La Cérémonie d’hiver

La Cérémonie d’hiver
Elise Fontenaille

Rouergue (doAdo noir), 2010

Quand liberté rime avec vengeance

par Sophie Genin

9782812601170.gif « Un texte qui cogne, écrit avec une rage cinglante. Les phrases pleuvent, courtes et drues, coupent, tranchent, affûtées et aiguës. Et racontent une histoire fascinante, aux confins du fantastique, mêlant légende et réalité très contemporaine.  » (Michel Abescat, Télérama n°3144, avril 2010).

Contrairement à Chasseur d’orages, Maryse (voir la notice de Maryse dans ce blog), ce court roman hésitant volontairement entre conte fantastique et récit policier, ne « dégouline pas de bons sentiments » !En effet, nous suivons, dans Vancouver juste avant les Jeux Olympiques, Eden, jeune indienne de la tribu Haïda, et Sky, l’aigle tueuse qu’elle a élevée, dans une course à la vengeance. Comme dans Chasseur d’orages, la relation avec la grand-mère, cette fois-ci, est fusionnelle et plus que forte, vitale et lorsque cette dernière meurt en prison à cause d’un point levé contre la destruction de son « chez elle » pour faire place aux J.O., sa petite-fille voit noir et gagne sa liberté au prix de la vie d’autrui.

Le récit laisse sans voix et la fin est à la hauteur du reste, tout en force et en finesse ! 

 

 

Delirium

Delirium
Lauren Oliver
Hachette Jeunesse (Black Moon), 2011

 Un Monde sans amour est-il possible ?…

 par Sophie Geni

9782012021266.gif… C’est la question que pose ce roman de social fiction étonnant. Lena vit depuis 17 ans à Portland, dans un futur indistinct caractérisé par une vie aux normes basées sur l’éradication d’un terrible fléau qui a ravagé le monde, « l’Amor Deliria Nervosa ». Pour que la terrible fin de Roméo et Juliette (lu en cours de santé pour l’édification des élèves !) n’incombe pas aux citoyens américains, chacun subit le Protocole à 18 ans, opération consistant à éradiquer définitivement les sentiments du cerveau. Ainsi, les jeunes adultes accèdent au statut d’Invulnérable. Lors de l’Evaluation, chacun est « soupesé » afin de se voir proposer un appariement, pour se marier, trouver un travail et avoir des enfant, le tout dans sa classe sociale.

Lena est à l’aube de son Protocole, essentiel pour cette Vulnérable dont la mère est morte en se suicidant, par amour, enfin le croit-elle… Car elle va rencontrer Alex, beau et courageux Invalide (ainsi nomme-t-on ceux qui survivent dans la Nature sans avoir été opérés) engagé dans la Résistance. Cette rencontre-coup de foudre va la rendre « malade » d’amour mais va surtout lui ouvrir les yeux : le monde dans lequel elle vit repose sur un mensonge qui protège les hommes et les femmes de Portland de la peur et les Régulateurs qui doivent les protéger ne sont que des sadiques au pouvoir incontrôlable ! 

Ce roman devrait être mis entre toutes les mains adolescentes car il permet de comprendre de l’intérieur l’effet de l’embrigadement des masses. Grâce à la lecture de cette oeuvre littéraire (les images sont souvent étonnantes et la traduction de très bonne qualité), le lecteur, emporté par les aventures d’une héroïne très attachante, meurtrie, qui accède à la liberté de conscience, de pensée, d’expression mais aussi à la liberté d’aimer, ce lecteur, donc, va pouvoir réfléchir à toutes les formes de tyrannie. En refermant Delirium, après avoir assisté à une fin en apothéose digne d’une tragédie Shakespearienne, il ne pourra s’empêcher d’être soulagé. Gageons qu’il ait même envie de défendre un certain nombre de ses droits pour éviter de subir la loi de la terrible société proposée par ce roman édifiant et envoûtant !