Je cherche un livre pour un enfant
Sophie Van der Linden
Gallimard jeunesse / de facto, 2011
LE guide !
par Anne-Marie Mercier
Quelle belle idée ! Qui n’a pas été agacé un jour en entendant un vendeur de grande surface répondre à cette formule (« je cherche un livre pour un enfant » de zéro à sept ans) par une proposition inepte, inadaptée, ou d’une banalité consternante. C’est ainsi que la série des Tchoupi peut figurer dans les meilleures ventes. Maintenant, ces vendeurs n’auront plus l’excuse de l’ignorance, de l’absence de formation… et les parents n’auront peut-être d’ailleurs plus besoin d’eux. Rassurez-vous, le libraire, le vrai, sera toujours indispensable dans les vraies librairies.
Sophie Van der Linden, auteur d’un très beau livre sur l’album propose ici de multiples entrées, selon les âges, les goûts, les circonstances, les objectifs… Ainsi on retrouve toutes les fonctions de la lecture pour les jeunes lecteurs – et pour les autres parfois : penser, rire, apprendre, attendre (la section « attendre Noël » sera d’une grande utilité pour les professeurs des écoles en mal d’inspiration…).
Une mise en garde contre « les livres médicaments » permet d’affirmer l’importance de la qualité littéraire et plastique, trop souvent oublié. Chaque proposition est assortie d’un commentaire bref qui ne se contente pas de résumer comme c’est trop souvent le cas dans ce type d’ouvrage mais qui analyse et justifie le choix.
Quelques conseils sont prodigués aux parents et médiateurs, tous bienvenus :
– Peut-on indiquer un âge du lecteur ?
– Comment donner le goût du livre et de la lecture ?
– Comment lire voix haute et quand ?
– Comment aider les enfants qui apprennent à lire ? Etc.
On trouve aussi des éclairages sur plusieurs types d’ouvrages : séries, contes, livres disques, livres jeux, livres d’art et des informations sur le monde du livre de jeunesse : librairies, éditeurs, bibliothèques, salons, sites, ouvrages de référence… Un index bien utile complète l’ensemble.
La sélection propose surtout des grands classiques (Ungerer, Sendak, Corentin, Ponti, etc.) mais aussi des ouvrages moins connus et très contemporains. On y trouve les grandes maisons d’édition, les éditeurs connus spécialisés en littérature de jeunesse, et les éditeurs moins connus, « petits éditeurs » comme Les trois ourses, L’atelier du poisson soluble, Les grandes personnes, L’édune, Sarbacane, MéMo, etc. (en moindre proportion, bien sûr, vu leur place dans la production globale, mais néanmoins en place significative).
Un ouvrage de base pour tous, parents et prescripteurs, étudiants et enseignants. Dans la même collection paraîtra prochainement un ouvrage sur les livres pour les enfants plus âgés.
Cet ouvrage réunit des chroniques réalisées par Annie Rolland pour le site ricochet avec la complicité d’Etienne Delessert et propose le regard d’une psychologue sur la littérature pour enfants et adolescents. Douze chroniques, toutes intéressantes, examinent les pouvoirs de l’image et de la fiction dans la construction de l’individu. Elle analyse Yok Yok, Max et les maximonstres,La Maison d’Innocenti, et bien d’autres ouvrages contemporains ou classiques en les confrontant à des réactions de lecteurs.
Librement adapté » du conte d’Andersen « la reine des neiges », lit-on en page de titre. On se demande quel besoin s’est fait sentir : le texte est certes un peu plus long que celui des autres contes (est-ce pour cette raison qu’il figure rarement dans le anthologies ? ou bien l’histoire de la fille du roi des brigands fait-elle peur ?).
« Librement inspiré d’un conte d’ Hoffman », cet album propose une histoire gentiment loufoque, celle d’une princesse financée par erreur, non pas à un animal mais à un légume. Passionnée par son potager, Annette trouve un bel anneau d’or sur une carotte, l’essaye; il lui arrive la même mésaventure qu’au personnage de La Vénus d’Ille de Mérimée : elle est liée au propriétaire de l’anneau.
Pour ceux qui trouvent que Les Hauts de Hurle-vent serait un chef d’œuvre si le texte était moins bavard et moins diffus, l’idée d’une adaptation est séduisante. Pour les jeunes lecteurs, c’est également une bonne idée : ce livre culte risque de devenir peu accessible avec le temps, à moins d’être inclus au programme scolaire, chose possible dans les pays anglophones (c’est le livre préféré de l’héroïne de Twilight…), mais difficile dans le nôtre.
La nouvelle œuvre de François Place, Le Secret d’Orbae, n’est pas un livre, c’est bien plus que cela : elle propose une nouvelle forme. C’est un coffret noir d’apparence mystérieuse dans lequel on trouve deux romans illustrés accompagnés par une carte de l’univers associé aux textes, et par des images illustrant certains de leurs épisodes, placées dans un portfolio cartonné et fermé par un lien. L’objet en lui-même est très beau.
Cette nouvelle « nouvelle graphique » combine les qualités des précédentes « Petites bulles d’univers » d’Organic éditions : beau papier, mise en page originale et soignée, illustrations, ou plutôt peintures, superbes qui rapprochent ces beaux objets du livre d’artiste, textes courts mais denses. Comme les précédentes, elle s’inscrit dans un registre fantastique, ici très cohérent et très inquiétant.
Mina aime la nuit, et aussi les mots. Elle les utilise en toute liberté, au grand dam de son institutrice, ignorant les règles et la logique ordinaire. Elle écrit son journal avec sa fantaisie, mêlant réflexions et notations prosaïques, questions et rêveries. Elle raconte aussi son histoire qui a fait qu’elle a été retirée de l’école, pour comportement trop « bizarre », la scène de terreur qui a tout déclenché, l’ombre d’un père disparu, son passage par un établissement spécialisé.
Lors d’une même nuit moyenâgeuse, une femme raconte une légende à son enfant et attend son amant, un garde scrute l’obscurité du haut des remparts, les fantômes dansent et plaisantent dans le cimetière, un chevalier, seigneur du château où vivent (ou pas) tous ces êtres, rentre de guerre et hésite entre le suicide et le retour ; des hommes complotent, une sorcière joue…