Plus haut que les oiseaux

Plus haut que les oiseaux
Eric Pessan
Ecole des loisirs, Medium, 2012

Vertiges ?  Non !  Trop gentil !

Par Maryse Vuillermet

plus haut que les oiseaux imageUn premier roman jeunesse d’un écrivain qui écrit habituellement pour les adultes. C’est l’histoire d’un adolescent de cité qui  a pour habitude de grimper sur le toit de l’immeuble avec ses amis. Mais   il se tord de culpabilité parce qu’il a commis un acte très grave, le suspens dure assez longtemps,  le lecteur pense que c’est un crime ou que son ami qui aime s’approcher trop près du bord est tombé, enfin,  on apprend qu’ils ont jeté des bouteilles de bière vides et que l’une d’elle a blessé gravement le jardinier, il est dans le coma. Le héros s’exprimant à la première personne du singulier, nous fait part de son immense sentiment de culpabilité d’autant plus qu’il étudie avec un professeur merveilleux le roman de Dostoïevski,  Crime et châtiment qui traite justement de la culpabilité.

On n’accroche pas vraiment à cette histoire, le crime n’est pas si horrible ! Le héros est un jeune parfait, il ne boit pas, lit ses livres d’école,  a des parents très gentils… un professeur de français qui donne des vrais cours de littérature ! Un modèle !

A la fin,  n’y tenant plus, il s’apprête à se dénoncer mais,  au dernier moment,  le jardinier sort du coma et ô miracle,  tout est résolu, l’enquête policière s’arrête, et il n’est pas obligé de se dénoncer ! Pas très moral !

De plus,  il se met  soudain à militer activement avec son père,  comme pour se racheter mais sans que le texte ne nous y ait préparé ou n’ait expliqué pourquoi.

La Bande à Grimme

La Bande à Grimme
Aurélien Loncke
L’école des loisirs (neuf), 2012

Conte de Noël

Par Anne-Marie Mercier

la bande a grimmeLes personnages de ce court roman, une bande d’enfants errants et voleurs grelottant de froid sous la neige, ont peu à voir avec les contes de Grimm malgré le titre et les allusions fréquentes à cet univers. On est dans un récit réaliste, entre Oliver Twist, conte de noël et roman policier où les petits luttent (avec succès) contre une bande de méchants très affreux qui ont enlevé un illusionniste – ou un magicien – qui faisait leurs délices.

L’histoire est charmante, les enfants attendrissants, cela fait un très joli récit volontairement naïf où les allusions à d’autres histoires connues sont semées comme des petits cailloux, mais un peu gratuitement.

Le Garçon qui volait

Le Garçon qui volait
Jean-Claude Mourlevat
Gallimard (folio junior), 2012

Par dessus les toits, loin du cirque du monde…

Par Anne-Marie Mercier

legarconquivolaitDans la grande tradition des enfants qui partent à l’aventure, le  jeune Tillmann Ostergrimm, s’enfuit et se retrouve dans un cirque  (on pense à Jean-Paul Choppart, à Pinocchio…). Il fuit à quinze ans son père autoritaire et le destin tout tracé qu’il lui impose.

La réalité du cirque s’avère très décevante. Il est montré comme un phénomène et y est malheureux, comme ses amis : la femme minuscule, la femme énorme, le colosse, la calculateur de génie… Révolte, fuite à nouveau, trahison, retrouvailles, l’histoire est pleine de péripéties et tout rentre dans l’ordre, avec de l’amour en plus du côté paternel.

La grande originalité de l’histoire réside dans le talent qui fait que le jeune homme est « recruté » (dans un café, comme on enrôlait autrefois les soldats), talent qu’il découvre au moment de sa fuite : il peut voler. L’alliance entre l’idée de fugue et celle de légèreté est belle. Le talent de Mourlevat fait qu’il sait ne pas abuser des scènes où le « pouvoir » du garçon est mis en œuvre. Ainsi, ce qui pourrait paraître comme une facilité est un ressort de poésie pour un récit initiatique charmant.

Ecoute battre mon coeur

Écoute battre mon cœur
Nathalie Le Gendre
Flammarion, Émotions, 2012

Nouvelle Star

Par Caroline Scandale

écouteDe plus en plus, la littérature jeunesse puise ses influences dans la musique. On pense notamment aux romans de l’excellente collection Exprim’. Comme elle, mais en moins radicale, la collection Émotions s’approprie quelques uns des codes actuels en matière de romans pour jeunes adultes. Le dernier opus littéraire de cette collection, Écoute battre mon cœur, débute par une playlist que les lecteurs peuvent facilement se constituer sur Deezer, service d’écoute de musique à la demande (en « streaming »). Cette bande son est censée refléter la rythmique et l’ambiance du roman. Elle donne une dimension supplémentaire à l’histoire, en entremêlant réalité et fiction…

Lula l’héroïne de ce roman et son grand frère Phil vibrent et respirent musique, comme leur papa professeur de musique. Comme lui, ils sont muselés par une mère angoissée et tyrannique. Phil déjà majeur, est le premier à se libérer de ses chaînes et à partir vivre de sa passion, le rock, à Paris… Reste Lula, 17 ans, lycéenne brillante et musicienne virtuose, obéissante mais aussi pleine de fougue et d’envies… Depuis le départ brutal de ce frère aîné quelques années plus tôt, sa mère s’oppose plus que jamais à ce que sa fille, pourtant si douée, devienne artiste…

Heureusement, la vie est bien faite… Elle autorise enfin Lula à partir seule chez sa meilleure amie, à Paris, lors de vacances scolaires. A cette occasion, elle découvre avec enchantement la vie d’artiste « underground » grâce à son grand frère et elle fait la connaissance de Mathias, jeune violoncelliste virtuose et passionné comme elle… Goûter à la liberté et à l’amour provoque un tsunami dans la vie de la trop sage Lula… Le retour au bercail n’en est que plus douloureux.

Ce roman devrait beaucoup plaire aux ados pour qui la musique est un refuge car l’auteure ne cesse de convoquer au fil des pages, des morceaux ou des artistes reconnus. Elle s’est d’ailleurs très certainement inspirée d’Izia, fille de Jacques Higelin, jeune et géniale rockeuse, pour créer son héroïne.

L’écriture est fluide et rythmée. La psychologie des personnages est intéressante, notamment celle de la mère. Même si sa personnalité extrême dérange, elle reflète avec justesse l’attitude mortifère de certaines mères névrosées. Petit bémol tout de même autour d’un paradoxe majeur… La raison est incarnée par une maman qui déraisonne et la passion par une ado trop sage. En effet, Lula est à mon goût (de trentenaire fan de Virginie Despentes et D’Antoine Dole… ) un peu trop raisonnable et soumise et le « happy end » final un peu inattendu, mais n’est-ce pas ce qu’on attend d’un gentil roman de littérature jeunesse?

Cher Dylan

Cher Dylan
Siobhan Curham
traduit de l’anglais par Marie Hermet
Flammarion, 2012

Un produit bien calibré

Par Christine Moulin

9782081264809_1_75Tous les ingrédients d’un roman sentimental (mais sentimental de chez sentimental, comme on ne dit déjà plus aujourd’hui…) sont là : une héroïne belle, courageuse, drôle, douée (pour la comédie musicale), qui ne « se la raconte pas », exempte de tout défaut, bref, merveilleuse, Georgie ;  le souvenir d’un père beau, drôle, doué, tendre, bref, merveilleux ; une mère fragile et émouvante mais complètement dépassée par les évènements ; une petite sœur mignonne à croquer ; un beau-père odieux ; une fausse amie, odieuse ; une véritable amie, merveilleuse (lisez le début, vous comprendrez) ; un faux amour, pas odieux, vite expédié ; un véritable amour, merveilleux, Jamie. Le tout sur fond de répétitions théâtrales. Le tout assaisonné de préceptes éclairants : « ne perds pas de vue qui tu es » (c’est l’italique qui fait la profondeur du message), « chaque page assombrie par une tragédie est suivie par une page de bonheur », « n’abandonnez jamais vos rêves »… Le tout sur fond de problèmes sociaux : la maltraitance, l’alcoolisme, les femmes battues. Le tout sous forme de roman épistolaire par mails (ce qui ajoute parfois du piment au récit, dans la mesure où Georgie n’a pas toujours accès à un ordinateur).

Allez, comme on dit encore, « ça mange pas de pain »: les filles de 6e vont adorer. Et pourquoi pas, au fond, pourquoi pas?

Douce nuit minus

Douce nuit minus
Sylvie Deshors
Rouergue, Doadonoir 2012

Le père Noël est passé quand même!

Par Maryse Vuillermet

douce nuit minus imageUn peu en retard pour cette chronique que j’aurais dû rédiger pour le 24, mais,  comme dans le livre, le père Noël passe en retard sur ce site. En effet, je vais en dire du bien,  comme je l’ai déjà fait pour Fuite en mineur et L’inconnue des Andes du même auteur.  L’histoire nous rappelle que le soir de Noël,  dans beaucoup de familles et comme pour La petite marchande d’allumettes, il n’y a pas de cadeau, la crise, le chômage longue durée sont passés par là et  pourtant,  les centres commerciaux brillent de tous leurs feux.  La mère d’Aurélien, désemparée,  a donc volé pour lui une vidéo et s’est fait prendre par le vigile. Aurélien a réussi à s’échapper, il erre dans la nuit du 24 et échoue sous un  rocher,  sur la plage ; il y rencontre un drôle de SDF,  Nasta, paumé, psychotique qui lui propose d’aller percer de sa lance tous les pères noëls accrochés aux balcons des riches.  L’histoire commence donc  dans un mélange doux amer de révolte et de drôlerie. Mais le duo rencontre un autre paumé, Norg. L’ambiance change, il les emmène dans son blockhaus, se débarrasse de Nasta et kidnappe Aurélien.

S’en suit un thriller assez haletant, dans une bergerie perdue (encore une référence à Noël ?). Mais pas d’enfant Jésus dans l’étable, seulement un couple de très violents voyous alcooliques et sans scrupules qui séquestrent  déjà un vieillard  pour profiter de ses économies. Tout au long de son aventure, Aurélien se sert de ses références  livresques venues du monde des Manga, elles l’aident à ne pas perdre confiance.

Mais l’histoire se terminera par une série de cadeaux avec seulement quelques jours de retard ! Une bonne histoire qui se lit très vite, et un personnage attachant, malgré  son extrême pauvreté, il aime la vie, sa mère, ses mangas, sa ville…

Infiltrés

Infiltrés
Laurent Queyssi

Rageot (Thriller), 2012

Hacker : l’union du livre et de l’écran

Par Matthieu Freyheit

InfiltrésLes personnages ont leurs classiques ; le roman de Laurent Queyssi pourrait en donner un au hacker, pourvu qu’il ne soit pas noyé dans l’immense océan de la littérature de jeunesse. À vos librairies donc, voilà un livre à lire.

Adam, adolescent hacker, réussit à la suite d’un pari une passe informatique dont il se souviendra. Pour cause : elle est à l’origine de son enlèvement et d’une succession d’aventures qu’il n’avait ni cherchées, ni souhaitées. Espionnage, argent, haute technologie et, surtout, menace pour l’humanité, tout est là, contemplé depuis la hauteur réduite d’un héros rivé à son fauteuil roulant. Nous n’échappons certes pas à un certain lot de clichés et à une extrapolation des motifs qui n’aurait pas été toujours nécessaire. Mais enfin, l’auteur fait ici le compte de ce qui fonde l’imaginaire du personnage de hacker et les restitue intelligemment ; et avec style.

Comme nombre de hackers de la production romanesque, Adam est un petit génie de l’informatique, et sa passion l’entraîne bientôt au-delà des limites qu’il s’était fixées, au-delà des fictions qu’explorent les jeux vidéo en ligne dont il se repaît. Attention pourtant ! Adam n’est pas un héros adolescent comme les autres. Non pas qu’il soit plus doué sur son clavier d’ordinateur, pas non plus qu’il soit, handicapé, cloué à son fauteuil quand son frère parade en skate dans les rues de la ville. Non, tout ça est somme toute assez banal. Mais Adam est bon élève, a une mère professeur de lettres, et résout une importante énigme en faisant appel à ses souvenirs de lecteur et à la fameuse Lettre volée d’Edgar Allan Poe. Si ça vous épate, moi aussi. L’opposition classique entre l’écran et le livre est enfin balayée par un auteur qui, dans une morale scolaire sans doute plus originale que les marges contre-culturelles trop à la mode, a la finesse de rapprocher les contraires et de rappeler au passage que oui, la lecture c’est aussi bien pour les garçons.

On regrette peut-être un manichéisme qui ne rend pas compte de la réalité du hack : car le cracker est l’autre visage du hacker, et mériterait, simple pincée de mister Hyde dans ce docteur Jekyll de la toile, d’être restitué pour une figure plus complexe. Cela reste cependant peu de choses devant un roman brillant au style enlevé et, pour ne pas se perdre en palabres, véritablement réussi.

Holden, mon frère

Holden, mon frère
Fanny Chiarello
L’Ecole des Loisirs, 2012

La joie de lire !

Par Christine Moulin

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Sous forme de roman et pour les plus grands, Holden, mon frère, rappelle, par son thème, l’album  Arrête  de lirede Claire Gratias: « un » Kévin (14 ans), représentant de tous les Kévin, comme l’indique la dédicace, incarne le salut par la lecture, malgré les prétendues pesanteurs sociales et l’hostilité de son milieu où « à part le programme télé, aucun livre plus compliqué que les dépliants Lidl n’a jamais pénétré ».

Une différence, toutefois: il n’est pas amoureux des livres dès le départ et c’est bien son initiation aux délices de la bibliothèque que raconte le roman. Roman placé sous le signe de L’attrape-cœurs, tout comme Caulfield, sortie interdite. Il n’en a pas la noirceur mais la situation de départ ne fait pas dans la guimauve: dès les premières lignes, on apprend que le père de Kévin est « parti avec la BMW, on ne sait pas où ni pour quoi faire ». Le style, gouailleur, « gavrochien » (cet adjectif n’existant pas, je l’invente) fait merveille et permet de décrire sans sensiblerie le quotidien du héros: il arrive assez fréquemment à son « géniteur » de lui « raviver les couleurs », sa mère pleure tout le temps et ne supporte plus que « l’on sature son périmètre », si bien qu’il est condamné à errer hors de chez lui pendant les vacances. Côté « copains », ce n’est guère mieux:   dans sa classe, il y a Guillaume et Brandon, qui ont « pris leur première cuite ensemble au CM2 » et Loïc Huc dont « le vigoureux coup franc » explique l’incise fêlée de Kévin. Heureusement, il y a aussi Damien, le grand pote, le bègue de la classe, la tête de Turc, qui participe en classe, a toujours de bonnes notes et qui est doté d’un humour ravageur.

Quand démarre l’histoire, ce sont les vacances d’hiver : Kévin renonce à la galerie du supermarché, où il est en butte aux moqueries de « types qui y traînent » (« Ils ont un don effrayant pour trouver des mochetés à strictement tous les gens qui traversent leur champ visuel […] la finesse de leur observation est la science de toute une vie ») et se réfugie dans la bibliothèque municipale. Au début, impressionné, il manque de « se tenir la porte de sortie à lui-même »! Puis il navigue jusqu’au rayon des mangas, en prend un et l’ouvre à la dernière page, car comme il l’indique lui-même, il est « au courant de certaines pratiques »! Ensuite, il cache dans Le Grand livre des motos des albums de Schtroumpf. La façon dont il explique sa prédilection pour les « petits bonshommes bleus » donne la mesure de la tendresse et de la compassion tout en retenue dont l’auteur fait preuve à l’égard de son personnage: « Ils chantent, ils dansent, ils se goinfrent de salsepareille et ils font tout en groupe malgré leurs différences; aucune menace sérieuse ne pèse sur eux, parce qu’ils sont serrés tous ensemble face au reste du monde ».

Dans ce havre de paix, Kévin va retrouver Laurie, la « fayotte » de la classe et rencontrer une « mamie à pattes d’eph et chignon gris », Irène, ancienne directrice de la bibliothèque, ennemie (nul n’est parfait…!) des séries américaines. Il va tisser avec elles des liens d’affection et de complicité, autour, notamment de la lecture d’un roman, L’attrape-cœurs, donc, dans lequel est il est tout surpris de découvrir des passages qu’on ne « s’attendrait pas à trouver dans un livre » et qui, par petites touches, au fil de sa lecture, sera très finement analysé.

Rien n’est pour autant caricatural. Le roman n’est pas seulement un plaidoyer évanescent pour la lecture. Le ton est âpre. « Super Mamie » est menacée par ses propres enfants qui veulent la faire « placer », dans un de ces établissements où l’ « on suit des initiations à l’amertume et à la résignation, […] tous les matins entre l’atelier canevas et la bouillie-bavoir ».  La description de la vie de Kévin l’ancre dans une réalité sociale  dure et violente. Mais tout est si drôle! Par exemple, la mère de Kévin, excédée, lui donne une gifle qui va l’expédier aux urgences. « Parcourue de frissons tellement énormes que ça la décoiffe », elle va chercher du Sopalin. Et Kévin de noter: « Je crois moyennement aux vertus curatives du Sopalin »… Toutes les scènes familiales sont à l’unisson. Et puis, on se rend compte, page après page, que le thème n’est pas tant la lecture que les différences socio-culturelles: lire, bien parler, c’est trahir, dans certains milieux et Kévin, à la suite d’un concours de circonstances, est amené à prononcer à ce sujet un beau discours plein de nuances.

C’est que l’auteur nous livre (sans doute?) son credo, par la voix d’Irène: « […] les œuvres littéraires n’ont pas pour vocation de dire la vérité. Elles comportent pour la plupart une forme de morale, mais rarement de manière explicite. Elles laissent au lecteur la liberté de lire entre les mots, de tirer ses conclusions des divers éléments qui lui sont présentés, et de faire lui-même la balance entre le bien et le mal. En particulier quand il s’agit d’un roman à la première personne. Le narrateur n’est pas forcément le porte-parole de l’auteur ». Passage un peu paradoxal, certes, car il chante de façon très explicite et didactique les vertus de l’implicite… Il a toutefois le mérite de rappeler qu’un roman ne délivre pas de leçon. Or, quand on aborde le thème de la lecture, les tendances éducatives ne sont jamais loin… Elles s’éloignent, dans ce roman émouvant, quand on lit de belles phrases toutes simples comme celle que prononce Kévin à l’idée de retrouver Holden, son « pote »: « Je serai toujours seul, mais moins » ou quand les dernières lignes esquissent un vibrant hommage aux mots qui ne servent pas seulement à s’échapper, à « s’évader » comme on dit trop souvent, mais qui « donnent un réel pouvoir, […] trouvent un écho dans le monde qui [nous] entoure ».

Si vous avez aimé ce livre, vous aimerez :
Les tartines au ketcheupede Marie-Sabine Roger et Pirate des garages vides, de Corinne Lovera-Vitali.

L’avis nuancé de Ricochet.

Mon coeur dans les rapides

Mon cœur dans les rapides
Ahmed Kelouaz        
Rouergue, 2012

Amours de jeunesse

Par Maryse Vuillermet

mon ceour dans les rapides imageUne jolie histoire d’amour, sensible et  délicate, entre deux adolescents timides et un peu solitaires, Juliette et Nicolas. Elle commence dans les gorges d’Ardèche, lors d’un camp de canoës, dans un décor enchanteur de rivières, de vieux villages et de soleil d’été. Elle souligne le contraste entre les deux amies, Juliette qui ne connaît pas l’amour et en découvre les émois et son amie Léa qui collectionne avec bonne humeur les rencontres et les aventures amoureuses.Et miracle, l’amour de Juliette vient à bout des angoisses de Nicolas.

Ahmed Kelouaz nous avait habitués à des récits plus durs et plus noirs, (voir sur ce site La première foison pardonne et Je préfère qu’ils me croient morts)

 Cette parenthèse lumineuse est reposante mais assez vite oubliée.

Kill all enemies

Kill all enemies
Melvin Burgess
Gallimard jeunesse (scripto), 2012

Metallica comme un havre de paix

Par Anne-Marie Mercier

C’est d’abord Billie qui prend la parole. Le lecteur francophone met un peu de temps à comprendre que ce personnage violent est une fille. En décrochage scolaire, placée en foyer, elle vit sa dernière chance avant le centre fermé pour adolescents. Puis c’est au tour de Rob, un garçon un peu trop enveloppé, qui adore sa mère, est martyrisée par son beau-père et par les autres élèves de son collège. Il n’a qu’une passion dans la vie, la musique « metal ». Chris à une vie plus normale, il vit avec un père et une mère aimants et soucieux de son avenir mais il refuse depuis plusieurs années de rendre des devoirs écrits. Ces trois adolescents en échec scolaire vivent tout au long du roman des événements de plus en plus graves qui les conduisent à se retrouver ensemble dans un centre ouvert pour adolescents difficiles. A ces points de vue alternés qui se succèdent d’un chapitre à l’autre s’ajoute celui d’une éducatrice qui suit Billie depuis longtemps; sa perspicacité lui permet de comprendre ce que vivent les deux garçons alors que leur entourage est aveugle. D’abord ennemis, les trois adolescents s’unissent enfin pour un happy end dans lequel la musique « metal » joue un grand rôle, celle du groupe dont le nom a donné le titre du livre.

Melvin Burgess, connu pour ses romans qui dépeignent de façon crue les excès adolescents, a enquêté dans un centre pour élèves délinquants exclus de leurs établissements scolaires (voir son blog) et il propose une vision de l’école assez manichéenne : le collège des trois adolescents est incapable de les prendre en charge, méconnaît totalement la situation familiale dans laquelle ils se trouvent, ou, dans le cas de Chris, ne peut pas diagnostiquer la raison de son refus de l’écrit. À l’inverse, les éducateurs du centre sont présentés comme des professionnels dévoués, soucieux de rester des professionnels tout en développant pour ces enfants perdus une réelle affection.Sur son site, l’auteur explique qu’il a découvert dans cette enquête que ces adolescents n’étaient pas des losers mais des héros : ils ont d’autres soucis que ceux de l’école, des soucis graves, et sont pénalisés pour cela au lieu d’être aidés.

Entre violences scolaires et violences familiales – aussi bien psychiques que physiques – les personnages se débattent et se battent, ou sont battus. Ils sont des êtres désemparés qui s’accrochent à la moindre lueur d’espoir. Le paradoxe est que c’est un groupe de musique « métal » qui s’avérera être un lieu de douceur, de respect et de courtoisie. Le roman est un puzzle qui se construit peu à peu, entre terreur et errance, c’est un tableau dur et bouleversant d’adolescents en crise, malmenés par la vie.