui arrive, est nationaliste… comme un japonais, et ses apparitions provoquent des émotions cocasses. A part cela, il est inutile de chercher l’âme romaine : ce sont plutôt des japonais déguisés, et l’unique obsession des bains prêtée à ces personnages finira sans doute par lasser le lecteur français comme il m’a lassée.

Furari

Furari
Jiro Taniguchi

Casterman, 2012
traduit du japonais par Corinne Quentin

« Pleinement debout marcher droit
comme l’herbe courir 
»

Par Dominique Perrin

Et même si c’est très modestement…
…Je continue à chercher ma propre expression.
Comme un combattant avance en rampant sur le champ de bataille,
Je continuerai à dire mes poèmes.

« Déjà un siècle qu’il a disparu » : sans doute se trouvera-t-il au 22e siècle prochain des amateurs de poésie visuelle pour commémorer l’œuvre de Jiro Taniguchi avec une piété semblable à celle des personnages de Furari évoquant Bashô, maître du haï-ku du 17e siècle. Transcripteur et transfigurateur du Japon contemporain, le mangaka à l’esthétique familière à l’Occident offre ici le fruit de trois nouvelles années de travail consacrées à faire revivre Edo – autrement dit l’ancien Tokyo –, et un personnage historique de la fin de la période isolationniste du Japon – dite « ère Edo », de l’aube du 17e siècle à 1868 environ.

Le résultat se situe à la même hauteur que, notamment, L’homme qui marche (trad. 1995) ou L’Orme du Caucase (trad. 2004) ; au merveilleux du voyage dans l’espace des cultures et des regards s’ajoute ici comme dans Au temps de Botchan (trad. 2002-2006) celui du voyage dans le temps. L’ancien Tokyo vit ici d’une vie autonome, d’une intensité et pourtant aussi d’un calme inouïs, doublement sublimée sans doute – et par le regard du personnage principal, et par celui de son auteur -, et pourtant réaliste, minutieusement documentée et mise en scène. C’est en effet le personnage historique étonnant de Tadataka Ino, arpenteur invétéré de la région d’Edo, que l’œuvre ressuscite avec une acuité saisissante – que le lecteur occidental relie au dynamisme éclatant du titre : Furari, « au gré du vent ». Vigueur historiquement probable du premier cartographe moderne du Japon consacrant sa jeune retraite à relier le décompte incessant de ses pas à l’observation des étoiles – vigueur artistique de Taniguchi, peintre de l’impassibilité sensible, historien du quotidien et poète complet : la révélation de cette superposition réside dans l’harmonie, peu fréquente dans l’Occident contemporain, du chiffre et de la vision, dans une œuvre qui exauce le désir, cher à l’humanité, de voir aussi bien la Terre d’en haut, d’en bas.

Un automne à Kyoto

Un automne à Kyoto
Karine Reysset

L’école des loisirs (medium), 2010 

Niponneries dangereuses

Par Anne-Marie Mercier

unautomneaKyoto.gifEntre le journal sentimental, le journal de voyage et le carnet de poésie, ce joli roman offre de belles vues sur le Japon en Automne, ses temples, sa culture, ses trains, son goût du « kawai » (mignon).

L’intrigue qui soutient l’ensemble montre un couple de parents qui se sépare, un père à la dérive et la souffrance de leurs filles. L’accent est mis sur les états de l’aînée, la narratrice, et sur sa fascination pour un homme plus âgé. La montée de son désir malgré un amour qu’elle a laissé en France, et ses manœuvres (fructueuses) pour le séduire sont évoquées sans détours mais sans appesantissement non plus. Le récit n’élude pas les remords et l’inquiétude de voir les raisons du cœur et du corps s’affronter.

L’héroïne note tout, dessine, recopie ses haïkus préférés (de Basho, Shiki, Issa…), écrit des listes à la Sei Shonagon (pas toujours très réussies) et fait des parallèles avec ses lectures (Murakami entre autres), ou avec des films et des dessins animés (Miyazaki). Cela ravira les adolescents qui rêvent de ce pays.

Enfin, c’est un roman très visuel, non seulement par les touches descriptives et les dessins qui le rythment mais par l’importance du regard de l’héroïne comme de celui de son amant, photographe.