Qui a piqué les contrôles de Français ?

Qui a piqué les contrôles de Français ?
Nicolas de Hirsching, Fanny Joly

Casterman, 2011

Délire pédagogique

Par Anne-Marie Mercier

 Cet album propose la réédition d’un titre publié en 2000 et épuisé depuis. Un dossier retrouvé dans une poubelle est apporté au commissariat de police; il contient des rédactions corrigées à l’encre rouge et notées. Le sujet de ces devoirs est « vous passez un après-midi avec votre grand-mère, racontez »…

Les devoirs des élèves sont d’une très grande variété et de longueur variable, de trois pages à deux lignes (« moi je ne passe pas de mercredi avec ma grand-mère, elle est morte »). Même dans ce cas, le professeur est très en verve et a réponse à tout, que ce soit sur la forme ou sur le fond. On rit beaucoup en lisant les devoirs des enfants : trouvailles de langage, dialogues savoureux, situations extravagantes ou, à l’inverse, platitude scolaire consternante (obtenant de fort bonnes notes). Pour en lire des extraits, voir la chronique de Catherine Gentile sur ricochet (http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/44217-qui-a-pique-les-controles-de-francais). Mais ce sont les remarques dans les marges et en fin de devoir qui sont les plus cocasses. L’institutrice n’est pas en peine de discours moraux (« c’est pas beau de rapporter », « n’as-tu pas une notion de l’amour trop intéressé ? » « Il n’est pas bien de se moquer des infirmités des vieux », « tu pourrais parler à ta grand-mère sur un autre ton ! », « Et tu trouves ça drôle ! » « Je suis atterré par ton manque de morale et de conscience »).

Elle prononce des jugements sur les familles (« une grand-mère inexistante, une mère souvent absente, un père exhibitionniste et violent, je comprends maintenant pourquoi tu écoutes si peu en classe ! ») ou au contraire félicite parents et enfants (« Continue, charmante enfant » « Ah Ah Ah, je me régale ! »), Elle donne son point de vue (« Quel fumiste, ce Picasso ! »), se fâche lorsqu’on parle d’elle ou lorsqu’elle croit qu’on parle d’elle, se raconte un peu (son enfance, ses relations avec son petit-fils…).

Enfin on a un exercice de réécriture savoureux lorsque l’institutrice recopie en bon langage un torchon écrit par un enfant afin de pouvoir lui mettre une très bonne note (la grand-mère de cet enfant est une institutrice à la retraite).

Dans cette nouvelle édition chaque copie est imprimée en caractères imitant une écriture manuscrite correspondant à la personnalité de chaque élève, l’ensemble est relié sous la forme d’un dossier à élastique un peu fatigué, les pages sont en papier quadrillé séyès, enfin c’est un bel emballage pour un ouvrage très drôle et néanmoins utile pour réfléchir sur le genre de la rédaction scolaire. La caricature n’est-elle pas un reflet déformé et exagéré du réel ? Ici, c’est un « réel » très daté, mais qui peut alerter sur les dangers d’un retour possible et les dérives possibles du métier de professeur… et d’élève, sans parler de celui de grand parent.

James, le lapin qui en savait trop

James, le lapin qui en savait trop
Tania Sollogoub

L’école des loisirs (neuf), 2011

Ami imaginaire ou lapin doué?

Par Anne-Marie Mercier

Enfermé dans un corps trop étroit, Pierre va mal. Seul son lapin, James, le comprend et lui propose d’autres façons de vivre et de penser. Il lui apprend la beauté de la nuit, l’infinité des possibles.

Cet aspect, très réussi et très poétique n’est pas le plus développé du livre et c’est un peu dommage. La suite déroule les conséquences de la révélation au reste de la famille du fait que James est doué de parole. Il y a des moments drolatiques, des situations joliment absurdes. Mais la fin un peu trop explicite dépare quelque peu l’ensemble. Néanmoins, c’est une variation originale et attachante autour de la question des amis imaginaires.

Le Petit Livre de Londres

Le Petit Livre de Londres
Rosie Dickins

Usborne (livres avec liens internet), 2011

Voyager du papier au web et retour

Par Anne-Marie Mercier

Si l’esthétique du livre le rapproche beaucoup des nouveaux guides touristiques des éditions Gallimard (collection « découverte »), le concept est original : il s’agit de proposer aux jeunes lecteurs un petit guide de ville qui associe textes, images et liens Internet. Quelques conseils de sécurité sur l’usage du Web sont fournis et le site des éditions propose toute une série de liens conduisant à des sites officiels (musées, institutions,…) pour visiter en détail, connaître le contexte historique, regarder des plans, etc.

Une belle idée pour faire préparer un voyage à un enfant… ou à un adulte qui ne lirait plus que sur écran. Sur le site, très facile à utiliser, on trouve également des liens pour des livres traitant de la géographie, musique, corps, arts… un belle réserve de textes et d’images.

Yok yok: la pluie, l’oiseau

Yok Yok : L’Oiseau qui dort haut dans le ciel, ; La Pluie
Étienne Delessert

Gallimard jeunesse (giboulées), 2011

Le Monde en gros  plan

Par Anne-Marie Mercier

Le grand plaisir de ces petits albums carrés, c’est avant tout celui de retrouver les superbes illustrations d’Etienne Delessert, l’un des pionniers du renouvellement de l’illustration pour la jeunesse. Les couleurs sont généreuses et chatoyantes, les gris et les noirs profonds. L’autre plaisir, c’est celui de retrouver l’univers du minuscule Yok Yok (personnage créé en 1976 pour des dessins animés de la télévision Suisse romande) et de ses amies, Noire la souris et Josée la chenille. A travers eux, le monde est vu en gros plan, superbe, parfois inquiétant. Enfin, sans être jamais sèchement didactiques, ses albums proposent chacun une exploration : celle du monde des oiseaux (pinson, verdier, martinet…) ou celle du parcours de l’eau, de la pluie à la rivière puis à l’évaporation que les petits héros suivent tout au long d’un arc-en-ciel. Le thème de la célèbre histoire de Perlette, la goutte d’eau, est ici revu en beauté.

Le Jeu des sept cailloux

Le Jeu des sept cailloux
Dominique Sampiero

Illustré par Zaü
Grasset jeunesse (lampe de poche), 2010


Un refuge aux réfugiés

par Anne-Marie Mercier

 Un tout petit livre en apparence, mais un récit lourd comme les sept cailloux. Nous suivons Larissa qui erre dans les rues de Rouen et semble parler seule. À son enfant à naître, elle raconte la vie d’avant, en Tchétchénie : son enfance comment elle a rencontré son mari, la guerre, les hommes comme des loups.

La vie depuis : l’exil en France, à la recherche d’un toit, de papiers et d’espoir, est évoqué sans pathos mais avec précision. Cette histoire est une histoire vraie, comme beaucoup d’autres. Elle a été publiée avec une postface du Collectif solidarité antiraciste et pour l’égalité des droits et par le Réseau Education Sans Frontières de Rouen et des environs.

Le texte, porté par une belle écriture, est sobre  et pudique. Il évoque aussi bien la vie de tous les jours que les pires moments. Il s’attache aussi à de petites choses, des coutumes, des plats, un jeu. Les illustrations montrent les souvenirs du pays en encadré et la marche de Larissa en pleine page, les uns en tonalités de vert, l’autre en ocre. Dominent les images du visage et des bottes de Larisa qui cherche un lieu où s’arrêter, si proche et si lointaine.

 

 

 

 

Anthony Browne, déclinaisons du jeu des formes

Anthony Browne, déclinaisons du jeu des formes
Anthony Browne et Joe  Browne
Kaléidoscope, 2011

Browne, par lui-même ?

par Anne-Marie Mercier

Le titre un peu énigmatique est éclairé par un sous-titre en page de couverture, sans doute ironique, mais assez juste : « mon métier, mon œuvre, et moi ». Il s’agit en effet d’une biographie de Browne issue d’entretiens avec son fils. Elle est présentée sous forme autobiographique, écrite à la première personne et c’est peut-être le point qui pose problème. En effet, on peine à trouver un véritable ton à ce texte, souvent écrit de manière factuelle, parfois lourde. Effet de diction, de transcription ou de traduction ?

 

La partie biographique surprendra ceux qui lui imaginent une enfance difficile à cause de la présence fréquente dans son œuvre d’enfants et de familles malheureux. Il affirme qu’il ne faut notamment pas interpréter les images négatives de pères de ses albums comme des reflets de son propre père et nous présente une image idyllique de sa famille, trop idyllique ?

 

La partie consacrée à son œuvre est beaucoup plus intéressante et éclairante. Il indique sa formation, son goût pour le surréalisme (Magritte) et pour Francis Bacon, ses hésitations entre graphisme et art, ses premiers travaux. Bien souvent, il montre que certaines images ont été réalisées sans intention consciente de signification, davantage pour leur force intrinsèque. Ainsi, la part symbolique et métaphorique de son travail s’est construite peu à peu et cela fait que certaines interprétations proposées par des enfants lui semblent aussi vraies que celles qu’il peut donner, qu’il n’a construites qu’après coup. La réception par les enfants de ces albums est extrêmement intéressante, comme ce qu’il décrit du processus de création de ses principaux ouvrages. Un chapitre consacré à son travail d’illustration de textes d’autres auteurs (Carroll, McEwan…) est lui aussi très éclairant. Enfin c’est un ouvrage qui n’apportera peut-être que peu d’éléments nouveaux à ceux qui connaissent bien Anthony Browne, mais qui propose un parcours complet accompagné de nombreuses images fort bien choisies et reproduites et qui donne des informations intéressantes sur la genèse et la réception de ses œuvres. Pour les autres, ce sera une belle découverte et une clé pour entrer dans l’univers complexe de cet auteur.

 

La bande dessinée

La Bande dessinée
Christophe Quillien
Gallimard jeunesse (tothème), 2011

Encyclopédie sommaire

Par Anne-Marie Mercier

Soixante étapes, pour autant de doubles pages ou pages simples consacrées chacune à un aspect, un auteur, une époque de la BD, voilà de quoi a priori nourrir l’intérêt. Certes, on trouve un peu de tout dans cette mini encyclopédie, mais on reste beaucoup sur sa faim. Il faut attendre les dernières pages pour avoir des informations précises sur la réalisation d’une bande dessinée.

Si le texte est aéré, en contrepartie il est sommaire. Enfin tout participe de l’idée qu’un jeune lecteur serait forcément un lecteur naïf et paresseux ; il faudrait par exemple lui faire croire que c’est un héros qui lui parle pour l’intéresser à la biographie des auteurs de BD.

Pour finir le gros reproche qu’on fera à cet ouvrage est qu’il montre peu de « bandes dessinées » et préfère montrer des couvertures d’album, des produits dérivés plutôt que des enchaînements d’images. Pourtant l’auteur insiste bien, avec raison, sur le dynamisme de cet art, sa capacité à suggérer le temps, l’espace et le mouvement. Toutes choses qui sont difficiles à voir dans une image unique.

 

 

 

C’est la fête

C’est la fête
Sophie de Mullenheim
Gallimard jeunesse (ne plus jamais s’ennuyer,) 2011

Fête, mode d’emploi…


par Anne-Marie Mercier

Comment préparer une fête d’anniversaire ? Voilà les enfants initiés à « l’événementiel », à la condition qu’ils aient la patience d’aller jusqu’à la dernière page qui leur propose un planning d’organisation. Jusque-là, on leur propose des thèmes : pirates, jeux olympiques, enquête policière…, des jeux et des recettes assorties. Ce n’est sans doute pas l’ouvrage le plus inventif de la série, mais il a le mérite de répondre à un besoin sinon quotidien, du moins régulier.

 

 

Henderson’s Boys, t. 4: Opération U-Boot

Henderson’s Boys, t. 4: Opération U-Boot
Robert Muchamore
Casterman, 2011

Plouf !

par Anne-Marie Mercier

Cette série raconte les aventures du fondateur de Cherub, l’école de jeunes espions qui a donné son nom à une série hélas désormais «culte».

Le cadre est celui de la deuxième guerre mondiale, dans la France occupée. Les jeunes gens sont très héroïques, l’ennemi très méchant. La possibilité d’être torturé est une obsession qui rappelle le goût des romans d’espionnage les plus douteux pour les scènes de ce genre. Seule originalité, le héros adulte est peu recommandable sur le plan moral, se saoulant et cherchant à séduire une de ses très jeunes coéquipières le jour même de la naissance de son premier enfant. Certes, Les adultes sont rarement des modèles en littérature pour adolescents, mais ici le problème est que ce personnage est Le modèle.

Ajoutons que les dialogues sont affligeants et que ce roman manque parfois de rythme et souvent d’intérêt.

 

 

 

 

 

Cendrillon : le petit théâtre d’ombres

Cendrillon : le petit théâtre d’ombres
Charles Perrault, Juliette Binet
Gallimard jeunesse (Giboulées), 2011

 Théâtre de (lampe de ) poche

Par Anne-Marie Mercier

 Boîte de jeu, livre d’activité, castelet… il y a de tout à l’intérieur de ce livre de la collection « théâtre d’ombres » : on y propose un castelet de dimensions réduites, des décors en plastique rigide transparent, des figurines de même matière pour les personnages (humains et animaux), avec même quelque gros plans hardis (une figurine entière pour le pied de Cendrillon). Une lampe de poche à dynamo est fournie : fini le cauchemar de la recherche des piles…

Un petit livre propose le conte dans le texte de Perrault, illustré d’images dans le même style (mais en couleurs pastels) et accompagné de conseils pour le jeu dramatique, seul ou en groupe, tout à fait bien venus (comprendre l’histoire avant tout, essayer de ressentir l’émotion des personnages). Pour ceux qui n’arriveraient pas à improviser, des idées de mise en scène et de « jeu d’acteurs » et un texte théâtral très court sont proposés.

Enfin, tout cela est quasiment parfait. Seul reproche : le style du texte du mode d’emploi est un peu trop relâché.

Dans la même collection on retrouvera le Petit Poucet, le Chat botté, le Petit Chaperon rouge, Ali Baba, la Belle au bois dormant et les personnages des fables.