L’Arpenteur

L’Arpenteur
Victor Hachmang
Traduit (anglais) par Basile Béguerie
Casterman, 2025

éboueur apocalyptique

Par Anne-Marie Mercier

La planète terre est devenue une poubelle, inondée et croulant sous les déchets toxiques. Le héros vient de la terre artificielle toute proche où se sont réfugiés les survivants de la dernière catastrophe. Il devait y larguer le contenu de son porteur-benne puis revenir et s’est échoué. On ne sait ce qui a causé l’accident et pourquoi ceux qui devaient le secourir l’abandonnent.
Le personnage, Géo, marche, navigue sur des canaux ou des étendues plus larges, explore des terres désolées, tantôt sous la pluie, tantôt  par une chaleur dévorante. Il traverse d’anciennes villes, des marécages, une forêt…
Le récit post-apocalyptique est porté par la poésie de Shakespeare : Géo a trouvé un livre illustré, La Tempête, dans les mains du cadavre du dernier visiteur de la planète. Les paroles de Prospero l’accompagnent dans un périple maudit. Ce récit de survivant est adressé au personnage, Géo, à travers un « tu » qui le rend encore plus étranger à lui-même. Quelques épisodes de remémoration de son enfance, de son accident ou des jours d’ennui qui ont précédé la chute de son engin offrent des échappées dans le récit de son Odyssée.
Les images, gros plans sur son visage torturé, ou plans d’ensemble sur le décor, sont souvent déstructurées, les cases déformées. On sent l’influence de Moebius, mais aussi sans doute de Druillet. Les couleurs agressent, mêlant noirceur et fluo jusqu’à un apaisement final dans le vert d’une nature presque accueillante et dans une solitude acceptée. La tempête s’est calmée et c’est sur une île que ce nouveau Robinson rencontre (réalité ou fantasme ?) son Vendredi, qu’il appelle Ariel, du nom du génie des airs dans La Tempête. Ce récit halluciné, sans direction propre, a une grande force dans ses images. Enfin, donner le rôle principal à un éboueur est peu commun, et le nommer, simplement à travers le titre, « l’arpenteur », tout cela lui donne un destin.

 

Les Enfants de Chatom

Les Enfants de Chatom
Thomas Lavachery
L’école des loisirs (medium), 2024

Melting pot

Par Anne-Marie Mercier

On dirait un roman américain de la belle époque… écrit par un Mark Twain qui se serait souvenu que les filles existent, et qui leur aurait donné de beaux rôles, actifs, généreux, courageux, sans pour autant en déposséder les garçons. Ça se passe à la campagne, dans un petit village où tout le monde se connait. Pas loin, il y a une grande forêt. Il y a aussi des ours (enfin un… et bien endormi, c’est l’hiver), des cabanes, un enfant perdu, des bucherons et des ivrognes, des fous, un charlatan, une institutrice valeureuse (comme dans La Nuit du Chasseur, film qui se passe, comme ce roman, au moment de la grande dépression). Il y a aussi un peu de magie car l’un des enfants a pour son malheur un pouvoir, mais il ne s’en sert guère et c’est davantage un démarreur d’intrigue qu’un fabricant de résolution.

Les enfants vivent leur vie, les adultes sont en arrière-plan, souvent un peu maladroits mais aimants (à part Le méchant de l’histoire). Ils interviennent quand il faut, et le font bien. Un simple d’esprit peut devenir un héros et peut même avoir une vraie vie et se marier avec une jolie femme intrépide. Les coqs chantent, on y est bien, portés par une narration bien menée dans le beau style de Thomas Lavachery qui manie les clichés avec humour.

 

Grandeur nature

Grandeur nature
Anne Herbauts
L’école des loisirs (Pastel), 2024

Matin Minet et son mètre

Par Anne-Marie Mercier

Matin Minet est de retour, pour la plus grande joie des amateurs des albums d’Anne Herbauts, légers en apparence mais pouvant emporter vers de profondes méditations.
La situation de départ est comme toujours extrêmement simple : Matin minet (un chat, bien sûr, toujours matinal) prend son petit-déjeuner dans sa cabane perchée avec son ami Hadek, un charançon. Ils parlent de leur promenade de la veille, en haut du grand chêne.
Matin Minet a le point de vue d’un enfant : le chêne était immense, « au moins 800 mètres de haut », dit-il, et le lac au loin tout petit. Le charançon, pourtant plus petit, joue le rôle du précepteur : tout ça c’était une impression, due au vertige pour le chêne (qui ne fait que 15 à 20 mètres), à l’éloignement pour le lac. Mais comment faire pour aller au-delà d’une impression et connaitre la taille réelle des choses ? Il faut mesurer, et le faire avec un outil adéquat, un mètre.
Armés d’un mètre ruban et d’un mètre pliant, les deux amis mesurent tout ce qu’ils trouvent : un insecte, une branche, et ceux qui le leur demandent : le corbeau, le bâton préféré de l’écureuil, l’ombre du loriot, mais ils hésitent au moment de mesurer la taille de l’ennui de Cousin Chafouin, et l’amour des libellules Pas-du-tout et Tout-à-Fait : ça ne se mesure pas. Quant à ce qui est très petit, difficile : la petite voix du minuscule Midori les alerte sur une autre question : ils ont mesuré de toutes petites pousses qui vont grandir, alors comment donner la taille de ce qui va changer de taille ?
Dans l’univers d’Anne Herbauts (et dans la vie aussi), quand un problème est insoluble, la solution est l’action : « Puisqu’on ne peut pas tout mesurer, alors plantons ! Plantons ! Sans mesure ! ». Profusion, jouissance, refus de l’attente patiente : les plantes pousseront grâce à la danse de nuit et à la chanson magique, et l’on sera passé des couleurs acidulées du début, lumineuses, à la verdure douce de la nuit. Ou bien, cela n’aura été qu’un rêve. Le retour à la réalité est celui qui ramène à la « grandeur nature », expression féconde qui semble avoir généré toute l’histoire. Au passage, on aura rêvé à la grandeur effective du vivant, à sa variété et à la vanité de nos tentatives de classement.

Pour d’autres non aventures de Matin Minet voir sur lietje Les cailloux  et A l’intérieur.

 

 

Moi, Gisèle

Moi, Gisèle
Sandrine Bonini avec Annick Cojean
Grasset, 2024

Manifeste pour le 8 mars

A première vue, on aurait pu croire que cette Gisèle allait retrouver la cohorte des pestes et des rebelles que la littérature de jeunesse aime bien (Lotta d’A. Lindgren, Eloïse de K. Thompson, Zelda de M. van Zeveren…). Comme dans Les Malheurs de Sophie, son portrait est dressé en saynètes, chacune dotée d’un titre (L’injustice, La grève, L’oranger, La Kahena…) qui la montrent dans son milieu familial, dialoguant avec des parents consternés.
Gisèle se révolte devant le fait que ses frères n’ont pas à aider aux tâches ménagères, elle refuse de boire son lait et le verse en cachette au pied d’un oranger, elle s’identifie à son héroïne, une guerrière berbère, elle n’aime pas les bisous imposés, elle s’interroge sur la réalité des châtiments divins réservés aux enfants désobéissants…
Très vite, on comprend que le propos est sérieux et porte sur la condition des femmes : elle constate du haut de ses neuf ans que les femmes sont exposées à la honte sans avoir rien fait pour le mériter, que faute d’indépendance elles dépendent du bon vouloir de leur mari, même pour nourrir leurs enfants. Gisèle croit en l’éducation, elle décide de lire tout ce qu’elle trouve à la bibliothèque, d’apprendre, de gagner sa vie, de ne pas se marier, peut-être, d’être libre sûrement, d’être égoïste, mais aussi de pouvoir aider les autres à se libérer : en devenant avocate, quelle bonne idée ! et en devenant Gisèle Halimi, bien sûr.
C’est l’enfance de Gisèle Halimi qui fait la trame de cette histoire. Elle est résumée en fin d’album par Annick Cojean, journaliste au Monde et autrice de Gisèle Halimi. Une farouche liberté (2020, Grasset), disponible en Livre de poche.
Cette enfance avait tout pour devenir un modèle pour des enfants d’aujourd’hui, comme la Kahina l’avait été pour la petite Gisèle. Les dessins de Sandrine Bonini accompagnent à merveille le ton rageur des propos de la fillette, bien campée dans ses convictions, cheveux roux en bataille sur une sage robe à col Claudine.

Jeanne Barret l’intrépide

Jeanne Barret l’intrépide
Anne Loyer, Claire Gaudriot
A pas de loups, 2024

En attendant le 8 mars : Jeanne Barret, « femme extraordinaire » de 1785

Par Anne-Marie Mercier

Par son destin hors du commun, Jeanne Barret (1740-1807) méritait d’être présentée en héroïne : première femme à avoir fait le tour du monde, nommée « femme extraordinaire » et pensionnée par Louis XVI, elle avait lié sa vie à celle de Philibert Commerson (1727-1773), un botaniste : originaire du Morvan, d’une famille pauvre, elle est d’abord bergère puis bonne et elle entre en 1764 à son service.
D’après l’album, elle le fait profiter de sa connaissance de la flore de la région et l’aide au classement de ses échantillons avant de l’accompagner à Paris où Commerson est nommé « médecin naturaliste du Roy » avant d’accompagner Bougainville dans son voyage autour du monde. Il exige de pouvoir être accompagné par son « valet » afin d’être assisté à bord et secouru en cas de mal de mer. Pour embarquer avec lui sur la Flûte, Jeanne doit se travestir, les femmes étant interdites à bord des bateaux.
Jeanne est la narratrice de cette histoire et elle la présente sous un beau jour, évoquant cette relation comme un amour véritable et réciproque, et présentant le départ pour Paris comme une décision commune pour fuir les commérages et vivre leur passion tranquillement. Celui qu’elle appelle « mon Philibert » est décrit comme un être brouillon,  dépendant d’elle et de son énergie (elle collecte les plantes pour lui) comme de sa force (elle porte le matériel et les vivres, ce qu’il aurait été incapable de faire). Leur travail commun est raconté avec un « nous » qui les met à égalité. Enfin, tout le tour du monde est vu par ses yeux, tantôt émerveillés, tantôt inquiets, jusqu’à la fin : la mort de Philibert, le mariage de Jeanne et son retour en France, en Dordogne.
Les illustrations sont superbes, autant celles qui présentent le Morvan que celles qui illustrent les escales exotiques (Rio, Buenos Aires, Tahiti…). Les gros plans donnent à voir des matières, (étoffes, fleurs, objets divers), les surimpressions et incrustations soulignent la richesse de ce destin, de grandes doubles pages célèbrent les éléments (la mer bien sûr et sa faune, les grands cieux et les oiseaux et la terre, masquée par le vert végétal). Les couleurs, toujours belles, passent du vert au rose, puis au bleu et au rouge dans une progression chargée de sens.
On est à la fois devant un roman, un carnet de voyage, des planches de botanique, tout cela au service d’un destin exceptionnel. « Bête de somme » portant les vivres et le matériel, compagne ou maitresse, collaboratrice indispensable ou simple assistante, nul ne peut savoir ce qu’était réellement Jeanne Barret auprès du naturaliste mais il est certain qu’elle a été extrêmement intrépide, et libre d’une certaine façon.

Demain : Moi, Gisèle (Halimi), Grasset

 

 

L’Histoire de la vache noire

L’Histoire de la vache noire
Brune Bottero, Amandine Meyer
Seuil jeunesse, 2024

Une amie encombrante

Par Anne-Marie Mercier

L’autrice, Brune Bottero se sert d’une histoire personnelle pour construire cet album : son grand-père lui faisait miroiter la belle histoire de la vache noire et ne la lui racontait jamais (« trop belle » pour cela, etc.), alors elle l’a inventée et a créé une histoire à la fois simple et étrange, comme l’album lui-même. Un enfant a pour ami une vache d’alpage et refuse de s’en séparer lorsqu’il part étudier à la ville… La situation est exposée avec une grande simplicité et beaucoup de naturel et la fantaisie apparente de l’histoire masque une réelle interrogation. Peut-on poursuivre son rêve jusqu’au bout? jusqu’où faut-il pousser la fidélité?
De format presque carré (27×29 cm), l’album fait alterner de grandes doubles pages capables de proposer de vastes panoramas (alpages, routes, grande ville…), colorés en à-plats mêlant pastels gras, aquarelles et gouaches, avec des couleurs pastel sur lesquelles le noir profond de la vache surprend, avec des dispositifs variés (vignettes, ou image et texte en vis-à-vis). L’art des images d’Amandine Meyer et la fantaisie assumée du texte de Brune Bottero donnent à une histoire assez simple une belle densité.

 

 

 

Le Trésor au bout de la branche

Le Trésor au bout de la branche
Didier Lévy, Marie Mignot
Sarbacane, 2024

Monsieur le chaperon et madame la louve

Par Anne-Marie Mercier

Deux enfants s’en vont vont jouer au Chaperon rouge dans la forêt. Pas de panique, ce n’est pas encore une réécriture du conte mais une simple variation, qui joue systématiquement sur les questions de masculin et de féminin autour de ce conte.
Première entorse, là où chez Perrault l’univers était totalement féminin, ici, la mère est absente et le père est aux fourneaux. Deuxième entorse : la fille (qui est l’ainée) déclare qu’il n’y a pas de raison pour que son frère fasse le loup et pas elle. Un tirage au sort verra la sœur enfiler le costume de loup (allusion à Max et les maximonstres de Sendak ?) tandis que le frère aura le costume de la fillette en rouge. Ainsi les fameux archétypes sont totalement inversés. Par la suite, le « naturel » ou le stéréotype revenant au galop, le garçon se rebiffera et décidera que ce costume est celui du « grand chasseur rouge » armé d’une branche qui fera office de fusil. Il n’y aura cependant pas de chasse : le loup que la fille incarne est selon elle celui « qui protège la forêt et la nature tout entière », donc pas question de s’y attaquer ; le garçon, lassé de faire peur aux oiseaux, utilisera sa branche en suivant le conseil de sa sœur, à la façon d’un sourcier. Enfin, cette branche les conduira à la Grande Louve  qui d’après la sœur devait les départager. On ne sait pas bien d’où sort cette louve et comment la sœur connait son existence; son apparition détruit sans motif ni gain la petite logique du récit.
Les images, schématiques sur fond blanc sont expressives et évoquent parfois le conte d’origine à travers la représentation de la forêt et du chemin. La fin du récit ramène à la chaumière, celle du départ, nulle mère-grand à l’horizon (à moins que ce ne soit la Grande Louve, mais il manque la galette et personne n’est mangé, à part le pique-nique).

 

Le Fantôme de Suzanne Fougères

Le Fantôme de Suzanne Fougères
Marie Desplechin
L’école des loisirs (Neuf), 2024

Fantôme mon amie

Par Anne-Marie Mercier

Le fantôme est en vogue ces temps-ci. On ne s’en plaindra pas, surtout lorsqu’il inspire à Marie Desplechin un roman sensible et drôle. Tout commence pendant la fête d’Halloween, bien sûr. La jeune Inès, en vacances à la campagne chez sa grand-mère, râle encore une fois parce que celle-ci lui fabrique un déguisement, alors que ses camarades auront tous, croit-elle, « des vrais déguisements achetés en magasin ». En plus, ce sera un déguisement de fantôme (juste un drap avec des trous) alors que « tout le monde s’en fiche des fantômes », dit Inès.
Eh bien non. En tout cas les fantômes n’aiment pas qu’on se fiche d’eux, surtout pas celui de Suzanne Fougères, morte en 1919 à l’âge de dix ans, dont la tombe se trouve dans le cimetière du village. A partir de cet instant, la voix de Suzanne suit Inès partout, elle la hante, avant de demander à devenir son amie et de la suivre jusque chez elle, à Paris et jusque dans son école, se manifestant de plus en plus bruyamment et parfois violemment…
Suzanne a une demande, impérieuse : elle veut savoir ce qu’est devenue sa mère qui visitait régulièrement sa tombe et puis a disparu. Ainsi, le récit fantastico-comique se mue en une enquête menée par deux amies (Inès a rallié son amie Colette à sa cause) et surveillée de loin par un corbeau dont on apprendra en fin de roman la raison.
Les dialogues sont drôles et enlevés, et les situations familiales contemporaines compliquées à souhait, tout ce en quoi Marie Desplechin excelle (Verte et ses suites, Le Journal d’Aurore… Ici, le père vit avec une autre femme qu’Inès déteste), sans gommer totalement le tragique de la mort de la petite Suzanne et la solitude pathétique de son fantôme, heureusement levée grâce aux deux amies.

feuilleter les premières pages

Le Journal d’Aurore

Au bord du monde

Au bord du monde
Emmanuelle Pirotte
L’école des loisirs (« Medium+), 2024

Roméo et Juliette en roulotte, Angleterre, XXe siècle

Par Anne-Marie Mercier

Elle a quinze ans, et lui dix-sept. Ses parents veulent la marier à un cousin qu’elle n’aime pas. Ils appartiennent à deux communautés qui se haïssent. Ils se rencontrent, s’aiment et s’unissent en se cachant… Non, ce n’est pas un remake de Roméo et Juliette, mais presque : elle s’appelle Trinity et elle appartient à une communauté de gitans. Il s’appelle Terrence, il aime la poésie de John Donne, et les chansons de Lana del Rey et de Bowie ; il s’apprête à intégrer l’université d’Oxford. Elle est hardie, volontaire, « grande gueule » ; elle a arrêté depuis peu ses études mais regrette « Shakespeare et les équations du second degré, et surtout le club Théâtre où elle jouait, dans Le Songe d’une nuit d’été, le rôle de Titania, reine des fées ; elle se révolte lorsque son père décide qu’il faut la marier prochainement comme le veut la tradition, et qu’on lui propose un cousin dont elle ne veut pas. Il est timide, il a peu d’amis et encore moins d’amies ; il est maltraité à l’école et encore plus chez lui, par son père, une brute qui le martyrise et le séquestre même.
Lorsqu’il s’enfuit, sa route croise la route de Trinity et c’est sans doute cela qui le détourne d’un suicide possible. Trinity, à bord d’une roulotte, s’éloignant de sa famille et de ce qu’on veut lui imposer, le recueille et le découvre. La confiance nait, l’amour se déploie et peu à peu les corps s’unissent, avec délicatesse et passion.
C’est un très beau texte, écrit tantôt dans un style poétique, tantôt dans des dialogues vivants, sans verbiage et rythmé par une belle bande son. C’est une très belle histoire d’amour et de découverte mutuelle, tout en tendresse. C’est aussi le récit d’une errance, dans la forêt puis sur les routes du Yorkshire, en direction de l’Écosse et d’une survie aventureuse faite autant de rencontres que de solitude, sans portables. Progressivement, cela devient le récit d’une fuite : la police et la famille de Trinity les traque. On les retrouve à Malham Cove, lieu de la fuite des héros dans le film Harry Potter et les reliques de la mort. Ils se plantent tout en haut de la falaise et attendent leurs poursuivants…

La Folle et Incroyable aventure du Chevalier Léon

La Folle et Incroyable aventure du Chevalier Léon
Vincent Mallié
Margot, 2024

A l’assaut, sur mon escargot !

Par Anne-Marie Mercier

La couverture de l’album résume le propos, mi-sérieux mi-amusé : si le fond sombre et légèrement gaufré et le cadre doré autour de l’image semblent proposer un récit fleurant bon la tradition du temps des chevaliers imaginés par Madame Bovary et ses sœurs, l’image elle-même dément tout cela : le chevalier est une souris et il chevauche un escargot.
Tout le reste imite les « enfances » de chevaliers : la vocation de Léon dans une famille terre-à-terre qui ne comprend pas d’où lui vient cette envie (comme dans le cas de Perceval), son but : délivrer une princesse, et son urgence : être adoubé par un roi.
Le roi en l’occurrence est une grenouille, qui lui promet son aide quand elle aura retrouvé sa forme, et la princesse est une petite sorcière souris qui n’a pas besoin d’aide, à part pour faire la cuisine, le ménage, etc., toutes tâches dont le valeureux souriceaux s’acquitte de bon cœur, jusqu’à ce qu’il se sente obligé de reprendre sa quête.
Mais alors, repartant sur son fidèle coursier, il assiste à l’enlèvement de sa jolie sorcière par un monstre, appelé « le Seigneur de la forêt » ; voilà la quête enfin trouvée. Les surprises qui l’attendent sont à hauteur d’escargot ; elles se répètent jusqu’au dénouement… heureux, comme dans les histoires de chevaliers qu’on racontait aux enfants et aux jeunes filles. Balais magiques, glands qui parlent, et rencontres décevantes où l’on parle de la pluie et du beau temps égaient ce joli récit. Il est rythmé avec une alternance de pleines pages et de vignettes charmantes ou comiques et illustré avec talent et simplicité.

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