Têtes de bulles

Têtes de bulles
Alain Serres, Martin Jarrie
Rue du monde, 2015

Pensées visibles et invisibles

 Par Anne-Marie Mercier

Têtes de bullesQu’y a-t-il dans la tête d’un enfant avant qu’il sache formuler clairement ses idées, les mettre en mots ?

C’est à cette question que répondent les belles images de Martin Jarrie : les formes de têtes renferment tantôt des fleurs, tantôt des animaux inquiétants, des labyrinthes, des explosions ou des parcours fluides, des projets, des désirs, jusqu’aux derniers de ces désirs : apprendre à lire et à écrire, « dans les langues des tous les peuples qui entourent mon pays ».
Le texte d’Alain Serres, dans des bulles, exprime idées et émotions en termes simples et riches, souvent imagés : les idées poussent comme des plantes, se développent, minent parfois, il suffit d’attendre pour qu’une autre, plus heureuse survienne. Dans la tête des grands, est-ce si différent ?

 

Le tueur d’écume

 Le Tueur d’écume
Michel Honaker
Rageot  2015,

 

 A la poursuite du bateau fantôme

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

le tueur d'écume image Cliff, jeune héritier américain a fait naufrage avec son voilier et a perdu son meilleur ami disparu en mer. En fait, il raconte aux autorités avoir été attaqué par un super tanker, mais sur les radars, ce bateau démesuré n’a pas été repéré,  donc personne ne le croit.

Sauf un avocat Argill,  payé par un mystérieux commanditaire qui réunit une équipe ultra compétente pour partir à la recherche de ce bateau mystérieux ; dans l’équipe, on retrouve Cliff pour ses compétences de marin et Amber, jeune et jolie amérindienne qui a gardé de ses ancêtres le don de lire les sillages dans la mer, c’est à dire de retrouver la trace d’ un navire plusieurs jours après son passage.

Conduite par le capitaine Karras, le groupe part en mer.

Ce roman est donc un mélange de roman d’aventures maritimes,  de récit sur les croyances des Indiens d’Amérique, et de roman fantastique,  car le super tanker, au fur et à mesure des pages, devient de plus en plus fantomatique rejoignant la lignée mythique de tous les navires fantômes qui hantent les cauchemars des marins.

Le suspens de l’aventure est parfait et s’y ajoute la question de la relation entre Amber et Cliff, deux jeunes beaux et forts, qu’elle sera-t-elle?

 

Papillons et mamillons

Papillons et mamillons
François Davis, Henri Galeron
Møtus, 2015

 Les mots en valise, l’enjeu des mots

 Par Anne-Marie Mercier

Papillons et mamillonsComme le titre l’indique, le jeu sur les mots est au cœur de ce petit ouvrage. Le principe est de les décomposer en éléments sonores signifiants et d’en discuter le pertinence (selon le système des mots-valises).
De format carré, il associe pour chaque mot deux doubles pages. La première présente le mot et la réflexion qui montre qu’il n’est pas fidèle à ce qu’il représente. Le biberon n’est pas rond mais long : dans la deuxième double page on présentera le bibelon. Les lunettes sont sales ? Vite, nettoyons-les avant qu’elles ne deviennent des lunefloues !
Le nuage n’a pas d’âge. Le muguet n’est pas toujours gai…

Les illustrations prennent « au pied de la lettre » ces propositions et créent ainsi un imagier fantaisiste où l’enfant n’apprend pas à appliquer le langage aux choses mais à jouer avec le langage, à le goûter en poète, donc.

L’Opéra volant

L’Opéra volant
Carl Norac, Vanessa Hié
Rue du monde, 2014

L’Art est vivant, vive l’art !

Par Anne-Marie Mercier

lopera volantSuperbe album, grand format, grand artistes, grandes idées : l’art sauve, l’art est contagieux, il donne envie de le suivre, comme l’air de flûte du joueur de Hamelin.

Oisel, à peine sorti de l’œuf, se déclare artiste. C’est dire si la vie va être difficile pour lui : incapable de chanter juste, inapte à de nombreux travaux ordinaires, récalcitrant pour beaucoup d’autres, il s’essaie à plusieurs métiers sans cesser de poursuivre son but. Un jour, il accepte un travail qui lui semble fait pour lui, livreur d’enfant, comme les cigognes. Les catastrophes s’enchaînent jusqu’à ce qu’il arrive à déposer la petite Léna dans sa ville, un lieu hélas hostile aux oiseux et à l’art. Entre-temps, Oisel aura développé ses talents de raconteur d’histoire, acteur et danseur et réuni autour de lui toute une équipe d’oiseaux divers qui s’emploie avec lui à émouvoir et à faire rêver leurs spectateurs.

Les images de Vanessa Hié sont superbes, composites, chatoyantes. Elles présentent sur fond blanc une troupe d’oiseaux vêtus de costume spectaculaires composés de toutes sortes de tissages et d’imprimés, des matières végétales ou minérales, tandis que les épisodes de l’histoire se déroulent dans des décors stylisés aux couleurs d’un tour du monde.

Fans de la vie impossible

 Fans de la vie impossible
Kate Scelsa (Trad. Faustina Fiore)
 Gallimard, Scripto, 2016

 

 

 Adolescents en souffrance

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

 fans de la vie impossible imageCe récit nous fait entendre successivement et alternativement les voix de trois adolescents très mal dans leur peau.

Jérémy, passionné d’art, incapable d’entrer en relation avec les autres, abandonné par sa mère et élevé par deux hommes, Sebby, homosexuel déclaré en rupture d’études,  élevé par une nourrice de la DAS débordée, et Mira, pliant sous le poids de ses kilos et de sa dépression nerveuse.

Quand Jérémy rencontre Sebby au lycée, pour la première fois de sa vie, il ne se sent plus seul. Et comme Mira a besoin de Sebby pour tenir, ils vont former un trio inséparable. Seuls, ils sont vulnérables et en proie à leurs obsessions ou addictions même, mais ensemble, ils sont heureux, s’inventent des fêtes ou des rituels, peuvent même aider les autres.

C’est une description  très dure et réaliste d’une jeunesse à qui « on ne laissera jamais croire que c’est le plus bel âge de la vie ». Elle est faite sans aucun tabou sur l’homosexualité, la drogue, le suicide,  et sur,  d’un côté, une Amérique en perdition, et de l’autre, des familles bourgeoises accrochées à leurs préjugés sur les grandes écoles et la réussite sociale.

 

Entre les lignes

Entre les lignes
Emmanuel Bourdier
Folio junior 2016 (Première édition Thierry Magnier 2005)

Un village français

Par Michel Driol

entre1943, un village en zone libre, à proximité de la ligne de démarcation, où vivent Augustin – 11 ans –  et sa jeune sœur, leur mère et le grand père depuis la mort du père.  Un mystérieux résistant ridiculise les Allemands, en signant sas actes de vers tirés de Cyrano de Bergerac. Est-ce l’instituteur ? ou le marchand de peaux de lapins ? Qu’est-ce que quitter l’enfance entre des colonnes des troupes allemandes qui écrasent une poupée et les billes qu’on veut acheter près de la Kommandantur ?

Sur un sujet maintes fois traité, Emmanuel Bourdier signe là un beau roman, une galerie de personnages complexes – le marchand de peaux de lapin – et attachants – la mère, le grand père –  dans une France rurale et occupée. Entre les lignes, c’est entre l’enfance et l’âge adulte, entre la collaboration et la résistance, entre la réalité et le théâtre, la façon dont se construisent un destin, une personnalité, dans le souvenir et la fidélité aux valeurs et aux rencontres passées. On apprécie que rien de trop ne soit dit dans ce roman, écrit dans une langue épurée, avec une grande légèreté de ton. On apprécie qu’il soit laissé au lecteur le soin de faire le lien entre le prologue – 1973 – et le reste du roman. On apprécie aussi que tout soit vu et raconté du point de vue d’Augustin, à hauteur d’enfant, sans jugement adulte sur les actes, avec la bravoure inconsciente et la naïveté profonde de l’enfance.

Un roman d’initiation plein d’humanité, de tendresse et d’humour aussi, qui aidera à comprendre comment certaines rencontres peuvent décider d’un destin,  et comment résister à l’oppression.

La dernière reine d’Ayiti

 La dernière reine d’Ayiti
Elise Fontenaille
Rouergue doado, 2016

 

 

 Un génocide raconté aux jeunes

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

la dernière reine d'Ayiti Image Elise Fontenaille aime croiser l’Histoire et l’ethnologie, révéler des génocides et, en même temps, faire revivre la culture perdue d’un peuple. Elle l’a fait pour les indiens Haidas dans La cérémonie d’hiver ( Rouergue 2010) pour les Héréros dans Eben ou le yeux de la nuit ( Rouergue 2015).

Dans ce récit, elle nous raconte la disparition,  en une seule génération d’un million de Taïnos, le peuple d’Ayiti, actuelle Saint-Domingue et Haïti.

Par la voix de Guaracuya, âgé de quize ans, neveu de la reine Anacoana, on assiste à la vie pacifique et féconde de ce peuple sur une ile paradisiaque. Ils étaient riches d’or, de nourriture mais surtout d’une très belle culture faite de croyances religieuses, mythologiques et de connaissances approfondies de la faune et de la flore.

Mais,  un jour,  arrivent trois bateaux, ceux de Christophe Colomb en 1492.

Toutes ces richesses sont convoitées par les Blancs, qui reviennent en nombre et asservissent les autochtones pour les obliger à travailler et ramener de l’or, violent les femmes ou tuent les récalcitrants et le pis,  c’est que tout cela se fait au nom de leur Dieu catholique.

Le récit n’est pas que d’horreur car la grande sagesse de ce peuple est d’avoir compris qu’il fallait transmette toutes sec connaissances avant de disparaitre et s‘allier avec les esclave noirs fugitifs qui se sont réfugies avec eux dans les montagnes. Ils sont su aussi créer une nouvelle religion à partir de trois religions, la leur,  celle des Africains et celle des conquistadors.

C’est un très beau récit initiatique, et instructif sur les Caraïbes, qui, malgré les horreurs décrites, sait conserver un espoir chez les jeunes lecteurs.

Le chateau de Cassandra

Le Chateau de Cassandra
Dodie Smith
Gallimard jeunesse (pôle fiction), 2015

Le diable par la queue, version ado des années 30

Par Anne-Marie Mercier

Le Chateau de Cassandra« Si lors d’un diner vous observez les gens en train de manger et de parler, si vous les regardez attentivement, c’est vraiment un drôle de spectacle : les mains très occupées, les fourchettes qui montent et qui descendent, les bouchées avalées, les mots qui sortent entre les bouchées, les mâchoires qui s’activent sans répit. Plus vous les observez, plus la scène vous paraît ahurissante : tous ces visages éclairés par les bougies, les mains qui passent par-dessus les épaules avec les plats, les propriétaires de ces mains qui se déplacent en silence autour de la table, sans prendre part à la conversation ni aux rires. »

Si Le Chateau de Cassandra, situé dans l’Angleterre des années 30,  dépasse largement le cadre du roman sentimental, c’est à travers le regard aigu de l’adolescente, narratrice de cette histoire et le jeu avec les situations. Elle vit très pauvrement avec son père, écrivain célèbre autrefois mais qui n’écrit plus et passe ses journées à chercher une voie nouvelle d’écriture, et sa soeur, dont on dit qu’elle est beaucoup plus jolie qu’elle. La ruine dans laquelle ils ont emménagé peu avant la mort de la mère des deux filles appartient à une riche famille d’américains et il se trouve qu’il y a deux jeunes hommes célibataires dans cette famille…

La suite ne se déroule absolument pas comme prévu, le ton acide et la mauvaise foi évidente de l’héroïne sont parfaits, enfin c’est une belle lecture qui fait parfois penser à Jane Austen.

la reine des truites

La Reine des truites
Sandrine Bonini, Alice Bohl
Grasset jeunesse, 2016

Aventure de camping

Par Anne-Marie Mercier

lareine des truitesDeux enfants, un tout petit garçon et une fille pas beaucoup plus grande, se promènent dans la pinède proche du camping où ils passent des vacances. Ils n’osent pas s’approcher de la rivière malgré la chaleur et leur envie de s’y tremper : la présence d’une fille brune les en empêche – on devine qu’ils s’y sont heurtés la veille, mais on n’en sait pas plus. Bravant leur peur, par des sentiers détournés, il s’y rendent malgré tout, et font la rencontre qu’ils craignaient : il s’agit d’une fille accompagnée de son « armée », trois autres enfants, emplumés de feuillages et portant des bannières de branchages, qui entendent garder leur territoire et empêcher l’accès à l’eau.

Frayeurs, menaces, négociation, puis ruse feront que les deux groupes n’en feront plus qu’un, réuni dans la joie de l’eau.

Le récit est charmant, avec les angoisses et les défis de l’enfance, et surtout la poésie des lieux, rendue avec délicatesse par les belles aquarelles présentant des décors forestiers et aquatiques.

 

Poisson amoureux

 Poisson amoureux
Ralph Doumit, Wang Yi
Hongfei, réédition 2015

Quête amoureuse d’un poisson

Par  Maryse Vuillermet

 

untitled  Cet album est à la fois un récit d’initiation, un récit de rencontre amoureuse, et un récit d’aventures puisque Petit Poisson  gris devra braver tous les dangers pour rejoindre poissonne de la mer. Trois récits donc  en un seul,   riche et profond, pour  apprendre à aller vers l’inconnu, à aimer ceux qui sont différents.  Cette histoire est bien accompagnée  par une illustration tendre et pleine d’humour.