Le Loup à la bonne odeur de chocolat

Le Loup à la bonne odeur de chocolat
Paule Battault / Maud Legrand
L’élan vert

Doukipudonktan

Par Michel Driol

Loup odeur chocolat-COV-GC2.inddLoulou, petit loup, sent bon le chocolat… mais tout le monde se moque de lui. Alors, pour effacer cette odeur, il se roule dans un ruisseau bien pollué, dans la boue et dans du cambouis. Ayant repris confiance en lui, il croque quelques animaux. Mais cette nouvelle odeur pestilentielle attire à nouveau les moqueries, et Loulou déprime jusqu’à ce qu’un oiseau lui révèle qu’il sent mauvais. Alors Loulou prend un bon bain et se décide à assumer son odeur de chocolat.

Sur des sujets graves – estime de soi, regard des autres, différence, odeurs corporelles, hygiène et pollutions diverses de la nature, les auteures réalisent un album léger et plein d’humour. Humour du texte, Loulou passant pour un loup de Pâques, l’oiseau s’exclamant « Tu pues, toi »… Humour aussi du texte qui n’hésite pas à s’adresser au lecteur, avec le retour des « Oh non ! Que fait Loulou ? ». Humour des illustrations : même les lapins du papier peint de la chambre de Loulou s’éloignent de lui, Loulou est sans arrêt représenté entouré de carrés de chocolat ou de taches de couleur signifiant sa mauvaise odeur… Légèreté du personnage de Loulou, loup sympathique et naïf, cherchant à s’intégrer, ne comprenant pas ce qui lui arrive, comique malgré lui avec son arête de poisson mort sur la tête…

Un album qui invite tout simplement à s’accepter soi-même, et à accepter les autres, quels que soient leurs bruits et leurs odeurs…

 

Les A.U.T.R.E.S


Pedro Mañas

Traduit (espagnol) par Anne Calmels
La Joie de Lire, 2012

Société secrète

par François Quet

Les-A.U.T.R.E.S-Pedro-ManasIl suffit d’une visite chez le médecin pour basculer d’un monde dans l’autre. Hier vous étiez le plus normal des petits garçons, aujourd’hui, avec un bandeau sur l’œil droit, parce que l’ophtalmo juge le gauche paresseux, vous voici, pour les copains qui jusqu’ici vous aimaient et vous respectaient, Œil-de-Cobra ou Franz-Œil-mort.

Mais Les A.U.T.R.E.S. ne raconte pas seulement l’histoire d’une discrimination. Il suffit de regarder autour de soi dans la cour de récréation, pour voir que tout le monde est différent : celui-ci bégaie, celui-là est trop bon élève, une autre est affligée d’un appareil dentaire, etc. On a toujours de bonnes raisons de ne pas être dans la norme. Dans ce roman tonique et porté par une belle indignation, les rejetés de l’école se reconnaissent, se serrent les coudes, et fondent une société secrète qui les conduira à la victoire : la dignité retrouvée, une visibilité assumée et respectée.

Plutôt que de s’attarder sur la méchanceté des enfants entre eux qui conduit à l’ostracisation de quelques uns, Pedro Mañas raconte, avec le plus grand sérieux, les réunions et l’organisation de cette armée secrète, supposée défendre les plus menacés. Inutile d’insister sur sa puissance de frappe : un exemple suffit. Et d’ailleurs les plus odieux des gens normaux ne sont-ils pas, eux aussi, secrètement affaiblis par d’inavouables tares. Alors « …que tous ceux qui en ont assez se rassemblent ! ». L’essentiel est là : dans ce double plaidoyer pour l’acceptation des différences et pour la solidarité et l’action.

Bien plus qu’une réflexion sur le handicap, le livre offre une déclinaison de toutes les figures possibles d’anormalité. Le héros si parfait, si conforme (jusqu’au traitement qui lui donne une tête de pirate) forme avec sa sœur un joli couple antithétique, puisque celle-ci en a assez de passer pour la dingue de la famille : « Dans le fond on est tous anormaux. Sinon… comment pourrait-on nous différencier ? ».

Le livre se termine par une invitation: les Anormaux Unis Très Rarissimes Exceptionnels et Solitaires ont besoin du lecteur. À lui, donc, de prouver qu’il est aussi anormal que tous les autres. Et le S de A.U.T.R.E.S. ne signifiera plus jamais Solitaires, mais Superdoués ou Surprenants.

 

 

La Marque des soyeux

La Marque des soyeux
Laura Millaud

Balivernes éditions (carabistouilles), 2014

Rapetassage lyonnais

Par Anne-Marie Mercier

Il y a dansla-marque-des-soyeux ce petit livre de très bonnes intentions : il s’agit à la fois de dire que le handicap ou la différence ne doivent pas être des obstacles à l’intégration, qu’il faut lire et s’intéresser à l’histoire, notamment à celle de la région dans laquelle on vit, et tout particulièrement aux histoires exemplaires en termes de luttes pour la liberté et la dignité des humains, etc. Ici, c’est l’histoire de la révolte des canuts (1831) qui est mise en scène grâce au voyage dans le temps du héros. L’information historique est sérieuse, et la volonté pédagogique évidente, à travers des passages explicatifs qui permettent de voir les différentes professions des ouvriers en soie et leurs justes revendications.

Tout cela est agrémenté comme une potion qui serait sans cela trop amère : l’auteure propose une histoire proche des lecteurs : le héros a leur âge, vit à leur époque et fréquente une école où il est maltraité en tant que « nouveau » et à cause de sa tache de vin ; il est solitaire et se réfugie dans la lecture, mais reviendra dans la « vraie » vie à la fin du roman grâce au sourire d’une fille et à la pratique du karaté). Ajoutez une pincée de fantastique (c’est à la mode) : le héros est propulsé dans le temps grâce à un livre magique (pris à la bibliothèque, quelle chance : les livres magiques sont partout).

Mais hélas, la sauce ne prend pas : le voyage dans le temps est une facilité usée, les dialogues sont plats, les situations artificielles, les relations caricaturales. C’est dommage : les jeunes lecteurs ont droit à autre chose, même dans le cadre du roman à visée didactique. Les pages réussies de l’ouvrage sont la-tache-de-vin-le-prince-eric-iii-3-illustrations-pierre-joubert-de-serge-dalens-890092012_MLdans la partie historique ; l’emballage réaliste et moderne ne tient pas. Quant au fantastique, s’il est de pure commande sur le plan du voyage dans le temps, l’origine de la tache de vin (empruntée au volume portant ce titre dans la série du Prince Eric de Serge Dalens ?) est jolie et donne un peu d’épaisseur à l’histoire ; elle est aussi une invitation à accepter son passé et ses origines, quoi qu’en pensent les autres. C’est donc pour une moitié un documentaire qui n’est pas sans intérêt, mais un roman décevant – et pourquoi ce titre, si les « soyeux » sont les négociants et pas les ouvriers ?

Entre chat et chien

Entre chat et chien
Eric Battut

Autrement, 2014

La plus fervente histoire

Par Dominique Perrin

9782218931437FSC’est la rencontre forte entre un lettré matériellement installé et un vagabond attentif au monde, entre un poète qui ne sait plus sortir et un explorateur qui a tout à découvrir des lettres, un sérieux et une légèreté…entre un créateur de texte et un créateur d’images enfin, qui désirent et accomplissent ensemble un livre qui rencontrera notamment le public des renards passionnés de poésie  !
C’est donc la plus fondamentale histoire sans doute, celle qui donne le spectacle non tant du « choc des cultures » (ou des civilisations) mais de la découverte inconfortable d’autrui, avec ses tensions (« Il ne faut pas abîmer les livres. Va-t-en de chez moi ! ») et ses détentes (« C’est beau. »), et de ce que vaut cette découverte (le besoin et la capacité de créer). Tout cela, dans un petit album au format « livre », et avec la simplicité caractéristique d’Eric Battut…

Mado m’a dit

Mado m’a dit
Christophe Léon
La joie de lire, 2014,

Une rencontre heureuse entre deux malheureux

Par Maryse Vuillermet

mado m'a dit image Boby se tient à l’écart des garçons de son école, il est « petit, teigneux, le poil roux, les genoux cagneux, les cheveux hirsutes des dents plantées de travers », mais les filles l’adorent, alors qu’il ne fait que les mépriser. Enfant abandonné, il s’est inventé une famille d’extraterrestres et les rejoint la nuit au milieu des étoiles. Mais il ne peut éviter d’intervenir un jour à l’arrêt de bus quand trois caïds aussi méchants que cruels agressent une très grosse vieille dame, lui vident son cabas sur le trottoir, l’insultent et lui prennent son porte-monnaie. Il cogne fort et éloigne les trois méchants de quartier. Puis, il raccompagne la vielle dame trop choquée pour rentrer seule chez elle. Là, elle lui offre un chocolat et lui montre son élevage de mouches destinées à nourrir sa collection de plantes carnivores. Cette Mado est aussi folle que lui!  Il lui promet de revenir mais ne le fait pas car il se méfie de ses bizarreries. Mais un jour, les trois voyous le tabassent si fort qu’il n’ose pas rentrer dans sa famille d’accueil et se réfugie chez Mado. Elle est si heureuse ! C’est la première fois de sa vie qu’elle a une visite ! Elle lui propose de dormir dans sa caverne aux trésors, là où elle range les peluches depuis son enfance et son adolescence de fille obèse, donc mise à l’écart et solitaire.
Cette nuit-là, dans la maison de Mado, des événements étranges, cruels et beaux vont se dérouler. Seuls ceux qui comprennent la force des rêves pourront suivre leur déroulement. Christophe Léon excelle à décrire l’enfance, l’horreur, l’étrange. J’avais déjà beaucoup aimé cet univers détonant et fort, dans Silence, on irradie, et je le retrouve aussi violent et pourtant poétique dans ce tout petit livre.

Après grand, c’est comment ?

Après grand c’est comment ?
Claudine Galéa

Espace 34 (théâtre jeunesse), 2013

Titus ou la difficulté de grandir (pour les parents !)

par Sophie Genin

apresgrandEn 2008, Claudine Galéa avait écrit un très bel album, grand format : Au pays de Titus. Il ne devait pas devenir une pièce mais… c’est maintenant le cas ! Titus, le garçon qui se tait, traverse donc des scènes à la fois très quotidiennes et, en même temps, situées dans la tête de ce petit garçon très imaginatif, assis sur son escalier et qui rêve, sans faire de bruit, ce petit garçon qui entend les objets lui parler, de la soupe à la viande dans son assiette, en passant par son lit, les nuages, le vent, le lézard…

Nous entrons dans son monde, sur la pointe des pieds, spectateurs invités, nous le suivons et nous compatissons : qu’il est difficile d’être différent, surtout face à des parents prêts à tout pour le rendre « normal », comme le montrent ces quelques répliques :

« FINIS TON ASSIETTE

TU T’ES LAVE LES DENTS ?

TU AS MIS TON PULL A L’ENVERS

TU N’AS PAS LES MEMES CHAUSSETTES

TU N’AS PAS OUBLIE TON SLIP ?

Tu es trop lent Titus

Tu vas nous mettre en retard »

Ce à quoi Titus répond, avec toute la poésie tendre,légère et originale dont est capable Claudine Galéa :

« Les grands voudraient que je bouge que je m’agite

que j’esticule

Moi je m’assois sur l’escalier

Et je m’en vais (…)

Je nuage

Avec les nuages

Je papillonne

Avec les papillons

(…) Je foumille

Avec les fourmis

J’aire

Avec l’air

Je chemine

Et je chemin

Main dans la main »

C’est de cette façon qu’il faudrait découvrir ce très beau texte, main dans la main avec son héros si attachant, en attendant de le voir mis en scène ! Et si cette écriture vous plaît, vous irez lire les pièces jeunesse antérieures : L’Heure blanche et Toutes leurs robes noires ainsi que La Nuit MêmePasPeur et Petite Poucet.

Brunehilde d’en face

Brunehilde d’en face
Ingrid Thobois
Thierry Magnier (Petite Poche Premières lectures), 2012

Ce que m’apprend mon double

Par Claudy De Melo, MESFC Saint-Etienne

BrunehildedenfaceCe court roman pour enfants à partir de 7ans, dont la lecture est facilitée par les gros caractères, le format ainsi que le découpage en petits chapitres a un côté pratique et maniable. Petite fille surdouée de 6 ans, Brunhilde ne s’intéresse pas aux autres enfants de son âge. Elle préfère rester chez elle avec ses sœurs et ses parents.  Mais voici qu’un jour, une famille emménage à côté de chez elle, et cette famille ressemble beaucoup à la sienne : des parents de même profession, quatre filles dont la dernière de six ans se prénomme Brunhilde elle aussi. Il s’avère que rien ne différencie Brunhilde de Brunhilde d’en face, à part leur façon de voir le monde. Brunhilde qui n’aime pas la présence d’autres enfants de son âge trouve alors en Brunhilde d’en face quelque chose de passionnant : elle ne voit pas les choses de la même manière qu’elle, et rêve souvent les yeux dans le vague. Bien sûr, les autres élèves se moquent d’elle, mais Brunhilde la défend car elle est son amie.

Suite à une longue absence à l’école de Brunhilde d’en face, Brunhilde se rend compte que la cause de cette absence est la différence de son amie. Brunhilde d’en face est atteinte d’une maladie (comme le dit son père), mais pour elle, c’est simplement qu’elle n’est pas pareille.

C’est une histoire racontée avec beaucoup de simplicité, dans une écriture adaptée aux enfants de l’école élémentaire. Le début du roman s’articule autour de Brunhilde et de son quotidien, raconté avec quelques touches d’humour. La suite de l’histoire est consacrée à l’amitié et à la différence ; ainsi prennent place les sentiments et émotions qui touchent le lecteur. L’humour apparait avec parcimonie au début du roman, à travers un langage  parsemé d’expressions «de jeunes» : « Qu’est-ce que j’en ai à faire », « la honte » … et la façon dont la petite fille s’exprime, entre naïveté et profondeur : « je frôle la perfection », « bientôt je ferai le trajet toute seule à pied, dès qu’elle aura cessé de voir des pédophiles partout »… Cela rend l’histoire d’autant plus plaisante pour les enfants qui peuvent facilement  s’’identifier à Brunhilde.

Tico et les ailes d’or

Tico et les ailes d’or
Leo Lionni
L’école des loisirs, 2012

Par Anne-Marie Mercier

ticoIl est étrange qu’il ait fallu attendre 2012 pour que paraisse une édition française de cet album, publié en anglais en 1964. Tico et les ailes d’or est un merveilleux récit, une fable sur la différence, le handicap, l’entraide  et le besoin d’être aimé. C’est aussi un bel exemple de l’art de Leo Lionni : formes simples, décors en entrelacs et combinaison de motifs sur fonds blancs, tons de verts et de bruns sur lesquels tranche le doré des plumes de Tico; texte limpide, histoire forte, un album en or.

Candor

Candor
Pam Bachorz

Traduit (anglais, Etats-Unis) par Valérie Dayre
Editions Thierry Magnier, 2011 [2009]

Dans Candor la rouge, pas un esprit qui bouge

Par Matthieu Freyheit

CandorPassez la couverture (fuchsia et vert fluo ????). Passez la quatrième et la pertinence de ses interrogations : « Peut-on abolir la passion, l’amour, la violence, et à quel prix ? », « A-t-on le choix de sa vie ? » Là, en général, je souffle. De dépit.  Enfin, ignorez les mots-clefs donnés par l’éditeur pour présenter les thématiques du roman : « opression [oui, l’oppression est telle qu’un tremblement a dû faire sauter le second [p]], résistance, libre-arbitre ». Si vous êtes comme moi saturés des clichés sur la nécessité de « résister », sur la liberté de choisir, sur les bienfaits de l’attitude contre-culturelle (un mythe, merci à Joseph Heath et Andrew Potter de l’avoir si brillamment montré), passez tout cela, et laissez-vous faire.

Car Candor est, malgré tout, un vrai bon roman, bien écrit, et plutôt efficace. C’est que Pam Bachorz, l’auteure, est de celles qui savent raconter. Voici les faits : Campbell Banks a fondé une cité nouvelle dans laquelle des messages subliminaux émis en permanence bornent les habitants au bonheur d’un ensemble d’attitudes (saines) et uniformes. Les familles heureuses, on le sait désormais, se ressemblent toutes. Oscar, fils de ce fondateur adulé, fait quant à lui l’impossible pour se tenir, secrètement, hors du contrôle de ces messages, tout en soignant son image de fils parfait et d’idole des jeunes (il y en a même qui l’envient). Une dualité difficile à maintenir, et mise à rude épreuve par l’arrivée à Candor de Nia, fraîche et « rebelle », dont Oscar tombe justement amoureux. Je ne vous révèle évidemment pas comment tout cela se termine.

C’est, en tout cas, rondement mené. À commencer par le fameux Oscar, qui n’a rien du résistant au grand cœur, mû par tous les nobles sentiments de sa caste. La face parfaite de ce séduisant Janus trouve une belle réponse dans le personnage avide et souvent cinglant qui nourrit son second visage. Une manière pour Pam Bachorz, une auteure à suivre, d’éviter certains clichés et d’appréhender, dans la double identité de son personnage, un peu de l’ambivalence des deux mondes. Pourtant, las !, Pam Bachoz aurait pu se montrer plus dérangeante et, peut-être, enfin, réellement anti-conformiste, en trouvant le moyen d’appuyer davantage, par le biais de ses différents personnages,  la thèse, précisément, du conformisme. Et d’assumer l’idée terriblement déplaisante qu’agir et penser comme les autres relève également du désir pas si conformiste – et pas si simple, surtout – de l’édification d’un projet collectif.

Reste la présence de Nia, caution artistique de l’affaire, qui passe du skate-board au tag tout en assénant, péremptoire : « L’art n’est jamais rien que de la craie », avant de vivre une jolie scène de reconstitution muséale qui rendra optimistes ceux qui espèrent voir leurs ados poser avec plaisir les pieds dans un musée.

Candor_cover_FINALCandorUKOn trouve sur le site de l’auteur des variations de couvertures intéressantes : américaine et anglaise ici:

L’étonnante disparition de mon cousin Salim

L’Etonnante Disparition de mon cousin Salim
Siobhan Dowd
Traduit (anglais) par Catherine Gibert
Gallimard jeunesse (folio junior), 2012

Autiste détective

Par Anne-Marie Mercier

Publié pour la première fois en français en 2009, ce roman fait penser très fortement au Bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon, publié en 2004, qui a connu un grand succès et a été beaucoup exploité par les enseignants et tous ceux qui cherchaient à développer la compréhension et la tolérance vis-à-vis des enfants handicapés (voir un article sur ce livre paru dans Repères)

Dans les deux cas il s’agit d’une enquête policière menée par un jeune autiste. Si le héros de Haddon, Christopher, atteint du syndrome d’Asperger, était à sa façon un génie, celui de Siobhan Dowd est plus intégré. Il a une sœur, deux parents, va au collège (et y est malheureux). Mais, comme Christopher, il a des manies (la météo), des gestes incontrôlés, des difficultés à comprendre les émotions des autres et à les partager. L’intrigue policière est ici plus développée, autour d’un événement plus dramatique, une disparition d’adolescent. L’évocation de l’angoisse de la famille et de l’appareil policier et médiatique qui se met en place crée de vrais moments d’angoisse. Le texte, bien traduit, rend bien les raisonnements de Ted et ses difficultés de langage et d’adaptation. Le duo qu’il forme avec sa sœur est parfois comique et crée des pauses qui allègent le récit.

C’est une belle façon de faire entrer les jeunes lecteurs dans une pensée différente. Le désir de Ted d’avoir des amis autres que ses parents et son éducateur est émouvant et fait comprendre, au-delà du  problème de l’autisme, le drame des adolescents en mal de communication.

Siobhan Dowd est décédée prématurément mais est présente dans l’actualité littéraire par la parution d’un très beau livre de Patrick Ness, Quelques minutes après minuit, sur une idée de roman qu’elle n’a pas pu achever (voir notre chronique parue le mois denier).