Nino

Nino
Anne Brouillard
Edition des Eléphants 2021

Perdu au cœur de la forêt

Par Michel Driol

Personne n’a vu tomber Nino, le doudou de Simon, en pleine forêt, durant la promenade. Sauf Lapin, qui prend soin de Nino, et l’invite à prendre le thé. Puis c’est Ecureuil, puis les mésanges noires qui l’emmènent au sommet des arbres, d’où il peut voir son village. Et lorsque la nuit est venue, c’est Renard qui prend soin de lui, le présente à tous les animaux nocturnes, avant de le raccompagner chez Lapin, juste avant le passage de Simon et de ses parents, ravis de le retrouver et tout étonnés qu’il ne soit même pas mouillé…

Dans des images nimbées d’une douce lumière, tantôt froide et bleutée, tantôt chaude et orange, en une saison qu’on devine être à la limite entre l’automne et l’hiver, Anne Brouillard propose un récit qui flirte avec le merveilleux : des animaux aux coutumes très humanisées qui vivent dans de confortables maisons miniatures, pour tisser avec douceur et tendresse des thèmes et des valeurs qui lui sont chers. Le sens de l’accueil, de la solidarité et du soin qu’on accorde aux autres, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. Souvent sans texte, les images permettent à chaque lecteur de parcourir toute la forêt, depuis les sous-sols du terrier de Lapin jusqu’au plus haut de la canopée. Elles inscrivent le récit dans une forêt pleine de mystères, sauvage et presque infinie. La taille des illustrations varie entre la double page à l’italienne, offrant de larges et magnifiques panoramas sur la forêt ou sur le village, et des vignettes mettant l’accent sur un intérieur de maison, ou constituant de petits scripts d’action à la façon de la bande dessinée, montrant la solitude et le désarroi du doudou perdu dans la nuit de la forêt. Ce qui renvoie à deux angoisses enfantines que l’album aborde : la peur de perdre son doudou, et la peur de la nuit et de ses mystères. Le récit dédramatise ces deux frayeurs enfantines, en faisant la part belle à l’imaginaire. Le doudou est fort bien accueilli par tous les animaux de la forêt qui vivent en bonne entente, et il trouve un passeur pour lui permettre de traverser la nuit, le renard qui le promène sur son dos avec une infinie tendresse. Au fond, c’est un double récit initiatique que propose cet album. D’abord celui d’une perte et d’une retrouvaille, rassurante pour Simon, qu’on découvre, à la fin de l’album, en compagnie de Nino, dans un surprenant face à face avec les animaux de la forêt, de part et d’autre de la vitre protectrice de la maison familiale. Mais c’est surtout le récit de l’initiation de Nino, dans la forêt d’une vie à laquelle rien ne l’a préparé, mais dans laquelle il trouve des appuis bienveillants, des aides inattendues pour l’aider à surmonter l’épreuve et à en sortir grandi. Reste enfin à dire comment la poésie du texte et des illustrations sait aussi se conjuguer avec des moments pleins d’humour, comme cette conversation sur les désirs des enfants tenue dans le terrier de Lapin… Lewis Carroll n’est certainement pas loin !

Un livre qui donne vie à un drôle de doudou, corps d’enfant et tête d’animal, aux sentiments et aux émotions si humaines, un album qui fait la part belle à l’imaginaire, un album pour nous rappeler enfin à quel point nous devons vivre en bonne entente avec  la nature.

Petite mer

Petite mer
Marie Colot Illustrations de Manuela Ferry
Editions du Pourquoi pas – Pourquoi pas la terre ? 2022

La  baleine (bleue) cherche de l’eau…

Par Michel Driol

C’est d’abord un face à face entre une petite fille et une baleine, de part et d’autre de la vitre d’un aquarium géant. L’enfant ressent l’ennui de la baleine qui lui raconte sa vie d’avant, sa liberté dans l’océan. Elle tient sa promesse de tout faire pour la libérer. Devenue mère à son tour, elle raconte cette histoire à sa fille, en espérant revoir la baleine dans l’océan.

Reprenant  un des  motifs fréquents en littérature pour la jeunesse, celui de l’amitié entre un enfant et un animal, voilà un album pour sensibiliser les plus jeunes à la question des animaux en cage, des poissons en aquarium, dressés pour faire des spectacles dans des delphinariums, dont la fin est programmée par une loi en France. Il s’agit bien sûr ici de plaider pour le respect des milieux naturels, et, au-delà des problématiques actuelles sur le bienêtre animal, de dire clairement que la place des animaux sauvages n’est ni dans un zoo, ni dans un cirque, ni dans un aquarium. Le récit joue sur l’opposition entre le grand et le minuscule : la baleine gigantesque dans l’aquarium trop petit pour elle, la baleine gigantesque face à la fillette, trop petite pour la sauver à elle seule. Il joue aussi sur le contraste entre l’univers de béton et de verre de l’aquarium et la beauté évoquée de l’océan de sa lumière et de ses couleurs particulières. Il joue enfin sur l’improbable : l’amitié entre une fillette et une baleine, montrant leur communication, n’hésitant pas à les faire, d’une certaine façon, dialoguer et échanger, façon de prêter des sentiments et des attitudes humaines à l’animal. Ce qui est mis en évidence, c’est la force de l’empathie de la fillette, à la fois sa naïveté et sa spontanéité dans ses réactions face à la baleine, mais aussi sa maturité dans sa capacité aussi à mobiliser autour d’elle, en parlant de cet animal, de façon à ce que la force du collectif puisse rendre à la baleine sa liberté. Les illustrations mettent surtout l’accent sur la baleine dans son milieu naturel, envahissant tout l’espace de sa grande taille, devenant pratiquement un univers à elle seule, dans un monde de couleurs et de joie.

Un album optimiste, qui n’est pas sans évoquer par certains aspects l’Œil du Loup, de Daniel Pennac, un album qui repose sur la transmission d’une baleine à une fillette, d’une mère à sa fille, pour dire qu’il faut savoir nager à contrecourant et respecter à tout prix le vivant, les animaux, ainsi que la liberté.

Chasses aux œufs

Une Surprenante Chasse aux œufs,
Katie Woolley, Eleanor Taylor
Gallimard jeunesse, 2022

La Grande Chasse aux œufs
Rachel Piercey, Ireya Hartas
Gallimard jeunesse, 2022

Pas dans le même panier

Par Anne-Marie Mercier

De ces deux ouvrages de circonstance et sans prétention littéraire (l’un est une variation sur le monde de Pierre Lapin de Beatrix Potter, l’autre un cherche et trouve tout carton) on retient plutôt le premier : le second, La Grande Chasse aux œufs n’a de grand que le titre et le procédé qui consiste à faire compter jusqu’à vingt à chaque double page avec un support plus adapté aux petits qu’aux grands d’école maternelle est étrange. Certes, l’univers des ours qui est représenté là (c’est une série, après Promenons nous dans les bois) peut les séduire avec tous ses détails, mais les œufs y sont perdus dans la masse.

La Surprenante Chasse aux œufs qui reprend joliment un graphisme imité de Beatrix Potter justifie la recherche des œufs par la situation : Pierre a fait tomber le panier contenant les œufs en chocolat qui seront attribués à chacun lors du pique-nique de Pâques ; il doit les retrouver. La vraisemblance même relative est un peu malmenée puisque ces œufs ont abouti on ne sait comment dans des lieux bien éloignés, mais qu’importe : cela permet de visiter une maison, un magasin, une mare, encore de jolis décors et d’activer le dispositif des flaps (ou rabats) qui proposent toutes sortes de cachettes possibles, mettant le lecteur en action, comme dans une vraie chasse aux œufs – sauf qu’il n’y a pas de chocolat dans le livre.

La Main

La Main
Ronald Curchod
Le Rouergue, 2021

Nuits d’hiver

 

Par Anne-Marie Mercier

Le conte offre une variation sur le thème de la main coupée (voir la main de gloire, et autres contes fantastiques) : un marionnettiste ambulant, un soir d’hiver, perd sa main en sauvant un ours qui se noie dans un lac gelé. En remerciement, l’ours lui offre une petite fée qui sait chanter. Grâce à elle le marionnettiste connait le succès.
Si le conte aurait besoin de davantage d’éléments pour sonner vrai (oui, même un conte en a besoin), les images sont superbes.
Le texte somme toute ne semble exister que comme support à ces images. Il se déploie amplement sur des pages très aérées, où les blancs servent la temporalité du récit.
L’essentiel est donc dans ces doubles pages d’images traitées en nuances de bleus et de jaunes : elles figurent une nuit d’hiver et de neige, tantôt noire, tantôt éclairée par les derniers ou les premiers rayons du jour ; forêts, ville aux coupoles lointaines, lacs…, le paysage s’y déploie comme sur un vitrail.

Ma grand-mère

Ma grand-mère
Maria Elina
Obriart, 2022

Grand-mère, une reine sans mémoire…

Par Michel Driol

 

Léon, le narrateur, va passer l’après-midi chez sa grand-mère. Il est prévenu : elle est devenue « bizarre ». Elle l’appelle Charlie, se promène pieds nus dans la terre, alors qu’elle ne supportait pas la saleté. Elle ramasse des insectes. Elle raconte qu’elle est une reine, qui vit dans un château de 120 chambres, peuplé de 120 chats dont elle a oublié les noms… C’est alors que Charles, le père de Léon, vient le chercher.

Evoqué à hauteur d’enfant, sans pathos, sans misérabilisme, c’est la question de la perte de mémoire et de la confusion mentale qui atteint les personnes âgées qui est exposée ici. Léon accepte tout de sa grand-mère, sans se poser de questions. Elle l’entraine dans un nouvel univers, celui de ses souvenirs transformés, celui de ses nouvelles activités, celui de son discours fantasque. Léon ne perçoit pas cela comme un manque, une perte, mais plutôt l’occasion de trouver une nouvelle grand-mère. Comme elle est retournée en enfance, les deux univers, celui de la grand-mère, celui du petit fils, entrent dans une nouvelle complicité autour d’un rire communicatif. L’album évoque la capacité des enfants à accepter la dégradation de la santé mentale des adultes, à ne pas les voir comme un changement négatif, mais à pouvoir entrer dans un imaginaire plein de fantaisie et de poésie. Sans doute n’y décode-t-il pas tout. Voit-il dans les « assistants » évoqués par la reine, sa grand-mère, les infirmiers et autres aides à domicile dont elle ne peut plus se passer ? Sans doute non, mais qu’importe.  Qu’importe que la « vérité » qu’il prétend révéler sur sa grand-mère soit une fiction… Sa grand-mère le confond avec son père, qu’importe, l’essentiel est dans le temps passé ensemble, dans les activités partagées, dans l’amour familial qui unit. Léon n’a pas peur de sa « nouvelle » grand-mère, il l’accepte d’emblée telle qu’elle est. Les frontières entre le réel et l’imaginaire sont joliment abolies dans l’acceptation de l’autre tel qu’il est. Rien de triste donc dans cet album, dont les illustrations, aux tons pastels pleins de douceur, montrent deux personnages joviaux et souriants au milieu d’une nature omniprésente : plantes, insectes habitent les pages, comme une façon de dire que la vie est là. La grand-mère est souvent montrée dans des postures enfantines, assise par terre, chevauchant une chaise, coiffée d’un pot de fleurs.

Une histoire qui parle avec tendresse et émotion de la perte de mémoire et des confusions dont sont victimes nombre de personnes âgées et qui met en avant l’inébranlable complicité entre une grand-mère et son petit-fils.

Ma Matriochka

Ma Matriochka
Anne Herbauts
Casterman

Dans ma matriochka, il y a…

Par Michel Driol

Un album tout cartonné, qui a la forme d’une matriochka. En guise de pages, on soulève la tête ou la base, et on découvre un autre visage, ou d’autres pieds. Se succèdent ainsi un gros chat, une souris, un biscuit, un noyau d’abricot, un arbre. Puis les éléments se croisent, reviennent : le chat, la galette… De surprise en surprise, ce livre méli-mélo livre peu à peu les secrets de cette matriochka peu ordinaire.

C’est un album plein de la tendresse et des petits riens qui font l’enfance. Il y a d’abord ce qui se mange et qui se boit, des cerises et de la galette au chocolat chaud, comme un souvenir des gouters de l’enfance. Il y a aussi les animaux familiers, ceux des contes et des histoires plus que de la vraie vie, le chat et la souris, un chat gourmand et câlin, une souris aux bas gris, figure de la petite souris qui échange les dents contre de la monnaie ? Il y a enfin la nature, l’arbre, la lune… Tous ces éléments se conjuguent, à la fois à la manière d’un inventaire ou d’une recette du bonheur. La Matriochka, nom qui, en russe, étymologiquement, vient de mère, devient ainsi le symbole de cet amour maternel et la dédicace, aux mamans, sonne comme un hommage à leur inventivité, leur imaginaire,  leur tendresse.  L’album représente ainsi à la fois la clôture de l’univers maternel, et son ouverture vers le monde extérieur qu’il renferme, en un cercle infini. Dans la matriochka, il y a la lune et dans la lune, li y a la matriochka…

Un album plein d’originalité et de douceur pour lister les ingrédients d’une enfance simple et heureuse…

Oh ! Qu’est-ce que c’est ?

Oh ! Qu’est-ce que c’est ?
Ramadier et Bourgeau
Ecole des loisirs 2021

La chose qui venait du ciel…

Par Michel Driol

Deux chiens, Jack et Georges, tranquillement assis à l’ombre d’un arbre. Et soudain l’arrivée d’une grosse boule tombée du ciel. Et les deux amis de s’interroger sur cet étrange objet, trop mou pour être un rocher, mais boule qui roule et les entraine vers un précipice, qui les sauve en se transformant en parachute, puis en radeau, en couverture, avant de repartir vers le ciel.

Absurde et rebondissement, comique de répétition, voilà un album qui n’engendre pas la mélancolie ! La question du titre, posée à de nombreuses reprises par Georges, attire à chaque fois la même réponse de Jack : Je ne sais pas… Peut-être un…  A la fin de l’album, après de nombreuses péripéties, et transformations de l’objet, on n’en sait pas plus qu’avant, et les deux amis, comme deux personnages de Beckett, dont les rôles sont bien définis, celui qui questionne, celui qui répond, n’auront pas de réponse et continueront d’attendre qu’il se passe quelque chose. Mais quoi ? Illustré sans doute à partir de papiers découpés, avec de grands aplats de couleurs vives et gaies, en doubles pages, l’album donne à voir un monde lumineux, dans lequel s’exprime la curiosité de ces deux amis qui se laissent entrainer par cette chose venue d’ailleurs dans un voyage qui les ramène à leur point de départ. Le plaisir est dans le voyage, dans l’aventure. On ne sait pas ce que c’est, concluent les deux amis, mais c’était merveilleux. N’y a-t-il pas là comme une leçon de vie, une façon de se laisser emporter par ce qui vient sans forcément chercher à le rationnaliser ?

Une histoire pleine d’originalité, de surprises, de péripéties, qui surprendra le lecteur qui s’amusera autant des rebondissements que de l’impassibilité et du flegme des deux chiens dans toutes les situations.

Moon

Moon
Agnès de Lestrade / Stéphane Kiehl
Sarbacane 2022

Sac de nœuds !

Par Michel Driol

Le héros, Moon, est présenté comme un petit sac de nœuds, avec des parents qui l’aiment tel qu’il est, tout emberlificoté. Mais les autres enfants ne l’acceptent pas, ne comprennent pas qu’il aime leur caresser les joues. Lorsque Moon prend le chemin de la forêt, un oiseau prend ses nœuds pour des vers, un chat pour une pelote de laine, mais lorsqu’il parvient, grâce à ses nœuds, à sauver de la noyade une petite fille, le voilà reconnu et aimé par tous, tel qu’il est.

Un corps efflanqué, long, entouré de traits et de boucles jaunes, tel est Moon sur l’illustration, comme un enfant maladroit, incapable de maitriser ses gestes, sans cesse en mouvement. Moon est différent, incompris des autres qui ne l’acceptent pas, et il se sent exclu et inutile. C’est par la métaphore du sac de nœuds, de l’enfant emberlificoté dans ses problèmes que l’album évoque cette question de la différence, pour montrer finalement qu’elle n’est pas une faiblesse, mais peut devenir une force. La force de l’album est de partir dans l’imaginaire sans chercher à évoquer de façon précise un trouble précis du comportement. Cela lui donne une portée bien plus grande, car ce sont toutes les différences qui peuvent ainsi être imaginées par le lecteur. Imaginaire aussi dans la représentation de ce sac de nœuds sous la forme de traces jaunes qui envahissent l’espace, jusqu’à ce que, dans la dernière page, le jaune soit la couleur du fond de page, et que le rouge aux joues, symbole habituel de l’amour ou de l’affection, devienne aussi du jaune. Façon de montrer que c’est la différence qui enrichit si on la laisse s’exprimer. Imaginaire enfin par ce personnage complètement lunaire – d’où son nom – sautillant, bondissant, acrobate aérien auquel on s’attache, personnage en quête de sa propre identité dans la forêt. S’il n’est ni vers, ni pelote de laine, qui est-il ? Comment se libérer de ses problèmes, qui le nouent au propre comme au figuré, qui l’emprisonnent ?

Un bel album pour évoquer, par l’émotion, l’exclusion et l’inclusion, un album tout en finesse et suggestion construit autour d’un personnage touchant.

Qu’est-ce qu’il y a derrière la montagne ?

Qu’est-ce qu’il y a derrière la montagne ?
Ludivic Souliman – Zad
Utopique 2022

Vaincre ses peurs

Marilou a peur, du noir, ou qu’un dragon dévore ses parents… Derrière la forêt familière, il y a une montagne. Mais qu’est-ce qu’il y a derrière la montagne ? se demande la fillette. Lorsqu’elle pose la question aux adultes qui l’entourent, elle s’entend répondre qu’il ne faut jamais poser cette question. Pourtant, elle prend son courage à deux mains et va voir. Derrière la montagne, il y a un monstre, mais, lorsqu’on lui souffle dessus, il devient un minuscule vers de terre, qui lui affirme qu’il est sa peur.

Reprenant les codes et les structures du conte, cet album évoque avec poésie les peurs, non seulement les peurs enfantines, mais aussi celles des adultes, celles des choses dont on ne doit parler, peut-être les tabous qu’il faut taire, d’autant plus inquiétants qu’ils n’ont aucune justification. Tout est fait pour que le lecteur enfant s’identifie à cette petite fille dont il partage sans doute les rituels du soir, histoire, musique, paroles, veilleuse. Ses jeux et activités sont aussi ceux des enfants, du moins ceux qui vivent à la campagne : les cabanes dans les arbres, la cueillette des champignons avec le grand-père. Dès lors, l’enfant-lecteur ne peut que continuer son processus d’identification à la fillette dans sa quête d’un autre monde, un monde dont les adultes interdisent l’accès, symbolisé ici par cette montage qui ferme l’horizon. Qu’est-ce que grandir ? Sortir de la maison des parents pour aller voir le monde. Le monde que Marilou découvre seule est d’abord le monde de la nuit, celui des animaux nocturnes, celui du premier matin, nimbé d’une étrange poésie, un monde à contempler. Puis c’est l’ascension de la montagne, symbolique elle aussi des efforts à faire pour découvrir le monde, sans céder au découragement, au vent qui siffle « fuis ». Et c’est enfin, comme dans les contes, la confrontation avec le monstre qui symbolise le mal et les terreurs. Un adjuvant de taille pour aider Marilou, à la fois pour l’envoyer à l’aventure, mais aussi pour lui donner, à distance, les conseils essentiels : le grand-père, qui incarne la voix d’une sagesse à la fois populaire (dans la vie, il faut parfois aller voir) et pleine de bienveillance et d’imaginaire (souffle sur ta peur, elle partira en fumée). Le recours final au merveilleux, avec la métamorphose du dragon en vermisseau, est une belle image de la façon dont peuvent se dissiper les terreurs. Zad propose des illustrations qui jouent à la fois sur des pages pleines de couleur et des dessins au trait, qui mettent l’accent sur tel ou tel détail du texte. Il en ressort une atmosphère de tendresse, qui magnifie la nature, mais donne aussi à voir le monstre très mythologique qui terrifie Marylou. A noter aussi que l’album est accompagné d’un CD qui permet de l’entendre lu par l’auteur, mais aussi d’entendre la chanson qui le clôt.

Un récit d’apprentissage qui passe par la fiction, par l’imaginaire du conte, pour montrer que vaincre ses peurs fait grandir, à condition de sortir de sa zone de confort.

La Petite Boîte

La Petite Boîte
Yuichi Kasano
L’école des loisirs (« Loulou et Cie »), 2021

Une place pour chacun

Par Anne-Marie Mercier

On connait bien le conte de « La Moufle » dans lequel plusieurs animaux se réfugient dans un gant de laine pour se protéger du froid, gant qui finit par céder. Ici il s’agit d’une caisse en bois bien solide. Un renard y entre par jeu, puis un élan, puis trois canards. Jusqu’ici tout va bien.
Arrive un ours qui demande à les rejoindre et qui malgré leur refus arrive à y mettre les pieds, sans que la caisse cède, au grand plaisir de tous.
Histoire simple, à la chute surprenante par son inexistence, et où tout le monde est content, finalement. Les images ont un grand dynamisme dans leur enchainement, et une grande sobriété, aucun décor ne se superposant à la simplicité de l’action, elle-même réduite. Tout cela est léger, simple  et joli.