Ma vie sans mes parents

Ma vie sans mes parents
Myriam Gallot
Syros, 2016 (Tempo)

Un roman sobre et brillant

Par Caroline Scandale

Afficher l'image d'origine Éléonore découvre un petit chat sur son balcon. Il appartient à son voisin de palier, un vieux monsieur très seul, prénommé Aimée. Dès lors se tisse un beau lien d’amitié, entre l’homme âgé et la jeune fille. Sa solitude rencontre celle d’Éléonore, dont les parents sont boulangers et travaillent énormément.

La vie suit son cours et la mort survient. Passée la tristesse, l’existence reprend du sens, surtout lorsque l’on est une jeune ado de 12 ans, bien entourée, épanouie et prête à croquer la vie.

Les valeurs de l’amitié, de la rencontre et des plaisirs simples sont mises en avant. L’héroïne et tous les protagonistes du roman ont des préoccupations saines et une vie normale, qui fait écho à celle des adolescents.

Le sujet est profond mais il est traité si délicatement que le roman n’est jamais triste longtemps. Il propose, au contraire, une vision optimiste de l’adolescence. De sa plume délicieusement littéraire, Myriam Gallot signe un récit ultra délicat sur l’importance du lien intergénérationnel et du lien entre l’homme et l’animal, deux thèmes qui lui tiennent à cœur.

 

Dysfonctionnelle

Dysfonctionnelle
Axl Cendres
Sarbacane (Exprim’), 2015

« Même avec une chose qu’on croit perdue, on peut faire quelque chose de merveilleux »

Par Caroline Scandale

dysfonctionnelle axl cendres sarbacane

Le secteur littéraire pour grands adolescents explose actuellement. Ces œuvres ont un goût de liberté en adéquation avec l’esprit de la jeunesse, insaisissable et peu fidèle. Dysfonctionnelle et la collection Exprim’ incarnent la quintessence de ce secteur aux frontières incertaines.

Ce roman raconte l’histoire de Fidèle, alias Fifi, alias Bouboule, qui grandit dans une famille dysfonctionnelle… Foutraque quoi! Bancale, atypique, défaillante, non conventionnelle… Une jolie smala infiniment aimable. Dans cette famille, Fidèle dénote avec son QI hors norme et sa mémoire photographique exceptionnelle. Cela la propulse d’ailleurs dans un lycée parisien prestigieux où elle rencontre l’amour en la personne de Sarah.

Premier dysfonctionnement, son père enchaîne les allers-retours en prison. Deuxième dysfonctionnement, sa mère alterne les séjours en H. P. et ceux à la maison.

Fidèle grandit auprès de sa grand-mère kabyle, l’adorable Zaza, ses sœurs Dalida, Maryline et Alyson ainsi que ses frères, JR, Grégo et Jésus. Cette fratrie est constituée d’êtres tous plus différents les uns que les autres. Ils vivent à Belleville, au dessus du bar Le bout du monde, tenu par leur père et son frère. Sa vie est calée sur celle du bar et les soirées-match, en compagnie des habitués.

La mère de Fifi, qui a survécu à l’enfer des camps de concentration, vit dans sa chambre, protégée du monde. Elle se cultive avec sa fille brillante, qui lui fait découvrir l’Art grâce à des reproductions de tableaux en cartes postales. Plus tard, elle lui fait même découvrir Nietzsche…

L’histoire n’est pas écrite de façon chronologique. La narration est celle d’une adulte de trente ans qui se souvient mais la chronologie de ses souvenirs est déstructurée jusqu’à ce qu’elle aborde ses années-lycée.

Le contraste entre l’histoire loufoque, les sujets graves et le traitement optimiste est plaisant. Les personnages sont très attachants.

Un basculement dans le récit nous fait passer du rire aux larmes (de crocodile!) dans les cinquante dernières pages… Soudain plusieurs évènements nous rappellent que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. La trentaine apporte à Fifi, son lot de peines, de questionnements, de pertes, de doutes. Il est temps de faire le choix le plus important d’une vie. L’amour est un bon guide.

A la dernière page, on retrouve une Fifi apaisée qui déguste, comme dans son enfance, du pain perdu. Elle songe que « même avec une chose qu’on croit perdue, on peut faire quelque chose de merveilleux« . Cette phrase, qui est la devise positive de l’héroïne, clôt joliment le récit. Elle confirme, au lecteur ému, l’évidente beauté de ce roman.

Les Petites Reines

Les Petites Reines
Clémentine Beauvais
Sarbacane, 2015

Des héroïnes réjouissantes!

Par Caroline Scandale

Les petites reines est un roman drôle, profond et féministe.

Couv_Les-petites-reinesMireille, l’héroïne, est élève dans un lycée, à Bourg-en-Bresse. Malo, qui était son meilleur ami à l’école primaire, l’a depuis reléguée dans le camps des vilaines pas fréquentables et l’a même élue boudin de bronze sur les réseaux sociaux. Son père, l’actuel mari de la présidente de la République Française, ne sait pas qu’elle existe. Sa mère, n’est pas vraiment maternelle. Elle pourrait voir la vie en noir mais non, elle est consciente des points faibles de son existence et veut aller de l’avant. Pour conjurer l’odieuse élection qui les a propulsées boudins de l’année, Mireille, Astrid et Hakima décident de rallier la capitale, à vélo, en vendant des boudins végétariens. Pour cela, elles seront accompagnées par le Soleil, grand frère d’Hakima, handicapé depuis la guerre en Afghanistan, beau comme un dieu (enfin comme un soleil d’où son nom…) mais surtout d’une profonde sagesse et d’une grande ouverture d’esprit. Ce périple en direction de l’Élysée sera l’occasion, pour les quatre protagonistes, de se réaliser et aussi de se muscler, ce qui n’est pas négligeable!

L’héroïne, Mireille, est l’incarnation de la lycéenne équilibrée et intelligente. Consciente que l’essentiel est ailleurs, elle ne se laisse pas abattre par cette élection ridicule. Elle entraîne avec elle, les boudins d’argent et d’or, Astrid et Hakima. Leur périple à vélo n’est pas une fin en soi, leur but, à chacune mais aussi au Soleil, est de faire éclater leur vérité au fameux barbecue de l’Élysée. Et ce qu’ils ont sur le cœur, est autrement plus important, que des stupides critères de beauté et de popularité.

Ce voyage initiatique est une suite d’aventures plus croustillantes, drôles et féministes, les unes que les autres; L’épisode du bal de l’ENSAM à Cluny vaut son pesant d’or; La blogueuse féministe qui cherche à obtenir des témoignages de leurs parts qui iraient dans le sens de la lutte des femmes, mais qui n’y arrive pas; BFMTV qui couvre leur périple tant le phénomène enfle et entretient le buzz médiatique… Tout est plausible et vraiment juste!

Les petites reines est un roman qui fait du bien et qui donne envie de s’identifier à ces héroïnes non stéréotypées. Mais au delà de ça, il s’agit surtout d’un grand roman. Respect Clémentine Beauvais!

Et pour voir ce qu’en dit la presse, très intéressée, et les autres blogs, voir sur le site de l’auteure

Bonjour, les vaches!

Bonjour, les vaches!
Yuichi Kasano

L’école des loisirs, 2013

Vachement bien!

Dites-le… Vous pensez que les vaches ont l’œil bovin sont bébêtes et lymphatiques… Détrompez-vous! Elles ont tout compris…

Les six vaches de monsieur Hinoda, croquées par Yuichi Kasano, ont la chance d’être élevées dans une petite ferme japonaise, en liberté, où elles ruminent sans rancune…

Dans cet album, les illustrations sont nettes et épurées et s’harmonisent parfaitement aux couleurs contrastées. Le tout transcrit un univers serein et une ambiance calme, à contre courant de notre société, pressée et surproductive. Nos bovidés prennent le temps de vivre, joyeusement, simplement comme un pied de nez à ceux qui les méprisent…

Le jour du slip, Je porte la culotte

Je porte la culotte / Le jour du slip
Thomas Gornet / Anne Percin
Le Rouergue, Boomerang, 2013

A pile ou face…

Par Caroline Scandale

La collection Boomerang porte bien son nom.  A l’image de l’arme aborigène, le livre doit être retourné pour être lu en entier et chacun des romans qui la composent peut se parcourir dans les deux sens, de façon indépendante et complémentaire. Les deux histoires se rejoignent au centre du livre et reposent sur deux points de vue qui s’inversent lorsque l’on retourne l’objet livre. Ainsi le jeune lecteur est acteur du renversement magique de la réalité…

Dans Le jour du slip/Je porte la culotte, Anne Percin et Thomas Gornet croisent leur plume pour se glisser dans la peau d’un personnage du sexe opposé. Grâce à eux nous investissons tour à tour le cerveau de Corinne qui se réveille un matin dans le corps de Corentin et celui de Corentin qui se réveille dans le corps de Corinne. Les deux points de vue croisés mettent en exergue le décalage entre l’identité de genre et les attentes ultra stéréotypées de la société (de la maîtresse, de la classe…) en fonction du sexe. 

Cet ouvrage est très intéressant tant sur la forme que sur le fond. Son titre efficace et un brin provocateur fait sens pour les adultes ( l’expression courante « porter la culotte » et la référence inversée à la journée de la jupe…) et surtout, surtout, surtout, donne envie aux filles et aux garçon de lire ce roman…

Mon père est une saucisse

 Mon père est une saucisse
Agnès de Lestrade
Rouergue, Dacodac, 2013

 

Deviens ce que tu es…

 Par Caroline Scandale

 

Le père de Séraphine s’ennuie profondément dans sa vie d’expert comptable. Décidé à changer de voie professionnelle, il annonce à sa famille interloquée qu’il veut devenir comédien. S’en suivent de vives réactions et de l’incompréhension mais au final tout le monde soutient ce papa et mari hors norme et fantasque… Il débute tout de même sa carrière d’acteur en incarnant une saucisse Knacki!

Ce petit roman sur l’accomplissement de soi délivre une belle image de la famille et de la relation père-fille. De surcroît, Il montre en filigrane la difficulté à sortir du système surtout par temps de crise… L’antithèse du titre reflète parfaitement l’image que la société ou la famille se fait d’un homme non carriériste qui préfère s’accoutrer en chipolata pour une publicité plutôt que de brasser les chiffres dans son cabinet de comptable.

 Un roman nietzschéen dès 7 ans!

 

 

 

Trop parfaite!

 

Trop parfaite!

Gigliola Alvisi

Traduit de l’italien par Françoise Liffran

La joie de lire (Hibouk), 2013

trop parfaiteBienvenue chez les ch’tis apuliens!

 Lucrezia est une jeune milanaise huppée à l’éducation parfaite. L’été de ses treize ans, elle est obligée de passer ses vacances chez sa tante des Pouilles, qu’elle ne connait pas. Elle découvre alors le sud de l’Italie que de nombreux « nordistes » aiment mépriser… L’antagonisme nord/sud italien est subtilement abordé.

L’héroïne découvre une vie aux antipodes de la sienne. Nourrie sainement depuis sa naissance, elle est initiée aux mets généreux. Élevée dans le calme et la retenue, elle est immergée dans une famille sanguine, au verbe haut, dont le quotidien tourne autour des allers-retours à la plage familiale. Elle découvre enfin et surtout la chaleur d’une maman imparfaite mais idéale à bien des égards…

Ce roman aborde également des sujets beaucoup plus graves, tels que le viol, le deuil d’un enfant, le secret de famille… Cela peut paraître un peu excessif pour un seul roman mais l’auteure réussit à construire une histoire cohérente et succulente comme un pain ciabatta arrosé d’huile d’olive.

Quand j’étais cagibi

Quand j’étais cagibi
Hélène Gaudy, Emilie Harel
Rouergue, Zig Zag, 2013

Le refuge

Par Caroline Scandale

quand j'étais cagibi

Personne ne veut m’écouter? Très bien! Vous ne m’entendrez plus! Je vais de ce pas m’enfermer dans le cagibi et plus rien ne m’en fera sortir!
Ainsi pourrait être résumée la pensée de la jeune Amy, qui face à une famille qui se désintéresse d’elle, décide de se créer un petit cocon de solitude… Dans le cagibi.

Avec toute la fougue qui caractérise les enfants, elle décrète dans un premier temps ne plus jamais vouloir en ressortir puisque ses parents et sa grande sœur la délaissent, empêtrés dans le quotidien et les problèmes « de grands »… A partir d’aujourd’hui plus question de l’appeler Amy, son nom est cagibi!

Cette petite fugue, connue de tous et au sein même de sa maison, lui permet d’abord de rassembler ses esprits, de pleurer puis de se ressaisir… Disparaître pour mieux exister! Plus encore, ce petit havre de paix, sombre mais débordant de vivres et d’objets joyeux (bateau gonflable, guirlande de Noël…) lui donne la possibilité d’écouter la maison respirer. Cette petite rébellion oblige la famille à se remettre en question et l’amour reprend le dessus. Le cagibi devient même le refuge de tous les membre du foyer et un lieu de discussion improvisé dès que le besoin s’en fait sentir…

Cette petite chronique familiale nous fait réfléchir à l’importance de l’écoute et du dialogue.  Ce petit roman illustré est une excellente surprise, une petite pépite poétique d’une grande douceur…

La décision

La décision
Isabelle Pandazopoulos
Gallimard jeunesse, Scripto, 2013

Genèse d’un abandon

Par Caroline Scandale

la décisionLouise, brillante élève de Terminale, demande à sortir de son cours de mathématiques. Elle accouche quelques instants plus tard, dans les toilettes du lycée… Elle ne se savait pas enceinte.

Louise est un personnage assez énigmatique et finalement peu attachant. Hormis qu’elle est une fille belle et intelligente à qui toutes les filles rêvent de ressembler et avec qui les garçons veulent sortir, on ne sait pas grand chose d’elle… Louise se livre peu. Désincarnée, elle pense qu’elle n’est qu’une image, une illusion… Une vie a poussé en douce dans son ventre. Comment cela a-t-il pu arriver?

La réponse est à la fois simple et tragique… Elle a été victime de la drogue du violeur. Dans ce contexte là, comment créer un lien maternel avec son bébé? Elle ne l’a pas désiré, ne l’a psychiquement pas porté ni accouché, son cerveau ayant poussé le déni au point de lui faire perdre connaissance au moment de le mettre au monde?

Dès lors la décision de le confier à l’adoption ou non est déjà prise… Le foyer des mères-filles, les tentatives de prendre ses responsabilités de maman et de se rapprocher affectivement de son enfant sont vouées à l’échec… Si on ne nait pas mère, on ne le devient pas forcément non plus.

Un livre pudique pour un sujet hautement tabou, qui brise le mythe de l’instinct maternel quitte à bousculer les convenances et à mettre mal à l’aise. Les récits entremêlés des acteurs du drame et la voix de Louise qui tarde à se faire connaître sont autant d’éléments distanciateurs qui permettent au lecteur de prendre un peu de recul face à sa souffrance, et à celle du petit Noé, qu’on imagine abyssale.

On peut rapprocher ce récit douloureux du roman graphique de Rascal, Angie M, paru chez l’édune, confrontant un policier silencieux et une jeune fille mutique autour d’un cas d’infanticide.

L’âne Trotro ; Zaza va sur son pot

trotroL’âne Trotro; Zaza va sur son pot
Bénédicte Guettier
Gallimard jeunesse, Giboulées, 2013

Ploc… Pssiiitt… Prout!

Par Caroline Scandale

La petite sœur de Trotro est grande! Ses parents ont décidé de ne plus mettre de couches à Zaza mais le problème est qu’elle ne sait toujours pas se servir de son pot… Les situations cocasses de pipi-caca s’enchaînent. Trotro se moque gentiment d’elle, alors Zaza, vexée, s’énerve et lui répond qu’elle n’est pas un bébé! Du coup, pour le lui prouver, elle fait enfin ses besoins dans le pot en s’exclamant fièrement: « Grande Zaza »! Toute la famille la félicite. Zaza n’est plus vraiment un bébé mais une petite fille sur le chemin de l’autonomie.

L’apprentissage de la propreté est une étape-clé du développement psychomoteur des enfants. Cet album l’aborde de façon très amusante et en plus, c’est son papa qui lui donne le bain!