Deux pirates pour un trésor

Deux pirates pour un trésor
Roger Judenne

Rageot, 2012

Pirates just want to have fun ?

Par Matthieu Freyheit

Deux_pirates_pour_un_tresorOn le sait depuis longtemps déjà, les pirates sont des comiques. Polanski en a fait la preuve dans son célèbre et ruineux Pirates. C’est que le pirate a cessé, avec le tremblant capitaine Crochet de la version Disney, d’être cette créature terrifiante et destructrice, cet ogre dévoreur d’enfant qui apparaissait dans les illustrations aux premières éditions du Peter and Wendy de James Matthew Barrie. Depuis, il n’est souvent rien d’autre qu’un joyeux et sympathique compagnon, aussi affable que le sont les membres de la famille pirate du dessin animé du même nom, accompagnés de leur fidèle crocodile Sac-à-main.

Bref, on connaît le potentiel comique/ridicule du personnage de pirate, que devrait confirmer ce petit ouvrage destiné, précise une quatrième de couverture enthousiaste, à « se lancer à l’abordage& du rire ! » Pour l’abordage, mettons. Quant au rire, c’est une autre affaire. Le volume est composé de huit récits très courts sur le thème de la piraterie, explorant un univers archi-connu pour en travestir et en désamorcer les motifs d’aventure, d’action et de violence et les convertir en rire. Le procédé, connu, tient théoriquement la route. Théoriquement. Mais il faut le génie d’un Polanski pour réaliser l’exploit de transformer l’essai. En l’occurrence, ni Deux Pirates pour un trésor ni aucun des sept autres récits ne parviennent à leur fin. Les textes manquent certainement de la vie, du rythme, de l’originalité et de l’audace nécessaires au rire. Il en faudra plus pour susciter quelque réaction chez les lecteurs/lectrices visé(e)s. Dommage.

Le Manoir de l’Enfer (Un Livre dont vous êtes le héros)

Le Manoir de l’Enfer (Un Livre dont vous êtes le héros)
Steve Jackson
Traduit (anglais) par Michel Zénon
Gallimard Jeunesse (Défis fantastiques), 2012 [1982]

« L’art est un jeu d’enfant » (Max Ernst)

Par Matthieu Freyheit

lemanoirdelenferImpossible de résister plus longtemps. Devant la pile de Livres dont vous êtes le héros qui m’attend, je pensais procéder raisonnablement et garder, en adulte, le meilleur pour la fin. Mais rien n’y fait, je n’y tiens plus, plus du tout. Ahhh, quelle joie, quel plaisir, quel frisson de voir réédité non pas toute la série, mais CELUI-LÀ, Le Manoir de l’Enfer. Mon préféré étant enfant, vous l’aurez compris. S’il ne devait en rester qu’un, oui, ce serait celui-là. Exit Duncan MacLeod du clan Macleod, je n’ai d’yeux que pour Steve Jackson et son héros : moi. Enfin, vous. Enfin qui vous voulez, puisque c’est bien là le concept des Livres dont vous êtes le héros.

Petit rappel pour ceux qui, peut-être, ne se sont pas encore plongés dans la notice consacrée au Pirate de l’au-delà. Le Livre dont vous êtes le héros, c’est l’aventure au coin de la page, rien que ça. C’est l’occasion de mettre un livre sens dessus dessous, de balayer les codes habituels, de ne pas se bercer au confort de la succession des pages, de ne pas somnoler au long fleuve tranquille de la lecture, mais de trembler à l’idée de quitter définitivement une page pour, dans un bond terrible et enchanteur, ne jamais pouvoir revenir en arrière et, peut-être, soudain laisser la vie. Le Livre dont vous êtes le héros, c’est un livre où l’auteur accepte de ne pas être tout-à-fait auteur, de ne pas remplir jusqu’au bout son rôle, pour nous laisser l’occasion de mille et un scenarios. Bref, c’est un genre qui mérite le succès d’une future étude, aventureuse et foisonnante comme le serait son objet. Car si mon cœur ne battait pas la chamade pour Le Pirate de l’au-delà, je ne peux guère cacher l’enthousiasme retrouvé de mes heures de jeunesse passées à arpenter les couloirs du Manoir de l’Enfer.

Oui, mon cœur bat. De joie, certainement, mais pas seulement. Il y a là quelque peur qui l’accompagne, non sans raison. Le Manoir de l’Enfer, vous savez, c’est peu le Resident Evil de la génération 80’. Ceux qui ont passé des nuits à jouer, fébriles, tremblant, sursautant, haletant, seuls dans la demeure familiale me comprennent. La situation ? Une tempête, un accident de voiture, une étrange apparition, et un vieux manoir de campagne pour seul refuge à votre pauvre carcasse trempée. Ici, il pleure dans notre cœur comme il pleure sur le manoir. Et là, dans cette nuit qu’aucun rayon n’étoile, le Maître nous attend. Victor, certes, n’est pas au rendez-vous, mais enfin, il y a quelque beauté dans la simplicité de ces images pleines, dans un mélange de grotesque et de sublime, d’un romantisme noir. Sauf que le lycanthrope cède la place à un monstrueux bouc sanglant… Ne pas croiser.

Ce que Le Manoir de l’Enfer a de plus que les autres Livres dont vous êtes le héros ? L’écriture, déjà, en est plus réussie, et peut-être moins dépassée – parce que plus simple – que bien d’autres volumes. Par ailleurs, le livre est ici davantage tourné vers un travail d’atmosphère que vers une multiplication parfois ennuyeuse de rencontres avec des adversaires. Mais n’allez pas vous imaginer qu’il en sera plus facile à terminer pour autant. Pour les joueurs qui sont habitués à parler en durée de vie, Le Manoir de l’Enfer bat des records. Et pour les plus connaisseurs, c’est un peu comme si vous vous retrouviez soudain en face du Super Ghouls’n Ghosts du Livre dont vous êtes le héros. Plus de quinze ans après ma première approche du livre, j’en cherche toujours la solution, désespérément, fiévreusement, passionnément. Oui, foin des pudeurs, je finirai bien par le dire : voilà, à mon sens, le meilleur des LDVEH, celui qui vous retient malgré vous prisonnier de sa lecture et de son souvenir, aussi puissamment qu’il vous retient, héros, dans les dédales de ce sombre et merveilleux manoir. À vos dés, joueurs de tous poils, affirmés ou honteux : l’art, avec Steve Jackson, est certes un jeu d’enfant, mais d’enfant terrible !

Au ventre du monde

Au ventre du monde
Gilles Barraqué
L’école des loisirs, 2012

 La fille-garçon avec du cœur au ventre: mythes anciens et  modernes

Par Anne-Marie Mercier

au-ventre-du-mondeLes romans pour la jeunesse s’ingénient par toutes sortes de torsions à créer des héroïnes, y compris dans des univers où seuls les garçons ont accès à l’action et au pouvoir. Ici, l’auteur arrive à faire un récit où contre toute attente c’est bien une fille qui mène le jeu, une très jeune fille pré-pubère, sans qu’on soit gêné par l’anachronisme ou des facilités romanesques : on se situe dans un temps indéterminé, baigné par le mythe, sur une île située dans ce qu’on appelle aujourd’hui les Marquises.

Paohétama est orpheline, élevée par son grand-père, maître de la pêche et maître artisan des parures : c’est lui qui rapporte les coquillages précieux qui feront les ornements des personnes importantes, signes de leur prestige. Une grande partie du roman détaille la vie du village avec une vision anthropologique et sociologique : la société de l’île y est décrite avec le rôle de chacun, et avec la façon dont chacune le remplit, plus ou moins bien ou de façon plus ou moins désintéressée (on trouve donc un certain réalisme, de l’humour). Il est aussi imprégné par la poésie de la mer et de ce qu’on y trouve, petites choses, travail minutieux, mais aussi quête dangereuse.

Par un coup de force, le grand père fait accepter au village que sa petite fille lui succède temporairement. Son activité étant interdite aux femmes et aux filles, Paohétama est déclarée « garçon », ou plutôt elle devient fille-garçon. Crâne rasé, elle se mêle aux activités des garçons tout en s’initiant à la pêche, tout cela suscitant difficultés et interrogations chez beaucoup et des interventions d’un sorcier inquiétant, d’abord hostile puis persuadé qu’elle fera de grandes choses. La deuxième partie, plus dramatique fait découvrir les raisons de la mort du père de la fillette : il a rompu un tabou et la malédiction qui a suivi a provoqué la disparition de sa femme. Pour sauver sa famille et son monde, la fillette, désignée par le sorcier comme « pêcheuse d’hommes », part seule sur l’eau vers « le ventre du monde », île des origines, où elle doit trouver l’offrande qui réconciliera son peuple avec le dieu requin comme avec les peuples ennemis. Au risque de déflorer la fin, on peut ajouter qu’après bien des souffrances et des dangers elle sera reine et trouvera l’amour en retrouvant sa féminité. C’est donc aussi une forme de conte où la magie et la divination jouent un rôle discret.

C’est un gros roman (280 pages), passionnant, et un très beau roman d’initiation qui, raconté à la première personne par l’héroïne, est porté par son interrogation sur sa place dans la société et ses rapports aux autres comme par son amour pour son grand-père. C’est aussi une réflexion sur la féminité et la masculinité, la force de la volonté et de la confiance. Gilles Barraqué a placé son histoire fabuleuse dans une atmosphère de conte des origines très poétique. L’océan, ses créatures et ses plantes, son rythme et ses courants, lumineux ou nocturne, est le « personnage » central de l’aventure ; seule sur l’eau (on pense à Seule sur la mer immense de Morpurgo, ancré dans la technologie des voiliers modernes et au Vieil homme et la mer d’Hemingway) Paohétama lutte pour sa vie comme pour celle des autres. Au bout du compte, c’est aussi son monde qu’elle sauve en le réconciliant avec l’élément comme avec l’ennemi et elle créant un nouveau mythe des origines.

Gilles Barraqué, qui a publié plusieurs courts récits pour la jeunesse, signe ici avec sa première contribution à l’école des loisirs un roman remarquable et foisonnant.

Infiltrés

Infiltrés
Laurent Queyssi

Rageot (Thriller), 2012

Hacker : l’union du livre et de l’écran

Par Matthieu Freyheit

InfiltrésLes personnages ont leurs classiques ; le roman de Laurent Queyssi pourrait en donner un au hacker, pourvu qu’il ne soit pas noyé dans l’immense océan de la littérature de jeunesse. À vos librairies donc, voilà un livre à lire.

Adam, adolescent hacker, réussit à la suite d’un pari une passe informatique dont il se souviendra. Pour cause : elle est à l’origine de son enlèvement et d’une succession d’aventures qu’il n’avait ni cherchées, ni souhaitées. Espionnage, argent, haute technologie et, surtout, menace pour l’humanité, tout est là, contemplé depuis la hauteur réduite d’un héros rivé à son fauteuil roulant. Nous n’échappons certes pas à un certain lot de clichés et à une extrapolation des motifs qui n’aurait pas été toujours nécessaire. Mais enfin, l’auteur fait ici le compte de ce qui fonde l’imaginaire du personnage de hacker et les restitue intelligemment ; et avec style.

Comme nombre de hackers de la production romanesque, Adam est un petit génie de l’informatique, et sa passion l’entraîne bientôt au-delà des limites qu’il s’était fixées, au-delà des fictions qu’explorent les jeux vidéo en ligne dont il se repaît. Attention pourtant ! Adam n’est pas un héros adolescent comme les autres. Non pas qu’il soit plus doué sur son clavier d’ordinateur, pas non plus qu’il soit, handicapé, cloué à son fauteuil quand son frère parade en skate dans les rues de la ville. Non, tout ça est somme toute assez banal. Mais Adam est bon élève, a une mère professeur de lettres, et résout une importante énigme en faisant appel à ses souvenirs de lecteur et à la fameuse Lettre volée d’Edgar Allan Poe. Si ça vous épate, moi aussi. L’opposition classique entre l’écran et le livre est enfin balayée par un auteur qui, dans une morale scolaire sans doute plus originale que les marges contre-culturelles trop à la mode, a la finesse de rapprocher les contraires et de rappeler au passage que oui, la lecture c’est aussi bien pour les garçons.

On regrette peut-être un manichéisme qui ne rend pas compte de la réalité du hack : car le cracker est l’autre visage du hacker, et mériterait, simple pincée de mister Hyde dans ce docteur Jekyll de la toile, d’être restitué pour une figure plus complexe. Cela reste cependant peu de choses devant un roman brillant au style enlevé et, pour ne pas se perdre en palabres, véritablement réussi.

Histoire du prince Pipo

Histoire du prince Pipo, de Pipo le cheval et de la princesse Popi
Pierre Gripari
Illustré par Laurent Gapaillard
Grasset; 2012

La merveille : une fiction vraie, de 11 à 111 an

Par Anne-Marie Mercier

Voila bellement réédité un livre indispensable, un classique qui mérite de figurer dans toutes les bibliothèques et chambres d’enfants et d’être méditée par tous les parents et éducateurs. L’Histoire du prince Pipo est une petite merveille, moins connue que les Contes de la rue Broca et pourtant tout aussi parfaite, plus grave et plus profonde.

Dans ce conte qui emprunte aux thèmes classiques, on trouve un couple royal qui se désespère de n’avoir pas d’enfant, une promesse imprudente, un prince chassé du paradis de l’enfance qui part à l’aventure sur son cheval, rencontre un dragon, délivre une princesse… Pipo est aussi un autre Candide, qui découvre le monde adulte et ses malheurs, la guerre, l’embrigadement et la solitude et fait face avec courage. Mais on trouve aussi bien d’autres choses qui montrent que Gripari a médité sur la psychanalyse: Sont-ce les parents qui choisissent l’enfant où l’enfant qui choisit ses parents? Quel est le poids d’une promesse non tenue? Comment se fait-il qu’un jour les parents merveilleux se transforment en couple maléfique? Comment défaire les maléfices, sinon en racontant des histoires, et particulièrement la sienne propre? Que signifie ce dragon que l’on tue la mort dans l’âme – pourquoi les tueurs de monstres des peintures ont-ils l’air si triste? Et enfin, quand on a trouvé la princesse, qu’on est devenu roi à son tour, devant quel manque irréparable se trouve-t-on? Pipo et son cheval (qui porte le même nom que lui car il est son désir et son allant) sont l’image approfondie de tous les princes de conte et de tous les destins humains du monde.

 

 

100 jours en enfer

100 jours en enfer
Robert Muchamore, John Aggs, Ian Edginton
Casterman, 2012

Manga douteux

Par Anne-Marie Mercier

On a dit il y a quelques temps tout le mal que l’on pensait de l’idéologie portée par la série romanesque Cherub qui a commencé avec ce volume. On sait qu’elle compte environ 3 millions de lecteurs, 2 600 fans face book… Ces nombres vont sans doute augmenter avec la version BD.

L’esthétique proche des mangas malgré sa colorisation est bien adaptée au récit, le scénario est efficace, pour un peu on aimerait… Curieux comme les idées se « voient » moins en images…

Menthe aux grands pieds

Menthe aux grands pieds
Masini Béatrice

Hachette jeunesse, La Bibliothèque rose, Belle intelligente et courageuse, 2012

Par Caroline Scandale

Du côté des petites filles

La Bibliothèque rose propose une série à destination des filles de 6-8 ans, « Belle intelligente et courageuse ». Une énième collection stéréotypée « girly » où l’héroïne aime le cheval ou la danse? Perdu! A contrario, les personnages féminins principaux sont plutôt iconoclastes et rebelles.

Menthe, l’héroïne de cet ouvrage, a des grands pieds et ses parents ne l’acceptent pas telle qu’elle est. Ils voudraient les lui faire raccourcir alors qu’elle-même apprécie cette spécificité anatomique qui la rend unique… D’ailleurs elle se fait faire un paire de bottes rouges sur mesure qu’elle porte fièrement comme un drapeau! Un jour, fatiguée par ses géniteurs intolérants, elle décide de fuir pour parcourir le monde à la découverte des autres. Durant ce périple, elle vit de nombreuses aventures avec brio et panache et comprend rapidement que sa différence est une force.

L’intitulé de cette série aurait juste pu se passer de l’adjectif belle, raccoleur et inutile. Les petites filles n’ont vraiment pas besoin d’entendre encore et toujours qu’elles doivent être jolies… Les héroïnes de ces histoires ne sont pas centrées sur leur image mais veulent plutôt se réaliser à travers le mérite. Et si nous attendions autre chose des filles, notamment qu’elles soient ce qu’elles désirent être? C’est justement ce que Menthe nous enseigne à travers ce conte fantastique.

Asdiwal, l’indien qui avait faim tout le temps

Asdiwal, l’indien qui avait faim tout le temps
Manchette et Loustal

Gallimard jeunesse, 2011

Par Marianne Mondel (Master MESFC Lyon 1)

Quelle caractéristique incarne le mieux notre jeune héros Asdiwal ? Son incommensurable appétit bien sûr ! C’est durant l’été 1966 que ce personnage a été mis en scène par un père pour son fils, alors en vacances en Provence loin de lui, à Paris. Cette œuvre est la première et seule incursion de Manchette au sein de la littérature de jeunesse. Lorsque que l’on songe à cet auteur, polyvalent dans ses fonctions de critique littéraire et de cinéma, scénariste et dialoguiste, traducteur, et surtout père de nombreux romans policiers, on aurait tendance à penser noirceur, violence, crimes… mais bien au contraire, le ton reste résolument comique et décalé !

Malgré une histoire semblant sortir tout droit de l’imagination de son auteur, les indiens Tsimshian, peuple d’Asdiwal, existent bel et bien dans de lointaines contrées. Ce dernier fait figure de héros dans leur mythologie. Manchette puise ses sources dans le l’ethnologie des peuples amérindiens, connue chez nous depuis Claude Lévi-Strauss (ASDIWAL est le nom d’une revue d’anthropologie et d’histoire des religions).

La langue employée par l’auteur est très inventive et frappe le lecteur par sa vivacité et son naturel. Celui-ci s’adresse ainsi aux enfants en s’exprimant comme eux. Les répétitions sont un élément récurrent qui accroche le petit lecteur à l’ouvrage. Manchette joue joyeusement entre le réel et le fantastique, nous entrainant doucement dans l’imaginaire. La dynamique de l’œuvre par ses enchainements d’actions entraîne attention et réflexion. Le loufoque pointe le bout de son nez par la succession brutale des évènements, sans beaucoup de transition ou de logique. Les dessins, quant à eux, accrochent l’œil par la vivacité des couleurs et l’impression de mouvement qui s’en dégage.

L’attachement à ces petits indiens ne parvenant plus à voir leurs mocassins, dissimulés par un ventre grassouillet, est inévitable. Ce joyeux bazar indéniablement original permet une fin heureuse à Asdiwal, devenant un mari comblé… et obèse !

10 P’tits pingouins autour du monde

10 P’tits pingouins autour du monde
Jean Luc Fromental, Joëlle Jolivet

Hélium, 2011

L’énergie-pingouin

Par Anne-Marie Mercier

Ces dix P’tits pingouins, tous absolument semblables, un peu raides, et toujours 10  (on joue à les compter sur les images, histoire de voir s’il en manque), tantôt alignés, tantôt dans le plus complet désordre, vivent 10 aventures dans 10 lieux différents, racontées toutes en 11 pages et précédées d’une page de titre. Si les titres imitent les romans noirs (« Panique en Atarctique », « Crash en Chine »…), les sous-titres sont une série de conseils, numérotés de 1 à 10, pour éviter les catastrophes en forme de grosses bêtises pingouinesques – qui arrivent forcément.

De la barrière de Ross à Paris, de New York au Cap, en passant par Tokyo, les p’tits pingouins sont le mouvement incarné tout en gardant une allure placide (en cela, ils sont radicalement différents des poussins de Ponti auxquels on serait tenté de les rapprocher). Ils mettent un beau bazar partout où ils passent. Enlevés à leur banquise, transportés en avion, bateau, Montgolfière…, naufragés, vendus, kidnappés à nouveau (par un sous marin chinois…), ils sont tour à tour vedettes de défilé de mode (Paris), musiciens de music-hall (New York), cosmonautes ratés, joueurs de foot, rats d’hôtel, justiciers de township (Le Cap), sauveteurs de la fille d’un oligarque russe… On n’en finirait pas d’accumuler les détails et les trouvailles. Ce tour du monde des clichés, très drôle, se fait parfois plus sérieux.

Les dessins sont drôles, charmants et très colorés (en dehors des pingouins !) et jouent sur de beaux contrastes. Le texte est très travaillé, bourré d’assonances et de beaux rythmes. Il est aussi plein d’humour et va de la fausse naïveté à l’accumulation d’allusions qui feront rire les adultes. Ces dix histoires loufoques sont une merveille de fantaisie.

Un album précédent, 365 pingouins (Naïve) avait obtenu le Prix sorcière en 2008 (voir le blog de Stéphanie Devanssay, professeure des écoles qui l’utilise pour travailler les nombres). On trouve aussi dans cette série un livre pop-up et des magnets pour compter dans la joie sinon dans le désordre: 10 p’tits pingouins sur le frigo (Hélium).

voir aussi une vidéo sur le blog Kidissimo

Aventuriers malgré eux, t. 1 (1 Yack, 2 yétis, 3 explorateurs)

Aventuriers malgré eux, t. 1 (1 Yack, 2 yétis, 3 explorateurs)
C. Alexander London
traduit (américain) par Valérie Le Plouhinec
Les Grandes personnes, 2012

Aventures en vrac

Par Anne-Marie Mercier

Comme le titre l’indique, les héros (frère et sœur jumeaux) n’ont pas le goût de l’aventure. Ils aiment surtout (et exclusivement) la télévision, essentiellement les séries ou à la rigueur les documentaires animaliers ou les jeux. Pour leur malheur, leurs parents sont des explorateurs. Et pour leur malheur encore plus grand, leur mère a disparu et ils sont contraints de partir à sa recherche au Tibet, à la poursuite de Shangri-La et des tablettes de la Bibliothèque d’Alexandrie… Ils doivent vivre les aventures les plus extravagantes que leurs séries les plus décoiffées n’auraient pas imaginées:  yétis, sorcières empoisonneuses, moines et lama les attendent au-dela d’une cascade gigantesque…

Chaque chapitre offre une situation nouvelle, un obstacle inattendu, des rencontres qui sont la plupart du temps des retrouvailles avec les méchants qui sont à leurs trousses. L’humour domine à travers les échanges entre les jumeaux. Ils restent eux-mêmes quelles que soient les circonstances et traînent des pieds autant qu’ils peuvent ; c’est d’ailleurs souvent en faisant référence à un épisode d’une de leurs séries télé qu’ils trouvent des solutions aux situations les plus désespérées. Enfin, l’ensemble ressemble à un jeu où l’on saute de case en case, revient sur ses pas, retrouve les mêmes personnes sous d’autres apparences… un genre de série humoristico-aventureuse (les Orphelins Baudelaire en plus agité). Ce côté décousu et forcément répétitif gênera certains lecteurs et plaira aux lecteurs moins habiles sur les histoires au long cours.

C’est, évidemment le premier tome d’une série : à la fin du premier volume, les jumeaux se retrouvent liés par contrat à leur pire ennemi, on frémit d’avance…